Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de l'industrie, à BFM Business le 5 janvier 2022, sur le passe vaccinal et la politique économique du gouvernement.

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Média : BFM Business

Texte intégral

AUDREY MAUBERT
C’est Agnès PANNIER-RUNACHER qui est avec nous. Bonjour.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour.

AUDREY MAUBERT
Ministre déléguée auprès du ministre de l’Economie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie. On va commencer quand même par cette suspension cette nuit de l’examen du projet de loi sur le pass vaccinal, suspension donc en raison des propos d’Emmanuel MACRON, qui dit vouloir emmerder – je cite – les Français non-vaccinés. Nouvelle suspension donc. Est-ce que c’était les mots justes à employer en plein débat ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois qu’une chose est sûre, aujourd’hui, c’est que si tous les Français étaient vaccinés, on aurait beaucoup moins de contraintes pour tous les Français. Et il faut repartir du fond, on ne peut pas reprocher à un président de la République de tenir des propos de vérité, et de prendre des décisions courageuses, quand bien même, elles ne plaisent pas à tout le monde. Quelle est la situation aujourd’hui, vous avez le pass vaccinal dans la plupart des grands pays européens, en Allemagne, en Italie, au Royaume-Uni, pour ne citer que ceux-là. Vous avez des pays où les populations sont confinées, je pense aux Pays-Bas, vous avez des pays où les bars sont fermés, je pense au Portugal, vous avez des pays où les salles de cinéma, les salles de spectacles sont fermées. Nous, le choix que nous faisons, et qui est basé sur un constat très pragmatique, moi, vous savez, je suis une ministre de la société civile, et j’ai une approche très pragmatique des choses. Et je trouve que ce qui s’est passé hier est assez indigne, en réalité, parce que les Français, ils attendent des réponses, ils n’attendent pas du débat sur le choix des mots ou sur l’utilisation d’une citation de Georges POMPIDOU. Donc, ce qu’on sait aujourd’hui, c’est que lorsqu’on est vacciné, on a près de vingt fois moins de chances ou de risques d’aller en réanimation. Et les gens qui vont en réanimation, ils induisent des déprogrammations d’opérations. Donc il faut qu’il soit collectivement responsable, et c’est notre responsabilité politique de faire en sorte que les personnes qui ont un risque beaucoup plus élevé d’aller en réanimation soient protégées contre les formes graves. Et pour les protéger contre les formes graves, eh bien, à un moment, il faut limiter leurs interactions sociales, c’est le pass vaccinal, ils ont le choix, on ne les oblige pas à se vacciner, mais on limite les interactions sociales.

SANDRA GANDOIN
Concernant… à l’heure actuelle, on a l’impression qu’il y a une envie de rassurer, de redonner confiance, une croissance maintenue pour cette année, 4%, un pic d’inflation, on y est, un impact limité d’Omicron, des difficultés d’approvisionnement et des tensions sur l’énergie qui devraient progressivement décroître tout au long de l’année, est-ce que jusqu’ici tout va bien ou on essaie de s’en convaincre, on nous dit aussi : pas de paralysie de l’économie ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
L’économie va bien, il faut regarder les chiffres, nous terminons l’année 2021 sur un taux de croissance que nous n’avons pas connu depuis 50 ans, nous démarrons l’année 2022, et Bruno LE MAIRE le disait encore hier, avec un acquis de croissance tellement élevé qu’on est confortable pour annoncer une prévision de croissance de 4 %, en dépit d’Omicron. Le taux de chômage qui a été un des grands combats de ce quinquennat, la baisse du taux de chômage, est au plus bas depuis plus de 10 ans, plus intéressant encore, le taux d’emploi, c’est-à-dire le nombre de personnes en âge de travailler qui travaillent effectivement, il est au plus haut depuis plus de 40 ans, et en particulier, les jeunes qui, là aussi, étaient un des handicaps de l’économie française, l’économie française économie française se distinguait par un taux de chômage et un taux d’emploi des jeunes qui étaient décalés par rapport aux autres pays européens, eh bien, ce combat-là, on est en train de le gagner. Donc, oui, l’économie va bien, bien sûr, la situation sanitaire impacte un certain nombre d’entreprises…

SANDRA GANDOIN
On craint des désorganisations.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, je pense qu’il y a deux choses, il y a les entreprises qui, pour des raisons sanitaires, ne vont pas faire le chiffre d’affaires qu’elles auraient pu faire en temps normal, et celles-là, au cas par cas, doivent être aidées, et c’est en particulier des très petites entreprises, et elles doivent d’autant plus être aidées que, étant des très petites entreprises, elles n’ont pas des moyens, elles n’ont pas un directeur financier qui va instruire des dossiers compliqués pour bénéficier d’une aide. Donc celles-là, elles doivent être aidées, et nous les aidons avec le renforcement du dispositif de couverture des coûts fixes, et avec l’activité partielle qui est prise en charge intégralement. Et nous allons les aider aussi sur les Prêts Garantis par l’Etat, puisque les premières échéances de remboursement arrivent dans les mois qui viennent, pour faire en sorte que ces petites entreprises ne se trouvent pas un peu perdues, au fond, parce qu’il faut aller renégocier leur prêt ou un échéancier de remboursement…

SANDRA GANDOIN
Ça va représenter quel volume d’entreprises ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
On table aujourd’hui sur 25.000 à 30.000 entreprises qui fondamentalement sont des entreprises en bonne santé, c’est-à-dire que, dans un monde normal, n’auraient aucune difficulté, mais parce qu’elles ne peuvent pas travailler, je pense notamment aux activités de l’événementiel, quand vous démarrez l’année dans l’événementiel et que vous avez annulation des voeux, annulation des galettes des rois, annulation de tout ce qui est festif, c’est sûr que c’est compliqué. Et donc pour ces entreprises-là, nous sommes en capacité de les aider à lisser sur 10 ans leurs remboursements de Prêts Garantis par l’Etat, de repousser la première échéance de 6 mois, et surtout, de les accompagner. Un point aussi important : on tire les conséquences des dispositifs que nous avons mis en place, le dispositif coûts fixes mettait un peu de temps, les remboursements arrivaient un peu lentement…

SANDRA GANDOIN
Un peu tard…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Et nous avons renforcé les équipes, et en particulier, là encore, toujours pour les plus petites entreprises parce qu’on sait que c’est les plus fragiles et celles qui ont le plus de difficultés à avoir ce dialogue avec leur banquier, pour faire en sorte que l’argent arrive vite sur leurs comptes en banque et qu’elles puissent mettre ces soucis-là derrière elles très vite.

AUDREY MAUBERT
Des aides au cas par cas, néanmoins, cela va encore alourdir la dette, est-ce que ce cas par cas, qui ne s’appelle plus le quoi qu’il en coûte, est-ce qu’elle n’est pas sous-estimée, cette facture par le gouvernement ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce n’est pas ce que disent aujourd’hui les économistes, ce que disent aujourd’hui les économistes, c’est que, et je reviens même au quoi qu’il en coûte, c’est que le fait d’avoir eu l’intuition qu’a eue le président de la République, de dire : il est absolument nécessaire de préserver l’emploi des gens, des salariés, il est absolument nécessaire de préserver l’outil de travail des commerçants et des indépendants, et c’est le quoi qu’il en coûte, parce que c’est ça qui permettra un meilleur rebond de l’économie. Ça a fonctionné. Et si on n’avait pas pris ces mesures, c’est l’Institut des politiques publiques qui le dit, on aurait dix points de dette en plus. Et moi, j’observe une chose, puisqu’on a finalement deux crises récentes qui ont appelé un traitement différent, celle de 2008-2009, qui était une crise beaucoup moins importante, le recul du PIB était de l’ordre… enfin, inférieur à 3%, alors que là, en 2020, c’est un recul de PIB de plus de 8 %, et trois fois moins important. Eh bien, au sortir de cette crise, les mesures qui avaient été mises en oeuvre par le gouvernement de l’époque, elles ont eu deux effets, le premier effet, c’est qu’il y a eu plus de dette, à peu près la même augmentation de dette en pourcentage, et qu’en revanche, il y a eu moins de croissance et plus de taux de chômage, la croissance était aux alentours de 0%, et le taux de chômage a explosé. Au sortir de cette crise, qui est la crise la plus forte depuis, grosso modo, un siècle, en fait, depuis qu’on mesure la croissance en France, au sortir de cette crise, nous avons le taux de chômage qui est le plus faible depuis 10 ans, et le taux de croissance qui est le plus élevé depuis 50 ans, donc, oui, ça a fonctionné, et ça a été une bonne gestion des finances publiques. Et je veux dire une chose, ce gouvernement a une gestion très stricte des finances publiques, vous regardez l’exécution de nos budgets, nous faisons toujours mieux que ce que nous avons annoncé, c’est rare dans les mandatures précédentes, en règle générale, on dépasse toujours un peu, là, depuis 2017, à chaque fois, les prévisions budgétaires sont meilleures que ce qui avait été budgété, et ça sera encore le cas cette année. Et donc, je crois que nous avons géré la France en bon père de famille, et surtout en protégeant les Français et en protégeant leur avenir.

SANDRA GANDOIN
En protégeant désormais face à la flambée des prix de l’énergie, des mesures ont déjà été mises sur la table, Bruno LE MAIRE parlait cette semaine d’une solution complémentaire concoctée avec EDF, quelle forme ça va prendre et à qui ça va s’adresser ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors notre enjeu aujourd’hui, c’est les entreprises industrielles, je rappelle que les ménages, nous avons pris, le Premier ministre a pris un engagement d’augmentation maximale de la facture d’électricité de 4% sur l’année 2022, sachant que les Français sont probablement les seuls Européens à avoir eu une augmentation de leur facture en 2021 qui était tout à fait classique, et qui n’a rien à voir avec l’augmentation des prix, je rappelle que l’augmentation des prix de l’électricité sur le marché spot, comme on dit, ces prix ont été multipliés par 5, ça, ça ne se voit pas en 2021 dans la facture des Français, et en 2022, l’augmentation sera de 4% maximum. Aujourd’hui, le sujet c’est les entreprises industrielles et les entreprises en général, en réalité, c’est-à-dire que ces entreprises ont eu une baisse des impôts de production importante, et elles voient cette baisse des impôts de production qui leur donnait de l’élan, qui leur permettait d’investir, grignotée assez massivement par l’augmentation des coûts de l’électricité, en particulier, celles de ces entreprises qui n’ont pas, pour des raisons qui leur appartiennent, et parfois tout-à-fait justifiées, pu acheter leur électricité en avance et qui donc se trouvent confrontées à la réalité du prix du marché aujourd’hui. Pour ces entreprises, il faut qu’on trouve des solutions, on est en train de discuter avec EDF, donc je ne vais pas rentrer dans des solutions qui ne sont pas encore arrêtées, mais pour faire en sorte qu’elles ne soient pas en situation d’arrêter leur production parce que le coût de l’électricité est trop élevé et que ça devient économiquement insupportable de produire. Mais je vais vous donner un exemple, parce que le meilleur bouclier sur l’énergie en France, c’est le nucléaire, c’est le nucléaire et c’est ça qui permet aux entreprises d’avoir un prix de l’électricité, quand bien même elles n’ont pas pris toutes les mesures, beaucoup plus faible que dans beaucoup d’autres pays européens, parce qu’elles bénéficient encore de ce prix de l’électricité régulé à 42 euros ; c’est essentiel, c’est ça qui explique que nous avons les deux derniers sites d’aluminium en fonctionnement en Europe, les autres se sont arrêtés. Donc ça conforte, je dirais, la stratégie de long terme qui est de dire : nous devons être autonomes en matière énergétique, nous devons développer l’énergie renouvelable, nous devons développer le nucléaire, et c’est ça aussi qui justifie qu’on prenne des mesures à court terme. Un dernier point, et c’est un appel aux entreprises, si des entreprises ont des difficultés de trésorerie à cause de l’énergie, qu’elles prennent contact avec les services de l’Etat en région, parce que nous trouvons des solutions de trésorerie, on est bien conscient de cette situation, nous avons un certain nombre d’entreprises qui nous ont contactés, on est en train de travailler avec elles sur comment on peut lisser cet impact, et en tout état de cause, nous préférons faire en sorte que les entreprises continuent à produire pour ne pas complexifier les problèmes d’approvisionnement ; vous imaginez que si nos entreprises qui font de l’acier et de l’aluminium s’arrêtent, ça ne va pas arranger les choses pour celles qui utilisent de l’acier et de l’aluminium. Donc on préfère faire le point avec elles et trouver des solutions ensemble, plutôt qu’elles se trouvent prises au piège. Et donc c’est pour ça qu’on va continuer à travailler.

SANDRA GANDOIN
Mais sur la relance du nucléaire, c’est une chose, ça a été mis sur la table ? du côté d’EDF, et son PDG vous demande d’aller un peu plus loin en termes de calendrier, de nombre en termes de construction et de financement, d’avoir enfin une feuille de route ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien, cette feuille de route, on y travaille, on est deux autour de la table. Il y a ce que peut faire EDF pour le prix de l’énergie, il y a ce que peut faire EDF aussi sur un certain nombre de sujets, il y est ce que nous, en tant qu’actionnaires, et je rappelle qu’on est un actionnaire important d’EDF, nous allons faire, nous prendrons nos responsabilités d’actionnaires, je crois que EDF doit être rassurée, les équipes d’EDF peuvent être rassurées, il est très clair que nous allons redévelopper un programme d’EPR, nous avons d’ailleurs d’ores et déjà débloqué des crédits, je rappelle que dans le plan de relance, il y a 500 millions d’euros pour le nucléaire, je rappelle que dans le plan France 2030, il y a également près d’un milliard d’euros pour les nouveaux réacteurs, et que le président de la République a été très clair sur les EPR.

AUDREY MAUBERT
Merci beaucoup Agnès PANNIER-RUNACHER d’être venue dans Good Morning Business, ministre déléguée auprès du ministre de l’Economie, donc chargée de l’Industrie. Merci de votre intervention, de votre analyse.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Merci.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 6 janvier 2022