Texte intégral
DIMITRI PAVLENKO
Bonjour Frédérique VIDAL.
FREDERIQUE VIDAL
Bonjour.
DIMITRI PAVLENKO
Bienvenue sur Europe 1, vous êtes c’est la ministre de l’Enseignement supérieur. Janvier c’est un mois important dans les universités, les étudiants y passent leurs partiels du premier semestre, fin décembre vous avez annoncé le maintien des examens en présentiel, et ce malgré la vague de Covid et le risque de contaminations, seulement la règle ne va pas s’appliquer partout et dans toutes les matières, plusieurs universités ont fait savoir que les examens pourraient se dérouler également en ligne avec, dans ce cas-là, la possibilité pour les étudiants d’utiliser leurs cours. Quelle est la doctrine à ce stade, Madame la ministre ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, la doctrine elle est très simple, d’abord c’est un maximum d’examens en présentiel, c’est-à-dire qu’il n’est pas demandé aux établissements de passer tout à distance…
DIMITRI PAVLENKO
Mais de faire de leur mieux.
FREDERIQUE VIDAL
Donc la règle c’est du présentiel, et ensuite, évidemment, il y a adaptation pédagogique en fonction des établissements, en fonction des circonstances, mais il faut aussi se rendre compte que, même dans une période normale, hors Covid, on a des examens qui se font à distance, on a des devoirs qui se font à la maison, on a des rendus de mémoire, les formes d’évaluation sont très variables, mais là la règle c’est vraiment en présentiel, ça a été une demande très forte, on a travaillé les protocoles depuis 2020, avec les examens qui se déroulaient, les concours qui se déroulaient à l’époque sans vaccin, avec des protocoles qui sont robustes, puisque nous n’avons pas eu de clusters à l’époque, on a retravaillé ces protocoles au mois de novembre, on a déjà un tiers des examens qui se sont déroulés en décembre et qui se sont bien passés, et voilà, j’espère que les choses vont continuer à bien se passer.
DIMITRI PAVLENKO
Alors, faire son maximum pour les universités, faire de leur maximum pour que les examens se passent en présentiel, ceci dit ça va être compliqué. Deux étudiants, l’un passant ses examens depuis chez lui, l’autre en amphi, sont-ils encore sur un pied d’égalité, puisque, comme je le disais, l’un peut avoir ses cours ouverts, et évidemment la notation en tient compte, tandis que l’autre ça n’est pas le cas, Frédérique VIDAL ?
FREDERIQUE VIDAL
C’est pour ça que, évidemment ce n’est pas au sein d’une même promotion qu’on a la moitié des étudiants à la maison et la moitié des étudiants en présentiel…
DIMITRI PAVLENKO
Le critère c’est quoi, ce sont les matières, c’est selon les matières ?
FREDERIQUE VIDAL
Oui, ce sont les matières, ce sont la capacité aussi à évaluer de manière différente en fonction des disciplines, on a des disciplines où peu importe que les étudiants aient leurs cours, on a des disciplines où ce qui est important c’est qu’ils soient plus sûr de la réponse à des connaissances qu’ils ont apprises, d’autres disciplines où on est plus sûr de l’analyse et dans ce cas-là ils peuvent avoir leurs cours.
DIMITRI PAVLENKO
Alors, très concrètement, ça c’est une question pratique qui va intéresser les étudiants et leurs familles, les cas contact, les malades, qui ne pourraient pas se présenter à ces partiels, est-ce qu’ils pourront repasser les épreuves plus tard, est-ce que ce sera considéré comme une première épreuve ou bien comme une session de rattrapage, comment ça va se passer ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, pas du tout, ce sera effectivement considéré comme une première épreuve, c’est ce qu’on appelle des sessions de substitution, c’est ce qu’on a demandé aux établissements de mettre en place, dans les deux semaines à deux mois qui suivent la date initialement prévue pour l’examen, ça concerne essentiellement les étudiants qui sont positifs, puisque je vous rappelle que les règles ont évolué dans la définition des cas contact et que lorsqu’on est complètement vacciné, et négatif, on peut néanmoins participer aux examens, ou aux cours d’ailleurs.
DIMITRI PAVLENKO
Oui, sachant que les universités n’ont pas le droit de vérifier le statut vaccinal des étudiants, qu’un texte est en préparation avec introduction d’un pass vaccinal, est-ce que ça va être appliqué à l’université, faudra-t-il être doublement, triplement vacciné, pour pouvoir se présenter à ses examens en présentiel, Frédérique VIDAL ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, le pass sanitaire ne s’est jamais appliqué pour les examens, ou pour les enseignements, il s’est appliqué au sein des universités uniquement pour des événements festifs ou des manifestations n’ayant rien à voir avec l’enseignement, ce sera la même chose pour le pass vaccinal. Moi ce que je voudrais vraiment rappeler c’est à quel point les étudiants ont été responsables, on est à des taux de vaccination, chez les 18-24 ans en général, et chez les étudiants en particulier, qui sont supérieurs à 95 %, et même sur les demandes de troisième dose on voit à nouveau la tranche des 18-24 ans se mobiliser fortement.
DIMITRI PAVLENKO
Qu’en est-il aujourd’hui, Frédérique VIDAL je rappelle que vous êtes ministre de l’Enseignement supérieur, de la réussite des étudiants ? Je pose cette question parce que dans les facs, on le sait, traditionnellement il y a un problème de décrochage d’une partie des étudiants en première année, alors cette année on imagine qu’avec les cours en partie à distance ça puisse être pire que d’habitude, dans certains établissements on parle de décrochage massif, parce que ce n’est pas évident de suivre les cours de l’université depuis chez soi, au milieu de sa famille, est-ce que vous avez des remontées de ce phénomène ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors cette année les cours sont en présentiel depuis la rentrée, les cours à distance c’est ce qu’on a connu essentiellement l’année dernière, et donc on a effectivement maintenant suffisamment de recul, et les remontées des établissements, il n’y a pas eu de décrochage massif sur les étudiants et il n’y a pas eu, j’allais dire de difficultés pour les examens.
DIMITRI PAVLENKO
…Vous avez des étudiants en première année, qui passent leurs partiels actuellement, qui n’ont pas passés les épreuves du bac au mois de juin, qui l’ont eu sur dossier, compte tenu de la situation à l’époque, tout ça a n’a pas d’impact aujourd’hui sur… ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors évidemment pour les examens qui sont en train de se dérouler actuellement c’est difficile à dire, mais on avait un petit peu la même situation en janvier 2021, où on avait aussi des bacheliers 2020 qui avaient eu des difficultés à avoir des épreuves. Evidemment que le premier examen, en conditions d’examen quand on n’a pas eu un entraînement, si je puis dire, avec le baccalauréat, c’est toujours un moment de stress, c’est normal, mais vous savez, là encore, on a cette situation absolument quasiment tous les ans, donc c’est quelque chose qui se gère, bien sûr.
DIMITRI PAVLENKO
Mais la question qui se pose c’est que vaudront ces diplômes Covid 2021 et 2022, est-ce qu’on en parlera plus tard comme du bac 68, Frédérique VIDAL ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, vraiment je… D’abord, une fois de plus, il n’y a pas de décrochages, il n’y a pas eu de difficultés dans les résultats, on observe depuis 2017, et la mise en place des parcours d’accompagnement pour les premières années, au contraire un taux de réussite en première année qui augmente, et ça ça veut dire qu’on a réussi à lutter contre cette fatalité qui consistait à dire que, oui, en première année les étudiants décrochaient, donc ça c’est vraiment une chose dont les établissements se sont emparés, c’était l’une des opportunités de la loi Orientation et Réussite des étudiants, que d’avoir des parcours de première année spécifiquement dédiés aux étudiants qui étaient les plus en difficulté pour les aider à réussir. Moi je crois qu’au contraire, les employeurs, s’ils remarquent la date du diplôme, parce que, honnêtement, je ne sais pas qui demande qui a passé son bac en 68, mais si…
DIMITRI PAVLENKO
Peut-être plus aujourd’hui Frédérique VIDAL, mais vous savez qu’à l’époque…
FREDERIQUE VIDAL
S’ils s’intéressent à la demande d’obtention du diplôme, je crois que, au contraire, ils sauront qu’ils ont devant eux des jeunes qui ont tenu le coup, qui malgré les difficultés ont passé leurs examens et les ont réussis.
DIMITRI PAVLENKO
Je ne mets absolument pas en doute la motivation des étudiants, ceci dit, vous le savez autant que moi, on sait que la crise sanitaire a un impact sur la situation des étudiants, certains sont en grande précarité financière, d’autres c’est la détresse psychologique, vous avez des études qui sont menées qui vous montrent qu’un étudiant sur trois, un étudiant sur trois, souffre de symptômes qui vont de l’anxiété jusqu’aux pensées suicidaires. Est-ce que la situation s’est améliorée, est-ce que le gouvernement tient compte de cela aujourd’hui, est-ce que des mesures d’accompagnement supplémentaires sont prévues, notamment financières, quand on sait le coût des études, c’est 1200 euros en moyenne par mois, les frais de la vie courante, nous disait le syndicat étudiant la FAGE encore l’été dernier ?
FREDERIQUE VIDAL
Pour le budget 2022, à titre d’exemple, c’est 3,3 milliards d’euros qui sont consacrés au soutien aux étudiants, sous forme de soutiens directs majoritairement. Les étudiants boursiers, tous les étudiants décohabitants, ont pu bénéficier de la prime inflation qu’a annoncée le Premier ministre, elle a été versée aux boursiers au mois de décembre, on avait eu évidemment des actions plus spécifiques sur les boursiers avec des primes exceptionnelles, deux primes exceptionnelles, en 2020 et en 2021, c’est le ticket RU à 1 euro pour tous les boursiers et tous ceux qui en ont besoin, c’est le doublement des aides sociales, qui concerne l’ensemble des étudiants, et pas seulement les boursiers au sein des CROUS, c’est 180.000 consultations de psychologues.
DIMITRI PAVLENKO
Et tout ça est suffisant, à ce stade ?
FREDERIQUE VIDAL
Tout ça se poursuit, et évidemment, comme je l’ai toujours dit, chaque fois qu’il y aura besoin d’avoir plus de consultations psy, eh bien on s’arrangera pour que les étudiants puissent les avoir gratuitement. Je crois que c’est à la fois, évidemment, une prise de conscience nationale, de ce que peut avoir de précaire la vie d’un étudiant, et je crois que peut-être que tout le monde ne s’en rendait pas complètement compte, mais c’est aussi quelque chose qui existait avant la crise, et là encore c’est les établissements qui participent aussi à cet accompagnement, c’est 150 millions d’euros par an spécifiquement dédiés pour les établissements, en plus des 3,3 milliards au niveau national.
DIMITRI PAVLENKO
Frédérique VIDAL, vous êtes la ministre de l’Enseignement supérieur. Il y a une affaire qui fait couler pas mal d’encre en ce moment à l’IEP de Grenoble, où un enseignant a été suspendu, fin décembre, après avoir donné des interviews dans la presse où il accuse son établissement, Sciences Po Grenoble, d’être devenu, je le cite, « un institut de rééducation politique gangréné par la pensée « woke » et racialiste, la « cancel culture », ça fait un an que cette histoire court, le professeur en question a été mis sous protection policière, c’est donc la victime qui est actuellement punie. Ce matin encore, dans les colonnes du « Figaro », huit étudiants, de cinq instituts de Sciences Po, prennent la plume pour dire « finissons-en avec la censure dans les IEP », je vais les lire très rapidement, « quiconque refuse de se soumettre aux dogmes établis, des colonialistes, antisexistes, se voit insulté et conspué aujourd’hui dans nos établissements. » On a entendu Jean-Michel BLANQUER, votre alter ego à l’Education, s’en mêler, déplorant la suspension de l’enseignant, mais pas vous Madame VIDAL, avez-vous un mot à dire aujourd’hui, à adresser aux protagonistes de cette affaire ?
FREDERIQUE VIDAL
Bien sûr. Je pense qu’il faut remonter au début de l’affaire. Le début de l’affaire c’est l’année dernière, et c’est effectivement des actes inadmissibles, des noms de professeur inscrits sur les bâtiments de Sciences Po, et, il faut le rappeler, et je pense que…
DIMITRI PAVLENKO
C’est le nom de ce professeur qui a été suspendu actuellement.
FREDERIQUE VIDAL
Il y avait deux professeurs, oui effectivement…
DIMITRI PAVLENKO
Notamment Klaus KINZLER qui a pris…
FREDERIQUE VIDAL
Dont les noms avaient été mis en avant, évidemment ils ont été mis sous protection, et il faut rappeler que l’ensemble de l’école, c’est quand même 600 enseignants, 3000 étudiants, a soutenu ces professeurs. Nous avons envoyé l’Inspection…
DIMITRI PAVLENKO
Oui, mais c’est lui qui est suspendu.
FREDERIQUE VIDAL
Laissez-moi vous décrire les faits ; nous avons envoyé l’Inspection générale, les étudiants ont été traduits en conseil de discipline, l’un des étudiants a été sanctionné, les autres non, donc ça nous suivons évidemment cela de près aussi, maintenant on a cette personne qui à nouveau profère des accusations contre l’école, c’est sa liberté d’expression la plus stricte, maintenant il y a aussi le devoir de réserve qu’a un fonctionnaire, et je crois que c’est ce que la direction…
DIMITRI PAVLENKO
Mais il dit exactement la même chose qu’au début de l’année dernière, il ne profère pas de nouvelles accusations, il dit exactement la même chose.
FREDERIQUE VIDAL
Au début de l’année dernière il a été victime de quelque chose d’extrêmement violent, et, une fois de plus, l’institution l’a soutenu…
DIMITRI PAVLENKO
Mais l’est-il moins aujourd’hui ?
FREDERIQUE VIDAL
Moi, vous savez, il y a quelque chose qui est important pour moi, c’est qu’on ne stigmatise pas l’ensemble d’une école parce que, effectivement, il s’est passé quelque chose de très grave l’année dernière, et peut-être qu’effectivement, pour Monsieur KINZLER, il se passe encore des choses, mais il y a …
DIMITRI PAVLENKO
Donc #PasDeVagues, moi c’est ce que je comprends de ce que vous dites.
FREDERIQUE VIDAL
Mais non, il y a toute une procédure qui a été mise en place, avec notamment des référents déontologues, à Sciences Po Grenoble il y a un accompagnement de l’Inspection générale permanent, si cet enseignant a des choses à dire il peut s’exprimer auprès des inspecteurs généraux, qui sont là justement pour accompagner l’école et pour veiller à ce que la sérénité règne dans cette école, ce n’est pas les agissements de quelques-uns qui doivent permettre de stigmatiser 600 enseignants, 3000 étudiants, ou une école.
DIMITRI PAVLENKO
Est-ce qu’il y a un problème aujourd’hui dans les universités avec ces mouvements « woke », ces mouvements de « cancel culture », ces mouvements racialistes, aujourd’hui Frédérique VIDAL ?
FREDERIQUE VIDAL
Je crois qu’il faut distinguer deux choses. Il y a les études scientifiques, et celles-là elles sont totalement libres et elles sont, j’allais dire, de droit, on a le droit d’étudier ce que l’on souhaite à l’université, et ensuite il y a, parfois, et c’est ce qu’on a vu, des débordements, et moi mon rôle c’est d’assurer la liberté académique dans les établissements, c’est de faire en sorte que tout le monde puisse s’exprimer et qu’on reste dans le débat, qu’on ne bascule pas dans l’oppression d’une opinion vis-à-vis d’une autre…
DIMITRI PAVLENKO
Mais déplorez-vous la suspension de Klaus KINZLER, l’enseignant, je dis son nom parce qu’il en parle publiquement, comme l’a fait Jean-Michel BLANQUER ?
FREDERIQUE VIDAL
Jean-Michel BLANQUER a dit qu’il y avait une erreur formelle qui avait été faite par la directrice de Sciences Po, ça veut dire ce que ça veut dire, ça veut dire que dans la forme…
DIMITRI PAVLENKO
Et vous dites la même chose ce matin ?
FREDERIQUE VIDAL
Monsieur KINZLER dépend en réalité du rectorat, de par sa position administrative, donc voilà, c’est tout, il faut qu’on règle cette histoire.
DIMITRI PAVLENKO
Merci Frédérique VIDAL.
FREDERIQUE VIDAL
Merci à vous.
DIMITRI PAVLENKO
Ministre de l’Enseignement supérieur, vous étiez l’invitée ce matin d’Europe Matin, excellente journée à vous.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 10 janvier 2022