Interview de M. Olivier Dussopt, ministre des comptes publics, à RMC le 1er février 2022, sur les chiffres de la saisie de drogue, le déficit budgétaire, l'inflation, le prix des péages d'autoroutes et le parrainage des candidats à l'élection présidentielle.

Prononcé le 1er février 2022

Intervenant(s) : 

Média : RMC

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Olivier DUSSOPT, bonjour.

OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes le ministre délégué en charge des Comptes publics. Emmanuel est resté avec nous, Emmanuel LECHYPRE, comme promis. Une question d'abord, on va se dire les choses, vous nous avez appelés la semaine dernière en disant " voilà, il va y avoir les chiffres de la saisie de drogue, je peux vous les annoncer en exclusivité ", vous l'avez donc réservé à RMC, j'imagine que si vous avez voulu les annoncer en exclusivité c'est qu'ils sont bons, dites-nous.

OLIVIER DUSSOPT
C'est qu'ils sont bons et la douane fait un excellent travail. Entre 2020 et 2021 les saisies de drogue, en France, saisies de la douane, ont augmenté de 30%, nous sommes passés de 90 tonnes de stupéfiants à 115 tonnes de stupéfiants, avec une explosion des constatations sur le fret express, le fret postal, et avec des saisies très importantes notamment de cocaïne.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire quoi, ça veut dire que les douaniers ont été meilleurs, ou est-ce que ça veut dire qu'il y a encore plus de drogue qui circule ?

OLIVIER DUSSOPT
Ça veut dire que, heureusement les douaniers sont à chaque fois meilleurs, à chaque fois ils améliorent leurs performances, ça signifie aussi que le trafic est important. Nous faisons des saisies qui sont très conséquentes, avec par exemple des saisies de plusieurs tonnes sur les ports, des containers qui transportent jusqu'à 1 tonne de cocaïne, que nous saisissons, et c'est d'une tonne de drogue en moins pour les dealers, une tonne en moins pour les trafiquants et une tonne en moins de consommée.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous serez à Orly tout à l'heure pour justement rencontrer des douaniers de l'aéroport, vous allez les accompagner encore, leur donner une sorte de bonus d'avoir si bien travaillé ?

OLIVIER DUSSOPT
Nous avons un contrat, un contrat pluriannuel, qui a été signé, et qui porte sur les moyens de la douane, des moyens techniques, des moyens matériels, des moyens pour améliorer l'analyse des données, des moyens pour renouveler les équipements, et donc sur les quatre ans qui viennent nous allons augmenter les moyens de la douane de 148 millions d'euros, par rapport à ce qui était prévu, pour qu'ils aient plus de moyens, plus d'équipements, et donc encore plus de résultats.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu'ils ont plus de travail depuis le Brexit ?

OLIVIER DUSSOPT
Ils ont du travail depuis le Brexit, puisqu'il a fallu recréer une frontière, la mise en oeuvre du Brexit s'est traduite aussi par la création de 700 postes dans la douane, depuis 2018, pour faire face au Brexit sans enlever des forces douanières sur les autres points de contrôle.

APOLLINE DE MALHERBE
L'augmentation du côté de la drogue, ça veut dire aussi que ça c'est une bonne nouvelle. Il y a une très bonne nouvelle pour vous la semaine dernière, qui a été annoncée, c'est ces 7% de croissance, 7% de croissance c'est une bonne nouvelle pour tout le monde parce que ça veut dire que le PIB augmente, c'est une bonne nouvelle aussi pour vous, ça veut dire que mécaniquement les taxes vont augmenter et les revenus vont augmenter.

OLIVIER DUSSOPT
Ça veut dire que les prélèvements obligatoires, le résultat des prélèvements obligatoires, est plus important, et donc à l'échelle de tous les comptes publics nous avons des résultats, en matière de cotisations, d'impôts, qui nous permettent d'avoir, par rapport à nos prévisions, 27 milliards supplémentaires.

APOLLINE DE MALHERBE
C'est une cagnotte, c'est une sorte de cagnotte, ce qu'on appelle une cagnotte.

OLIVIER DUSSOPT
Non, ce n'est pas une cagnotte parce que ça signifie que le déficit, que nous pensions à 8,2%, va être à 7 ou un petit peu moins de 7%...

APOLLINE DE MALHERBE
Ça reste un peu important quand même !

OLIVIER DUSSOPT
7% de déficit, il n'y a pas de cagnotte, ça reste un déficit important, parmi les plus élevés de l'histoire, donc il est absolument hors de question de parler de cagnotte, et nous avions pris un engagement, avec Bruno LE MAIRE, qui était de dire au moment de l'examen du budget, à un moment où nous imaginions que la croissance serait plutôt autour de 6,25%, nous avions dit que si la croissance était plus forte et si elle générait des recettes supplémentaires, nous consacrerions ces recettes à la réduction du déficit, c'est ce que nous faisons…

APOLLINE DE MALHERBE
Donc ça veut dire que ça va rentrer dans le trou du déficit.

OLIVIER DUSSOPT
C'est une preuve de sérieux, c'est une façon aussi de tenir une trajectoire de redressement des finances publiques, et ça signifie aussi, et ça c'est important, qu'on peut baisser les impôts, ce que nous avons fait, nous les avons baissés de 50 milliards sur le quinquennat, la moitié pour les entreprises, la moitié pour les ménages, donc nous baissons les taux d'imposition, mais nous avons des résultats fiscaux qui sont importants parce que la croissance est là.

APOLLINE DE MALHERBE
Alors, cela dit, il y a quand même des taxes qui demeurent, on va parler dans un instant des impôts de production, un mot quand même sur les taxes sur l'essence, parce que chaque jour qui passe le prix de l'essence augmente encore, est-ce que là vous dites, on avait dit qu'on allait remettre ça dans le déficit, est-ce que vous n'auriez pas pu en laisser un petit peu pour baisser les taxes ?

OLIVIER DUSSOPT
Vous savez, sur la question de l'énergie en général, l'effort que l'Etat fait pour protéger le pouvoir d'achat des ménages, et protéger les consommateurs, c'est 15 milliards d'euros, c'est 15 milliards d'euros car nous avons baissé la taxe sur la consommation intérieure d'électricité, et c'est ce qui fait que les factures d'électricité vont augmenter de 4% alors que ce sans ce que nous avons décidé elles auraient augmenté de plus de 40%, ce qui est considérable…

APOLLINE DE MALHERBE
Je comprends, mais sur l'essence, puisque je reprends cet exemple-là, sur 10 euros à la pompe il y en a 7 qui sont des taxes quand même !

OLIVIER DUSSOPT
Il y a une fiscalité qui est importante sur l'essence, mais nous avons aussi mis en oeuvre d'autres mesures, je pense au chèque énergie pour 5,8 millions de ménages…

APOLLINE DE MALHERBE
En fait vous prenez d'un côté et vous redonnez de l'autre.

OLIVIER DUSSOPT
Je pense aussi à l'indemnité inflation, l'indemnité inflation de 100 euros pour tous les Français qui gagnent moins de 2000 euros par mois, le Premier ministre l'avait annoncé, aujourd'hui sur les 38 millions de bénéficiaires 20 l'ont perçue, à la fin du mois de janvier ce sont les agents publics qui la perçoivent, les salariés du privé qui ne l'ont pas perçue en décembre, fin février ce sont les 10 millions de retraités éligibles qui la percevront, c'est aussi un engagement tenu pour faire face à cette flambée des cours, qu'on espère qu'elle est passagère.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc il n'y aura pas de geste supplémentaire, ou il pourrait y en avoir un ?

OLIVIER DUSSOPT
Nous sommes déjà à 15 milliards d'euros, c'est considérable. Evidemment nous le suivons avec attention, mais il ne faut pas oublier ce qui a été fait et ce que ça représente comme engagement, en plus des efforts demandés à EDF.

APOLLINE DE MALHERBE
Olivier DUSSOPT, tout à l'heure Emmanuel LECHYPRE parlait des impôts de production, Emmanuel vous disiez que c'était un poison.

EMMANUEL LECHYPRE
Oui, c'est un des principaux responsables, ces impôts de la désindustrialisation, donc comme la ré-industrialisation est une priorité de ce gouvernement, rappelons qu'on a quand même 80 milliards d'euros de déficit commercial, votre gouvernement les a baissés de 10 milliards, est-ce qu'il ne faut pas aller beaucoup plus loin, sachant qu'après ça générerait des recettes et il n'y aurait pas de problème fondamental de déficit, donc est-ce qu'il ne faut pas être plus audacieux, 25, 35 milliards comme le demande le MEDEF ?

OLIVIER DUSSOPT
Oui, c'est beaucoup là, c'est beaucoup, et le ministre du Budget que je suis est à la fois le ministre des dépenses, mais aussi le ministre des recettes. Evidemment, ce que nous avons fait sur les impôts de production est payant, c'est une des raisons de la croissance, du fait que nous ayons la croissance la plus forte de la zone euro, c'est une bonne nouvelle avec 7%, et avec des entreprises qui vont bien et c'est tant mieux, nous les avons baissés de 10 milliards d'euros, ce qui est déjà considérable. Aller plus loin c'est évidemment la bonne direction et le bon sens. Comme ministre du Budget j'ai aussi la responsabilité de dire que si nous allons plus loin sur la baisse des impôts, ça signifie qu'il faut aussi travailler des programmes d'économies et mettre en face des économies pour que ce soit tenable, parce que la baisse des impôts de production permet de retrouver de la croissance, mais ça crée aussi un décalage, la croissance génère des recettes, c'est une bonne chose, c'est une chose même absolument nécessaire pour faire face à nos engagements, mais avec un peu de décalage, et donc il faut aussi penser le programme d'économies en face.

APOLLINE DE MALHERBE
Olivier DUSSOPT, aujourd'hui au péage, ça va être 2% de plus pour passer le péage, les autoroutes, l'Etat a signé des contrats avec des concessions d'autoroutes, ça rapporte de l'argent, ça continue à rapporter de l'argent ?

OLIVIER DUSSOPT
Ça rapporte un peu d'argent, mais c'est surtout un contrat qui est très ancien. Vous évoquez l'augmentation des tarifs de péages, c'est une augmentation qui est calculée par rapport à une règle fixée en 1995, ce n'est une règle nouvelle, c'est 1995…

APOLLINE DE MALHERBE
Je comprends, mais il se trouve qu'aujourd'hui tout augmente pour l'automobile, c'est la double peine, la triple peine.

OLIVIER DUSSOPT
Et c'est 2% alors qu'on a une inflation qui est un peu supérieure, autour de 2,5%. En 2015 le gouvernement précédent a plafonné, a refusé l'augmentation, ça a été payé après, il a fallu le rattraper, et donc nous sommes dans cette logique qui consiste à appliquer le contrat, parce que c'est important, à regarder, parce que c'est un point d'attention, s'il y a ce qu'on appelle une sur-rentabilité, dans ce cas-là il y a une clause qui permettrait à l'Etat de bloquer la sur-rentabilité…

APOLLINE DE MALHERBE
Pour l'instant ce n'est pas le cas ?

OLIVIER DUSSOPT
Aujourd'hui ce n'est pas le cas, nous avons, pour être tout à fait transparent…

APOLLINE DE MALHERBE
Enfin ça reste bien rentable quand même, pour les compagnies d'autoroutes !

OLIVIER DUSSOPT
Ça reste rentable, mais nous avons deux rapports un peu contradictoires, un rapport sénatorial qui parle de sur-rentabilité, et un rapport de l'Autorité de régulation des transports qui considère qu'il n'y a pas sur-rentabilité, donc c'est un point que nous regardons…

APOLLINE DE MALHERBE
Et potentiellement, dans ces cas-là, vous récupéreriez ?

OLIVIER DUSSOPT
Potentiellement, mais avec une augmentation qui est de 2 % en moyenne, et avec certains opérateurs qui ont fait des efforts de gel des tarifs, notamment sur les trajets les plus courts, qui sont les trajets du quotidien pour les usagers fréquents de l'autoroute.

APOLLINE DE MALHERBE
Olivier DUSSOPT, vous êtes déjà en campagne, en tout cas sur les réseaux sociaux où vous partagez des visuels " Avec vous 2022 ", on a eu toute la journée hier des députés, ou des élus de la majorité, qui tweetaient la photo de leur bulletin de parrainage en disant « Je parraine Emmanuel MACRON », et en même temps officiellement il n'est pas candidat.

OLIVIER DUSSOPT
Vous savez, il y a d'abord un texte, il y a du droit, on n'est pas candidat à la présidentielle parce qu'on le décide, on est candidat à la présidentielle parce que le Conseil constitutionnel constate que vous avez plus de 500 personnes, habilitées à le faire, qui vous ont parrainé, donc c'est tout à fait normal que des élus…

APOLLINE DE MALHERBE
Donc ils le font vraiment de leur plein…

OLIVIER DUSSOPT
C'est tout à fait normal que des élus parrainent celui qui souhaite être candidat…

APOLLINE DE MALHERBE
Tout seuls, dans leur coin, les élus La République en Marche se sont dit " ah tiens, au fait, ça serait peut-être pas mal qu'il soit candidat quoi ! "

OLIVIER DUSSOPT
Pour ce qui me concerne, peut-être que ça va vous surprendre, mais je ne souhaite qu'une chose, que le président de la République soit candidat, mais je souhaite surtout qu'il soit réélu et je ferai tout pour cela.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc en fait tout ça est un secret de polichinelle, il y a une petite forme d'hypocrisie quoi !

OLIVIER DUSSOPT
Mais la question n'est pas là, le président préside, et peut-être même qu'il est en campagne…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais il ne peut pas faire les deux en même temps parce qu'il est en campagne quand même !

OLIVIER DUSSOPT
Peut-être même qu'il est en campagne depuis 2017 vous savez.

APOLLINE DE MALHERBE
En campagne depuis 2017 ?

OLIVIER DUSSOPT
Et la meilleure façon d'être en campagne c'est de faire ce qu'on a dit, et c'est ce qu'il fait.

APOLLINE DE MALHERBE
Merci Olivier DUSSOPT d'avoir répondu à mes questions et à celles d'Emmanuel LECHYPRE, vous êtes le ministre délégué en charge des Comptes publics, et on note donc c'est très nette augmentation des saisies de drogue que vous nous annoncez…

OLIVIER DUSSOPT
C'est une belle efficacité de la douane.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 février 2022