Texte intégral
Bonjour à tous,
Merci monsieur le Premier ministre. Comme vous l'avez indiqué, la guerre en Ukraine se traduit par une flambée des prix de l'énergie dont nos compatriotes souffrent directement : le prix du gaz, prix de l'électricité, prix de l'essence avait déjà fortement augmenté auparavant en raison de la vigueur de la reprise économique. Donc, tout cela se traduit par des difficultés au quotidien pour tous ceux qui doivent se chauffer, prendre leurs véhicules et consommer de l'énergie.
Premier message que je voudrais passer à la suite du Premier ministre, c'est qu'aucun pays en Europe, aucun n'a autant protégé ses compatriotes contre cette flambée des prix de l'énergie. Les prix du gaz ont été démultipliés par 10. La facture de gaz de nos compatriotes n'a pas été multipliée par 10 parce que le Premier ministre a décidé un gel des prix du gaz. Les prix d'électricité ont augmenté de plus de 40%, mais la facture a été plafonnée à 4%. Et ça se traduit de manière plus globale par les chiffres de l'inflation. L'inflation en France est une des plus faibles de la zone euro. Elle est deux points inférieure au niveau d'inflation qu'il y a en Allemagne et largement inférieure à l'inflation que nous avons également en Italie, en Espagne ou dans d'autres pays de la zone euro.
C'est cette protection-là contre la flambée des prix de l'énergie que nous voulons maintenir et qui fait l'objet, comme l'a indiqué aussi le Premier ministre, d'un large consensus européen. Nous avons eu hier à Bruxelles, entre les ministres des Finances des 27, de très longues discussions sur la réponse économique la plus appropriée. La réponse économique la plus appropriée est une réponse ciblée qui doit protéger les ménages contre l'augmentation des prix de l'énergie et qui doit protéger les entreprises qui sont les plus touchées par les conséquences de la guerre en Ukraine et de la flambée de ses prix.
Pourquoi une réponse ciblée ? D'abord parce qu'elle est plus juste, et ensuite, parce qu'elle évite d'alimenter à son tour les tensions inflationnistes. C'est précisément ce que nous voulons éviter avec nos partenaires européens, ce que nous avons décidé hier avec les autres ministres des Finances et avec la Commission européenne. Cette réponse ciblée, elle se traduit donc d'abord par la remise de 15 centimes par litre de carburant.
Comment est-ce qu'elle va fonctionner ? C'est une remise qui sera faite aux metteurs sur le marché. Ils sont entre les pétroliers et les distributeurs. Ce sont les grossistes de l'essence et du carburant. La DGCCRF vérifiera que ces 15 centimes de rabais qui sont faits aux metteurs sur le marché sont bien répercutés intégralement à la pompe sur toutes les pompes de France.
J'appelle à mon tour les pétroliers et les distributeurs qui ne l'ont pas encore fait à compléter cet effort de l'Etat. J'ai reçu ce matin le président de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, qui s'est engagé à faire à son tour un effort sur la réduction du prix par litre de carburant. Je crois que nous arriverons à protéger les Français uniquement si c'est une décision collective dans laquelle tout le monde s'engage distributeurs, pétroliers et Etats.
S'agissant des entreprises, deux types d'instruments, là aussi ciblés, sont en cours de décision au sein de l'Union européenne. J'ai eu ce matin une longue discussion avec Margrethe Vestager pour préciser un certain nombre de ces instruments et ils permettront d'accompagner de la manière la plus solide possible les entreprises qui aujourd'hui, je le sais, notamment les PME, sont très inquiètes de voir leurs factures d'électricité, leurs factures de gaz exploser. Toutes ces entreprises auront droit à des aides à la trésorerie et à des subventions directes. Les deux instruments seront mis à notre disposition par la Commission européenne.
Sur les aides à la trésorerie, il y aura 3 sortes d'aides. D'abord, le prêt garanti par l'Etat. Il reste accessible, comme vous le savez, jusqu'au 30 juin de cette année. Mais les entreprises qui ont souscrit un PGE ou qui voudraient souscrire un PGE jusqu'au 30 juin pourront aller non plus jusqu'à 25% de chiffre d'affaires, mais jusqu'à 35 % de chiffre d'affaires. Et à partir du 1er juillet 2022, il y aura un nouveau prêt garanti par l'Etat, dont le montant, pour le moment, est fixé à 10% du chiffre d'affaires. Je reste prudent car tout ça n'est pas encore définitivement validé sur le montant du chiffre d'affaires par la Commission européenne.
Ce nouveau prêt garanti par l'Etat sera disponible à partir de début juillet, on a donc le relai du précédent et jusqu'à la fin de l'année pour les entreprises qui seraient particulièrement impactées par les conséquences économiques de la crise ukrainienne. Beaucoup d'entreprises, beaucoup de PME m'ont dit qu'elles pouvaient avoir besoin de cet instrument. Elles y auront donc droit. Nous allons, avec la Fédération bancaire française, travailler sur les modalités et les critères de ce nouvel outil dans les heures et les jours qui viennent.
Le deuxième instrument de trésorerie, ce sont les prêts " croissance industrie " de Bpifrance. Ce prêt, il a un intérêt, c'est qu'il est plus long que le PGE puisqu'il a une durée de 10 ans. Il permet par exemple de financer un changement d'outil de production pour une PME, pour une ETI, si vous voulez précisément changer d'outil de production pour ne plus employer du gaz, vous pourrez le faire. Il y a 700 millions d'euros qui sont disponibles et nous avons décidé, avec le Premier ministre d'ouvrir ces prêts " croissance industrie " Bpifrance, aux secteurs du bâtiment et des travaux publics. J'y reviendrai. C'est un secteur qui est très touché aujourd'hui par la situation de crise sur les marchés de l'énergie.
Enfin, dernier instrument, ce sont les reports de charges. Je demanderais aux Urssaf d'autoriser les demandes de report de charges des entreprises qui sont impactées par la crise ukrainienne.
Au-delà de ces trois instruments de trésorerie, je rappelle que toutes les entreprises qui sont en grande difficulté et qui auraient besoin d'un étalement jusqu'à 10 ans de leurs prêts garantis par l'Etat peuvent s'adresser au médiateur du crédit dans chaque département. Je constate que pour le moment, seule une petite dizaine d'entreprises ont fait appel à cette possibilité-là. Elle est ouverte, je le rappelle. Vous pouvez demander, dans les cas de difficultés particulières, un étalement jusqu'à 10 ans du prêt garanti par l'Etat que vous avez déjà souscrit.
La deuxième série d'instruments, ce sont les subventions publiques. Ce sont des aides directes de l'Etat qui pourront aller jusqu'à 25 millions d'euros. C'est le texte européen qui est sur la table aujourd'hui. Ces subventions couvriront une période de 9 mois, donc jusqu'à la fin de l'année 2022. C'est pour cela que nous parlons d'aides ciblées. Elles seront concentrées sur les entreprises qui remplissent trois conditions.
La première, c'est de connaître une hausse de 40% de ces factures d'électricité ou de gaz depuis le début de la guerre en Ukraine. La deuxième condition, c'est d'avoir dans son chiffre d'affaires des factures d'électricité et de gaz qui représentent plus de 3% du chiffre d'affaires. Ce qu'on appelle les gazo-intensifs ou les électro-intensifs. Pour être éligible, il faut que votre facture d'électricité ou de gaz représente plus de 3 % de votre chiffre d'affaires. C'est bien l'objectif ciblé sur ceux qui prennent de plein fouet cette augmentation des prix du gaz et de l'électricité. Enfin, troisième condition, il faut réaliser des pertes d'exploitation puisque nous sommes là pour aider les entreprises qui sont en difficulté réelle.
Nous avons là aussi, avec le Premier ministre, fait le choix d'ouvrir cette aide qui ira jusqu'à 25 millions d'euros à tous les secteurs d'activité, de façon à pouvoir embrasser tous ceux qui connaîtraient vraiment des difficultés. L'évaluation préalable que nous avons, c'est que les secteurs qui seront les plus concernés seront l'industrie, l'industrie métallurgique, l'industrie chimique, l'industrie du papier et du carton, certaines industries agroalimentaires comme les sucreries qui doivent chauffer leurs produits et certaines productions agricoles, Monsieur le ministre de l'Agriculture le sait mieux que personne. Avec ces aides, nous pourrons couvrir une partie de la hausse des factures d'électricité et de gaz. Les modalités pratiques de mise en oeuvre administrative font encore l'objet de discussions au niveau européen. Nous les dévoilerons dans les tout prochains jours.
Je voudrais insister également sur deux ou trois points complémentaires qui me paraissent très importants dans cette période de crise.
Le premier, c'est la solidarité dans les filières et je voudrais vraiment lancer avec beaucoup de gravité un appel à la solidarité entre TPE, PME et donneurs d'ordre. Il faut que les TPE et les PME puissent modifier leurs contrats avec leurs clients pour prendre en compte les hausses de prix. Sinon, si les choses sont totalement bloquées, que des hausses de prix ne peuvent pas passer, qu'il n'y a pas de solidarité de filière, c'est les plus petites entreprises qui vont souffrir le plus. C'est justement ce que nous voulons éviter. Nos dispositifs le permettent mais il faut que les donneurs d'ordre jouent aussi le jeu et fassent preuve de solidarité avec leurs entreprises sous-traitantes TPE et PME. Et nous souhaitons que le médiateur des entreprises accompagne chacune des filières avec des comités dédiés pour résoudre les tensions qui peuvent être liées aux approvisionnements et pour veiller à ce que cette solidarité économique se traduise en actes. Pas simplement des belles paroles, mais des vrais actes de solidarité à l'intérieur des filières. J'ai également demandé à la DGCCRF de jouer tout son rôle avec beaucoup de rigueur pour s'assurer du respect des règles de contrat dans les domaines du transport et dans les domaines de l'agroalimentaire.
Deuxième remarque générale, c'est sur le secteur du BTP, bâtiment et travaux publics. Nous les avons reçus à plusieurs reprises. Chacun sait que la crise a un impact très fort sur le secteur parce qu'ils sont confrontés à une volatilité au quotidien du prix des matériaux de construction, du bois, de l'acier, de l'aluminium qui est souvent vertigineuse et qui leur pose des difficultés considérables. Les contrats sont parfois sans clause de révision des prix et il y a un manque complet, hélas, de visibilité sur les coûts et de visibilité sur les délais d'approvisionnement. Nous avons donc pris un certain nombre de décisions pour soutenir le secteur du bâtiment et des travaux publics. Il bénéficiera d'abord, je le rappelle, des 15 centimes de réduction à la pompe. Nous demanderons en deuxième lieu à tous les acteurs publics d'inclure des clauses de révision des prix dans les contrats publics pour qu'ils prennent en compte la hausse du coût des intrants. Et nous leur demandons de n'appliquer aucune pénalité de retard dans des circonstances dues à la crise ukrainienne. C'est une mesure de justice et de solidarité aussi.
Enfin, conformément à la demande du bâtiment et travaux publics, nous accélérons la publication des index du bâtiment qui permettra de réviser le prix de certains marchés sur une base beaucoup plus régulière, alors que la mise à jour se fait tous les trois mois actuellement. S'agissant des contrats de droit privé, toujours dans le bâtiment et travaux publics, je veux rappeler qu'il est possible de les réviser en cas de changement de circonstances imprévisibles qui rend l'exécution du contrat de droit privé trop coûteuse. C'est ce qu'on appelle la théorie de l'imprévision. Les contrats peuvent donc être amendés pour intégrer ces hausses massives de coûts après une négociation de bonne foi avec le client. Là aussi, c'est un principe de solidarité et de bon sens qui doit s'appliquer dans ces circonstances tout à fait particulières.
Un tout dernier mot, enfin, à la suite de ce que disait le Premier ministre sur la sortie de la dépendance aux intrants russes. C'est un enjeu absolument majeur pour des points critiques comme le titane, le palladium, le néon. Nous allons donc lancer un appel à projets pour subventionner jusqu'à la fin de l'année à hauteur de 15% pour les grands groupes et 35% pour les petites entreprises les projets qui permettraient de réduire la dépendance aux produits venus de Russie les usines de recyclage, les changements de procédés de production. Toutes les entreprises qui ont un projet dans ce domaine-là, qui leur permettent de se libérer de la dépendance à l'égard des intrants russes, pourront le financer dans des conditions bien meilleures que celles qui existaient jusqu'à auparavant.
Merci beaucoup.
Source https://www.economie.gouv.fr, le 21 mars 2022