Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Il est 6h41 sur RMC et RMC Story, tout de suite « Le parti pris », et c'est vous l'invitée ce matin, Brigitte BOURGUIGNON, bonjour, vous êtes ministre déléguée en charge de l'Autonomie. « Parti pris » c'est une forme d'en même temps, c'est la décision de tenter de trouver le meilleur équilibre dans les EHPAD juste avant les fêtes de Noël, protéger sans isoler. Protéger sans isoler, ça va fonctionner comment, quelles sont les règles ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, les règles c'est comme pour tous les citoyens, en ce moment, c'est-à-dire qu'on teste lorsque l'on revient, lorsqu'on a eu cette sortie possible dans sa famille, et puis on accepte les gestes barrières dans l'établissement, on accepte aussi cette vaccination, qui est maintenant très forte. Je pense que cet équilibre qui est toujours à trouver entre cette protection nécessaire et le fait de ne pas isoler, est dû à une très bonne campagne vaccinale dans ces établissements.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, Brigitte BOURGUIGNON, ce que vous nous dites ce matin, c'est que pour tous ceux qui nous écoutent et dont les proches sont en EHPAD, il n'est pas question de vivre ce qui a pu être le cas au moment des premières vagues, les résidents ne seront pas isolés, même s'ils sont cas contact ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, s'ils sont cas contact, c'est comme pour tous les citoyens, on s'isole, vous-même, si vous êtes cas contact, vous vous isolez, tout résident cas contact bien sûr est isolé, mais l'idée c'est de laisser entrer les fêtes dans ces établissements et laisser aussi les familles rencontrer leur parent.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc ça veut dire, les familles qui peuvent rentrer dans les EHPAD et les résidents qui peuvent sortir des EHPAD et retourner en famille ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Bien sûr, c'est déjà le cas aujourd'hui, avec cette prudence et cette vigilance supplémentaire puisque, vous le savez, il y a une situation épidémique tendue, avec maintenant par contre un bouclier vaccinal qui a été très fort, on a commencé la stratégie vaccinale par ces personnes les plus vulnérables, qui avaient payé un lourd tribut, vous vous souvenez des chiffres, ils étaient assez effrayants, aujourd'hui il y a un savoir-faire dans ces établissements, il y a cette couverture, les trois doses sont quasiment, à 85 %, déjà faites sur ces résidents, le personnel lui-même a subi l'obligation vaccinale, a vraiment répondu présent, moi je pense qu'il y a eu une grande responsabilité chez les soignants…
APOLLINE DE MALHERBE
Il n'y a pas aujourd'hui de récalcitrants, ni parmi les résidents, ni parmi les soignants ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Non, ça a été extrêmement marginal, on nous avait promis, là aussi, des chiffres effrayants, dans un secteur qui est déjà tendu en ressources humaines, or ça n'a pas été le cas du tout, le personnel a été présent, a été vraiment très marginalement en suspension aujourd'hui de travail, et même certains sont revenus après, avec la première dose, parce qu'ils ont finalement eu envie de garder leur travail. Ce qu'on oublie de dire souvent c'est que c'est des personnels qui sont très attachées aux personnes âgées dont ils ont la charge, et des gestionnaires également.
APOLLINE DE MALHERBE
Madame la Ministre, si on vous écoute tout se passe plutôt bien, il y a l'autorisation de sortie, on refait un test avant de revenir dans l'établissement et tout va bien. Il y a un grand article ce matin dans « Le Parisien Aujourd'hui en France » qui dit que dans certains cas c'est beaucoup plus compliqué et que, au cas par cas, les EHPAD ont parfois du mal à faire vivre ce que vous appelez le protéger sans isoler et que c'est plutôt le côté isoler qui prend le pas, il donne l'exemple d'un EHPAD à Malemort en Corrèze, où un président, alors qu'il était négatif, alors qu'il était vacciné, s'est retrouvé quand même enfermé dans sa chambre, sa fille témoigne dans le journal, elle dit que son père lui dit qu'il se sent prisonnier, ça veut bien dire que dans les faits ce n'est pas tout à fait le monde idéal que vous nous décrivez.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, je ne décris jamais un monde idéal, je m'en garderai bien, il y a 7400 établissements en France, il y a des cas, oui, qui nous sont remontés chaque jour, c'est pourquoi nous faisons un rappel aujourd'hui, si j'ose dire, sur ces recommandations parce que justement il y a des directeurs, parfois, qui ouvrent le parapluie un peu trop fort et qui ont peur de la contamination parce qu'ils ont vécu des épisodes difficiles. Il y a des établissements aussi qui ne se prêtent pas très facilement à la visite assez massive de familles parce qu'ils sont vétustes, parce qu'ils sont obsolètes, d'où notre investissement massif aussi sur ces établissements vétustes, donc voilà, il faut avoir toutes ces considérations-là en tête, mais je recommande, et je demande, aux directeurs de ces établissements de laisser les personnes aller et venir lors de ces fêtes de Noël, avec toute la vigilance sanitaire requise.
APOLLINE DE MALHERBE
Voilà ce que vous leur demandez très solennellement ce matin, est-ce que les familles qui nous entendent, si on leur dit « eh bien non, vous ne pouvez pas aller voir votre père, votre mère, votre proche, parce qu'il y a eu des cas positifs dans l'EHPAD », peuvent se targuer aussi de ce que vous venez de dire, et si on reprend l'exemple de Malemort en Corrèze, est-ce que cette fille qui n'arrivait plus à voir son père et dont elle entendait que son père lui disait « mais je me sens prisonnier », vous l'encouragez presque à y aller de force ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, je n'encouragerai jamais ce genre de choses parce qu'il faut qu'il y ait du dialogue dans tout ça, moi je ne cesse de dire que lorsqu'il y a des mesures à prendre, qui viennent à restreindre la liberté finalement, la restriction ça doit rester l'exception, et la liberté la règle générale, et la restriction justement, quand elle doit avoir lieu, il faut qu'elle ait des bonnes raisons, c'est-à-dire parce qu'il y a un cas positif, parce qu'il y a un cluster, c'est seulement dans ces conditions…
APOLLINE DE MALHERBE
Il y en a aujourd'hui ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Il y en a, à peu près 4 % d'EHPAD sont touchés par un cluster, donc vous voyez c'est vraiment infime, par rapport à ce qu'on a connu, donc je crois qu'il serait bon de rappeler l'impact finalement de ce bouclier vaccinal aujourd'hui, sur une population la plus vulnérable finalement.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu'on meurt encore du Covid dans les EHPAD ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
On meurt encore, mais il y a 33 résidents, alors que vous en aviez plus d'un millier…
APOLLINE DE MALHERBE
Trente trois résidents en combien de temps ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Dans une semaine, entre le 6 et le 12 décembre.
APOLLINE DE MALHERBE
En une semaine 33 résidents qui décèdent du Covid.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors que vous aviez un millier de personnes par semaine dans la deuxième vague et la troisième vague, vous voyez bien que cet impact aujourd'hui est positif et devrait être relayé plus souvent.
APOLLINE DE MALHERBE
Certains EHPAD montrent qu'ils sont quand même encore réticents à ouvrir leurs portes et surtout à revenir à une vraie organisation de droit commun.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu'on peut imaginer, quand même, à un moment, qu'on reviendra à ce droit commun, sachant qu'en effet ce sont parmi les espaces où les gens sont le plus vaccinés de France ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, le droit commun il est appliqué depuis août 2021 parce que justement les personnes, entre le moment où on se parlait autrefois de la première vague et maintenant, eh bien il y a eu cette vaccination qui a eu cet effet, aujourd'hui on a très peu de personnes qui développent la maladie dans ces établissements, on peut encore être cas positif. On demande à ce que ce droit commun soit appliqué partout et qu'on justifie lorsqu'on veut restreindre une liberté, donc je réitère ma demande. J'ai passé ce message aussi à toutes les directions d'ARS vendredi matin, avec, non pas le protocole, mais les consignes réitérées de notre part, il faut trouver toujours la réponse proportionnée à la situation, entre la liberté et cette protection sanitaire.
APOLLINE DE MALHERBE
Il y a quand même entre 4 et 500 établissements qui poseraient problème, est-ce que vous pouvez nous confirmer ce chiffre ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, je ne peux pas vous confirmer parce que, entre le moment parfois où nous signale un établissement, où nous prenons contact avec l'établissement, soit par le biais de l'ARS, soit nous-mêmes, il nous arrive de le faire, eh bien la situation déjà est réglée, parce qu'il y a eu un isolement 7 jours et qu'on a eu tout de suite les protestations et que, pour finir, on se rend compte 7 jours après c'est déjà levé. Donc, vous voyez, il faut toujours prendre avec beaucoup de précautions, à la fois ces signalements, et nous le faisons, moi chaque signalement que j'ai, on a un tableau, on le tient à jour, j'ai quelqu'un dans mon cabinet qui s'en occupe parce qu'elle s'occupe aussi de toute l'éthique sur cette question, on travaille avec les établissements, on travaille avec les collectifs aussi, qui se sont créés, de résidents, ou de familles de résidents, certains sont pragmatiques, avec lesquels on arrive à discuter, avec lesquels on arrive à avancer, l'idée c'est de ne pas être en confrontation perpétuelle entre la direction de l'établissement et les résidents, l'idée c'est de construire un dialogue.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu'on peut dire ce matin, Brigitte BOURGUIGNON, que c'est quand même un des grands regrets, peut-être du gouvernement, d'avoir à ce point cadenassé les EHPAD au moment de la première vague ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors moi je crois qu'au moment de la première vague on a fait ce qu'il fallait, et on sait aussi que le plus lourd tribut qu'on a payé c'était dans ces établissements, et qu'on nous a reproché, par endroit même, de ne pas avoir assez fermé assez vite, et donc c'est pour ça que je prends la défense aussi souvent parce qu'on a oublié, pendant ce temps-là aussi, ce qu'avait fait le personnel, parfois s'enfermant avec des résidents pendant quelques semaines, donc je crois qu'il faut aussi remettre les choses en perspective. On ne connaissait pas le virus, on n'avait pas de vaccin à ce moment-là et il fallait protéger une population extrêmement vulnérable.
APOLLINE DE MALHERBE
Et vous nous avez parlé des soignants comme de personnes très attachées aussi à leur métier et aux résidents. Un dernier mot sur cette troisième dose, la dose de rappel, il reste un soignant sur deux qui ne l'a pas reçue, qui doit la recevoir, est-ce que vous avez le sentiment que ça coince ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, ça ne coince pas du tout, mais vous savez il n'y avait pas le même calendrier pour toutes les personnes selon l'âge, aujourd'hui c'est ouvert largement, également sur le temps entre les deux injections, on a un personnel qui est extrêmement vacciné, d'ailleurs sinon ils ne pourraient pas travailler puisqu'il y a l'obligation vaccinale, aujourd'hui ils sont en train de recevoir leur troisième dose, on se donne encore le mois de janvier pour recevoir au plus vite cette troisième dose puisque ça risque d'entrer dans l'obligation vaccinale.
APOLLINE DE MALHERBE
Pour vous ces soignants devront, c'est-à-dire cette troisième dose elle devra devenir obligatoire pour les soignants, c'est une évidence ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui, notamment avec cette prolifération du nouveau variant qui aujourd'hui… dont on ne connaît pas encore les effets sur cette population.
APOLLINE DE MALHERBE
Brigitte BOURGUIGNON, ministre déléguée chargée de l'Autonomie, en réalité c'est plutôt de l'indépendance d'ailleurs en fait, c'est une espèce de formulation, elle m'interroge cette formulation depuis le début.
BRIGITTE BOURGUIGNON
De l'Autonomie, parce qu'on doit se battre pour retarder au maximum la dépendance.
APOLLINE DE MALHERBE
En tout cas vous avez fait le choix du verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide, merci Brigitte BOURGUIGNON pour toutes ces précisions sur l'organisation de Noël dans les EHPAD.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 décembre 2021