Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, à RTL le 4 janvier 2022, sur la politique économique du gouvernement face à l'épidémie de Covid-19 et l'élection présidentielle.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

ALBA VENTURA
Bonjour Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour Alba VENTURA.

ALBA VENTURA
Alors la vague Omicron qui déferle entraîne des restrictions dans certaines entreprises, ce qui veut dire moins d’activité, elle entraîne des arrêts maladie, à quel point la vie des entreprises est désorganisée, est-ce qu’il y a un risque de paralysie ?

BRUNO LE MAIRE
Non, je crois qu’il n’y a pas du tout de risque de paralysie, il pourra y avoir des difficultés ici ou là bien entendu, peut-être que dans un restaurant on aura du mal à avoir le service nécessaire ou le cuisinier qui peut tomber malade, tout ça peut créer des désorganisations, ça peut créer des désorganisations dans les entreprises industrielles aussi, mais nous avons pris toutes les mesures pour que cette désorganisation soit la plus limitée possible, et je pense surtout que les nouvelles règles d’isolement qui ont été définies par Olivier VERAN vont largement simplifier la vie des entreprises.

ALBA VENTURA
Mais il y a quand même des secteurs, pardon de le dire comme ça, qui trinquent, justement vous y faisiez référence, les traiteurs, c’est la période des réceptions, c’est la période des cérémonies de voeux, l’événementiel…

BRUNO LE MAIRE
Ça c’est différent. Vous avez effectivement des secteurs qui sont impactés par les mesures de restrictions sanitaires et par des annulations, on annule des fêtes, on annule des pots de début d’année, on annule des galettes des Rois, donc tout ça a un impact sur les traiteurs, sur l’événementiel, sur les restaurateurs, sur les hôteliers, et c’est bien pour ça qu’hier, avec Elisabeth BORNE, nous avons annoncé un certain nombre de mesures, sur l’activité partielle, sur la prise en charge des coûts fixes, pour accompagner ces entreprises pendant tout le mois de janvier et faire en sorte qu’elles puissent passer ce mois avec les soutiens nécessaires, pour qu’elles puissent redémarrer plus fort au mois de février.

ALBA VENTURA
Mais c’est du cas par cas ou on réactive le « quoi qu’il en coûte » ?

BRUNO LE MAIRE
On ne réactive pas le " quoi qu’il en coûte ", le " quoi qu’il en coûte " il a été mis en place quand les restaurants étaient fermés, un certain nombre d’établissements étaient fermés, l’économie était à l’arrêt, il fallait une réponse massive et immédiate, ça a été le " quoi qu’il en coûte ", ça a permis de sauver l’économie française et ça nous a permis de redémarrer très fort dans l’année 2021. Là il y a un certain nombre de secteurs, vous les avez cités, l’événementiel, l’hôtellerie, la restauration, le domaine sportif, la culture, que je recevrai avec Roselyne BACHELOT après-demain, qui rencontrent des difficultés particulières, on les aide, au cas par cas, avec des aides ciblées, rapides, efficaces, pour qu’elles puissent passer ce mois de janvier avec le moins de difficultés possibles.

ALBA VENTURA
Alors vous savez que dans ces aides il y a les prêts garantis par l’Etat, les fameux PGE, notamment les petites entreprises, qui se trouvent prises de court, se demandent est-ce qu’elles vont devoir rembourser dès le mois de mars et dans six ans, comment ça va se passer, est-ce que vous êtes prêt à faire un geste pour ces entreprises-là ?

BRUNO LE MAIRE
Oui, bien sûr. Il y a eu très exactement 697.000 prêts garantis par l’Etat qui ont été souscrits par les entreprises, donc ça a été massif, massif, et c’est ce qui a assuré la protection la plus efficace contre les faillites des entreprises. Il y a aujourd’hui quelques milliers d’entreprises, de très petites entreprises, ça peut être des commerçants, des artisans, des hôteliers, des restaurateurs, des personnes qui travaillent dans le bâtiment, dans les travaux publics, c’est, pour nous, 25 à 30.000 entreprises, qui voient arriver l’échéance du printemps prochain en se disant « je ne vais pas arriver à rembourser, j’ai 25, 30, 35.000 euros à rembourser, je ne vais pas y arriver », eh bien nous allons les aider et nous allons leur apporter une solution, là aussi, sur-mesure.

ALBA VENTURA
Alors comment ?

BRUNO LE MAIRE
Si elles ont une difficulté il faut, très concrètement, qu’elles s’adressent à la Médiation du crédit et qu’elles demandent l’une des deux solutions que nous leur proposons, soit un étalement de leur prêt garanti par l’Etat, normalement on ne peut pas aller au-delà de six ans, là nous avons prévu que l’étalement, pour ces entreprises-là, pourrait aller jusqu’à 10 ans, donc si vous avez une difficulté, vous allez voir la Médiation du crédit, on vous dit " vous allez étaler sur 7 ans, 8 ans, 9 ans ", jusqu’à 10 ans. Et la deuxième possibilité qui leur sera offerte c’est de commencer à rembourser non pas au printemps prochain, mais six mois plus tard, à la fin de l’année 2022. Voilà pour ces très petites entreprises, qui ont des difficultés financières, qui sont inquiètes, qui ont le couteau sous la gorge…

ALBA VENTURA
Vous donnez de la souplesse.

BRUNO LE MAIRE
Mais qui ont pourtant des perspectives de redressement et qui se disent " il faut que je passe ce cap ", nous allons les aider à passer ce cap difficile avec ces deux mesures, étalement jusqu’à 10 ans du remboursement du prêt et décalage, si elles le souhaitent, du remboursement du prêt du printemps à la fin de l’année 2022. Je précise que tout ça a été validé par la Commission européenne, par le Gouverneur de la BANQUE DE FRANCE François VILLEROY de GALHAU, et par la Fédération bancaire française, avec laquelle je signerai un accord en début de semaine prochaine.

ALBA VENTURA
Donc ça c’est une annonce que vous faites ce matin sur RTL.

BRUNO LE MAIRE
C’est une annonce très importante parce que je sais qu’il y a des dizaines de milliers de très petites entreprises qui sont inquiètes, nous répondons à leurs inquiétudes, nous les aiderons à passer le cap, le prêt garanti par l’Etat, qui a sauvé des dizaines de milliers d’entreprises…

ALBA VENTURA
Et l’exonération des charges ?

BRUNO LE MAIRE
Ne doit pas les couler au moment de leur remboursement.

ALBA VENTURA
Certains vous demandent d’en faire plus sur l’exonération des charges.

BRUNO LE MAIRE
Je continue, moi je suis très ouvert sur la question de l’exonération des charges pour les entreprises qui ont perdu 65 % de leur chiffre d’affaires, par exemple, ou qui ont des mesures de restriction nouvelle, comme l’interdiction de servir debout dans un bar, moi je suis tout à fait ouvert à ce qu’on réfléchisse à des exonérations de charges, on y travaille, je donnerai une réponse définitive dans les jours, ou dans les heures qui viennent, mais j’y suis favorable.

ALBA VENTURA
Vous disiez Bruno LE MAIRE, donc pas d’impact, de désorganisation, de paralysie d’Omicron, est-ce que ça veut dire que ça ne change rien sur les chiffres de la croissance, est-ce que vous êtes toujours sur vos prévisions ?

BRUNO LE MAIRE
Là aussi regardons ce que l’économie française a été capable de faire, dans un moment où tout le monde nous met des sacs de cendres sur la tête en permanence, enfin regardons quel est le pays de la zone euro qui a été capable de retrouver son niveau d’activité d’avant crise à la fin 2021, ce n’est pas l’Italie, ce n’est pas l’Allemagne, ce n’est pas l’Espagne, ce n’est pas la Grande-Bretagne, pour prendre un pays en dehors de l’Europe, c’est la France. Nous avons été l’Etat et la nation qui a été capable de la plus grande résistance en matière économique et d’un redressement rapide, donc évidemment qu’il y aura des difficultés au mois de janvier, mais je suis convaincu que dès la vague Omicron sera passée, nous retrouverons une croissance forte, dynamique et solide, et donc je maintiens mon chiffre de croissance à 4% pour 2022.

ALBA VENTURA
Et juste pour 2021, parce que vous, vous disiez 6,25%, et la BANQUE DE FRANCE…

BRUNO LE MAIRE
Ce sera plus…

ALBA VENTURA
6,7 %, François VILLEROY de GALHAU était là, il y a quelques semaines…

BRUNO LE MAIRE
Ce sera plus, ce sera significativement…

ALBA VENTURA
6,7 ? Donc il y a une cagnotte, Bruno LE MAIRE ?

BRUNO LE MAIRE
Non, il y a des recettes fiscales supplémentaires, mais comme nous sommes à la fois engagés pour la croissance, et que nous sommes sérieux sur le rétablissement des finances publiques, chaque euro de recettes fiscales supplémentaires, résultant de ce surplus de croissance, aura au désendettement ou à la réduction du déficit. Donc il n’y a pas de cagnotte quand on un niveau de dette…

ALBA VENTURA
Avec 155 milliards de déficit, oui…

BRUNO LE MAIRE
Un niveau de dette de plus de 115%. Tout euro supplémentaire résultant des recettes fiscales supplémentaires ira au désendettement ou au déficit, c’est ce qui nous permettra d’ailleurs, en 2021, on avait prévu un déficit de 8,2%, d’avoir un déficit significativement inférieur à 8% grâce à ces recettes fiscales.

ALBA VENTURA
Bruno LE MAIRE, on parlait de François VILLEROY de GALHAU, le gouverneur de la BANQUE DE FRANCE, qui était ici il y a quelques semaines, il annonçait un nouveau calcul du taux du Livret A, il est actuellement à 0,5%, est-ce qu’on peut espérer atteindre 1% ?

BRUNO LE MAIRE
On peut espérer une augmentation du taux du Livret A au début du mois de février, le gouverneur de la BANQUE DE FRANCE me fera ses propositions la semaine prochaine, je prendrai ma décision ensuite. Mais je vous confirme qu’il y aura une augmentation du taux de rémunération du Livret A au 1er février, et je confirme qu’il y aura une augmentation encore plus importante du taux de rémunération du livret d’épargne populaire, j’insiste là-dessus, parce que c’est un instrument qui est trop souvent négligé, la rémunération est meilleure, parce que le taux de rémunération du livret d’épargne populaire est indexé que sur l’inflation, comme il y a de l’inflation, il y aura une augmentation encore plus importante du taux de rémunération du livret d’épargne populaire au 1er février.

ALBA VENTURA
Monsieur le Ministre, lorsque vous entendez Valérie PECRESSE, votre ancienne collègue du gouvernement sous Nicolas SARKOZY, dire : Emmanuel MACRON n’aime pas l’histoire de France, vous savez, après la polémique sur l’installation du drapeau européen sur l’Arc de Triomphe, qu’est-ce que vous vous dites ?

BRUNO LE MAIRE
Eh bien, je me dis que cette campagne présidentielle ne démarre pas bien…

ALBA VENTURA
De votre collègue, Valérie PECRESSE, qu’est-ce que vous dites ?

BRUNO LE MAIRE
Mais je n’ai pas à juger une collègue, une autre, un candidat ou un autre, je dis simplement que cette campagne ne démarre pas sous de bons auspices, nous avons aujourd’hui un monde qui est en train de basculer vers un affrontement entre les Etats-Unis et la Chine, nous avons un défi climatique considérable, nous voyons l’apparition de métavers avec les projets de FACEBOOK et d’APPLE, qui sont un changement de société considérable, nous avons des innovations technologiques auxquelles il faut que nous ayons accès, sur les semi-conducteurs, sur l’hydrogène, et on débat de quoi ? De savoir si le président de la République aime l’histoire de France ! Mais c’est pathétique ! Le République de la République, non seulement, il aime l’histoire, mais il la fait, et que tous les responsables politiques français, quels qu’ils soient, de quelque affiliation politique qu’ils soient, s’ils sont engagés en politique, comme je le suis, c’est parce qu’ils aiment la France, qu’ils aiment l’histoire de la France, et qu’ils veulent participer à cette histoire, alors, surtout, à un moment où nous sommes à 3 mois du premier tour de l’élection présidentielle, revenons aux vrais débats, aux vrais défis plutôt que de nous abîmer collectivement dans ces polémiques stériles.

ALBA VENTURA
Je le disais, elle est votre ancienne collègue, elle est assez haut dans les sondages, vous allez aider le président à l’affronter, vous, qui la connaissez bien, pendant la campagne ?

BRUNO LE MAIRE
Je crois que ce qu’a choisi le président de la République, depuis 2017, et ce pourquoi je me suis engagé, le dépassement du clivage droite/gauche, c’est ce qui nous a permis d’obtenir des résultats, c’est ce qui nous a permis d’éviter les polarisations inutiles entre les partis de la société française, aujourd’hui, quand on voit ce que nous sommes arrivés à faire sur la fiscalité, suppression de l’ISF, mise en place du prélèvement forfaitaire unique, mise en place de la taxation des géants du digital, c’est parce qu’on a dépassé le clivage droite/gauche donc je crois ce dépassement, je crois à son efficacité, et je suis convaincu qu’il est nécessaire pour le pays que nous continuions pendant 5 ans…

ALBA VENTURA
Vous savez, beaucoup disent qu’il n’y a pas de différences entre Valérie PECRESSE et Emmanuel MACRON.

BRUNO LE MAIRE
Eh bien, je vois peu de différences effectivement, parce que je pense qu’il n’y a pas d’espace politique propre aux Républicains aujourd’hui, vous avez un espace politique en matière économique de décroissance, ceux qui disent : il faut la décroissance, très bien, ça peut se défendre, ça n’est pas ma position, mais c’est compréhensible, il y a ceux qui vous disent : deuxième espace politique, qu’il faut le repli sur soi, la France toute seule, parce que, avec les autres Etats européens, on ne peut rien faire, très bien, ça n’est pas mon espace politique, et puis, il y a un troisième espace politique qui propose une croissance nouvelle, plus durable, plus verte, plus juste, je pense que c’est notre espace politique, et je pense que c’est assez naturellement aussi celui de Valérie PECRESSE.

ALBA VENTURA
Vous avez inspiré l’un des principaux protagonistes du nouveau ivre de Michel HOUELLEBECQ, « Anéantir » chez Flammarion. Alors vous êtes Bruno JUGE, vous avez le même prénom, il y a aussi le…

BRUNO LE MAIRE
Je suis Bruno LE MAIRE…

ALBA VENTURA
Oui, vous êtes Bruno LE MAIRE, mais dans le livre, vous êtes Bruno JUGE, il y a aussi le président d’ailleurs…

BRUNO LE MAIRE
Je suis plus maire que juge.

ALBA VENTURA
Vous y êtes décrit comme un surdoué, pas cynique, à l’inverse du personnage qui incarne le président, ça vous rend fier ?

BRUNO LE MAIRE
C’est un personnage de fiction, il s’appelle Bruno JUGE, je m’appelle Bruno LE MAIRE, j’ai des fonctions, j’ai des responsabilités qui sont bien réelles, on vient d’en parler longuement vis-à-vis des entreprises, par ailleurs c’est un magnifique roman, c’est un très beau livre…

ALBA VENTURA
Vous êtes présidentiable aussi dans ce livre.

BRUNO LE MAIRE
Oui, mais le livre…

ALBA VENTURA
C’est aussi de la fiction ?

BRUNO LE MAIRE
Est une oeuvre de fiction, étant moi-même écrivain j’essaye de distinguer ce qui appartient à la littérature et ce qui appartient à la politique, mais ce que je peux vous dire sur le livre de Michel HOUELLEBECQ, que j’ai eu la chance de lire, c’est que c’est un livre magnifique, sur l’amour, sur le couple, sur la fin de vie, et que ça importe peut-être plus que le destin de Bruno JUGE.

ALBA VENTURA
Michel HOUELLEBECQ c’est votre ami.

BRUNO LE MAIRE
Oui, c’est un ami oui.

ALBA VENTURA
Vous déjeunez, vous dînez avec lui, souvent, vous vous voyez souvent, vous échangez sur quoi ?

BRUNO LE MAIRE
Je n’ai pas l’habitude de parler de mes amis ou de choses qui sont intimes à la radio, parce que c’est un vrai ami, c’est un écrivain pour lequel j’ai une admiration très profonde, je considère que ce qu’il a réalisé avec « Anéantir »

ALBA VENTURA
Mais quand on vous voit tous les deux on se dit tiens, ça doit être une drôle d’amitié, enfin, vous avez l’air à l’opposé l’un de l’autre.

BRUNO LE MAIRE
Mais c’est en se complétant qu’on s’enrichit, si on ne voit que des gens qui vous ressemblent la vie est triste…

ALBA VENTURA
Qu’est-ce qu’il vous apporte ?

BRUNO LE MAIRE
Quand on voit des gens qui ne vous ressemblent pas, qui ne pensent pas forcément comme vous, d’abord ça vous grandit, ça vous ouvre, et ça vous rend plus libre.

ALBA VENTURA
Merci beaucoup Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Merci Alba VENTURA.

ALBA VENTURA
Et je rappelle que votre dernier livre c’est " Un éternel soleil " chez Albin Michel.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 5 janvier 2022