Texte intégral
Olivier VERAN,
Ministre des Solidarités et de la Santé
France Inter, Léa Salamé – 7h47
3 janvier 2022
LEA SALAME
Bonjour à vous Olivier VERAN.
OLIVIER VERAN
Bonjour et bonne année !
LEA SALAME
Merci. Bonne année à vous aussi. Merci d’être avec nous en ce lundi de rentrée. Les vacances ont été rythmées par les chiffres record de contamination de ces derniers jours, 200.000 cas quotidiens, 230.000 même le 31 décembre, record. Question simple d’abord, est-ce que ça va continuer à augmenter ?
OLIVIER VERAN
Ça va continuer à augmenter dans les prochains jours, oui, la circulation du Omicron est très élevée, si vous regardez d’ailleurs, elle est très élevée sur toute la planète, c’est intéressant, du Burundi au Canada, en passant par l’Australie, évidemment l’Europe occidentale, on n’a jamais enregistré autant de contaminations de par le monde ; on le savait. C’est une confirmation que ce variant Omicron est plus dangereux.
LEA SALAME
Donc on va avoir 300.000, 400.000 cas, il faut se préparer dans les prochains jours à avoir ça comme annonce quotidienne ?
OLIVIER VERAN
Oui, déjà, au-dessus de 200.000 cas diagnostiqués, c’est-à-dire peut-être un demi-million de contaminations quotidiennes en réalité, ce qui est déjà un niveau jamais atteint.
LEA SALAME
Est-ce que le pic sera atteint à la mi-janvier, comme le prévoit le professeur Arnaud FONTANET, est-ce que vous avez les mêmes prévisions ?
OLIVIER VERAN
C’est possible, pour l’instant, je ne vois pas de ralentissement de la circulation du Omicron, nous verrons.
LEA SALAME
Vous parlez du Omicron, mais le pic de Delta, puisque c’est l’autre menace, est-ce qu’il est passé ce pic de Delta, ou est-ce que ça continue à augmenter ?
OLIVIER VERAN
Non, le pic de Delta, alors, en réalité, on est sur un plateau élevé de circulation du Delta, il y a encore plusieurs dizaines de milliers de contaminations. Si vous me permettez en fait, on fait face à deux menaces assez distinctes, on en sait un peu plus depuis ces derniers jours, d’abord, la menace, le risque encouru avec Omicron, c’est un risque d’abord de saturation de nos hôpitaux, des lits d’hospitalisation conventionnels. Omicron est moins dangereux, ça se confirme, il provoque donc moins de syndromes de détresse respiratoire aigüe, et les besoins en lits de réanimation sont moins importants qu’avec les variants précédents. Par contre, il peut, pardonnez-moi l’expression, clouer au lit des personnes fragiles avec une très forte fièvre, une très forte toux, il a des besoins en oxygène de 3 à 4 jours, et donc, on s’attend à avoir un afflux très important de malades dans les lits d’hospitalisation conventionnels. Le deuxième risque d’Omicron, c’est un dysfonctionnement de la société, trop de contaminations, trop de contacts, c’est pourquoi nous avons fait évoluer ces règles de cas contacts, des cas positifs, on va y revenir.
LEA SALAME
On va parler de l’assouplissement des règles, mais donc pour dire clairement les choses aux gens ce matin, Omicron, ça sature les lits d’hôpitaux conventionnels, Delta sature les réanimations, c’est bien ça ?
OLIVIER VERAN
Exactement, Delta, lui provoque des syndromes de détresse respiratoire…
LEA SALAME
Donc dans les deux cas, on risque d’aller à l’hôpital.
OLIVIER VERAN
Donc ce sont deux menaces qui se conjuguent et qui se cumulent, alors elles appellent une même réponse, ces deux menaces, la vaccination, la vaccination avec rappel, c’est pourquoi j’ai fixé l’objectif : 25 millions d’injections dans les cinq prochaines semaines pour nous protéger, ça, c’est la première réponse. Deuxième réponse, des mesures de freinage, surtout pour Delta, c’est le télétravail qui devient obligatoire, c’est la limitation des grands rassemblements, et c’est ce fameux pass vaccinal que je défendrai à l’Assemblée nationale aujourd’hui et cette nuit.
LEA SALAME
Aujourd’hui, il y a des malades atteints d’Omicron qui sont en réanimation dans les hôpitaux français ?
OLIVIER VERAN
Très peu, pour l’instant, très peu.
LEA SALAME
Quelle est la situation des hôpitaux à l’heure où nous parlons, est-ce qu’il y a déjà des hôpitaux, on parlait de l’hôpital de Marseille, notamment qui sont en saturation, est-ce que vous avez des chiffres à nous donner ?
OLIVIER VERAN
Oui, il y a des réanimations qui sont en très forte tension, en saturation, notamment dans la région Sud et notamment dans les Bouches-du-Rhône, j’ai vu la tribune des médecins marseillais, hier, 90 % de patients non vaccinés dans leur lit, 100 % d’occupation des lits de réanimation…
LEA SALAME
Et près de deux tiers des opérations déprogrammées dans les hôpitaux de Marseille…
OLIVIER VERAN
Oui, tout à fait, c’est essentiellement du variant, ou quasiment exclusivement du variant Delta. Et vous y trouvez, encore une fois, comme pour toute la France, deux profils de patients, les non vaccinés et les patients immunodéprimés, fragiles, qui bien que vaccinés peuvent faire des formes graves.
LEA SALAME
Pourquoi quand on fait un test antigénique et qu’on est positif, Olivier VERAN, on ne nous dit pas si on est atteint de l’Omicron ou du Delta ?
OLIVIER VERAN
Parce que le test ne permet pas de savoir quel est le génome du virus qui vous a infecté, il permet de savoir que vous avez manifestement été infecté, ensuite, il y a le criblage, c’est-à-dire, on passe au tamis le virus, on regarde des mutations qui sautent aux yeux et qui nous font dire : tiens, ça, c’est du Omicron où ça, c’est du Delta, et enfin, vous avez le séquençage, où, là, c’est une cartographie très fine, ça prend plusieurs jours pour chaque patient, qui permet de savoir précisément la nature des mutations du virus qui vous a atteint, notamment pour identifier d’éventuels nouveaux variants.
LEA SALAME
Omicron qui est donc un variant, on le sait maintenant, vous l’avez répété, moins dangereux, moins mortel que le Delta, même s’il est plus contagieux, vous le dites, ce variant Omicron nous permettra-t-il d’atteindre l’immunité collective qu’on espère depuis 2 ans, Olivier VERAN ?
OLIVIER VERAN
Ça plus la vaccination, c’est une possibilité, c’est pourquoi j’ai dit que c’était peut-être, peut-être, encore une fois, tout est dans le peut-être, la dernière des vagues, c’est-à-dire que vu le taux de contaminations dans notre pays, et d’ailleurs sur la planète, il est probable que nous ayons tous acquis une forme d’immunité, ou par la vaccination ou par l’infection ou les deux. Je ne dis pas qu’il est moins dangereux, attention, je dis qu’il provoque moins de réas, mais si vous avez un très grand nombre de malades, avec, proportionnellement, un certain nombre d’hospitalisations, l’afflux encore une fois de patients dans nos hôpitaux, dans une période critique, qui est le mois de janvier, la grippe a commencé, Léa SALAME, les gastro-entérites sont là, les autres pathologies, les autres personnes qui ont des maladies chroniques ont besoin d’être soignées, sur 400.000 lits de médecine que comptent nos hôpitaux aujourd’hui, 20.000 sont déjà occupés par des patients Covid, avant même l’impact de la vague Omicron. On va passer un mois de janvier difficile à l’hôpital, je le dis, et les soignants qui sont à pied d’oeuvre et qui l’étaient encore, qui n’ont pas pris de vacances, le savent, je leur tire encore une fois mon chapeau pour leur courage et leur abnégation dans la durée.
LEA SALAME
Cette 5ème vague sera peut-être la dernière avez-vous dit hier dans le Journal du Dimanche, vous l’avez beaucoup annoncé, vous, Olivier VERAN, Jean CASTEX, Emmanuel MACRON, ces derniers temps, après la 2ème, après la 3ème vague, vous avez annoncé le retour des jours heureux, le bout du tunnel, la fin de l’épidémie, et à chaque fois, le variant mutait et revenait, n’êtes-vous pas un peu optimiste, voire téméraire ?
OLIVIER VERAN
J’aimerais bien qu’on me taxe d’optimisme, ce n’est pas la critique que j’entends le plus s’agissant de ce que je peux dire depuis deux ans, non, en réalité, à l’issue de la 1ère vague, il y avait 4 à 5 % de la population qui avaient atteint une forme d’immunité, et nous n’avions pas de vaccin, donc il n’était pas certain que le virus mute, il s’est avéré qu’il mute, qu’il mutait. Aujourd’hui, on va avoir à l’issue de la vague Omicron une immunité qui sera largement supérieure aux 50 %, même avec la vaccination, quasiment du 100 % en réalité ; c’est pour ça que j’ai dit : les non vaccinés ne passeront pas entre les gouttes, ce n’est pas une menace, c’est pour leur dire : le variant circule tellement, de toute façon, vous allez l’attraper, donc avec un peu de chance, vous allez faire une forme symptomatique, pas trop sévère, mais il n’est pas incohérent de penser que ce variant-là puisse, même si vous êtes jeune, vous envoyer à l’hôpital quelques jours ; c’est ce qu’on a envie d’éviter…
LEA SALAME
C’est peut-être la dernière vague, dites-vous, mais est-ce qu’il va falloir qu’on s’habitue à faire un rappel deux fois par an, tous les 4 mois ou tous les 6 mois, tous les ans ?
OLIVIER VERAN
Nous verrons, encore une fois, Léa SALAME, je n’ai pas la réponse à cette question. La question va se poser assez vite pour les personnes fragiles dans notre pays.
LEA SALAME
Donc on va ouvrir la 4ème…
OLIVIER VERAN
Les personnes immunodéprimées, les personnes très âgées qui sont à 3 ou 4 mois de leur rappel, ce qu’on voit, c’est que l’immunité, qui est très forte, c’est-à-dire la protection très forte qui est acquise après le rappel, elle commence à baisser à son tour au bout de quelques semaines, et donc, il faut pouvoir protéger, moi, je reçois beaucoup de demandes de personnes fragiles qui disent : moi, je voudrais bien faire ma 4ème...
LEA SALAME
Et alors, vous l’ouvrez quand ?
OLIVIER VERAN
Parce que j’aimerais bien passer cette vague sans trop de dégâts ?
LEA SALAME
Et vous l’ouvrez quand la 4ème ?
OLIVIER VERAN
On en discute avec les scientifiques, pour l’instant, il n’y a qu’Israël qui l’a ouvert et timidement aux personnes fragiles, quand on aura leurs données, j’imagine qu’on bougera, mais, je ne peux pas encore vous le dire avec assurance. Ensuite, Léa SALAME, si on a un vaccin qui est sûr, qui est efficace et qui devait nous protéger dans la durée de vagues mortelles, paralysantes pour notre pays, comme celles que nous avons connues, nous prendrions hélas pour celles et ceux, et je l’entends bien, qui n’aiment pas se faire vacciner, cette habitude d’avoir des rappels de temps en temps ; je rappelle que la grippe, c’est 12 millions, là, de Français qui sont vaccinés comme tous les ans contre la grippe, on s’est habitué à ce que les personnes fragiles se vaccinent, peut-être que nous aurons à vacciner les personnes fragiles contre le Covid…
LEA SALAME
Mais c’est vrai que sur la 3ème dose, il y a encore beaucoup de gens qui ne sont pas immunodéprimés, qui sont en forme et qui hésitent à se faire la 3ème dose, parce qu’ils ont peur des effets secondaires, ils ont peur d’être cloués au lit 3 jours avec de la fièvre ou pour beaucoup de femmes d’avoir leur cycle menstruel perturbé, ce qui a été le cas après la 1ère ou la 2ème dose, Olivier VERAN…
OLIVIER VERAN
Oui, mais vous savez, il y a rien un certain nombre de femmes en réanimation notamment enceintes, Léa SALAME, donc faisons très attention à ça, parce que je vous assure, c’est ce qui est le plus dur humainement, et notamment pour les équipes et pour les personnes concernées, donc je redis que le vaccin est sûr et efficace, qu’il faut le faire, même si on craint des effets indésirables, même si on craint, etc, encore une fois, ce n’est pas la règle, la règle, c’est que, en tout cas, ça nous protège et que ça nous évite les risques d’aller à l’hôpital.
LEA SALAME
Vous avez donc annoncé un assouplissement des règles d’isolement hier, une personne positive et vaccinée ne devra s’isoler que 5 jours, et ensuite, faire un test PCR, s’il est négatif, elle peut retourner travailler, les cas contacts vaccinés n’auront plus à s’isoler du tout, comment comprendre qu’on allège ces règles d’isolement à un moment où le virus circule énormément, n’est-ce pas contradictoire ?
OLIVIER VERAN
Non, il n’est jamais contradictoire de préserver la santé de notre société et la santé des Français, parce que l’un ne va pas sans l’autre, si vous n’avez plus de société qui fonctionne, vous n’avez plus de santé publique.
LEA SALAME
Donc c’est pour des raisons économiques que vous le faites ?
OLIVIER VERAN
Non, mais, je viens de vous expliquer, d’abord, il y a les raisons sanitaires, imaginez que vous ayez comme dans certains pays 30 % des soignants qui ne puissent plus travailler, qu’est-ce que vous dites aux malades qui ne peuvent pas être soignés, l’impact sanitaire est beaucoup plus fort. Deuxièmement, dans la mesure où Omicron est moins dangereux pour celles et ceux qui l’attrapent, vu le niveau d’immunité qu’on a aujourd’hui et vu sa vitesse de propagation avec ou sans contact tracing d’ailleurs, eh bien, nous sommes en mesure de simplifier ces règles. Ce n’est pas du tout un relâchement, encore une fois, c’est une adaptation à cette menace nouvelle, en tenant compte des apports de la science.
LEA SALAME
Vous assouplissez les règles d’isolement, et en même temps, vous imposez à nouveau le masque à l’extérieur, dont beaucoup de médecins disent que ça ne sert à rien, d’un côté, l’assouplissement, de l’autre, peut-être un excès de zèle, vous comprenez que là aussi, il y a une incohérence sur le masque à l’extérieur ?
OLIVIER VERAN
Il y a une chose, je ne sais pas si je le comprends, mais que je constate, c’est que depuis 2 ans, à chaque fois que nous prenons une mesure ou que nous ne la prenons pas, vous avez d’une part des scientifiques qui vous disent qu’il n’aurait pas fallu le faire, et d’autre part, des scientifiques qui nous disent qu’il aurait fallu le faire, je note que, parce que nous demandons le port du masque pour les enfants âgés de 6 ans et plus, on nous taxe presque d’un certain côté d’inhumanité, quand de l’autre côté, on nous reproche de ne pas fermer les écoles, comme si l’éducation était moins importante pour les enfants que le fait de ne pas porter un masque dans des conditions particulières de circulation du virus.
LEA SALAME
Les écoles, nouveau protocole donc annoncé hier à 16h par Jean-Michel BLANQUER, beaucoup de directeurs d’école trouvent que c’était un peu tard pour s’organiser, mais, bon, donc si un enfant est malade, il faut que les autres enfants fassent trois tests, c’est bien ça, si j’ai bien compris, un premier test PCR et il revient à l’école s’il est négatif, ensuite, 2 jours après, un nouveau test, et 4 jours après ; est-ce qu’on a une pénurie de stocks d’autotests, l’opposition vous l’a reproché ces derniers jours. Est-ce qu’il y a suffisamment d’autotests en France ?
OLIVIER VERAN
Il y a des autotests, d’abord, nous avons passé les fêtes encore une fois cette année encore grâce à la mobilisation des laboratoires, des pharmaciens, qui ont pu faire plus de 8 millions de tests en une semaine, c’est plus d’un million de tests par jour, enfin, il n’y a aucun pays quasiment qui teste autant que nous, et c’est tant mieux, les Français ont pris l’habitude de se tester quand ils savent qu’ils vont se retrouver, et ça réduit les risques, c’est ces comportements qui sont vertueux. Nous avons assez d’autotests, ils seront, je le répète, gratuits pour les personnes qui sont amenées à faire des autotests parce qu’ils sont cas contacts.
LEA SALAME
Donc pas de pénurie d’autotests, y a-t-il une pénurie en France de masques FFP2 ?
OLIVIER VERAN
Non, il n’y a pas de pénurie de masques FFP2, dans la mesure où les masques FFP2 permettent de répondre aux indications actuelles de port.
LEA SALAME
Dernière question sur les jauges, Eric ZEMMOUR, Marine LE PEN, Jean-Luc MELENCHON n’appliqueront pas de jauge dans leurs meetings, on ne va pas se faire voler l’élection disait tout à l’heure à 6h20 Sébastien CHENU, pour le Rassemblement national. Dites-vous, comme Eric DUPOND-MORETTI, qu’ils sont totalement irresponsables ?
OLIVIER VERAN
Ah, je me demande comment on peut prétendre être responsable une fois au pouvoir quand on n’est pas capable d’être responsable alors qu’on prétend avoir le pouvoir, je ne comprends pas leur stratégie, mais depuis longtemps, ils sont sur une forme de déni, et en même temps, sur une forme de récupération d’une toute petite partie de l’électorat français qui se bat contre le masque, qui se bat contre le vaccin, qui se bat contre le pass, vous verrez au Parlement tout à l’heure, vous aurez les extrêmes de l’extrême gauche et de l’extrême droite qui vont marteler comme un seul homme que le pass vaccinal est pire que le virus, c’est un non-sens. Et les Français, dans leur immense majorité, le savent, c’est leur stratégie électorale, elle leur appartient, ce n’est pas la mienne.
LEA SALAME
Olivier VERAN était notre invité, merci d’avoir été le premier invité du 7h50 de 2022.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 4 janvier 2022