Déclaration de M. Jean Castex, Premier ministre, en réponse à des questions sur la situation en Ukraine, Assemblée nationale, 22 février 2022.

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Circonstance : Séance des questions d'actualité à l'assemblée nationale le 22 février 2022

Texte intégral

La situation que traversent le monde et l'Europe est effectivement très préoccupante. À cet égard, je n'imaginais pas un seul instant, cher président Abad, que cette question puisse faire l'objet, sur aucun banc, d'une exploitation politicienne, et je suis certain que les jours qui viennent nous le démontreront.

La France, qui préside par ailleurs le Conseil de l'Union européenne depuis le 1er janvier dernier, par la voix du Président de la République, n'a jamais ménagé ses efforts - je vous remercie de l'avoir rappelé - afin de faire prévaloir le dialogue et la voie diplomatique et n'a cessé d'agir dans un cadre multilatéral.

Vous constatez que ces efforts n'ont pas été complètement suivis d'effet.

Evidemment, cela ne saurait, en quoi que ce soit, invalider leur absolue nécessité, ni la recherche inlassable de la paix par la France et ses alliés occidentaux.

Hier soir, par les actes et les déclarations du président Poutine, la Russie a franchi une étape supplémentaire, que nous avons condamnée avec la plus grande fermeté. Oui, la Russie se met en marge du droit international. Oui, la Russie viole les accords de Minsk, qu'elle avait elle-même signés.

Dans le même cadre multilatéral européen et onusien, la France portera maintenant la voix à la fois de la poursuite du dialogue et du soutien indéfectible au peuple ukrainien, ainsi que celle des sanctions qui doivent être apportées à ces faits inqualifiables.

Au moment où je vous parle, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, dont je vous prie, en ces moments solennels, d'excuser l'absence devant votre assemblée, se trouve aux côtés de ses homologues européens pour discuter, notamment sur la base de propositions de la Commission européenne, des sanctions que cette situation appelle.

Nous voyons que la politique intérieure n'est jamais bien loin ; on se demande pourquoi ! Je rappelle tout de même à la représentation nationale que l'auteur des faits qui sèment le trouble et portent atteinte à la paix dans le monde et à l'intégrité d'un État s'appelle M. Poutine. De grâce, alors que la France fait tout ce qu'elle peut pour empêcher l'escalade, soyons soudés et rassemblés plutôt que portés à tirer des profits politiciens de la situation.

Quant au Mali, j'ai souhaité qu'un débat soit organisé au Parlement, au titre de l'article 50-1 de la Constitution : à l'Assemblée nationale, il est prévu juste après cette séance de questions au Gouvernement.

Vous m'interrogez sur les suites que la situation exige : je les ai déjà évoquées dans ma réponse au président Abad. Les ministres des affaires étrangères européens sont actuellement réunis de manière extraordinaire pour décider de sanctions. Hier soir, à la demande de la France, le Conseil de sécurité des Nations unies s'est réuni pour tirer toutes les conséquences de cette situation inadmissible.

Enfin, vous avez évoqué la loi de programmation militaire : il s'agit d'un vrai sujet car s'il est exact que nous ne parvenons pas à maîtriser complètement la politique russe, nous sommes responsables de la politique de défense nationale de la France. Dans la décennie ayant précédé cette loi de programmation militaire, la France consacrait entre 30 et 31 milliards d'euros par an à sa défense nationale ; en 2021, elle lui a affecté, grâce à votre vote, mesdames et messieurs les députés, 39,3 milliards d'euros ; en 2022, cette somme atteindra 41 milliards d'euros grâce à vous. Voilà des chiffres et des faits concrets, pas des effets de manche !

Vous me permettrez une divergence concernant un élément important de votre intervention. Vous dites d'emblée que nous ne devons pas prendre de sanctions contre la Russie. Or ce n'est pas une réponse possible à l'agression caractérisée que vous avez vous-même rappelée. Comme je l'ai déjà expliqué lors de mes précédentes réponses, j'estime au contraire que nous devons au minimum faire montre de la plus grande fermeté et ne pas accepter l'inacceptable.

Toutefois, la France continuera à œuvrer diplomatiquement pour trouver une issue favorable à la paix, à la condition que la souveraineté de l'Ukraine soit pleinement respectée. Voilà sur quoi portent les débats à l'intérieur de l'OTAN et avec les Russes. Tel n'est pas le cas, or c'est un préalable.

Je rejoins la précédente intervention du groupe Socialistes et apparentés : la représentation nationale a droit à certaines informations relatives à ce sujet, qui changent continuellement. La possibilité a été évoquée d'organiser un débat, conformément à l'article 50-1 de la Constitution.

Je ne l'exclus pas par principe. Etant donné l'évolution de la situation, je vous propose de réunir un comité de liaison avec les présidents des groupes et les présidents des commissions compétentes, en votre présence, monsieur le président. Cela permettrait de maintenir en permanence un lien et de vous délivrer l'information qui vous est due.

Ce comité pourrait se réunir pour la première fois dès vendredi après-midi, sur le modèle de ce que nous avions fait s'agissant de la crise sanitaire.

Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 février 2022