Interview de Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement, à Sud Radio le 16 février 2022, sur la hausse des factures du chauffage, le "bouclier tarifaire" et le logement social.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission La Tribune Le Point Sud Radio - Sud Radio

Texte intégral

PATRICK ROGER
Bonjour Emmanuelle WARGON.

EMMANUELLE WARGON
Bonjour Patrick ROGER, bonjour Cécile.

PATRICK ROGER
Les factures pour se loger et se chauffer, explosent. Quelles solutions où en est-on de la rénovation énergétique ? Est-ce que la France traverse ou pas une crise immobilière, des HLM à l'achat des maisons et des apparts ? La promesse envolée d'Emmanuel MACRON aussi, d'un choc de l'offre, c'était en 2017. La campagne, les nouvelles promesses, autant de questions que nous allons aborder. Mais alors, commençons quand même par le SOS, ce message d'alerte dans les HLM. Les factures de chauffage au gaz, donc, qui flambent, 400 à 800 € parfois, par an, de plus, pour certains ménages. Le bouclier tarifaire qui a été mis en place par le Premier ministre, Jean CASTEX, ne les concerne pas directement. Qu'est-ce que vous pouvez faire ?

EMMANUELLE WARGON
Ce que l'on a fait, c'est que l'on a mis en place ce bouclier tarifaire, qui concerne tous les gens qui ont un abonnement individuel, électricité ou gaz.

PATRICK ROGER
Oui. Là c'est du collectif.

EMMANUELLE WARGON
Mais c'est vrai que dans le collectif, il y a du chauffage collectif au gaz, c'est vrai dans les HLM, c'est vrai dans les copropriétés, et ce chauffage collectif, pour l'instant, il n'est pas couvert par ce bouclier tarifaire.

PATRICK ROGER
Oui.

EMMANUELLE WARGON
Ce que je peux vous dire ce matin, c'est que le gouvernement s'engage à couvrir les copropriétaires dans les copropriétés, et les locataires dans les HLM. On est en train de chercher la meilleure manière de le faire, les annonces seront faites dans les prochains jours, mais en tout cas on ne les laissera pas sans solution, ça c'est un engagement très fort que je prends aujourd'hui. Nous allons élargir, pour couvrir ceux qui aujourd'hui ne sont pas couverts, c'est évidemment un souci d'équité. Je rappelle que grâce à ce bouclier, le gaz n'augmentera que de 4%, pendant toute la période hivernale, alors qu'il augmente de 60 à 100, 120% partout ailleurs en Europe. Donc c'est une couverture très forte, et il faut pouvoir couvrir aussi les locataires des HLM et les copropriétaires qui sont dans du chauffage collectif.

PATRICK ROGER
Alors, ça pourrait prendre quelle forme ? Est-ce que ça pourrait être l'équivalent d'un Chèque énergie de nouveau, sur la TVA ? Ce sera en direction des bailleurs sociaux, par exemple, pour les HLM ou les locataires ?

EMMANUELLE WARGON
Alors, on y travaille depuis une quinzaine de jours, d'ailleurs en ayant, on est en discussion avec les représentants des copropriétés du monde HLM. Là on est vraiment en train de chercher les différentes solutions. On cherche la solution la plus simple et la plus rapide à mettre en place. Je ne peux pas vous dire ce matin comment on va faire, parce qu'il y a encore 2 ou 3 options sur la table, mais ce que je peux vous dire c'est qu'on va le faire. Je m'engage, et c'est vraiment dans les jours qui viennent, à ce que nous proposions une solution opérationnelle qui couvrira HLM et copropriétaires.

PATRICK ROGER
Et copropriétaires aussi. Dans le privé comme dans le…

EMMANUELLE WARGON
Oui oui oui, ce n'est pas une question de qui est le propriétaire, que ce soit un organisme HLM ou que ce soit des copropriétés. La différence, c'est chauffage individuel, on est couvert, au collectif, et on le sera.

PATRICK ROGER
Ça a été une petite erreur, finalement, dans la façon de présenter la mécanique, le mécanisme que vous aviez mis en place, puisque c'était sur de l'individuel ?

EMMANUELLE WARGON
Si vous voulez, on a cherché depuis le début, des mécanismes de protection. Et vous savez on vit des crises inédites, les unes après les autres, et cette crise d'augmentation du prix de l'énergie, elle est sans précédent. Le gaz n'a jamais augmenté de 300% en en 18 mois, hors de cette période. Donc on a paré avec la solution la plus simple, qui était de travailler sur les tarifs. Ces alertes nous sont arrivées, et on gère en permanence des alertes et des améliorations. Là il y a une amélioration à apporter, une forme de trou dans la raquette, et on va le combler, pour faire en sorte que tout le monde soit couvert. Donc on est toujours en train d'être sûr que ce que nous faisons est efficace, et que surtout ça couvre bien tout le monde.

PATRICK ROGER
D'ici une dizaine de jours, à peu près ?

EMMANUELLE WARGON
C'est quelques jours. Oui, c'est vraiment quelques jours.

PATRICK ROGER
Quelques jours, mais en tout cas c'est en cours, c'est ce que vous dites.

EMMANUELLE WARGON
Exactement, c'est en cours, et surtout ça sera fait. Je voudrais rassurer les locataires de HLM et les copropriétaires, ça sera fait.

PATRICK ROGER
Oui. Et les bailleurs sociaux aussi, qui ont passé un message d'alerte, en disant : là, on ne peut plus, quoi.

EMMANUELLE WARGON
Oui, ils nous ont alertés, et depuis cette alerte, on l'a prise très au sérieux. Voilà, on est en train juste de chercher la bonne solution technique.

PATRICK ROGER
L'un des points-clés aussi, c'est la rénovation énergétique et des aides du gouvernement via par exemple MaPrimeRenov. Où en est-on, combien de dossiers déposés à ce jour ?

EMMANUELLE WARGON
Alors, vous savez je suis très heureuse d'être là ce matin, parce qu'on a enfin dépassé le millionième dossier MaPrimeRenov déposé, là au début de la semaine. MaPrimeRenov, on l'a lancé le 1er janvier 2020, donc il y a un tout petit peu plus de 2 ans, à peu près 200 000 dossiers déposés en 2020, 750 000 en 2021, donc 200 plus 750 000 ça fait 950 000. Donc on se disait : "On va bientôt atteindre le million", et ça y est, on a eu légèrement plus d'un million, le millionième dossier a été déposé en début de semaine. Un million de personnes qui ont décidé de faire des travaux chez eux, et qui ont demandé MaPrimeRenov. Et on a maintenant un peu plus de 500 000 dossiers payés, c'est-à-dire des gens qui sont allés au bout, qui ont vraiment fait les travaux, qui ont demandé la prime et qui l'ont eue.

PATRICK ROGER
Oui, c'est ça, dossier déposé veut dire aussi dossier accepté ou pas ?

EMMANUELLE WARGON
Alors, entre déposé et accepté, il y a toujours un petit décalage…

PATRICK ROGER
Oui, c'est ça.

EMMANUELLE WARGON
D'abord il y a le temps de traitement, forcément il y a quelques semaines entre le moment où vous déposez et le moment où vous avez la réponse, en général c'est 2 semaines. Et puis après il y a quelques dossiers qui ne sont pas dans les clous, c'est normal, vous déposez un dossier et en fait vous n'êtes pas éligible. Donc l'année dernière on avait 750 000 dossiers déposés, et 660 000 dossiers acceptés. Donc, voyez, c'est l'ordre de grandeur.

PATRICK ROGER
Qui y a droit alors à cette PrimeRenov, pour rappeler, parce que c'est quand même un petit peu compliqué dans les démarches.

EMMANUELLE WARGON
Alors, MaPrimeRenov, c'est ouvert à tout le monde, à tous les Français, à tous les propriétaires, que vous soyez propriétaire occupant, donc vous habitez chez vous, ou propriétaire bailleur, vous mettez en location une maison ou un appartement, vous y avez droit. Après, quand vous gagnez beaucoup d'argent, vous avez MaPrimeRenov assez basse, et quand vos revenus sont modestes ou très modestes, vous avez MaPrimeRenov plus haut. Donc c'est normal, on aide plus ceux qui en ont le plus besoin. Et après, si vous voulez juste remplacer une chaudière par une chaudière gaz, vous allez être moins aidé que si vous voulez la remplacer par un poêle à granulés, par une pompe à chaleur, qui est plus écologique. Donc ça dépend aussi des travaux que vous faites. C'est pour ça que je ne peux pas vous dire, c'est 2 000 €, c'est 5 000 €.

PATRICK ROGER
C'est lié beaucoup aux revenus.

EMMANUELLE WARGON
C'est lié aux revenus, il y a 4 catégories de revenus, et c'est lié aux travaux.

PATRICK ROGER
Et est-ce que c'est évidemment aussi lié aux, parce qu'on parlait en fait des locataires tout à l'heure, et notamment dans le domaine privé, il y a le domaine public, mais dans le domaine en fait privé, est-ce que ces aides sont possibles aussi pour des propriétés ?

EMMANUELLE WARGON
Absolument. C'est très important. On l'a ouvert l'année dernière, ces aides sont ouvertes pour les propriétaires qui mettent en location, parce que sinon on est dans un espèce d'angle mort bizarre, où c'est le locataire qui a froid, parce que son logement dans lequel il vit tous les jours est mal isolé, et c'est locataire qui a des factures de chauffage très importantes, et puis le locataire ne peut pas faire les travaux, parce que les travaux c'est du ressort du propriétaire, et le propriétaire finalement il n'a pas tellement d'intérêt à faire des travaux, vu que c'est pas sa facture qui va bouger. Et il n'y avait pas d'aides aux propriétaires ou très très peu, donc là où l'a ouvert, donc tous les propriétaires peuvent avoir accès à MaPrimeRenov.

PATRICK ROGER
Oui, bon, après, ça dépend aussi des copropriétés, mais ça c'est plus technique. Bien souvent…

EMMANUELLE WARGON
Alors, on a même ouvert MaPrimeRenov copropriété, non, vous avez raison, c'est très important, et avant vous aviez une copropriété, mettons je ne sais pas moi, 70 lots, 70 appartements, il fallait faire 70 fois un dossier. Aujourd'hui, vous avez une copropriété, un dossier, c'est le syndic qui fait le dossier, c'est la copropriété qui a l'aide, et après ça se déduit de la facture de chaque copropriétaire. Donc on l'a beaucoup beaucoup simplifiée, et ça démarre bien maintenant dans les copropriétés.

PATRICK ROGER
Et la rénovation ? Encore un mot sur la rénovation énergétique dans le parc du logement social. Parce que les passoires elles sont souvent dans le logement social. Comment ça va fonctionner ?

EMMANUELLE WARGON
Alors, on en a un petit peu moins en réalité dans le logement social, que dans le logement en général, puisque c'est 17, 18% des appartements et des maisons qui sont vraiment ce qu'on appelle des passoires thermiques, c'est-à-dire quand vous chauffez, vous chauffez l'extérieur. C'est plutôt 14% dans le parc HLM.

PATRICK ROGER
Ah bon ? Ah ben alors on n'a pas visité les mêmes appartements.

EMMANUELLE WARGON
Eh bien,14%, il en reste, si vous voulez, les HLM c'est 6 millions de familles.

PATRICK ROGER
Non mais quand vous parlez aux bailleurs, et en fait à l'ensemble…

EMMANUELLE WARGON
Mais en tout cas il en reste, il en reste.

PATRICK ROGER
Il en reste énormément, quand même.

EMMANUELLE WARGON
Donc on a mis 500 millions d'euros dans le plan de relance pour financer, subventionner les HLM. Eux-mêmes mobilisent leur argent et leurs fonds propres, et puis après, dans certains cas, c'est vraiment des logements qui sont en très mauvais état, ils rentrent dans les programmes de rénovation urbaine, et dans certains cas on va même jusqu'à démolir et reconstruire. Mais les bailleurs sociaux se sont engagés, eux-mêmes, à avoir terminé les travaux dans toutes les passoires thermiques d'ici il me semble 2026. D'accord. Bon ben donc voilà, c'est la bonne nouvelle pour eux…

EMMANUELLE WARGON
Donc, ça bosse, ça bosse, et ça fait du boulot pour les entreprises du bâtiment. Je peux vous dire que ça tourne.

PATRICK ROGER
Et espérons que ces promesses seront tenues, parce que la promesse du choc…

EMMANUELLE WARGON
Mais vous savez que l'on a interdit la location des passoires thermiques, les pires, à partir de 2025, et ça va s'appliquer aussi aux bailleurs sociaux.

PATRICK ROGER
Il y a quand même… Oui, là il y a beaucoup, pour tous les professionnels de l'immobilier, il y a des tractations qui sont en cours, parce que sinon tout ne sera pas possible en fait.

EMMANUELLE WARGON
Si vous voulez, l'interdiction 2025, c'est vraiment les pires, c'est les G, c'est les étiquettes les plus consommatrices. Et ce que l'on voit, c'est qu'on voit pas mal de transactions sur ces biens en ce moment. Et c'est assez intéressant, parce que ça veut dire que les propriétaires les vendent et que les personnes qui les achètent, vont faire les travaux quand elles achètent, que ce soit pour mettre en location ou pour habiter. Et donc ça veut dire qu'au contraire ça sera une opportunité peut-être d'acheter un peu moins cher, parce que forcément il y a des travaux à faire, et de faire les travaux.

PATRICK ROGER
La promesse du choc de l'offre d'Emmanuel MACRON en 2017, elle s'est envolée, il n'y a pas eu suffisamment de constructions de logements neufs, et puis aussi dans le parc HLM, c'est ce que disent aussi le… Pourquoi, pourquoi cet échec ?

EMMANUELLE WARGON
En fait, quand on fait le bilan, on regarde les chiffres. Et là on a regardé les chiffres évidemment avec attention, finalement on a plus de permis de construire en valeur absolue, à peu près 2,2 millions, dans ce quinquennat, qui a quand même eu la crise Covid, l'arrêt total des permis de construire, etc., que dans le quinquennat précédent. On est 100 000 au-dessus. Donc finalement, l'offre elle s'est bien développée et elle s'est développée plus que dans la période précédente, malgré la crise. Non seulement on a repris un rythme qui va bien, mais surtout on a rattrapé le retard.

PATRICK ROGER
Là, ça redécolle, on l'a vu, mais…

EMMANUELLE WARGON
Ça redécolle vraiment bien, et du coup, finalement…

PATRICK ROGER
Mais ça arrive en fin de quinquennat.

EMMANUELLE WARGON
Eh bien on se bat jusqu'au bout, chaque jour compte, chaque mois compte, jusqu'au dernier quart d'heure.

PATRICK ROGER
C'est la réglementation qui était peut-être trop complexe et vous n'avez pas réussi encore aussi à aller, notamment la réglementation environnementale, et beaucoup d'autres ?

EMMANUELLE WARGON
Alors, on a simplifié un certain nombre de réglementations, mais c'est vrai que la réglementation c'est un combat permanent, et puis que le logement a aussi besoin d'être écologique, c'est-à-dire on a besoin, on parlait de rénovation, la qualité de la construction, c'est aussi important qu'on prépare du logement pour les générations futures. Mais c'est vrai que la réglementation, on peut encore y travailler.

PATRICK ROGER
Bon, c'est vrai. Est-ce que vous n'avez pas ce sentiment quand même aussi, dans toute cette crise du pouvoir d'achat, qu'on n'en parle pas suffisamment d'ailleurs dans la campagne électorale, que c'est de l'immobilier, le logement, souvent c'est le premier poste en fait pour beaucoup en fait de ménages, et de plus en plus, et là vous n'avez pas réussi à limiter les prix.

EMMANUELLE WARGON
Alors, moi vous savez, bien sûr je pense que le logement c'est un sujet très important, c'est 20% du budget des ménages.

PATRICK ROGER
C'est votre deuxième peau, le logement.

EMMANUELLE WARGON
Exactement, c'est là où vous vivez, c'est votre cocon, c'est là où vous vous trouvez. Le logement a été encore particulièrement important pendant la crise Covid, puisqu'évidemment on a tous passé beaucoup plus de temps chez nous que dans une période normale. Et puis voilà, 20% des dépenses des Français. Donc c'est un sujet…

PATRICK ROGER
C'est le minimum ça en plus, c'est…

EMMANUELLE WARGON
C'est en moyenne, vous prenez le budget moyen, vous arrivez à peu près à 20% de dépenses. Donc oui c'est extrêmement important. Sur les prix, c'est aussi pour ça que moi je suis finalement favorable à l'encadrement des loyers, on a d'ailleurs accepté de le rouvrir, donc on a des collectivités nouvelles qui vont y rentrer, je pense au Pays basque par exemple, qui est face à une crise. C'est aussi pour ça qu'il faut construire, c'est aussi pour ça qu'il faut construire de façon un peu innovante, voyez. Il y a quelque chose qui s'appelle le bail réel solidaire, alors je suis désolée, parce que dans le logement on commence vite avec des sigles. Vous achetez en fait juste les murs, mais pas le terrain, ça vous permet d'acheter à peu près à la moitié du prix du marché, c'est porté par un organisme solidaire, et ça, ça permet de faire de l'accession à la propriété différemment, beaucoup moins cher, pour des jeunes, pour des gens qui s'installent, donc on a encore plein d'innovations à apporter pour lutter contre les prix chers dans le logement.

PATRICK ROGER
Oui, alors parmi les propositions des candidats, alors il y a 700 000 logements par exemple sociaux pour Yannick JADOT, et de son côté lui Eric ZEMMOUR ne veut plus de… il veut revoir les lois en fait sur la réglementation pour les logements sociaux dans les communes. Faire sauter en fait un peu ce…

EMMANUELLE WARGON
Le logement social c'est dingue comme ça polarise en réalité. Moi je soutiens très forcement le logement social, on en a besoin. C'est le logement des ménages modestes, c'est aussi le logement des classes moyennes, c'est-à-dire, si on en avait suffisamment, 70% des Français pourraient prétendre à demander un logement social. Donc on voit qu'on a besoin d'en construire plus et on a besoin donc construire partout. Eric ZEMMOUR il utilise ça pour stigmatiser les étrangers, les Français qu'il n'aime pas, les gens dont il ne veut plus, et s'il pouvait éradiquer les banlieues c'est ce qu'il ferait.

PATRICK ROGER
Ah ben non, mais il dit aussi qu'il y a une surreprésentation des immigrés dans les logements HLM.

EMMANUELLE WARGON
Non, mais 80% des locataires des HLM sont Français, il n'y a pas de sujet.

PATRICK ROGER
31% immigrés, en fait, dans les HLM.

EMMANUELLE WARGON
Non, 20.

PATRICK ROGER
31, non ?

EMMANUELLE WARGON
Alors, je ne sais pas, moi mes chiffres…

PATRICK ROGER
31% des immigrés sont dans des HLM.

EMMANUELLE WARGON
Moi, les chiffres que j'ai, c'est 80% des locataires des HLM sont Français.

PATRICK ROGER
Voilà, c'est ça, sont Français, et puis ensuite il y a les 20% et… Bon, c'est 31% des immigrés par ailleurs, qui sont dans ces HLM. Ces chiffres avaient été vérifiés. Autre chose, des HLM qui sont devenus une terre d'islamisation du pays, dit Eric ZEMMOUR. Qu'est-ce que vous lui répondez ?

EMMANUELLE WARGON
En fait, Eric ZEMMOUR, il voit l'islamisation et l'Islam partout, et il voit ce sujet comme la seule clé de lecture des problèmes de la France. Dans certains quartiers de logement social, on a d'abord des questions de pauvreté, parce qu'on a beaucoup de ménages qui sont en situation difficile. Quand on retravaille avec la politique de la Ville, on détruit dans certains cas des ensembles, que ce soit d'ailleurs des logements sociaux ou des copropriétés qui sont en très mauvais état, et on reconstruit en essayant de reconstruire différemment, et aussi en essayant de proposer à des populations nouvelles de s'installer. Donc pour moi il ne faut pas confondre une question sociale, et une question d'identité. Pour moi c'est d'abord une question sociale.

PATRICK ROGER
Elles sont liées parfois…

EMMANUELLE WARGON
Et c'est le travail sur la lutte contre les inégalités qui est important.

PATRICK ROGER
Elles sont liées, Emmanuelle WARGON, vous ne pouvez pas le nier, c'est lié bien souvent. En fait des zones de non-droit, des zones où il y a du trafic de drogue, des zones, je vous invite à lire en fait ce livre "Défense d'entrer", dans ces quartiers prioritaires, où c'est invivable aussi pour les gens qui sont sur place.

EMMANUELLE WARGON
Non mais bien sûr qu'il ne faut pas être dans le déni. Bien sûr qu'on a des quartiers qui cumulent des problèmes de pauvreté, des problèmes de drogue, des problèmes de trafic, des quartiers dans lesquels il faut faire respecter la promesse républicaine…

PATRICK ROGER
Où il y a un basculement de populations, d'ailleurs, c'est France Stratégie qui le dit.

EMMANUELLE WARGON
Des quartiers dans lesquels il faut que la police puisse être présente, et qu'elle fasse respecter le droit, des quartiers dans lesquels il faut que l'école soit au rendez-vous, parce que c'est l'école qui permet l'égalité des chances entre tous. Donc dans ces quartiers-là, c'est pour ça qu'on a remis beaucoup d'argent sur la politique de la Ville, sur la rénovation urbaine, on avait 5 milliards d'euros au début du quinquennat, on est à 12. Et effectivement ça n'est pas qu'une question d'urbanisme, c'est aussi une question de sécurité, c'est aussi une question d'école, c'est aussi une question de lutte contre les trafics. Et vous savez, le gouvernement est très ferme sur ce sujet.

PATRICK ROGER
Un mot sur la sortie de Yannick JADOT, qui continue de faire parler un petit peu, qui a qualifié Eric ZEMMOUR de "juif de service pour les antisémites".

EMMANUELLE WARGON
Moi, ce qui me semble, c'est qu'Eric ZEMMOUR libère la parole de haine contre les étrangers, contre les musulmans, contre tous ceux qui ne sont pas "bon Français". Et cette parole de haine, en général elle finit par charrier de l'antisémitisme. Et quand Éric ZEMMOUR questionne la culpabilité ou pas du capitaine DREYFUS, sujet qui était clos en France depuis bien une centaine d'années, quand Eric ZEMMOUR reparle de Vichy en remettant en cause le rôle de Vichy dans l'extermination des juifs, finalement il libère une parole antisémite. Donc la question ce n'est pas l'identité d'Eric ZEMMOUR, ça je pense que c'est une formule déplacée de la part de Yannick JADOT. Mais, Eric ZEMMOUR, dans son discours, en réalité il libère non seulement la haine de l'étranger, mais il libère l'antisémitisme.

PATRICK ROGER
Et donc, mais alors, vous n'êtes pas d'accord quand même avec ce qu'a dit Yannick JADOT.

EMMANUELLE WARGON
Non, c'est ce que je vous dis, je pense que sa formule est totalement déplacée. Mais il est vrai qu'Eric ZEMMOUR contribue à libérer un antisémitisme latent dans le pays…

PATRICK ROGER
Mais attendez, pourquoi il libère l'antisémitisme ? Je ne comprends pas pourquoi.

EMMANUELLE WARGON
Parce que, quand il…

PATRICK ROGER
C'est autre chose que de parler en fait de Vichy, même si évidemment on peut contester ce qu'il a dit, mais c'est autre chose, ce n'est pas forcément libérer l'antisémitisme.

EMMANUELLE WARGON
Mais parce que, dès que vous avez un discours dans lequel vous classez les Français en deux catégories, les bons Français et les Français qui en fait ne devraient pas être Français.

PATRICK ROGER
Ça c'est vous qui le dites, ça.

EMMANUELLE WARGON
Mais quand il explique que les Français musulmans ne peuvent pas vraiment s'intégrer et être des Français comme les autres, parce que le simple fait d'être musulman ça vous empêche d'être dans la communauté nationale, même s'il ne parle pas des juifs, en réalité très vite ce discours appliqué aux musulmans, s'applique aussi aux juifs. Donc en ce sens il libère une parole de catégorisation des Français.

PATRICK ROGER
Bon, c'est une interprétation. On lui posera la question, c'est une interprétation de…

EMMANUELLE WARGON
En tout cas, moi c'est comme ça que je le comprends.

PATRICK ROGER
C'est votre lecture. Merci Emmanuelle WARGON, qui était notre invitée ce matin, ministre en charge du Logement.

EMMANUELLE WARGON
Merci à vous.

Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 février 2022