Déclaration de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat au tourisme, aux Français de l'étranger, à la francophonie et chargé des petites et moyennes entreprises, sur le multilinguisme au sein de l'Union européenne, à Pau le 15 mars 2022.

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  • Jean-Baptiste Lemoyne - Secrétaire d'Etat au tourisme, aux Français de l'étranger, à la francophonie et chargé des petites et moyennes entreprises

Circonstance : Conférence sur la diversité linguistique et la langue française au sein de l'Union européenne

Texte intégral

Nous y voici, pour cette réunion dédiée au plurilinguisme.

C'est un moment fort, un moment important, parce que la diversité linguistique, c'est l'essence même de l'Europe, et surtout, c'est d'ailleurs une clé de voûte de toutes nos institutions. Ayons en tête que le règlement numéro 1/58, le premier acte pris par la Commission à l'époque de la CEE, en 1958, était dédié à la diversité linguistique, au plurilinguisme. Et donc, il est important que nous continuions à entretenir cette flamme parce que, hélas, depuis plusieurs années, plusieurs décennies, on voit que le plurilinguisme a tendance à baisser dans nos institutions, l'usage des différentes langues a tendance à s'effacer devant l'usage unique de l'anglais, et nous ne pouvons pas nous en satisfaire en tant que citoyens européens, en tant que décideurs européens, tout simplement parce que si l'on veut rapprocher l'Europe de ses citoyens, il faut que l'Europe, elle parle votre langue, que vous puissiez vous faire comprendre et que vous soyez compris.

Et donc, le Président de la République a tenu à ce que nous ayons un temps, au cours de cette présidence française de l'Union européenne, qui permette d'évoquer tous ces enjeux, également de bâtir des solutions, des propositions. Et pour cela, nous avons d'ailleurs préparé cette échéance avec un groupe de travail, conduit par le professeur Christian Lequesne, qui a fait plus d'une vingtaine de propositions très étayées. Les débats d'aujourd'hui, je n'en doute pas très riches, nous permettront aussi de conforter un certain nombre d'actions pour maintenir vivace l'usage de nos langues nationales, langues de travail.

Je n'oublie pas que, qui dit plurilinguisme, dit aussi le fait que nous devons être attentifs aux langues régionales, aux langues qui appartiennent également à nos patrimoines nationaux, au patrimoine européen. Nous sommes ici, d'ailleurs, à Pau, une ville de confluence linguistique. Le maire François Bayrou a à coeur de rappeler qu'on y parle aussi le béarnais. Je crois que cela montre que cette présidence française, vous le voyez, n'est pas une présidence parisienne, mais une présidence enracinée dans les territoires, dans les terroirs. Je serai dans deux jours à Dijon pour la ministérielle sur le tourisme. Aujourd'hui, nous sommes donc tout entier focalisés sur cette diversité linguistique. Voilà un peu le programme de la journée.


Q - Quelles sont les pistes d'études pour favoriser ce multilinguisme en Europe aujourd'hui ?

R - Ce qu'il faut, c'est pouvoir avoir un suivi des indicateurs liés à l'usage des langues. On a besoin d'avoir un thermomètre, si je puis dire. Aujourd'hui, il existe de façon très imparfaite. Mais surtout, vous avez raison, il faut aussi des décisions fortes pour, en matière de traduction, d'interprétation, mettre tous les moyens ; soit les moyens en ressources humaines, vous le savez, les institutions européennes ont recours naturellement à des traducteurs, des interprètes ; mais aussi, les nouvelles technologies peuvent nous aider ; on va d'ailleurs, ce matin, avoir une démonstration d'un certain nombre de dispositifs qui permettent comme cela de la traduction, de l'interprétation. Et puis, il y a devant nous également un grand chantier, qui est le fait d'inciter les Etats membres à avoir dans leurs systèmes éducatifs l'apprentissage de deux langues vivantes, parce que ce n'est pas le cas partout. Il y a une dizaine d'Etats membres dans lesquels il n'y a pas ces deux langues vivantes qui sont apprises à l'école. Donc, cela fait partie des chantiers indispensables pour que les Européens puissent, je pense, mieux se comprendre, avoir un usage des langues qui ne soit pas seulement l'anglais, ce n'est même pas de l'anglais, mais ce qu'on appelle "le globish", c'est-à-dire le fait de connaître quelques centaines de mots.

Et je crois que c'est un enjeu très fort de démocratie. Encore une fois, lorsque l'on parle sa langue et que l'on est compris dans sa langue par les institutions européennes ou tout simplement dans tous les cadres de vie, eh bien, forcément, on est véritablement citoyen, on peut exercer ses droits ; et c'est cela le message aujourd'hui : nous voulons parler nos langues, nous voulons conforter la diversité linguistique en Europe.

Q - Pourquoi avoir choisi Pau pour accueillir cette conférence ?

R - Pau, cela a beaucoup de sens, parce que nous sommes ici dans une ville qui a beaucoup de coopérations transfrontalières. L'université, par exemple, a un programme qui s'appelle UNITA qui travaille avec d'autres universités ayant des langues romanes en commun. Pau, c'est aussi justement une ville où il y a la présence de cette langue régionale, le béarnais. Et donc, le message, c'est : vous voyez, on est là pour promouvoir la langue française, on est là aussi pour promouvoir les langues d'Europe.

Et donc voilà, c'est un grand bonheur d'être ici. Et puis, M. le ministre François Bayrou interviendra, je sais que ce sont des sujets qui lui sont chers, lui qui est également un grand Européen. Et encore une fois, cette Europe, parfois, les citoyens la questionnent ; il est important de montrer qu'elle est à hauteur d'homme et qu'elle s'adresse à eux dans toutes leurs langues pour tout simplement être accessible.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 mars 2022