Texte intégral
LAURENCE FERRARI
Bonjour monsieur DARMANIN.
GERALD DARMANIN
Bonjour.
LAURENCE FERRARI
Bienvenu dans la matinale de CNews. On va parler de la loi que vous allez proposer sur l'orientation et la programmation de la sécurité intérieure mais d'abord l'ensauvagement de la société. C'est une réalité que vivent tous les jours les Français. Un homme de 67 ans, Ali, qui avait accepté de donner une cigarette à des gens en voiture s'est fait traîner sur plusieurs centaines de mètres. Bilan, 45 jours d'ITT, une fracture de l'humérus, des blessures graves, et deux individus comme on dit bien connus des services de police : un homme de 24 ans condamné pour viol, un homme de 23 ans condamné pour violences avec armes en réunion. Est-ce que c'est ça l'ensauvagement de la société, ce que vivent tous les jours nos compatriotes ?
GERALD DARMANIN
C'est un fait divers ignoble de s'en prendre à une personne âgée qui a voulu rendre service évidemment, et dont la vidéo démontre qu'il y a une mise en scène en plus de cette barbarie bien évidemment. Ce qui est très intéressant, malgré le fait que ce fait divers soit ignoble, c'est cette vidéo qui a été postée sur les réseaux sociaux, a été signalée très vite à notre cyberpatrouille, ce qu'on appelle Pharos. Je le dis pour tous ceux qui nous écoutent, qui sont vraiment les policiers et les gendarmes de ce qui se passe sur les réseaux sociaux. En 24 heures, alors que la vidéo n'est pas extrêmement claire mais très violente, on arrive à retrouver la plaque d'immatriculation de ce véhicule et à géolocaliser ces personnes et donc à les interpeller. Et aujourd'hui ils répondent à la justice, ils sont en garde à vue et interpellés.
LAURENCE FERRARI
Je crois que l'un des auteurs s'est présenté de lui-même au commissariat vu qu'il était à visage découvert sur la vidéo.
GERALD DARMANIN
Il y en un des deux qui a été découvert à partir du moment où il a su qu'on avait géocalisé son véhicule et qu'on savait que c'était cette personne et l'autre a été interpellé. Ce qui est malheureusement dans ce fait divers très intéressant, c'est la capacité aujourd'hui à répondre à cette violence et ne pas laisser les choses impunies. Et en 24 heures, sur quelque chose qui apparaît assez anonyme, ce qu'on n'aurait pas été capable de faire il y a 5, 6 ans bien évidemment, on est capable de retrouver les responsables, les auteurs de ces violences.
LAURENCE FERRARI
Que risquent ces responsables honnêtement ?
GERALD DARMANIN
Moi personnellement regardant cette vidéo, je n'étais pas…
LAURENCE FERRARI
Vous pouvez nous assurer qu'ils iront en prison, qu'ils seront condamnés ?
GERALD DARMANIN
Je ne suis pas ministre de la Justice, je ne suis pas juge et je ne suis pas procureur de la République. Je respecte la séparation des pouvoirs. Je peux vous assurer qu'ils ont été interpellés, je peux vous assurer que tout responsable de ce genre d'acte, les moyens désormais de la police et de la gendarmerie, des moyens techniques, des moyens humains permettent de les interpeller. Donc ces personnes répondront de leurs actes, répondent de leurs actes en ce moment devant des enquêteurs et manifestement, sans vouloir qualifier, il a voulu tuer cette personne manifestement. Donc je pense que ce qui est intéressant, malgré encore une fois ce fait divers ignoble, c'est la réaction des services de police.
LAURENCE FERRARI
La réaction des services de police, Ali qui témoignait hier sur le plateau de Cyril HANOUNA de TMP, a confirmé que les policiers lui avaient demandé de ne pas retourner dans ce bar pour ne pas risquer d'être lui-même - lui la victime - en proie à la violence d'autres personnes. Ce n'est pas un aveu d'échec ?
GERALD DARMANIN
Non, ce n'est pas un aveu d'échec. Ce que je vous dis c'est qu'en 24 heures, ces personnes ont été interpellées. Je pense qu'on ne peut pas faire plus rapide. Par ailleurs en ce moment il y a une enquête, ça paraît assez normal qu'on ne retourne pas dans les endroits où il y a manifestement une enquête. Donc laissons la police faire son travail comme dirait le dicton populaire ou le film. Je veux encore une nouvelle fois redire que les moyens technologiques, les moyens humains qu'on a désormais donnés à la police nationale nous permettent très rapidement de résoudre ce genre d'enquête.
LAURENCE FERRARI
Les violences, c'est aussi contre les forces de l'ordre. Nouveau guet-apens à Champigny contre des policiers encore une fois avec des tirs de mortier d'artifice. Vous aviez souhaité encadrer cette vente de mortier d'artifice, ça n'a pas eu d'effet ?
GERALD DARMANIN
Si. Vous pouvez me faire tous les faits divers du matin si vous le souhaitez, ils sont nombreux comme tous les matins.
LAURENCE FERRARI
Non, c'est ceux d'avant-hier.
GERALD DARMANIN
C'est un petit peu caricatural la présentation que vous faites mais ce n'est pas extrêmement grave. On est habitué.
LAURENCE FERRARI
Ce n'est pas caricatural.
GERALD DARMANIN
Si, madame, c'est caricatural.
LAURENCE FERRARI
C'est la réalité.
GERALD DARMANIN
Je sais, je la vis tous les jours. Je peux vous le redire, il n'y a aucun problème.
LAURENCE FERRARI
On imagine bien, vous êtes sur le terrain tous les jours.
GERALD DARMANIN
Il y a eu des faits divers il y a vingt ans et il y en aura sans doute là dans cinq ans ou dans dix ans. La question, c'est quelle réponse on apporte à ces faits divers. Est-ce qu'il y en a moins ? Oui, il y en a moins. Vous ne dites pas que dans l'ensemble de la banlieue parisienne, il y a une baisse grosso modo de 15 % des violences urbaines depuis deux ans. C'est indépendamment du Covid et c'est un point très important pour autant. Ce qui est certain, c'est que nous avons désormais nous, sous cette majorité, ce président de la République, qualifié les feux d'artifice de tirs de mortier d'armes par destination. Nous faisons de très grosses affaires pour pouvoir arrêter désormais ceux qui livrent et organisent, y compris sur Internet, ces tirs de mortier. Désormais c'est un délit pénal que de les détenir ou de les utiliser contre quelqu'un et donc effectivement les personnes qui seront retrouvées. Il y a un an lorsque j'étais ministre de l'Intérieur, vous m'aviez interrogé sur Champigny-sur-Marne où le commissariat avait été attaqué. Les personnes ont été retrouvées. La police technique et scientifique, avec quelques bouts d'ADN, a réussi à interpeller ces personnes qui ont été condamnées sévèrement d'ailleurs par la justice. L'important c'est qu'on retrouve toujours les auteurs et c'est toujours la police qui gagne.
LAURENCE FERRARI
Vous évoquez les chiffres de baisse de la délinquance, bizarrement vos amis des Républicains ne brandissent absolument pas les mêmes chiffres.
GERALD DARMANIN
C'est normal vu qu'ils sont dans l'opposition.
LAURENCE FERRARI
Oui, mais ils s'appuient a priori sur des chiffres qu'ils ont vérifié. 10% de hausse des faits de violence entre le premier semestre 2019 et 2021. Plus 18% des coups et blessures depuis 2017. Un policier et gendarmes blessé toutes les heures. C'est des chiffres que vous contestez ?
GERALD DARMANIN
Non mais ce ne sont pas des chiffres à donner comme ça sans pouvoir expliquer. D'abord la délinquance en général dans notre pays elle baisse, et elle baisse continuellement depuis trois ans et demi. Et notamment il y a une baisse extrêmement importante des vols avec ou sans armes, donc physiques, ou des vols qui se font pas ruse comme on les appelle. Des vols de véhicules, des baisses des cambriolages. C'est un fait continu. Indépendamment du Covid, je voudrais bien le préciser, il y a une baisse continue de ces méfaits qui touchaient la vie de nos concitoyens, qui touchent encore nos concitoyens sans aucun doute – il y a encore beaucoup de travail - mais qui baissent. Et puis il y a deux augmentations de violences. Les augmentations de violences contre les personnes dépositaires de l'autorité publique - les policiers, les gendarmes, les élus. Ça fait quinze ans que ça augmente, c'est tout à fait vrai et c'est inacceptable. Et nous répondons à cette question qui est celui effectivement de l'attaque contre l'autorité dans notre pays qui est plus culturel, qui est éducatif. Quand un gamin de 13 ans s'en prend à un policier, la réponse elle n'est pas que policière : elle est un peu celle de l'éducation nationale et est beaucoup celle des parents. Et puis il y a les violences intrafamiliales et les violences conjugales, et c'est cette augmentation-là. 90% de l'augmentation que vous évoquez, c'est désormais des femmes qui viennent déposer plainte parce qu'hier ou avant-hier peut-être elles ne venaient pas déposer plainte. Et parce qu'hier ou avant-hier, non seulement la société se taisait devant ces violences mais en plus le policier ou le gendarme peut-être qu'il faisait une main courante, il ne faisait pas toujours un dépôt de plainte. Aujourd'hui le dépôt de plainte, il est systématique. Et par ailleurs ces statistiques, c'est là où l'opposition n'est pas très honnête, c'est aussi des plaintes de faits qui ont eu lieu il y a trois, quatre, cinq, dix ans. Vous en parlez tous les jours d'ailleurs : une dame qui est venue déposer plainte parce qu'il y a trois, quatre ans elle a été violentée par un homme. Et c'est bien les statistiques de 2021 qui comptent bien sûr, ces augmentations, mais ce sont des plaintes qui ont été déposées par rapport à des faits d'il y a trois ou quatre ans. Nous libérons la parole, c'est une très bonne chose. Aujourd'hui c'est un contentieux de masse les violences conjugales ou les violences sexuelles. 400 000 interventions des policiers et des gendarmes par an. 400 000. Devant ça, il faut savoir augmenter les moyens d'où la loi que nous présentons. On va doubler les effectifs de police pour répondre, ne serait-ce qu'aux violences conjugales, de 2 000 à 4 000 personnes. Dans le quinquennat du président, ils étaient à peu près 1 000 les enquêteurs en 2017, ils sont passés à 2 000. On l'a déjà doublé. Nous pensons qu'il faut encore doubler, 4 000, pour répondre à l'énorme contentieux des violences conjugales qu'on essaye de résoudre - ce n'est pas toujours évident - mais qu'on essaie de risques.
LAURENCE FERRARI
Avec notamment la possibilité pour ces femmes de déposer plainte chez elles ou dans un lieu tiers par rapport au commissariat ?
GERALD DARMANIN
Alors deux grandes nouveautés. Une qu'on a déjà lancée dans dix départements de France. Vous êtes victime de violences conjugales, vous ne voulez pas venir au commissariat ou à la brigade de gendarmerie - évidemment vous y serez toujours bienvenue - mais si vous ne voulez pas y aller. Vous êtes chez votre avocat ou chez votre avocate, vous êtes au CCAS de votre commune, vous êtes chez votre voisine ou chez votre maman, eh bien la police ou la gendarmerie pourra venir prendre la plainte chez vous, chez votre avocate, au CCAS, auprès d'une association. Ce sera une révolution pour le service public qu'on rend à ces femmes qui n'ont peut-être pas envie de venir effectivement dans un commissariat. Et puis le deuxième fait, et ça ce sera effectivement pour l'année prochaine, on va permettre à des associations de porter plainte en votre nom. Parfois vous n'osez pas déposer plainte vous-même, il n'y a que vous qui pouvez malheureusement le faire. Et on a constaté qu'une grande partie des féminicides, les services de police et la justice n'ont jamais eu connaissance des faits que la dame vivait. Parce qu'elle le cachait, parce qu'elle n'osait pas le faire, parce qu'elle avait peur. Et là si vous vous confiez à une association par exemple, elle pourra en votre nom…
LAURENCE FERRARI
Mais pas contre votre gré.
GERALD DARMANIN
Elle pourra en votre nom comme à l'article 40 du code de procédure pénale, quand vous connaissez un fait, y compris lorsque vous n'êtes pas d'accord mais lorsque vous avez témoigné des violences de votre conjoint, déposer plainte. Les services de police pourront faire des enquêtes malgré le fait que vous n'ayez pas déposé plainte.
LAURENCE FERRARI
Les violences entre les élus, vous l'avez évoqué. Nette augmentation, environ 300 dépôts de plainte. C'est uniquement dû aux anti-pass, aux antivax ou est-ce que c'est beaucoup plus large ?
GERALD DARMANIN
Alors des menaces contre les élus, malheureusement il y en a toujours. Il y a parfois des menaces islamistes, c'était le cas lorsqu'on a voté la loi séparatisme qu'on a portée. Mais là effectivement ces dernières heures, ces derniers jours, ces dernières semaines c'est essentiellement des gens qui reprochent aux parlementaires notamment d'avoir voté le pass vaccinal ou d'avoir voté l'état d'urgence sanitaire. J'ai évoqué 300 plaintes qui ont été déposées, c'est plus de 60 depuis le 1er janvier. En dix jours. Alors quinze personnes ont été interpellées, c'est des menaces souvent extrêmement cachées sur les réseaux sociaux, en utilisant le dark web. On arrive quand même à identifier ces personnes. Ça prend un petit peu de temps. Mais effectivement, c'est plutôt des violences antivax.
LAURENCE FERRARI
Est-ce que vous redoutez une hausse des violences en marge des manifestations ? Il y en a tous les samedis, elles ont connu un regain d'ailleurs de popularité samedi dernier. Il y a des manifestations d'enseignants jeudi qui risquent d'être très suivies. Il y a des dispositifs policiers spécifiques ?
GERALD DARMANIN
On attend beaucoup de monde effectivement pour encadrer ces manifestations. La grandeur de notre démocratie, c'est que la police de la République et la gendarmerie encadrent des gens qui ne sont pas d'accord avec ce que fait le gouvernement. Et mon travail, ce n'est pas de savoir si je suis pour ou contre les manifestants, c'est d'essayer que les choses se passent le plus constitutionnellement possible, en protégeant les droits des gens qui manifestent et leur sécurité. Et je constate que samedi, malgré le monde qu'il y a eu à Paris et dans toute la France - 100 000 manifestants, un peu plus - ça s'est très bien passé. Il y a eu extrêmement peu de faits que vous avez pu relayer à la télévision parce que je crois que tout le monde s'est bien tenu. Evidemment la police et la gendarmerie qui a très bien fait son travail mais aussi les manifestants. Là jeudi, il y a la grève des professeurs. Mon travail, c'est essayer d'organiser ces manifestations un peu spontanées parfois avec les services d'ordre. Effectivement, nous mettrons les moyens pour que les choses se passent au mieux.
LAURENCE FERRARI
Vous prévoyez une manifestation de grande ampleur.
GERALD DARMANIN
Pour l'instant je n'ai pas de chiffres mais je lis dans la presse qu'elle serait suivie et donc nous mettons les moyens policiers qui sont en adéquation avec les gens qui veulent manifester.
LAURENCE FERRARI
Lundi, le président de la République était en déplacement à Nice. Il a donc annoncé 15 milliards d'euros affectés à votre budget pour lutter contre la délinquance. À quels points sera affectée cette somme ?
GERALD DARMANIN
Alors ces 15 milliards d'euros c'est sur cinq ans. C'est une loi de programmation qui permet pour la première fois depuis vingt ans au ministère de l'Intérieur de voir loin, de voir dans un quinquennat.
LAURENCE FERRARI
Quel que soit le nom du président au mois d'avril ? Ou de la présidente ?
GERALD DARMANIN
Tout le monde peut changer évidemment les propositions que nous ferons. Et s'il y a un nouveau président ou une nouvelle présidente, elle aura un travail déjà qui est sur la table, qui aura été écrit, négocie avec les syndicats de police, avec les gendarmes, qui aura été réfléchi. Ça fait un an depuis le Beauvau de la sécurité que j'y travaille et tout ou partie sera à prendre. C'est la démocratie et c'est bien normal. En tout cas ce que je peux vous dire, c'est que nous sommes à un moment très important qui est la révolution du travail du ministère de l'Intérieur. De même que le préfet LEPINE avait accepté de faire venir le téléphone dans les commissariats au début du siècle dernier, de même que CLEMENCEAU a créé la police judiciaire, l'arrivée du cyber dans notre vie de tous les jours - on en parlait il y a quelques instants pour les menaces - c'est très important aujourd'hui. Vous savez, les abus sexuels sur mineurs ils sont en grande partie sur Internet et sur le dark web. La cryptomonnaie, c'est désormais une des difficultés de la police pour pouvoir blanchir, reconnaître le blanchiment d'argent. La difficulté des trafics de drogue, c'est évidemment en passant, ou le trafic d'armes, par Internet. Et donc nous devons transformer le ministère de l'Intérieur pour qu'il soit le ministère aussi du cyber. Lorsque vous recevez un mail chez vous qui demande de payer quelque chose ou qui se fait passer pour une administration, c'est une attaque cyber. Lorsqu'un chef d'entreprise se fait prendre ses données et n'a plus accès aux données de son entreprise, c'est une attaque cyber. C'est pire qu'un incendie parfois une attaque cyber, et 50 % de ces 15 milliards ce sera pour le cyber, pour le numérique.
LAURENCE FERRARI
50 %.
GERALD DARMANIN
Exactement. Par ailleurs on va numériser votre vie, qui sera toujours évidemment une vie physique bien évidemment. Vous aurez toujours votre permis de conduire physiquement, mais on va aussi totalement le numériser pour qu'il soit sur votre téléphone, que vous puissiez avoir tout votre permis, toutes vos pièces d'identité. Et lorsque le policier vous arrête, parce que vous êtes en train de conduire, il va regarder le nombre de points qu'il vus reste et vous le saurez en direct. Aujourd'hui il faut attendre un courrier, c'est compliqué. Vous ne savez pas très bien comment vous l'envoyez.
LAURENCE FERRARI
On ne le sait jamais.
GERALD DARMANIN
On va tout simplifier grâce aux moyens du président de la République et à la révolution numérique qu'on va mettre en place. Et je pense que ce n'est pas très idéologique ça, c'est du pragmatisme : comme j'ai fait l'impôt à la source, j'essaierai de faire le numérique au ministère de l'Intérieur.
LAURENCE FERRARI
Il y a aussi la systématisation des amendes forfaitaires délictuelles pour les délits condamnés par un an de prison. Ça concerne qui ? Uniquement les consommateurs de stupéfiants ou tous les délits ?
GERALD DARMANIN
Alors les amendes forfaitaires délictuelles, c'est une amende importante qui est sur votre casier judiciaire. Ce n'est pas une amende simple, c'est une amende…
LAURENCE FERRARI
De 150 euros ?
GERALD DARMANIN
Là aujourd'hui elle est de 150 euros pour les consommateurs de cannabis mais elle peut être de 300 euros pour le harcèlement de rue, ce qu'a annoncé le président de la République, mais elle est sur votre casier judiciaire. Elle est mise au nom du procureur de la République. Ce qui est très important de comprendre, c'est que le président a aussi dit : « Désormais, on va les retenir directement sur le salaire et sur les minima sociaux. » Il n'y aura plus de relance donc ce sera à la source, si j'ose dire, cette amende. Ce qu'a dit le président, vu le succès de l'amende pour la consommation de cannabis ou de cocaïne, c'est que tous les délits de moins d'un an qu'on a du mal à documenter, qu'on a du mal à présenter à la justice, que la justice a du mal à condamner parce que c'est des petits faits…
LAURENCE FERRARI
Ils ne sont jamais en prison, on est d'accord.
GERALD DARMANIN
Et donc c'est ce que vous appeliez tout à l'heure l'incivilité, l'impunité, il n'y a rien à voir avec les faits divers horribles qu'on a vus là. Mais quelqu'un qui a un fumigène dans un stade, quelqu'un qui fait un tag sur l'école d'à-côté, quelqu'un qui fait des petits faits mais qui pourrissent la vie de notre société, nous allons les transformer en amende forfaitaire. Donc des amendes très élevées : 150, 300, 500 euros et sur le casier judiciaire. Et puis s'il y a réitération, évidemment on passe à un délit plus grave avec un montant de prison important. Donc tous les délits de moins d'un an de prison qui ne voient quasiment jamais de condamnation ou un rappel à la loi qu'on a d'ailleurs supprimé, vont être désormais transformés en amende forfaitaire délictuelle de 150, 300, 500 euros.
LAURENCE FERRARI
Donc on institutionnalise le fait qu'on ne va pas en prison quand on est condamné à un an.
GERALD DARMANIN
On institutionnalise le fait qu'on paye vite, qu'on paye très vite et qu'on prend au portefeuille. Moi j'ai été maire d'une commune, Tourcoing, où je savais très bien que pour des gens parfois avoir quinze jours de prison avec sursis, ça n'avait aucun intérêt parce qu'ils étaient contents dans le quartier de dire qu'ils avaient été condamnés. En revanche qu'on leur pique 500 euros sur leur compte en banque de la part du Trésor public immédiatement, je suis sûr que c'est une meilleure réponse.
LAURENCE FERRARI
On voit tout ce que vous faites sur le volet répressif. Est-ce qu'il y a un pan préventif dans votre action ?
GERALD DARMANIN
Alors il y a un pan social très important au ministère de l'Intérieur, même si ce n'est pas le rôle premier du ministère de l'intérieur que de faire du social. Mais d'abord quand on tient la sécurité des personnes, contribue à la liberté sociale. Mon travail c'est d'embêter les délinquants. Ensuite je pense que l'un des enjeux qu'on a, c'est de pouvoir dire à tous ces jeunes dans ces quartiers, dont une grande partie ne sont pas évidemment dans la délinquance et essayent de s'en sortir, il faut vous tendre la main. Et comme le ministère des Armées l'a fait, nous allons lancer une centaine d'écoles, de classes dans ces quartiers de reconquête républicaine tenues par ministère de l'Intérieur pour aider ceux qui veulent passer des concours de la Fonction publique, pour repérer ceux qui sont en déscolarisation et avoir un rôle non pas de policiers qui jouent au sport avec des personnes dans la rue, mais avoir des préfets, des sous-préfets, des gens à la retraite, des professeurs, des fonctionnaires qui vont à Argenteuil, à Tourcoing indépendamment du travail de la police. Et c'est de repérer le gamin de 15, 16, 17 ans qui a des compétences mais qui peut-être n'a pas la bonne éducation, dont les parents ne s'occupent pas de lui, dont l'éducation nationale ne sait pas tellement comment faire pour le prendre en main, une forme d'école de la deuxième chance nouvelle formule. Et on va lancer également ça et les 15 milliards serviront aussi à ça.
LAURENCE FERRARI
Et donc ils seront amenés à devenir policier ou gendarme, c'est ça ?
GERALD DARMANIN
On les aidera à passer le concours de la Fonction publique. Moi je souhaite que la police nationale ou là gendarmerie représentent toute la France, y compris les gamins des quartiers dont encore une fois, parce que j'habite dans ce genre de ville comme à Tourcoing, je sais qu'il y a plein de gens qui aiment la République, qui ont envie d'aider la République. S'ils passent un concours de la Fonction publique, eh bien tant mieux, et s'ils ont juste appris ce qu'était le service public, le droit, comment remettre la vie dans la scolarisation normale, on aura rendu un grand service il me semble.
LAURENCE FERRARI
Donc une centaine de classes dans cent quartiers difficiles, c'est ça ?
GERALD DARMANIN
Exactement.
LAURENCE FERRARI
Avec quoi ? Combien d'élèves par classe ?
GERALD DARMANIN
On est en train d'y travailler. Le sujet, c'est entre 15 et 30 sur le modèle du cours du soir ou le modèle républicain. Et puis si ça marche et que les élus locaux nous accompagnent et qu'on peut trouver des partenaires privés d'ailleurs pour nous aider, on généralisera.
LAURENCE FERRARI
Un mot de la prévention du terrorisme, évidemment un des enjeux majeurs de votre fonction. Vous poursuivez l'effort de fermeture d'un certain nombre de mosquées salafistes ?
GERALD DARMANIN
Tout à fait. Nous avons fermé la mosquée de Beauvais qui posait des problèmes et je remercie la maire de nous avoir accompagnés. La loi séparatisme qu'on a portée permettait justement de pouvoir continuer sur d'autres modèles que le terrorisme mais sur on va dire la haine des personnes - la haine des juifs, la haine des catholiques, la haine des homosexuels, la haine de la France - de fermer des lieux de culte dont je ne veux pas dire ici qu'ils sont la majorité. Bien au contraire, c'est une petite minorité. C'est moins de 70 lieux de culte radicalisés sur 2 500 lieux de culte musulmans. Et les musulmans en très grande majorité, je le sais par coeur, aiment la République et ont besoin d'être soutenus. Et nous discutons en ce moment et on va pouvoir communiquer ce matin, sur le fait que nous allons fermer une mosquée à Cannes. Je m'en suis entretenu avec Monsieur le maire de Cannes qui courageusement soutient notre décision et je le remercie, David LISNARD, et nous fermons donc l'une des mosquées de Cannes parce que nous lui reprochons des propos antisémites, du soutien à CCIF et Barakacity, les islamistes que nous avons, nous, fermés si j'ose dire puisqu'on a dissous à la demande du président de la République ces associations qui étaient un mal pour la République. Et donc nous continuons les décisions courageuses et, en même temps, nous disons à l'immense majorité des musulmans de France qu'on ne veut pas les laisser en otage des islamistes, et qu'on les soutient et qu'ils ont toute leur place dans la République.
LAURENCE FERRARI
Eric CIOTTI évoque un Waterloo sécuritaire pour votre gouvernement. Il martèle qu'il veut rétablir avec Valérie PECRESSE, qui est la candidate, la rétention de sûreté pour les terroristes. Qu'est-ce que vous lui répondez ?
GERALD DARMANIN
Il ressort son idée de Guantanamo à la française dont madame PECRESSE elle-même a dit que c'était une idiotie. Donc ce serait peut-être une sorte de discussion entre eux, ce sera intéressant.
LAURENCE FERRARI
La campagne électorale sera-t-elle impactée par le Covid ? Vous avez rencontré le président du Conseil constitutionnel pour évoquer des mesures d'organisation de cette élection. Est-ce qu'il y aura un impact ou est-ce que les meetings seront sanctuarisés ? Il n'y aura pas de pass sanitaire ou pass vaccinal dans les meetings politiques.
GERALD DARMANIN
Alors nous allons organiser le fait que la liberté de culte - aller à l'église, aller à la mosquée, à la synagogue, aller au temple ou aller dans un meeting politique – ne doit doit pas être conditionné par les mesures sanitaires, notamment par le pass qu'il soit sanitaire ou vaccinal. Donc vous pourrez aller dans un meeting, vous pourrez aller dans un bureau de vote bien évidemment sans votre pass.
LAURENCE FERRARI
Sans boire un café au comptoir. Les merveilles de l'administration française !
GERALD DARMANIN
Ce n'est pas tout à fait le même niveau. C'est le Conseil constitutionnel qui nous a dit : " il y a un droit fondamental qui est d'aller voter ou d'aller prier. " Ce n'est peut-être pas le même droit tout à fait que de boire un café au comptoir. Pourtant j'aime beaucoup boire mon café au comptoir et je suis fils de bistrotier, donc tout va bien. Mais c'est vrai que c'est un petit peu différent, le droit de voter, que le droit de boire un café. En tout cas, vous savez bien que c'est le Conseil constitutionnel qui nous a imposé ces règles. Nous les respectons, on respecte l'Etat de droit. Donc il n'y aura pas de pass vaccinal pour aller voter, il n'y aura pas de passe vaccinal pour entrer dans un meeting. Mais il y a des partis politiques qui, s'ils le veulent, peuvent le mettre en place. Vous savez bien que la majorité, le parti dans lequel je suis, va organiser - mais c'est le cas je crois aussi des Républicains - un meeting où on devra montrer son pass. Ça me paraît logique parce que ça évite de mettre en danger la vie de l'autre. Après chacun fera comme il veut évidemment.
LAURENCE FERRARI
Mais quoi qu'il arrive, les élections auront lieu aux dates prévues.
GERALD DARMANIN
Tout à fait.
LAURENCE FERRARI
Pas de changement de ce côté-là ?
GERALD DARMANIN
Non. Et le 26 janvier prochain, c'est-à-dire dans dix jours, je présente en conseil des ministres le décret de convocation des électeurs. C'est traditionnellement pour vos auditeurs, vos téléspectateurs, le ministre de l'Intérieur qui quelques semaines avant va convoquer les électeurs aux bureaux de vote.
LAURENCE FERRARI
Beaucoup de questions autour des parrainages. Un certain nombre de candidats s'émeuvent de ne pas avoir réuni assez de parrainages. Je pense à Jean-Luc MELENCHON, Marine LE PEN ou Eric ZEMMOUR. " Il ne faut pas changer les règles en cours de match " avez-vous dit. Néanmoins est-ce qu'on ne serait pas face à un problème démocratique si un de ces trois grands candidats ne pouvait pas se présenter ?
GERALD DARMANIN
Vous avez, je crois, encore plus d'expérience que moi si je peux me permettre. À chaque fois, c'est la même chose.
LAURENCE FERRARI
C'est un peu un marronnier de l'hiver.
GERALD DARMANIN
Voilà. À chaque fois on crie et on espère passer à la télévision pour crier, et on crie qu'on aura mal et puis finalement on n'a pas mal puisque même monsieur ASSELINEAU à la fin a ses parrainages. Et puis c'est un système aujourd'hui, il est comme ça depuis très longtemps. Il y a 40 000 personnes qui peuvent donner leur signature. Il faut que quelqu'un récupère moins d'un et demi pour cent de sa signature. Ça paraît à portée. Et puis par ailleurs, on fait toujours confiance aux élus locaux, on n'arrête pas dire ça à longueur d'antenne. J'en suis un. Très bien, faisons confiance aux élus locaux. Et enfin juste quelques mots. Si ce n'est pas les maires de France qui choisissent, qui va choisir ? Les sondages. Là on dit : " il faut que ce soit monsieur ZEMMOUR, madame LE PEN, monsieur MELENCHON qui aient absolument leurs parrainages. " Pourquoi ? Parce qu'ils sont à plus de 10% ? Est-ce que c'est les sondages qui choisissent en France quels sont les candidats qui se présentent ? Ce ne serait pas respectueux de madame HIDALGO, ce ne serait pas respectueux de monsieur JADOT, ce ne serait pas respectueux des gens qui font moins de 10% apparemment dans les sondages. Et puis les sondages, ça ne fait pas l'élection. Donc on a des règles, la Vème République est une bonne et vieille démocratie qui fonctionne, qui a permis à chacune et à chacun de s'exprimer. Madame LE PEN, je crois, s'exprime plus que de raison, monsieur ZEMMOUR aussi.
LAURENCE FERRARI
Comme les autres candidats.
GERALD DARMANIN
Voilà. Et c'est normal, c'est la démocratie, et à chaque fois elle a pu se présenter aux élections. Il n'y a aucune raison, me semble-t-il, de remettre en cause les règles pendant un match. Ça me paraît de bonne logique. Que demain ou après-demain on réfléchisse à une autre forme de démocratie, faisons-le tranquillement, mais pas lorsque l'arbitre est sur le terrain et que les joueurs le sont aussi.
LAURENCE FERRARI
Merci beaucoup Gérald DARMANIN d'être venu ce matin dans La matinale de Cnews.
GERALD DARMANIN
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 janvier 2022