Extraits d'un entretien de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, avec France Inter le 13 mars 2022, sur le conflit en Ukraine.

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Média : France Inter

Texte intégral


(...) Q - Bonjour Jean-Yves Le Drian.

R - Bonjour.

Q - Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation. (...) Des frappes sur une base militaire près de Lviv, l'une des villes les plus à l'Ouest du pays, on est à 70 kilomètres de la Pologne, et donc de l'Union européenne. On parle, ce matin, d'au moins neuf morts. Est-ce que ce matin, vous vous dites que Poutine se rapproche de plus en plus de nous ?

R - Non, il y a une constatation qu'il faut faire, c'est que nulle part en Ukraine, aujourd'hui, on est l'abri des bombes, et que l'attaque des forces russes est globale sur l'ensemble du territoire. Alors, que ce soit proche ou loin de telle ou telle frontière, ce n'est pas le sujet. Le sujet, c'est que toute l'Ukraine est aujourd'hui sous le feu de l'action des forces russes. Ce que je constate aussi, malheureusement, c'est que rien ne bouge d'une certaine manière. D'un côté, on voit un renforcement des frappes de manière indiscriminée. Là, c'est sur un site militaire. Mais les frappes continuent sur des sites civils. La logique, on en parlera peut-être tout à l'heure, mais la logique des sièges, de la guerre des sièges, se poursuit, ce qui nous indique que nous sommes dans la durée, et que, par ailleurs, les conversations, les discussions que peuvent avoir le président Macron avec, hier, le chancelier Scholz et puis le président Poutine, n'avancent pas, puisque le président Poutine est bloqué dans son maximalisme. Il est bloqué dans ses objectifs de guerre, il n'en démord pas, il agit sous la forme d'un diktat qu'il veut imposer à l'Ukraine, ce qui est vraiment insupportable.

(...)

Q - Jean-Yves Le Drian, vous avez entendu Franck Mathevon nous raconter une ville de Kiev qui résiste, qui vit au rythme des alertes, qui continue tout de même à vivre ; on peut trouver du café dans la ville nous disait tout à l'heure Franck en préparant l'entretien. Est-ce que vous avez peur pour Kiev aujourd'hui ?

R - La Russie et les forces russes sont rentrées dans une logique de guerre que j'ai appelée tout à l'heure la guerre des sièges. C'est ce que l'on voit à Kharkiv, c'est ce que l'on voit à Marioupol, c'est ce qu'on risque de voir à Odessa, et c'est ce qu'on risque de voir à Kiev. Mais cette logique de siège, c'est une grande habitude, de la manière dont les Russes font la guerre. On a eu les précédents de Grozny et d'Alep. Je me souviens qu'au début du conflit, à l'égard d'un de vos confrères de France Inter, j'avais dit : "Attention, on va rentrer dans une logique de guerre, parce que la pénétration qui a été initiée sur le Donbass ne marche pas, parce que la résistance est tellement forte qu'il va falloir maintenant changer de stratégie et rentrer dans une stratégie de siège".

Alors, la stratégie de siège, c'est une stratégie bien expérimentée. Ça veut dire : on bombarde de manière indiscriminée - hôpitaux, pour faire peur, pour semer l'effroi des populations- ; ensuite, on laisse croire qu'on met des couloirs humanitaires, qu'on ne respecte pas obligatoirement et qu'on accuse l'autre de ne pas respecter. Ensuite, on dit : ceux qui ne sont pas sortis, ce sont des terroristes ou ce sont des nationalistes ou ce sont des néonazis, et donc ils sont coupables, et alors on re-bombarde. Et ensuite, on essaie d'ouvrir des négociations qui sont généralement des négociations factices, dont on accuse les autres de quitter.

J'ai pu observer cela, il y a deux jours ou trois jours, puisque mon collègue Kuleba, le ministre des affaires étrangères ukrainien, s'est rendu en Turquie, rencontrer le ministre russe Lavrov. Il ne s'est rien passé alors que sur un des sujets - il faudra qu'on en reparle - des buts de guerre de Vladimir Poutine, Kuleba était arrivé avec une proposition de discussion sur le statut de l'Ukraine, sur les garanties de sécurité. Bref, il demandait pour tout cela un cessez-le-feu, parce que très profondément, on ne peut pas discuter de quoi que ce soit, avec un revolver sur la tempe. Le préalable de tout, c'est d'ailleurs ce qu'Emmanuel Macron a demandé hier avec beaucoup d'insistance au Président Poutine, c'est le cessez-le-feu, pour qu'on puisse discuter. Or là, nous sommes devant un mur, une logique de siège qui risque de durer longtemps, si bien que devant cette situation, je pense que le pire est encore devant nous.

Q - Cela veut dire que vous êtes quand même très pessimiste, ce matin ?

R - Oui, je suis pessimiste parce qu'à un moment donné on a pu croire qu'il y avait quelques petits espaces et les petits espaces semblent se refermer, avec le renforcement des actions militaires et avec le blocage des discussions.

Q - Est-ce qu'en même temps, l'Europe n'est pas dans une situation de plus en plus bloquée et coincée, elle aussi, entre la Russie qu'on refuse d'attaquer et puis l'Ukraine qui nous pousse, de plus en plus, à y aller ? Est-ce qu'on ne va pas être obligés, nous aussi, de changer notre stratégie ?

R - Non, parce que nous avons une logique très forte de soutien aux Ukrainiens qui s'articule autour de trois axes. Le premier, c'est la logique des sanctions. Il y a eu des sanctions, il y en aura d'autres. Elles ont pour but d'élever le coût de la guerre, le prix de la guerre à l'égard de Vladimir Poutine ; qu'il soit forcé à un moment donné de faire un arbitrage entre ce que ça coûte pour son pays, pour son peuple et les conséquences dramatiques que cela peut entraîner et l'ouverture de discussions. C'est pour ça qu'il faut garder un canal de négociations possible, c'est pourquoi le Président de la République garde malgré tout de manière obstinée une relation avec Poutine pour que, à un moment donné, quand ça vient, il soit possible de se parler. Donc, nous avons cet engagement-là. Nous avons un engagement de soutien aux équipements militaires qui est considérable : un milliard d'euros. Mais on n'a jamais vu ça !

Q - À l'échelle de l'Union européenne.

R - Oui, mais c'est énorme.

Q - En armes défensives ?

R - En armes défensives.

Q - Mais létales ?

R - Mais létales, et c'est ce que demandent les Ukrainiens. Si on constate, aujourd'hui, avec beaucoup de respect et d'admiration, le fait que l'Ukraine tient au bout de maintenant 17 jours, 18 jours, l'Ukraine tient, le Gouvernement tient, Zelensky tient.

Q - Et ça, vous pensez que c'est grâce à l'envoi d'armes défensives ?

R - Aussi. Grâce à leur courage, grâce à leur organisation, grâce à la force de la nation ukrainienne, mais grâce aussi au soutien des équipements que nous pouvons apporter.

Q - Ces envois d'armes, justement, le vice-ministre des affaires étrangères russe Sergueï Riabkov a affirmé que ces convois qui livrent des armes aux Ukrainiens pourraient être considérés comme des cibles par les Russes. Est-ce que vous prenez cette menace au sérieux ? Est-ce que ça impliquerait de fait une confrontation directe entre l'OTAN et la Russie ?

R - Je n'imagine pas une telle hypothèse et je ne prends pas, si j'ose dire, pour argent comptant, les déclarations diverses et variées de l'ensemble des responsables russes. Donc, nous ne sommes pas en guerre avec la Russie. L'Union européenne n'est pas en guerre avec la Russie. L'OTAN n'est pas en guerre avec la Russie. La Russie est en guerre contre l'Ukraine. L'Ukraine est un pays ami, nous le soutenons, mais nous ne sommes pas en guerre contre la Russie.

Q - Mais justement, Monsieur Le Drian, à chaque fois que vous dites ça, en Europe et aux Etats-Unis, est-ce que ça ne renforce pas, quelque part, la position de Vladimir Poutine qui, finalement, a l'impression qu'il continue et que personne ne lui barre vraiment la route ? Est-ce qu'il ne mise pas aussi sur une lassitude des opinions occidentales ?

R - Je pense que l'émotion des opinions occidentales est assez forte et il faut qu'elle soit entretenue, parce que la force de l'émotion d'aujourd'hui qui est tout à fait extraordinaire, la force de la solidarité européenne est tout à fait extraordinaire. La force de la solidarité des pays voisins de l'Ukraine, je pense à la Pologne, à la Roumanie, que vous avez citées tout à l'heure, c'est exceptionnel. Il faut que ça dure, parce que cette guerre sera longue, sauf arrivée au moment où elle ne sera plus possible pour Vladimir Poutine devant l'ampleur des conséquences des sanctions que nous mettons en oeuvre. Et ces sanctions-là elles commencent à peser lourdement et continueront à peser. Et nous sommes aussi solidaires des Ukrainiens par l'aide financière que nous leur apportons de manière régulière.

Q - Le grand sujet au sommet de Versailles, c'était quand même est-ce qu'on peut se passer du gaz russe. Et en fait on ne s'en passe pas et on alimente la Russie presque quotidiennement avec 700 millions de dollars, donc, on finance, d'une certaine façon, l'effort de guerre russe. Comment est-ce qu'on peut mettre un terme à cette situation-là ?

R - D'abord deux choses sur les sanctions, mais je crois qu'on va y revenir tout à l'heure. D'abord en ce moment même, est en train de se préparer un nouveau train de sanctions qui devrait être applicable dès aujourd'hui, une fois que l'accord entre les ambassadeurs va être conclu, à la fois pour interdire l'importation de fer et d'acier de Russie, à la fois pour interdire l'exportation de biens de luxe, à la fois pour empêcher tout investissement dans le pétrole et dans les raffineries en Russie, à la fois pour élargir la liste des oligarques. Donc, on ajoute des sanctions qui sont immédiatement opérables, qui n'ont jamais été pris aussi rapidement par les Européens que maintenant. Cela va peser. Et sur la question que vous évoquez, c'est-à-dire l'importation de gaz et de pétrole russes, le Président de la République a bien dit clairement à l'issue du sommet européen qu'il n'y avait pas de tabou et que tout était sur la table.

Q - La France pousse alors ?

R - Je n'en dis que cela.

Q - Je reviens sur l'Ukraine qu'on soutient fermement quand on est Européen et quand on est Français. Malgré tout, est-ce que les Ukrainiens ne sont pas en train d'aller très loin ? Je reviens sur cette idée-là. Quand on voit la vidéo qu'on a découverte sur les réseaux sociaux, cette vidéo où on attaque Paris, où Paris est bombardée...

Q - Vidéo qui est partagée par le Parlement ukrainien.

Q - Et qui est partagée par le Parlement ukrainien, alors là, on est clairement dans la propagande ukrainienne. Est-ce que les Ukrainiens ne sont pas en train d'aller trop loin, malgré tout ?

R - Je comprends que le président Zelensky veuille gagner, continuer à gagner ce qu'il fait, c'est-à-dire la bataille de la communication. Il l'a gagnée en interne, parce qu'il y a, dans tous ces malheurs, une chose qui est réalisée, c'est la consolidation de la nation ukrainienne. Moi, j'étais allé plusieurs fois en Ukraine, avant, la posture politique en Ukraine était quand même assez aléatoire. Là, il y a une force, une unité qui s'est créée autour du président Zelensky qui fait que non seulement la nation est consolidée, y compris à Kharkiv, chez les russophones, mais que par ailleurs ils ont gagné la bataille de l'information à l'extérieur. Alors après, on fait des...

Q - Mais il nous pousse à être à ses côtés en fait.

R - Mais on est à ses côtés.

Q - Mais dans cette guerre.

R - Mais on est à ses côtés avec les moyens massifs que nous avons mis en oeuvre. Il le sait, nous en parlons régulièrement, même avant la guerre.

Q - On va poursuivre justement cette discussion sur ce que nous pouvons, nous, Européens, membres de l'Union européenne. Jean-Yves Le Drian est avec nous jusqu'à 13 heures. Les dirigeants des 27 se sont réunis au château de Versailles, jeudi et vendredi derniers. Peu d'avancées concrètes vous avez dit. 500 millions de plus d'envoi de matériel militaire tout de même dans le pays, ce n'est pas rien. Un agenda, des réunions de travail, des groupes de travail, une clause de revoyure, est-ce que vous comprenez la déception des Ukrainiens et du président Zelensky ou vous les trouvez quand même un peu gonflés ?

R - Non, mais je suis très admiratif du président Zelensky que je connais bien. Je parle tous les jours avec mon collègue Kuleba. Il y a le message interne qu'il développe, et je comprends, pour mobiliser. Et puis, il y a aussi la réalité de ce que l'on peut faire, de ce que l'on doit faire. Je redis : nous avons un triptyque de soutien à l'Ukraine qui est considérable. Par ailleurs, l'Ukraine a dit : je voudrais devenir européenne, mais il y a déjà eu des engagements européens. Rappelez-vous que dans la crise de Maïdan en 2014, c'était parce qu'il y avait l'accord d'association entre l'Ukraine et l'Union européenne qu'il y a eu toutes ces manifestations et, finalement, ce changement d'évolution politique de l'Ukraine. Donc, il y a déjà un processus qui est engagé. Mais les Européens ont affirmé très clairement dans ce sommet que le destin de l'Ukraine était européen, que l'Ukraine faisait partie de l'Europe et qu'il fallait maintenant essayer de concrétiser, dans toute une série de réflexions, comment ça pouvait se passer après. Mais ce dont il faut bien se rendre compte, c'est qu'après la guerre l'Ukraine ne sera plus pareille, mais l'Europe non plus.

Q - Tiens, après la guerre...

R - Et qu'il nous faudra, à un moment donné, réarticuler nos dispositifs pour permettre une nouvelle conception de l'Europe, et c'est ce champ de travail qui a été ouvert à Versailles. Parce qu'à Versailles, il y a eu la définition d'un agenda de l'Europe, il y a désormais un agenda de Versailles, un agenda de souveraineté de l'Europe qui a été affirmé et cette évolution-là est considérable. Et il a été affirmé dans l'unité.

Q - Il y a quoi dans cet agenda ?

R - Dans l'agenda, je peux vous le développer, il y a d'une part un agenda sur l'énergie et l'autonomie énergétique de l'Europe. Il va se passer en deux temps. Premier temps : d'ici quinze jours, la Commission européenne va faire des propositions pour l'hiver prochain, pour essayer d'assurer notre souveraineté énergétique, très rapidement, en diversifiant les circuits d'approvisionnement, en évitant le plus possible d'être soumis à la pression des énergies fossiles russes, en faisant en sorte qu'il y ait aussi une régulation des prix et en faisant en sorte que les stocks soient rétablis, en particulier dans le domaine du gaz, tout ça dans quinze jours. Première partie du calendrier de l'énergie. Deuxième partie, il a été acté par le sommet de Versailles, à l'unanimité, que pour le mois de mai, il fallait une logique de long terme pour affirmer notre autonomie énergétique sur la durée...

Q - Dans cinq ans.

Q - 2027.

R - Oui. Mais que ce soit effectif, que ce soit systémique, et non pas là, pour des mesures d'urgence. Ça, c'est un agenda lourd qui doit aussi intégrer les mesures de transition verte et les mesures énergétiques liées à la lutte contre le réchauffement climatique. C'est énorme ! À l'unanimité.

Q - Mais c'est tout. Dans l'agenda de Versailles, c'est de ça dont on parle.

R - Non, c'est la première partie. Deuxième partie...

Q - J'espère qu'il n'y en a pas d'autres.

R - Il n'y en a que trois, si je peux aller jusqu'au bout. Alors, deuxième partie de l'agenda de Versailles, il a été décidé de renforcer nos moyens de défense et de faire en sorte qu'à la mi-mai, nous nous retrouvions sur la base des propositions qui vont être faites à la fois par le haut représentant Josep Borrell mais aussi par la commission pour identifier nos capacités insuffisantes, notre effort partagé de défense, nos investissements à faire en commun pour que l'Europe affirme sa solidité et ses capacités de défense autonome. Ce n'est pas rien. Moi, je me souviens, il y a dix ans, j'étais jeune ministre de la défense, quand j'évoquais l'hypothèse d'une petite collaboration, de coopération militaire entre deux pays au sein de l'Union, j'étais traité comme quelqu'un qui était un utopiste. Vous voyez où nous en sommes. Donc ça, c'est un point important que l'Europe, l'Union européenne affirme sa volonté d'assurer ses capacités de défense. C'est au mois de mai, c'est demain.

Q - Oui, mais attendez, c'est pour des investissements de long terme. Or la situation aujourd'hui, c'est la guerre en Ukraine.

R - La guerre en Ukraine, j'en ai parlé. Un milliard, excusez-moi du peu. Un milliard tout de suite.

Q - En fait, le sujet c'est l'Union européenne prend conscience de ses faiblesses et tente de les combler, mais est-ce qu'elle a le temps de le faire ?

R - Non, mais le milliard, c'est tout de suite.

Q - D'accord.

R - Vous me parlez de l'Ukraine, c'est tout de suite un milliard.

Q - Pour être précis, il y a deux temporalités. Il y a des mesures d'urgence pour l'Ukraine et puis à moyen terme, que l'Europe soit plus souveraine et moins dépendante de la Russie.

R - Le mois de mai, ce n'est pas le moyen terme, excusez-moi. Le mois de mai, c'est aussi urgent. Mais non, là, en ce qui concerne la défense européenne, ce n'est pas être moins dépendante de la Russie, c'est affirmer sa volonté de se défendre elle-même, et c'est énorme.

Q - Je ne suis pas sûr qu'on ait une Europe de la défense au mois de mai.

R - Ecoutez, quand je vois que l'Allemagne décide de mettre 100 milliards d'euros de plus en termes budgétaire pour sa défense et donc la défense de l'Union européenne, ce n'est pas rien quand on voit d'où vient l'Allemagne. Quand je vois que le Danemark organise un référendum dans quinze jours, trois semaines pour assurer son entrée dans le concept de défense européenne alors qu'ils ne voulaient pas y rentrer antérieurement, c'est quand même nouveau. Quand je vois que la Suède contribue à l'aide en matériel militaire de soutien à l'Ukraine, c'est quand même nouveau. Donc, il y a un agenda de Versailles, et je n'ai pas parlé de la troisième partie, mais on en parlera tout à l'heure.

Q - Mais Monsieur Le Drian, est-ce que cela impressionne Vladimir Poutine...

R - Pardon ?

Q - Est-ce que cela impressionne Vladimir Poutine parce que c'est cela la question...

R - Il faudrait que vous lui demandiez.

Q - Oui, mais de ce que vous savez aujourd'hui ? Pendant des mois, des années vous avez échangé avec votre homologue Sergueï Lavrov, le ministre russe des affaires étrangères. Qu'est-ce que vous avez, aujourd'hui, qui vous revient, non pas comme information que vous allez peut-être nous dire aujourd'hui, mais sur l'état finalement du pouvoir russe ? Est-ce qu'il y a une forme de contestation ? Est-ce qu'il y a une forme de modération autour du numéro un du Kremlin ?

R - Il est manifestement dans la réécriture de l'Histoire. Il est dans ce que j'appelle le révisionnisme, retour sur tout ce qui s'est passé depuis plusieurs dizaines d'années. Le problème, c'est qu'il fait du révisionnisme à main armée. C'est ça, Poutine, c'est le révisionnisme à main armée. Et donc, c'est la raison pour laquelle ça se combat, mais ça fragilise aussi. À partir de là, comment est-ce qu'on peut articuler sa présence, le soutien qu'il peut avoir de son peuple ? Nous ne confondons pas le peuple russe avec le président Poutine. Je vais vous donner un exemple quand même qui m'inquiète un peu. Vous avez tous vu Marianna, la jeune femme de Marioupol - je n'ai plus son nom de famille - qui a été filmée à la sortie de l'hôpital bombardé, et que le complotisme d'Etat russe a accusée d'avoir organisé à l'intérieur de l'hôpital de Marioupol une espèce de bunker de néonazis dont elle aurait été l'organisatrice.

Q - Il y a des gens qui y croient en Russie ?

Q - Le groupe Azov.

R - Alors, je vais jusqu'à là. Heureusement la petite Veronika est née, elle traduit pour moi dans ce grand moment d'émotion l'espoir de l'Ukraine et l'espoir de Marioupol. Mais si on va plus loin, dans le complotisme d'Etat et dans le révisionnisme à main armée, les lois qui ont été votées à la Douma, il y a quelques jours, condamnent à quinze ans de prison quelqu'un qui remettrait en cause l'action de l'armée et les faits annoncés par la Russie en ce qui concerne l'Ukraine. Ce qui veut dire que si quelqu'un comme moi conteste, si je suis russe, ce qui est arrivé à Marianna, il va en prison. Donc, il y a cette double dérive : une dérive très autoritaire à l'intérieur et une dérive expansionniste à l'extérieur. C'est ça le révisionnisme de M. Poutine.

Q - J'aimerais qu'on élargisse un peu la focale. Est-ce que ça vous inquiète de voir aujourd'hui un axe Moscou-Pékin, Pékin ayant été tout de même très réticent, même s'ils ont condamné l'agression, très réticent aux Nations unies à condamner effectivement l'invasion de l'Ukraine par la Russie ? Est-ce que ça vous inquiète ou est-ce que vous vous dites : "peut-être qu'on peut agir avec Pékin pour faire plier Poutine" ?

R - J'ai parlé avec mon collègue Wang Yi il y a deux jours assez longuement sur la situation. C'est vrai que la position chinoise laisse de l'ambiguïté. J'ai constaté avec intérêt qu'il me disait : "oui, il faut un cessez-le-feu", parce qu'effectivement l'urgence de l'urgence de tout, maintenant, c'est le cessez-le-feu, et tous ceux qui peuvent pousser à ce qu'il y ait un cessez-le-feu sont les bienvenus. La Chine dit : "il faut un cessez-le-feu" ; très bien, il faut qu'ils le disent aussi au Conseil de sécurité, ce serait mieux. D'autant plus qu'ils sont membre permanent.

Et donc du coup, comme quand on est membre permanent comme nous, comme la Chine, ça nous donne des responsabilités, donc il faut qu'ils assument cette responsabilité-là. Par ailleurs, tous ceux qui disent : "la Chine peut servir d'élément de substitution aux sanctions que l'on met en oeuvre", il faudra du temps. Parce que l'essentiel de l'activité économique et commerciale, aujourd'hui, de la Russie, c'est vers l'Europe, beaucoup plus que vers la Chine, y compris d'ailleurs dans le domaine gazier, y compris dans le domaine des énergies fossiles. Ils ont fait un premier pipeline, il y a quelque temps, qui s'appelle Force de Sibérie, il faudra un deuxième, un troisième, enfin, ce n'est pas demain matin. Donc, il ne faut pas non plus rester trop lié par cette image comme quoi la Chine pourrait être le substitut. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Et la Chine n'a pas intérêt à une désorganisation du commerce mondial, ce qui va se produire. Donc l'ambiguïté est là, il vaudrait mieux qu'ils en sortent.

Q - Ambiguïté ou neutralité ?

R - Ambiguïté.

Q - Vous en êtes encore à penser, malgré la guerre en Ukraine, que les interdépendances économiques, celles par exemple avec la Chine - vous évoquez l'importance du commerce mondial - est un facteur de paix aujourd'hui ? On peut encore dire ça en 2022 ?

R - Non, je me tourne vers les intérêts de la Chine. Je dis que quand on veut faire des routes de la soie un élément stratégique, quand on est en pleine guerre avec la Russie, ça ne marche plus.

Q - J'ai une dernière question diplomatique : évoquer le rôle des Etats-Unis. Est-ce que les Etats-Unis sont aux côtés de l'Europe quand l'Europe dit qu'elle veut faire une Europe de la défense, ou bien comme historiquement depuis 70 ans les Américains regardent ça avec beaucoup de réticence ?

R - Ecoutez, je trouve que dans les relations que nous avons avec les Etats-Unis sur cette crise, il y a une très grande transparence et une très grande unité de vue que je n'ai jamais rencontrée encore. On se parle très souvent. Mon collègue Antony Blinken était là, il y a trois jours, il a vu le Président de la République, je me suis entretenu avec lui, on se téléphone tout le temps. Bref, il y a vraiment des convergences sur la manière d'appréhender la situation ukrainienne, la manière de l'aider financièrement, la manière de l'aider avec des équipements militaires. Je l'évoquais tout à l'heure.

Q - Ils ont mis un milliard sur la table, eux aussi.

R - Oui. Et je trouve que c'est convenable. Et concernant la relation de défense, il n'y a plus d'interrogations sur la complémentarité de la défense de l'Union européenne pour elle-même et de sa relation avec l'action transatlantique. Au contraire, finalement, les doutes et les interrogations qui avaient eu lieu jusqu'à présent sur l'OTAN nous ramènent à l'essentiel, c'est que l'OTAN est une alliance défensive, collective, "tous pour un, un pour tous", sur la moindre parcelle du territoire quel qu'il soit de l'ensemble des membres de l'OTAN, et que tout cela va se consolider à Madrid lors du prochain sommet et sur les bases des fondamentaux de ce qu'est l'OTAN et non pas sur des hypothèses qui étaient des hypothèses extrêmement floues qui existaient auparavant.

(...)

Q - Ces derniers jours, IKEA, Apple, Microsoft, Zara, H&M, ce sont des entreprises qui ont décidé de quitter la Russie et nous nos entreprises françaises, elles sont moins pressées, je pense à Danone, je pense à Bonduelle, on a encore des usines qui tournent. Que leur dit le ministre des affaires étrangères ?

R - D'abord, le fait que des entreprises d'ampleur mondiale décident de quitter la Russie pour des raisons d'éthique, même de réputation, elles le font bien ; il y a aussi des françaises, beaucoup, je ne vais pas vous en faire la liste mais je peux faire une liste, CMA CGM, LVMH, tous les produits de luxe, bon, beaucoup d'entreprises françaises suivent le même chemin. Elles ne sont pas dans ce cas-là en application des sanctions, elles sont sur le choix volontaire de partir et c'est un exemple très, très fort. En ce qui concerne les sanctions, toutes les entreprises françaises les appliquent ; je constate aussi que Total a décidé de renoncer à tout nouvel investissement, avant même que les décisions qui vont être prises aujourd'hui ne rendent tout ça obligatoire. Les échanges entre la Russie et la France sont faibles. Il y a 2%, à peu près, si on totalise import et export ; donc, c'est un petit chiffre d'affaires. La difficulté particulière qui peut exister pour nos entreprises, c'est le fait qu'il y a des entreprises implantées en Russie - je pense entre autres à Renault par exemple ou d'autres - et qui, elles, sont dans une difficulté plus grande, mais elles sont en Russie, elles ne font pas partie de ces échanges.

Q - Donc vous leur laissez ce choix moral, éthique au-delà des sanctions ?

R - Les sanctions, elles les appliquent.

Q - Le cas de Total particulier quand même puisqu'on sait bien que les hydrocarbures, c'est ça qui nourrit le régime, qui le finance ; BP, Shell ont décidé de couper le lien avec la Russie et vous avez peut-être entendu, le candidat à la présidentielle Yannick Jadot, il dit : "Total est complice de crimes de guerre en restant en Russie."

R - Il ne faut pas non plus exagérer dans la dénomination, Total a pris déjà des dispositions importantes mais évidemment, et Total est plus exposé que BP, Shell donc c'est plus facile pour BP, Shell de dire "au revoir, je m'en vais, je n'ai pas beaucoup d'intérêt ici, et je le fais de manière éthique". Très bien. Total a pris des décisions importantes et je pense qu'il en prendra d'autres. Total respecte les sanctions, respecte les engagements de non-investissement nouveau, respecte le fait que des interdictions vont être faites dans le domaine des raffineries, et j'imagine qu'ils prendront d'autres dispositions dans l'avenir.

Q - D'autres dispositions ? Ils pourraient partir ?

R - C'est Total qui décide, c'est une entreprise privée, autonome, et qui ne prend pas d'ordre de la part du Président de la République.

Q - On entend à Moscou une petite musique sur les mesures de rétorsion et notamment que le Kremlin serait prêt à saisir et à nationaliser les biens des entreprises qui décident de partir. Est-ce que cette menace est réelle ?

R - On a une liste de menaces de la part de la Russie qui est incommensurable ; donc, ça s'ajoute aux autres menaces, pas d'autre commentaire.

Q - Ça ne vous surprendrait pas. Parlons des sanctions à présent, les Occidentaux, vous l'avez rappelé, en sont à leur quatrième paquet, et l'objectif, c'est donc de mener Vladimir Poutine à ce point où c'est trop lourd pour l'économie russe et il faudrait qu'il négocie vraiment. Aujourd'hui, la Russie est au bord du défaut de paiement, c'est ce que nous dit le FMI.

R - Oui.

Q - Et pourtant, les soldats en Ukraine ne mettent pas l'arme au pied, est-ce que vous envisagez, il y a une semaine vous disiez, ça peut aller très vite avec les sanctions, est-ce qu'aujourd'hui vous envisagez que Vladimir Poutine puisse continuer cette guerre "quoi qu'il en coûte" aux Russes ?

R - Mais c'est à lui d'arbitrer ; c'est ce que je disais tout à l'heure, à un moment donné, il va falloir qu'il apprécie s'il peut continuer à laisser la Russie, son peuple, s'affaiblir à un point parfois de non-retour pour un certain nombre d'activités, renforcer une fragilité sociale et économique qui va être manifeste ou est-ce qu'il veut trouver une solution en Ukraine ? Et c'est pour raison-là qu'il faut toujours, je le redis, obstinément garder un canal de dialogue pour que ce soit possible au moment où lui appréciera que l'étouffement, l'asphyxie de la Russie par les sanctions ne devient plus possible. Il n'est pas aujourd'hui dans cette logique-là, c'est vrai. Mais c'est la raison pour laquelle il faut poursuivre les sanctions.

Q - Et poursuivre jusqu'où ? Vous avez mentionné tout à l'heure ce mot de tabou employé par Emmanuel Macron à Versailles. Je vous propose de réécouter le chef de l'Etat.

[(Emmanuel Macron, Président de la République) - "Et si malgré ça, il intensifie les bombardements, nous savons que nous devrons prendre à nouveau des sanctions massives. Message que je veux ici vous dire, c'est que dans ce cadre-là, rien n'est interdit, rien n'est tabou."]

Q - Et donc ?

R - Je ne vais pas dire autre chose que ce que dit le Président de la République, rien n'est tabou, rien n'est interdit.

Q - S'il intensifie - "il" étant évidemment Vladimir Poutine - s'il intensifie les bombardements, nous y sommes, s'il y a un siège à Kiev ?

R - On appréciera le moment où on va le faire, mais pour l'instant un quatrième train de sanctions est pris aujourd'hui ; elles s'appliqueront très rapidement, et ensuite, c'est au président Poutine de voir quelles responsabilités il prend pour la suite.

Q - N'y sommes-nous pas ?

R - Pas encore.

Q - Mais le cinquième, le sixième train, dit-on, de sanctions sont en train d'être écrits ?

R - Vous verrez bien, je ne vais pas ici vous dire : je m'adresse au président Poutine et vous allez voir ce qui va se passer, demain ou après-demain.

Q - Alors Jean-Yves Le Drian, le tabou, l'interdit, on sait bien ce que c'est ou on croit savoir - vous allez me dire si nous nous trompons - c'est cet embargo sur le gaz et le pétrole russes, parce que là nous sommes en train de tenir en joue la Russie mais avec les mains liées par notre dépendance aux hydrocarbures, c'est ça, ce tabou ?

R - Il y a une double dépendance mais à un moment donné, il faudra peut-être une clarification, c'est au président Poutine de dire ce qu'il veut.

Q - C'est aussi aux Européens, parce que pour l'instant cette dépendance dans laquelle nous sommes ..., est-ce que l'embargo est encore sur la table ?

R - Vous n'allez pas me faire dire ce que je ne vous dirai pas. Je reprends uniquement les propositions et la détermination et du président Macron et des Européens. Il n'y a pas de tabou. Tout peut être mis sur la table.

Q - Donc on est un peu en retrait par rapport aux Etats-Unis ?

R - Oui parce que nous ne sommes beaucoup plus dépendants, donc le risque et le courage est plus fort. C'est facile pour les Etats-Unis : je me retourne vers le Venezuela avec qui je ne parlais pas depuis longtemps, et je comble mon déficit comme cela. Nous, nous sommes dans une position beaucoup plus impérative, et donc, dans ces cas-là, on prend un peu de temps de réflexion, mais si d'aventure le président Poutine décide des actions lourdes de renforcement de son action de guerre, alors, des actions massives seront prises.

Q - Mais nous savons que par exemple l'unité des Européens n'est pas acquise, s'il s'agissait de couper, de s'auto-couper le robinet du gaz et du pétrole.

R - Vous n'en savez rien.

Q - On pourra avoir un changement dans les positions ?

R - Vous ne pourrez pas me faire dire ici : demain, on va prendre telle sanction. Donc, je vous dispense de poursuivre cela si vous voulez.

Q - Je vous interroge sur l'unité des Européens.

R - Et l'unité des Européens est totale.

Q - Est-ce qu'il n'y a pas dans les limites de notre contre-attaque, au fond, l'état des opinions publiques, autrement dit la capacité des démocraties à encaisser des efforts massifs pour soutenir l'Ukraine ? Je pense, par exemple, aux économies d'énergie, au fait qu'on pourrait avoir beaucoup de hausse des prix, et on voit que dès qu'il y a cette menace, il y a l'intervention des pouvoirs publics pour lisser les effets. Est-ce que vous pensez qu'à un moment, il faudrait être beaucoup plus direct et dire : attention, on est dans une période très difficile et chacun va devoir prendre sa part de l'effort ?

R - Oui, on est dans une situation très difficile. Le Président de la République l'a rappelé. Tout cela va avoir des conséquences sur notre propre fonctionnement, sur notre propre économie, des premières mesures ont été prises par le Premier ministre hier pour limiter la hausse du prix de l'essence auprès des consommateurs ; d'autres mesures seront prises à la fin du mois de juin ; ça veut aussi dire qu'il faut garder une maîtrise des coûts de l'énergie pour éviter que ça ait des répercussions trop lourdes sur le pouvoir d'achat. Oui, il va y avoir cette nécessité là mais ...

Q - Est-ce qu'il faut davantage mobiliser l'opinion publique autour de ça ?

R - L'opinion publique, je crois, en ce moment, est très empathique et très en soutien de l'Ukraine, il faut que ça dure, parce que ce sera long.

Q - Quand vous dites "ce sera long", vous le dites depuis le début de l'émission, vous pensez quoi, en mois ?

R - En mois, oui.

Q - En mois.

Q - Elle est très empathique, Monsieur Le Drian ...

R - Mais il faut que ça dure. Il faudra que ça continue, alors on va déjà, je trouve que la manière dont on reçoit les réfugiés est très positive, mais il faudra que ça dure. Donc mon appel, là, c'est à ce que nous puissions avoir, ensemble, une solidarité durable avec des conséquences réelles sur notre propre vie, si d'aventure la crise ukrainienne se poursuit.

Q - Elle est très empathique mais jusqu'où va cette empathie, est-ce qu'elle est prête l'opinion comme le disait Françoise, à payer l'essence encore plus cher, le gaz encore plus cher, si on fait l'embargo ?

R - Il faut qu'on prenne des mesures de maîtrise, j'ai indiqué tout à l'heure qu'il y avait un agenda de Versailles, y compris sur ce point, qu'il faudra développer et partager avec les Européens ; donc, ce n'est pas uniquement un agenda français, l'agenda de Versailles, c'est un agenda européen sur tous les sujets que j'ai évoqués, il faudra donc le mettre en oeuvre et aussi faire en sorte que la sympathie et le soutien à l'égard du peuple ukrainien se poursuivent dans la durée, à l'égard des Ukrainiens qui restent en Ukraine et à l'égard des réfugiés qui viendront en France ou en Europe.

Q - Jean-Yves Le Drian, là, le gouvernement fait une remise carburant en effet à la pompe, c'est-à-dire qu'on permet aux Français de consommer encore le plus possible selon leurs moyens et avec une petite aide du gouvernement. Est-ce qu'on ne devait pas, est-ce que l'exécutif ne devrait pas dire, appeler les citoyens à la sobriété, d'ores déjà, tout de suite ?

R - Ça sera de toute façon une nécessité à un moment donné. Ça va faire partie du plan énergétique européen que j'ai évoqué, tout à l'heure, y compris de la première partie de ce plan, des mesures à court terme, pour préparer l'hiver prochain, sans doute la sobriété fait-elle partie aussi de notre défense collective.

Q - Donc, baisser le chauffage, toucher à notre bien-être ?

R - Je n'en suis pas là, ce n'est pas directement de mon niveau de compétences que de dire quel niveau de sobriété énergétique qu'il faut avoir mais il faut que nous nous dotions ensemble d'une résistance énergétique, si je peux appeler les choses comme ça.

Q - En tout cas, là pour l'instant, on les a un peu oubliés, les enjeux écologiques.

R - Non, dans les propos qui ont été tenus hier à Versailles, l'enjeu écologique est parfaitement intégré à l'objectif du plan énergétique du mois de mai.

Q - Mais dans la mesure qui a été annoncée, ce matin, dans la presse, par Jean Castex, le Premier ministre, c'est 15 centimes d'aide par litre mais pour tous les Français, on aurait pu imaginer que ce soit pour ceux qui en ont besoin pour aller travailler, pour utiliser leur voiture pour travailler et pas par exemple - et sans les stigmatiser - pour les retraités ou pour ceux qui peuvent télétravailler, etc.

R - Oui mais je pense que vous n'avez pas tout entendu de ce qu'a dit le Premier ministre parce que la raison pour laquelle il y a cette ristourne provisoire, c'est parce que si on veut avoir des cibles plus identifiées, d'abord en baisse fiscale et en allégement, il faut d'abord bien les identifier et notre volonté, la volonté du gouvernement, c'est de faire en sorte qu'au mois de juin, il puisse y avoir un dispositif qui soit beaucoup plus ciblé et qui passe, à ce moment-là, par la loi, parce qu'autrement, on ne peut pas le faire. Donc, il y a de l'urgence et il y a aussi du moyen terme.

Q - Dans les menaces brandies par les Russes, on a le patron de l'Agence spatiale russe qui a lancé une mise en garde : selon lui les sanctions pourraient provoquer la chute de la station spatiale internationale, parce que ce sont les Russes qui corrigent l'orbite.

R - Oui le complotisme d'Etat peut prendre parfois de l'espace.

Q - Vous trouvez que ça va loin ?

R - Oui, et ils ne sont pas seuls dans cette affaire.

(...)

Q - Demain, la France tourne peut-être un peu la page du Covid, il y a la fin de pas mal de restrictions, je pense que là, nos plexis vont disparaître, d'ici à demain, et en même temps, on apprend que 17 millions de Chinois de Shenzhen vont être confinés, on en est où selon vous ? Est-ce qu'on prend une décision en France qui est contre-cyclique, ou bien ce sont les Chinois qui en font peut-être un peu trop ?

R - C'est un peu difficile pour moi d'analyser le rapport entre ce confinement en Chine et la levée des masques en France. Ce qui est certain, c'est qu'il y a une très grande vigilance qui doit être maintenue, que depuis le début de la pandémie, les décisions qui ont été prises ont toujours été prises en fonction de l'évolution prévisible de la situation pour ne pas trop pénaliser les Français, leurs activités sociales et leurs activité économiques, mais en même temps pour se préserver au niveau sanitaire. C'est ce que nous faisons régulièrement ; il faut s'adapter en permanence.

Q - Mais vous trouvez que c'est le bon message à passer, en ce moment, alors que l'épidémie est en train de reprendre ? On a 70.000 cas journaliers, 72.600, ces dernières 24 heures ?

R - Si c'est nécessaire le ministre de la Santé fera des propositions de modifications, mais pour l'instant, sur les informations que nous avons, cette position correspond à la réalité de la situation sanitaire.

Q - J'ai une dernière petite question ; cela fait donc dix ans que vous êtes ministre de la défense puis aujourd'hui des affaires étrangères, vous pouvez donc avoir le privilège de pouvoir comparer : est-ce que la France est plus puissante aujourd'hui qu'elle ne l'était sous François Hollande, sachant qu'il y a eu depuis par exemple le Mali ?

R - Je ne fais pas de comparaison entre les deux présidents de la République.

Q - Je parle de la France, la place de la France dans le monde.

R - Ah, la place de la France est respectée dans le monde, ça, j'en suis convaincu.

Q - S'est-elle renforcée ?

R - Je pense que oui, parce que son message est audible et son message est respecté, et ce n'est pas parce que cinq colonels au Mali veulent assurer la présidence du Mali pendant sept ans en dépit de toute consultation démocratique que ça fait changer la place de la France dans le monde. (...).


source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 mars 2022