Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Nous sommes en train de vivre une première, parce que c'est la première fois, Madame la Commissaire, qu'au niveau européen, les ministres des affaires étrangères et les ministres de la santé décident de travailler ensemble. C'est une première et cela se passe bien.
C'était une nécessité, d'abord parce qu'il y a eu une action européenne très forte à partir du moment où la pandémie s'est imposée à nous tous, Madame la Commissaire, vous pourrez y revenir, ensuite parce que, parallèlement, la santé mondiale est devenue un espace géopolitique marqué par des visions et des intérêts divergents - et l'Europe doit défendre sa propre approche. Il était impératif de consolider dans ces échanges une vision européenne commune de la santé mondiale pour, dans les instances multilatérales de santé, faire porter nos objectifs et nos valeurs : d'abord le primat du droit, ensuite le fait que la santé puisse être érigée au rang de bien public mondial, avec son corollaire, l'accès universel et équitable aux biens et aux produits de la santé.
Donc c’est un événement qui nous a permis déjà, après cette première rencontre qui se poursuivra maintenant dans un dîner de travail, de dégager quelques axes.
Nous souhaitons d'abord, premier axe, renforcer la stratégie européenne en santé mondiale en intégrant les leçons tirées de la pandémie et avec l'objectif de donner à l'Union européenne une place dans la gouvernance mondiale de la santé à la hauteur de ses contributions financières.
Deuxième axe, nous avons réitéré notre engagement collectif à soutenir les pays à bas et moyens revenus dans leur réponse à la pandémie. Nous savons que la solidarité est une nécessité, y compris pour notre propre sécurité, mais il faut renforcer cette solidarité, et en particulier renforcer les systèmes de santé. Il ne suffit pas qu'il y ait des dons. Madame la Commissaire rapportera tout à l'heure le niveau de réalité de la mobilisation européenne à cet égard, mais il faut aussi qu'il y ait les moyens d'accès et que ce que j'appelais dans mon propos tout à l'heure le dernier kilomètre, soit identifié comme un enjeu essentiel du bon aboutissement des dons de vaccins. Ce sujet sera au centre du sommet entre l'Union européenne et l'Union africaine qui se tiendra à Bruxelles la semaine prochaine, et qui reviendra bien sûr sur le sujet africain, en particulier dans le cadre du "new deal" que nous voulons instaurer entre les deux continents.
Troisième axe, nous souhaitons rappeler le soutien et le rôle clef de l'Union européenne dans le renforcement de l'architecture multilatérale de santé avec l’OMS en son centre - nous accueillons tout à l'heure le Dr Tedros - avec 2 grands projets qui sont devant nous : à la fois le projet de traité international sur les pandémies, et puis le renforcement du règlement sanitaire international. Voilà deux grands sujets de mobilisation partagés entre les ministres de la santé, qui sont au premier chef concernés, mais avec le soutien et l'accompagnement de ministres des affaires étrangères.
Enfin, dernier axe, notre rencontre est aussi l'occasion de saluer le dynamisme de nombreuses structures dans le domaine de la santé mondiale que les Etats européens accueillent, particulièrement ici à Lyon. Nous avons pensé que c'était à Lyon que pouvait se tenir cette rencontre, parce qu'il y a ici un écosystème dynamique en santé, en matière de formation, en matière de recherche et d'innovation avec les perspectives futures du siège de l'académie de l'OMS.
Au-delà de cela, nous souhaitons faire de la France et de l'Union européenne un carrefour mondial de coopération en matière de santé. Ce renforcement, cette redéfinition de l'architecture mondiale à laquelle nous voulons contribuer en sera un élément central.
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Q - Pourquoi avoir choisi Lyon pour cette première conférence assez inédite ?
R - Ça allait de soi, parce que c'est une grande ville française de la santé mondiale.
J'ai dit tout à l'heure, en ouvrant la conférence, que la métropole lyonnaise bénéficiait déjà d'un écosystème dynamique en matière de santé : c'est ici que se tient le bureau de l'OMS sur le règlement sanitaire international, le centre international de recherche sur le cancer et puis bientôt l'académie de santé de l'OMS, qui a été lancée d'ailleurs ici à Lyon par le Président de la République. Il y a en plus ici une collaboration considérable entre le secteur public, le monde de la recherche, y compris d'ailleurs en santé animale, et puis une collaboration unique avec le secteur privé, dont Sanofi et l'Institut Mérieux sont les exemples les plus emblématiques.
Tout cela fait qu'il y a un véritable pôle d'excellence de dimension mondiale, et c'était l'opportunité de manifester la force de ce pôle que de tenir cette réunion ici, et de marquer aussi les étapes vers la réalisation de l'Académie de santé qui s'installera ici en 2024. Donc ça vient vite et ce sera, je crois, aussi pour Lyon et pour l'ensemble du système de santé lyonnais, une carte de visite énorme.
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Q - (...) Il y a eu deux journées diplomatiques importantes du Président Macron, avec une promesse de la Russie de ne pas faire une escalade concernant l'Ukraine. On vient d'avoir l'information aujourd'hui selon laquelle la Russie veut fermer une grande partie de la mer Noire et quasiment toute la mer d'Azov pour des exercices militaires, est-ce que vous voyez cela comme une escalade ?
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R : La question ukrainienne n'était pas à l'ordre du jour de l'après-midi, donc je n'ai pas de commentaires particuliers à faire en dehors de ceux qu'a faits le Président de la République à Moscou, à Berlin et à Kiev - commentaires que je vous propose de regarder. Les réponses sont dans ces déclarations.
Q - Le nombre de doses de vaccins vient d'être augmenté de façon conséquente mais il y a le problème de l'absorption. Il y a beaucoup de pays qui refusent les doses. Plus de 100 millions de doses qui ont été partagées ne sont pas encore distribuées. Nous savons de par les données de COVAX qu'il y a des pays en Afrique qui ont utilisé moins d'un tiers des vaccins qui ont été livrés. A votre avis, quelle est la raison derrière ce refus ? Pensez-vous que ceux qui produisent les vaccins doivent être aussi responsables pour la livraison des vaccins qui ont une durée de vie qui serait acceptable pour les pays africains par exemple ?
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R - Je crois que c'est la grande question du moment, en particulier en ce qui concerne le continent africain. Le problème n'est plus, me semble-t-il, le niveau de dons, même s'il faut être vigilant pour qu'il se maintienne. Le problème n'est plus la production. Il n'est même plus la production dans les pays les plus en difficulté puisque des projets de production de vaccins sont en cours de réalisation, y compris en Afrique - je pense à l'Afrique du Sud, au Sénégal, au Rwanda, à l'Egypte, au Ghana. Il y a des projets partout qui font qu'il y aura de la production de vaccins de grande qualité mondiale assez rapidement. Le problème c'est l'absorption, ce que j'appelais tout à l'heure "le dernier kilomètre", c'est-à-dire comment faire pour que le vaccin arrive au destinataire, non seulement qu'il arrive techniquement, mais aussi, si je peux me permettre, qu'il arrive culturellement. Ce double mouvement nécessite un traitement particulier, en fonction des cultures des différents Etats concernés avec un soutien indispensable de l'Union africaine et de l'OMS pour gagner cette campagne. Car il est vrai que les chiffres de vaccination en Afrique sont faibles, une partie c'est dû à la fois aux problèmes de connectivité internes à l'Afrique, mais dû aussi à des difficultés d'acheminement et parfois même de résistance. Mais déjà, si on levait les obstacles de l'acheminement et des personnels humanitaires susceptibles d'administrer les vaccins, on aurait franchi une grande étape. C'est le sujet d'aujourd'hui.
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Ce sera un des sujets du sommet Union africaine-Union européenne de la semaine prochaine.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 février 2022