Extraits d'un entretien de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat au tourisme, aux Français de l'étranger, à la francophonie et chargé des petites et moyennes entreprises, avec RFI le 14 mars 2022, sur les sanctions économiques contre la Russie et les conséquences pour l'économie française.

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Intervenant(s) : 
  • Jean-Baptiste Lemoyne - Secrétaire d'Etat au tourisme, aux Français de l'étranger, à la francophonie et chargé des petites et moyennes entreprises

Média : Radio France Internationale

Texte intégral

Q - Bonjour Jean-Baptiste Lemoyne.

R - Bonjour.

Q - Le Président de la République a fait savoir à l’issue du sommet européen qui s'est tenu à Versailles jeudi et vendredi, qu'un nouveau train de sanctions serait prochainement pris contre la Russie. A quels types de mesures faut-il s'attendre ?

R - Alors, effectivement, l'idée, c'est de pouvoir renchérir le coût de la guerre pour Vladimir Poutine, pour faire en sorte qu'à un moment il soit quand même obligé de cesser cette agression russe ; et donc, les Européens, vous l'avez vu, ont déjà pris quatre trains de sanctions...

Q - Qui sont déjà considérables.

R - Qui sont déjà très importants, effectivement, et dont on voit qu'ils commencent à porter des effets sur l'économie russe. Regardez l'évolution du rouble qui a beaucoup perdu, regardez le choix que font beaucoup d'entreprises de quitter ou d'arrêter leurs activités en Russie ; et donc, il y a là des avoirs qui sont gelés, la moitié des avoirs de la Banque centrale ; et donc, on va continuer à perfectionner, naturellement, ce dispositif de sanctions, parce qu'encore une fois, ce qui se passe en Ukraine, est inacceptable. Regardez, d'ailleurs, des civils qui sont bombardés ; et donc voilà, l'Europe a été unie, en disant : on va continuer à durcir les sanctions.

Q - Mais, est-ce que c'est une guerre économique, que l'on mène à la Russie ?

R - C'est, comment dire, l'Europe, elle n'est pas en guerre, elle, avec la Russie. L'Europe elle soutient l'Ukraine, elle apporte un soutien qui d'ailleurs va, depuis la livraison d'armes pour se défendre, un soutien humanitaire, un soutien économique, et maintenant, ce qu'il faut, c'est faire en sorte que le coût de la guerre soit très cher pour Vladimir Poutine, et qu'à chaque fois qu'il franchit un palier, eh bien, les sanctions également franchiront des paliers.

Q - Ce que vous espérez au fond, ce n'est pas qu'elles soient très chères, mais qu'elles soient insoutenables.

R - Exactement.

Q - Sur la nature des sanctions qui pourraient être prises, vous n'avez pas d'information particulière sur les prochaines ?

R - Vous savez, tout ça se travaille dans les enceintes dédiées, ce que je peux dire, c'est que le principe, c'est qu'elles soient massives. Je reprends le terme du Président de la République : massives.

Q - Le boycott du gaz et du pétrole russes, qui a été décidé par les Etats-Unis, est- il une option envisageable par l'Union européenne, sachant qu'un certain nombre de pays sont très dépendants de ces énergies russes ?

R - Alors, là-dessus, le Président de la République l'a dit, d'ailleurs, à l'issue du sommet de Versailles, il n'y a pas de tabous, et d'ailleurs les Européens ont mandaté la Commission pour travailler, justement, à réduire cette dépendance extérieure, cette dépendance à certaines énergies russes, et d'ailleurs il y a à la fois des mesures qui vont être prises d'ici le mois de mai pour préparer l'hiver prochain, en diversifiant les approvisionnements, et puis aussi, il est demandé à la Commission européenne un vrai plan pour sortir de cette dépendance de façon structurelle.

Donc, vous le voyez, l'agenda de souveraineté que le Président de République porte depuis 2017, souvenez-vous du discours de la Sorbonne, il est plus que jamais d'actualité, et moi, je me réjouis d'une chose, c'est que l'Union européenne a fait des pas de géant en quelques jours, et que se trouvent validées un certain nombre d'initiatives que le Président avait poussées, je pense à la défense européenne, par exemple, regardez ce qui a été fait depuis déjà quatre ans, eh bien là, on a été encore plus loin. Il y a une prise de conscience, quelque part, de l'importance pour l'Europe de s'affirmer comme une puissance, elle est une puissance, et du coup, qu'elle n'ait pas à subir ce type de choc.

Q - Alors, il y a ce que coûtent les sanctions à la Russie, et il y a ce qu'elles vont coûter, également, aux pays qui les prennent, dont la France. Est-ce qu'aujourd'hui vous avez une estimation assez précise de ce que ça va coûter à la France et peut-être aussi finalement aux Français, directement, dans leur vie quotidienne ?

R - Alors, on est en train, avec Bruno Le Maire, naturellement, de faire toute cette analyse, pour travailler au plan de résilience que le Premier ministre est en train de bâtir, plan de résilience, et prendre des mesures d'accompagnement...

Q - Mais, juste pour que ce soit clair, on prend la sanction et après on voit ce qu'elle va coûter aux Français, ou on estime peut-être avant de la prendre, si elle peut avoir un coût un peu exorbitant pour la France ?

R - Non, mais ce que l'on regarde, c'est que, en réalité, notre commerce avec la Russie, il n'est pas, si vous voulez, du même niveau que ce qui peut être avec un certain nombre d'autres Etats ou continents. Donc, l'impact sera forcément plus ciblé, plus limité, pour nos propres entreprises, néanmoins, il va être là pour certains secteurs, effectivement. Mais on travaille à des mesures d'accompagnement, un plan de résilience, pour aider à faire face, mais il faut être clair, dès lors qu'un certain nombre de principes ont été violés, piétinés par le président russe, eh bien, il fallait être au rendez-vous de sanctions massives.

Q - Aujourd'hui, à votre connaissance, puisque vous êtes chargé des petites et des moyennes entreprises, il n'y a pas d'entreprises françaises, de ces tailles, petites ou moyennes, qui soient particulièrement en difficulté, en raison des sanctions contre la Russie ?

R - Ecoutez, on est en contact avec les organisations représentatives du secteur. Il peut exister certaines petites entreprises qui parfois sont très exposées par rapport à un marché, mais encore une fois, cela reste limité et cantonné. Le gouverneur de la Banque de France, par rapport à l'impact de ces sanctions, estime que ça pourrait avoir un impact sur la croissance globale, parce que c'est l'environnement macro-économique global, qui naturellement est impacté, donc il chiffre ça peut être de l'ordre d'un point de croissance dans le courant de l'année 2022. Encore une fois, on l'a vu avec la crise Covid, en tous les cas, on a toujours été au rendez-vous pour accompagner nos secteurs économiques. Et regardez, avant cette crise, d'ailleurs, la France était sortie avec une croissance qui était la plus forte de l'Union européenne.

Q - Plus de 200 parents d'élèves du lycée français de Moscou ont interpellé les autorités françaises en estimant que le rappel de tous les enseignants, en conséquence du conflit en Ukraine, mettait en péril l'existence de l'établissement, ainsi que l'éducation de leurs enfants. Est-ce que la France considère que les Français qui sont en Russie doivent rentrer, parce qu'ils sont en danger ?

R - Alors, le fait est que nous avons conseillé aux Français qui n'avaient pas de motif essentiel de rester en Russie, de rentrer. Maintenant, on a bien entendu...

Q - Mais pour quelles raisons ? Parce que la France considère qu'ils sont en danger ?

R - Mais parce que..., regardez, les conditions de vie...

Q - La circulation devient très difficile aussi.

R - ...de circulation, de vie, vont être de plus en plus difficiles ; et donc voilà, il y a un certain nombre de motifs de précaution qui amènent à faire évoluer les conseils. Maintenant, s'agissant de l'enseignement français à l'étranger, parce que c'est vrai qu'en Russie il y a à la fois le lycée Alexandre Dumas à Moscou, il y a également un établissement à Saint-Pétersbourg, avec Olivier Brochet, le patron de l'AEFE, on est naturellement en contact avec les établissements pour travailler, déjà, alors, la rentrée a été repoussée au 1er avril, et on travaille, par exemple, à la mise en place d'enseignements aussi distanciels, hybrides, qui puissent s'adapter. Donc, on est vraiment en contact étroit avec les équipes pédagogiques pour pouvoir s'adapter à cette nouvelle donne, parce que, encore une fois, l'enseignement français à l'étranger, il y a des Français qui y participent, enfin qui en bénéficient, mais il y a également des Russes qui avaient fait ce choix de la France. Et donc on va essayer, naturellement, de s'adapter à cette nouvelle donne. (...).


source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 mars 2022