Interview de M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur, à BFM TV le 16 mars 2022, sur les violences en Corse après la tentative d'assassinat d'Yvan Colonna, la question de l'autonomie de cette collectivité, les réfugiés ukrainien et la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

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Média : BFM TV

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Gérald DARMANIN.

GERALD DARMANIN
Bonjour.

APOLLINE DE MALHERBE
Merci de répondre à mes questions ce matin. Vous êtes le ministre de l'Intérieur, c'est toute la fin du quinquennat, incertitudes partout, violences en Corse, l'île qui s'embrase depuis la tentative d'assassinat d'Yvan COLONNA an prison le 2 mars. Et c'est précisément, précisément ce moment que vous choisissez, ce contexte que vous choisissez, pour ouvrir des discussions pour un changement majeur, l'autonomie de la Corse. Est-ce que c'est le moment ?

GERALD DARMANIN
C'est le moment, je crois, il y a eu cette tentative d'assassinat sur Yvan COLONNA, il y a depuis plus de dix jours des événements graves qui se passent en Corse, et je veux d'ailleurs soutenir les policiers et les gendarmes, une soixantaine ont été blessés, des bâtiments publics ont été attaqués, et je veux, d'abord, aller en Corse cet après-midi et demain pour les soutenir, aller les visiter, les policiers et les gendarmes, mais aussi une discussion qui est souhaitée par le président de la collectivité, Gilles SIMEONI, depuis une semaine. Je suis en charge de ce dossier, vous le savez, en remplacement de Jacqueline GOURAULT, qui est partie au Conseil constitutionnel, le président SIMEONI, je lui parle tous les jours, et il souhaite que nous ouvrions des discussions politiques, un dialogue institutionnel. Et le président de la République m'a demandé d'y répondre.

APOLLINE DE MALHERBE
On va revenir sur ce que vous entendez par autonomie, ce que, eux aussi, entendent par autonomie, mais quand même, ce contexte, vous dites : ça fait des jours que la Corse s'embrase, en effet, mais est-ce qu'au fond, ils n'ont pas eu raison de mettre une telle violence, puisqu'ils obtiennent ce qu'ils voulaient ?

GERALD DARMANIN
Non, il y a deux choses différentes, il y a le processus démocratique, qui a conduit Gilles SIMEONI et sa majorité à être réélus par deux fois au suffrage universel en Corse, représentant la Corse comme collectivité…

APOLLINE DE MALHERBE
Ça, ça ne date pas d'hier…

GERALD DARMANIN
Ça ne date pas d'hier. Et il y a un travail qui a été au long cours fait par la ministre Jacqueline GOURAULT, peut-être que nous n'avons pas été jusqu'au bout de ce travail, c'est ce qu'a dit Gilles SIMEONI, on veut bien l'entendre. Et puis, par ailleurs, il y a les violences inacceptables que nous connaissons sur l'île, et enfin, il y a la tentative d'assassinat pour Yvan COLONNA, qui est insupportable, et dont la famille et aussi – il faut bien avouer – les élus en Corse, demandent la vérité la plus absolue, ce qui sera fait, puisqu'il y a trois enquêtes, une parlementaire, une judiciaire et une administrative. Mais je veux aussi dire que nous travaillons depuis longtemps sur l'avenir institutionnel de la Corse. Le président de la République, en 2017, avait même dit qu'il mettrait dans la Constitution le mot Corse, afin de créer cette spécificité particulière de l'île de beauté. Ça n'a pas pu être possible parce qu'il n'y a pas eu de réforme constitutionnelle, notamment du fait du blocage du Sénat sur d'autres questions…

APOLLINE DE MALHERBE
On s'en souvient, c'était au moment de l'affaire BENALLA. Mais alors, précisément, mais alors précisément, rentrons quand même dans le concret, vous dites autonomie, mais, autonomie, ça veut dire quoi ?

GERALD DARMANIN
Eh bien, il faut que nous en discutions, alors, d'abord, j'ai dit jusqu'à l'autonomie, c'est-à-dire qu'à mon avis, il y a aussi d'autres étapes possibles, il faut aussi regarder ce qui a été…

APOLLINE DE MALHERBE
Enfin, si vous leur proposez l'autonomie, ils ne vont pas s'en passer…

GERALD DARMANIN
Non, jusqu'à… Nous sommes là pour un dialogue, on n'est pas là pour conclure le dialogue avant de le commencer. Et ça ne se fera pas en deux jours, c'est un processus qui doit être assez long, bien évidemment.

APOLLINE DE MALHERBE
Quel calendrier ?

GERALD DARMANIN
Ecoutez, là, il y a une élection présidentielle, donc, il est sûr que c'est dans le prochain mandat d'un prochain ou d'une prochaine présidente de la République ou d'une prochaine présidente de la République…

APOLLINE DE MALHERBE
C'est pour ça que le contexte est quand même un peu étrange, vous l'admettrez ?

GERALD DARMANIN
Mais pour l'instant, on peut commencer à dialoguer, vous savez, il y a des questions institutionnelles, ça touche la Corse…

APOLLINE DE MALHERBE
On commence à 4 semaines de la fin…

GERALD DARMANIN
Non, mais il y a des questions institutionnelles comme la Corse ou comme certains territoires ultramarins qui dépassent de très nombreux gouvernements et de très nombreux présidents de la République. Moi, je vais en Corse aujourd'hui encore une fois pour soutenir les policiers et les gendarmes, pour discuter avec Gilles SIMEONI, pour discuter avec les forces vives de la Corse, et voir quel calendrier on peut mettre en place, et quels attendus ; vous savez, dans l'autonomie, il y a plusieurs types de possibilités…

APOLLINE DE MALHERBE
C'est ce que j'allais vous demander, est-ce qu'ils pourraient aller jusqu'à par exemple récupérer la compétence fiscale, lever leur propre impôt ?

GERALD DARMANIN
Il faut que nous discutions de tous ces sujets…

APOLLINE DE MALHERBE
C'est envisageable ?

GERALD DARMANIN
En tout cas, je commence une négociation…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous n'y êtes pas fermé ?

GERALD DARMANIN
Je commence une négociation, si j'ose dire, ou une discussion l'esprit ouvert, mais aussi, dire ce qu'il est possible de faire et quels sont les moyens qu'on se donne pour le faire, il y a déjà beaucoup de compétences qui ont été données à la collectivité de Corse, la Cour des comptes et un certain nombre d'observateurs disent qu'elle ne les utilise pas totalement non plus, la question des déchets, la question du logement ; il faut voir comme on peut l'aider d'ailleurs davantage à accomplir ces nouvelles compétences qui ont été données, notamment sous le gouvernement de François HOLLANDE. Mais je regarde autonomie, ça peut être aussi une autonomie à l'intérieur même de la Constitution d'aujourd'hui, la Polynésie française a un statut d'autonomie qui lui permet évidemment d'être totalement dans la République et d'avoir une spécificité particulière, notamment, c'est elle qui gère tout ce qui relève de l'économique et social…

APOLLINE DE MALHERBE
Il y aura donc une modification de la Constitution ?

GERALD DARMANIN
On verra bien, en tout cas, ce n'est pas moi qui la décide, c'est le président de la République, le Congrès et le peuple souverain, le cas échéant, et ce n'est pas encore la conclusion de nos discussions qui vont être forcément longues, forcément difficiles, moi, je veux dire tout le respect que j'ai pour la Corse, pour les Corses, leur dire que leur avenir est pleinement dans la République française, et que nous devons discuter cependant des difficultés ou des irritants que nous avons depuis très longtemps…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous l'avouerez, ça fait quand même 10 jours que vous avez récupéré le dossier, c'est un peu un cadeau empoisonné quand même ?

GERALD DARMANIN
Je suis là pour servir la République.

APOLLINE DE MALHERBE
Et vous allez répondre à des personnes qui seront face à vous aujourd'hui, qui criaient, il y a encore quelques jours : l'Etat français assassin.

GERALD DARMANIN
Il y a eu des propos insultants et excessifs contre les Français, contre la République qui sont inacceptables, et je le dis d'ailleurs à qui de droit, je veux redire ici qu'il s'agit d'un pays, la France, qui aide tous ses territoires de façon équanime, il y a 11 dispositifs fiscaux qui aident aujourd'hui la Corse, je crois qu'à chaque fois que la Corse a eu des difficultés, évidemment, le cas du Covid, mais je regarde notamment les difficultés qu'elle peut avoir avec la Commission européenne, avec les délégations de service public, nous sommes là, au rendez-vous, j'étais pendant 3 ans ministre du Budget, je crois que le président SIMEONI le sait…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais quand ils disent " assassin ", il y a bien sûr une idée derrière, ça n'est pas les aides ou les non-aides qu'il y a eu, c'est la question de ce qu'il est arrivé à Yvan COLONNA, ces 8 minutes, 8 minutes pendant lesquelles Yvan COLONNA a été tabassé quasiment à mort, puisqu'au moment où on se parle, il est encore entre la vie et la mort, 8 minutes, ça s'est passé dans l'enceinte d'une prison à Arles, ça s'est passé sous l'oeil des caméras, et aucun surveillant n'est intervenu.

GERALD DARMANIN
Alors, il est sûr que ce qui s'est passé dans la prison d'Arles pose de graves questions, il y a trois enquêtes, je voudrais le redire, une enquête confiée au Parquet antiterroriste, il s'agit donc manifestement d'un acte terroriste, comme Samuel PATY, manifestement, il y a eu un blasphème, alors évidemment, tout n'est pas comparable, il y a eu un blasphème, je mets des guillemets…

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu'elle est vraiment opportune, cette comparaison que vous faites également dans le journal Corse Matin ?

GERALD DARMANIN
Oui, c'est un acte terroriste, voilà un terroriste islamiste radicalisé qui –c'est-ce qu'il prétend, c'est ce qui est écrit dans les journaux – sous prétexte que monsieur COLONNA aurait eu des propos relevant du blasphème contre le prophète, celui-ci se serait vengé, la main de Dieu aurait vengé et aurait voulu tuer, massacrer Yvan COLONNA…

APOLLINE DE MALHERBE
Sauf qu'il était déjà arrêté cet homme, cet homme-là était déjà arrêté, il était en prison…

GERALD DARMANIN
C'est un acte terroriste commis en prison, commis sur le sol français, bien évidemment, et à ce titre-là, il faut…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça veut dire que même, quand ils sont arrêtés, on n'arrive pas à les empêcher de nuire ?

GERALD DARMANIN
Il faut le qualifier comme tel, d'abord, le Parquet antiterroriste s'est saisi, je voudrais le rappeler, et c'est avant tout un acte islamiste, donc le comparer avec un acte d'Etat français est profondément…

APOLLINE DE MALHERBE
Gilles SIMEONI, avec qui vous parlez, il disait sur mon antenne, il y a encore quelques jours : officine parallèle, il sous-entendait qu'il y avait une officine parallèle éventuelle...

GERALD DARMANIN
Non, mais j'ai dit au président SIMEONI, pour qui j'ai le plus grand respect, que cela n'était pas vrai, et que c'était profondément, profondément, je crois, excessif, et par ailleurs, pour ne pas dire autre chose, mais je veux dire que nous allons faire la vérité la plus totale, puisqu'une enquête judiciaire indépendante, Parquet antiterroriste saisi, une enquête administrative dont le Premier ministre va rendre les conclusions très bientôt. Et aujourd'hui même, le Parlement fait des auditions, je crois que le directeur de l'administration pénitentiaire et le directeur de la prison d'Arles répondent devant les parlementaires, notamment devant les parlementaires élus en Corse. Donc toute la vérité doit être faite sur cette histoire, et bien, évidemment, il y a une part de la responsabilité de l'Etat, lorsqu'un prisonnier commet une tentative d'homicide, bien sûr, je veux aussi dire que nous ne devons pas confondre les choses, et que depuis longtemps, nous discutons de la question des détenus corses, voilà, ça fait 24 ans que cela se pose.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais là encore, disons un mot de cela, Yvan COLONNA, ça fait des années en effet que sa famille demande un rapprochement sur l'île, la levée de son statut particulier, et ce statut particulier est levé au moment où il est entre la vie et la mort. Donc il va revenir en Corse, mais il ne pourra plus de toute façon échanger avec sa famille...

GERALD DARMANIN
Non, mais il y a deux choses très différentes, d'abord…

APOLLINE DE MALHERBE
Ça a été vécu comme une forme de provocation…

GERALD DARMANIN
Oui, je le sais, mais il y a deux choses différentes, il y a la levée de DPS, Détenu Particulièrement Surveillé, de Yvan COLONNA, qui a été faite par le Premier ministre, non pas par provocation, mais parce que cette DPS empêchait des personnes de venir le visiter dans des conditions, si j'ose dire, normales, et c'est une mesure d'humanité qu'a prise le Premier ministre, pour qu'il n'y ait pas de garde, qu'il n'y ait pas de contraintes qui empêchent des personnes de venir visiter Yvan COLONNA. Donc d'abord, c'est une mesure de forte humanité bien évidemment en lien avec la famille COLONNA, dont je veux évidemment dire que ce qui se passe pour elle est affreux. Voilà. Par ailleurs, je veux souligner que les deux DPS, les deux autres personnes du commando dit ERIGNAC, qui sont aujourd'hui dans une prison métropolitaine, leur levée de DPS était prévue, et le rapprochement en Corse était prévu à une date qu'il fallait évidemment choisir, parce que nous avons mis en place…

APOLLINE DE MALHERBE
Que vous avez choisie d'ailleurs, vous savez à peu près quand est-ce que ça va arriver ?

GERALD DARMANIN
Nous avons mis en place à la prison notamment de Burgo en Corse les aménagements, et ils sont faits ces aménagements.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc tout est prêt pour qu'ils puissent rejoindre l'île ?

GERALD DARMANIN
Mais comme nous ne cédons pas à la pression de la rue, il ne peut y avoir de rapprochement décidé par le Premier ministre que lorsque les choses seront calmes en Corse, lorsqu'il n'y aura pas de violence urbaine, et lorsque les bombes agricoles auront arrêté d'être lancées contre des policiers ou des gendarmes…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous comprenez bien que quand vous dites, nous ne cédons pas à la pression de la rue, alors que depuis 10 jours, il y a une violence sans précédent en Corse, et que c'est le moment que vous choisissez pour parler d'autonomie, on peut avoir un doute ?

GERALD DARMANIN
Mais quand vous avez des centaines de lycéens de 15, 16 ou 17 ans qui vont plus ou moins, encouragés par certains excessifs, qui vont …

APOLLINE DE MALHERBE
C'est qui ces excessifs, des élus ?

GERALD DARMANIN
Non, je ne le crois pas, qui vont attaquer des policiers et des gendarmes, et qu'on trouve des haches ou des bombes agricoles dans les domiciles par exemple des gendarmes, le premier devoir du ministre de l'Intérieur, c'est d'éviter qu'il y ait un mort, chez les jeunes de 15, 16, 17 ans, chez les pères et mères de famille que sont les policiers et les gendarmes. Je crois qu'il ne faut pas… la politique, c'est aussi donner au prix de la vie beaucoup, beaucoup de poids, cependant, des moyens importants de police et de gendarmerie sont sur l'île aujourd'hui, je m'y rends personnellement, j'ai envie de discuter avec les Corses, de rappeler aussi l'ordre républicain…

APOLLINE DE MALHERBE
Il y a eu combien d‘arrestations ?

GERALD DARMANIN
Rappeler également l'ordre républicain qui doit être au rendez-vous, et de dire que tout ça ne peut se dérouler qu'avec les élus, qui sont les seuls légitimes à discuter, me semble-t-il, avec le gouvernement, avec le président SIMEONI, et voir ce que donnerait, ce que donnerait l'autonomie, peut-être qu'on ne se mettra pas d'accord, Apolline de MALHERBE, il est possible qu'on ne se mette pas d'accord, mais nous ouvrons, nous ouvrons ce dialogue.

APOLLINE DE MALHERBE
Sur les arrestations, sur les émeutes, est-ce que vous pouvez nous faire un bilan.

GERALD DARMANIN
Il y a eu 5 interpellations, elles ont toutes été présentées à la justice.

APOLLINE DE MALHERBE
Quand Jean-Guy TALAMONI était mon invité ce matin sur RMC, il parle de cynisme, il dit que pour lui, votre démarche est – je le site – suspecte, une manière de vouloir retrouver le calme le temps de la campagne.

GERALD DARMANIN
Mais je pense qu'il faut que nous regardions l'avenir avec les femmes et les hommes de bien qui veulent la paix civile, il y a ceux qui ne veulent peut-être pas la paix civile, dans ces cas-là, effectivement, nous ne pouvons pas dialoguer avec eux, mais, moi, j'ouvre la porte à tous ceux qui veulent dialoguer, et tous ceux qui ont l'intérêt des Corses, de la France, chevillé au corps, c'est le cas du président de la République, vous savez, jeudi, c'est la période de réserve pour les membres du gouvernement, c'est-à-dire que nous n'avons plus le droit de nous déplacer du fait des règles de la campagne électorale, j'aurais pu attendre demain pour dire : eh bien, finalement, je ne me rendrai pas en Corse parce que le sujet est trop complexe, parce qu'il y a des propos qui sont trop excessifs, je ne fais pas ce choix, le président la réplique m'a demandé d'y aller, je crois que c'est un acte de dialogue et de respect vis-à-vis de la Corse, qui a apporté beaucoup à la République, qui en apportera encore beaucoup demain à la République, je vois déjà les attaques dont nous sommes victimes, parce que nous ouvrons la porte du dialogue avec les Corses. Je pense que le président de la République aurait pu très bien dire : on répond par la police et par la gendarmerie et pas par le dialogue politique.

APOLLINE DE MALHERBE
Gérald DARMANIN, vous appelez ça l'ouverture d'un cycle de discussions sans précédent, et vous le disiez vous-même, à partir de demain, il y a une période de réserve, et dans un mois, il y a les élections, vous savez où vous serez, vous, dans 5 semaines ?

GERALD DARMANIN
Non, au pire à Tourcoing, mais c'est une très belle chose que d'être à Tourcoing, donc tout va bien, vous savez, le sujet n'est pas celui des destins des hommes.

GERALD DARMANIN
Mais il y a quelque chose de : si vous voulez l'autonomie, votez MACRON ?

GERALD DARMANIN
Non, ce n'est pas le cas, vous savez, beaucoup de candidats à la présidentielle, je les ai observés, ont dit des choses très avancées sur la Corse, j'ai constaté que madame PECRESSE par exemple a parlé d'un grand acte de décentralisation pour la Corse, sachant que la loi Baylet avait déjà donné, y compris l'adaptation législative à la Corse, ce qui est déjà possible pour l'île, ça voulait évidemment dire un acte qui pouvait aller jusqu'à l'autonomie. Mais vous savez, l'autonomie aujourd'hui, il y a des territoires français qui en vivent et qui en vivent très bien, regardez encore une fois la Polynésie française, c'est extrêmement…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça n'était pas envisagé pour la Corse, ni même par Emmanuel MACRON ?

GERALD DARMANIN
En tout cas, ce qui est certain, c'est que nous sommes aujourd'hui dans une situation nouvelle en Corse, et que le gouvernement de SIMEONI a dit : voilà, pour sortir de cette impasse, il faut que nous ayons un dialogue, nous avons répondu oui, il nous a dit : ce dialogue, il doit être institutionnel, nous répondons oui, nous sommes capables d'avoir ce débat institutionnel, mais nous devons parler des autres sujets aussi qui concernent les Corses, le logement, le logement, c'est très important, c'est une île où il y a 40 % de résidences secondaires, où les jeunes Corses ne peuvent pas ou difficilement se loger, la spéculation foncière, l'écologie, le développement durable et les déchets, les transports, la formation, c'est un lieu, la Corse, où les jeunes sont plus au chômage que partout sur le territoire national, il faut aussi dire aux élus corses que nous devons travailler pour le service public des Corses.

APOLLINE DE MALHERBE
Marine LE PEN, elle tweete ce matin : passer de l'assassinat d'un préfet à la promesse d'autonomie, peut-il exister un message plus catastrophique, je refuse que le clientélisme cynique d'Emmanuel MACRON brise l'intégrité du territoire français, la Corse doit rester française.

GERALD DARMANIN
Eh bien, elle fait une rechute d'extrémisme, c'est dommage parce qu'elle commençait à se modérer un peu, madame LE PEN, je mets évidemment des guillemets, c'est évidemment tout à fait politicien et abrasif de dire ce qu'elle dit. Et puis, par ailleurs, tout le monde veut que la Corse reste française, il est hors de question de parler d'autre chose, je rappellerai à madame LE PEN qu'être insultante vis-à-vis par exemple de la Polynésie ou de la Nouvelle-Calédonie, comme elle le fait, puisque ce sont des territoires autonomes, ils sont profondément français, dont les enfants vont servir l'armée française, dont les enfants sont policiers et gendarmes, et qui vibrent évidemment au drapeau français, c'est excessif, on voit bien que madame LE PEN n'est pas prête à exercer le pouvoir.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez parlé avec la famille du préfet ERIGNAC ?

GERALD DARMANIN
Bien sûr, nous les avons reçus, c'est une grande famille française, je n'oublie pas évidemment que monsieur COLONNA et que ses associés ont été les auteurs de l'assassinat d'un préfet, ils ont été jugés par la République, par la justice de la République par trois fois d'ailleurs, la justice d'ailleurs n'était pas aux ordres, puisqu'à l'époque, je rappelle que deux des personnes qui avaient été considérées comme les cerveaux de cet assassinat, avaient été acquittées en appel. Je veux vraiment dire, une nouvelle fois, je veux dire à quel point la famille ERIGNAC me paraît d'une grande dignité.

APOLLINE DE MALHERBE
Elle est dans l'émotion aujourd'hui, qu'est-ce qu'elle dit ?

GERALD DARMANIN
C'est normal, elle est forcément dans l'émotion, et je veux redire tout notre respect et tout notre soutien à la pensée du préfet ERIGNAC.

APOLLINE DE MALHERBE
Gérald DARMANIN, je voudrais qu'on puisse dire un mot aussi des conséquences en France de l'Ukraine et notamment de la question des réfugiés que vous avez en en charge. Combien de réfugiés ukrainiens accueillis à ce jour en France ?

GERALD DARMANIN
Nous avons 17 000 réfugiés ukrainiens qui sont arrivés sur le sol national à notre connaissance parce que vous savez que comme ils sont dans l'espace Schengen, ils peuvent venir en France sans visa, donc il y a sans doute plus que 17 000 personnes, mais nous, nous en avons déjà vu passer 17 000.

APOLLINE DE MALHERBE
Et vous avez une idée du nombre de réfugiés que peut ou que veut accueillir la France ?

GERALD DARMANIN
Le président de la République nous a donné un objectif dans les jours qui viennent jusqu'à 100 000 places de possibles en France, ce que nous faisons avec Marlène SCHIAPPA dans les heures et jours qui viennent, ces 100 000 places seront possibles.

APOLLINE DE MALHERBE
Il y a un statut de protection temporaire, est-ce que derrière le mot temporaire vous avez un peu plus de précision, est-ce que ce sera, je veux dire, la durée de la guerre, est-ce que si elle dure plus qu'un an il faudra plus qu'un an, quel est le statut ?

GERALD DARMANIN
Alors c'est une directive européenne que nous appliquons à toute l'Europe, qui pour la première fois est appliquée, c'est jusqu'à 3 ans pour tous les pays européens. Nous espérons d'ici 3 ans que l'Ukraine retrouve évidemment la paix et le retour des Ukrainiens en Ukraine, sinon nous verrons évidemment bien comment nous pouvons l'adapter. Je rappelle que c'est l'accès aux soins sans jour de carence, possibilité de travailler immédiatement, scolarisation des enfants bien évidemment, hébergement et lorsqu'on ne peut pas travailler, il y a beaucoup de femmes seules qui élèvent beaucoup d'enfants, on les a vu hier avec le président de la République, c'est une aide sociale qu'on appelle l'ADA.

APOLLINE DE MALHERBE
La scolarisation d'ailleurs des enfants sur ces 17 000 Ukrainiens qui ont été accueillis en France, est-ce qu'ils ont les enfants tous pu faire une sorte de rentrée scolaire ?

GERALD DARMANIN
Alors il y a plus de 600 enfants ukrainiens qui ont été scolarisés en France, Jean-Michel BLANQUER y travaille avec Marlène SCHIAPPA et donc effectivement nous scolariserons tous les enfants qui sont sur le sol national.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous lancez aujourd'hui une loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur qui va prendre acte. 15 milliards d'euros supplémentaires sur 5 ans pour le budget du ministère de l'Intérieur, là encore il était temps ?

GERALD DARMANIN
Alors non, il était temps, c'est la 2e couche si je peux dire budgétaire puisque la première a été donnée pendant le quinquennat, on a eu 12 milliards grosso modo d'augmentation en 5 ans pour le ministère de l'Intérieur, sans précédent, avec la création de 10 000 policiers et gendarmes. Il s'agit de préparer la France pour l'avenir quel que soit d'ailleurs ses gouvernements. Vous savez l'avenir c'est quoi ? L'avenir ce sera le Cyber, l'essentiel de notre délinquance dans les 5 à 10 ans qui viennent.

APOLLINE DE MALHERBE
Il y aura d'ailleurs 7,5 milliards sur 5 ans qui seront investis spécialement dans les questions numériques.

GERALD DARMANIN
Exactement, l'attaque terroriste de demain, ce sera un drone chargé d'explosifs qui ira sur une foule et ce sera peut-être une attaque cyber qui attaquera un hôpital et les morts seront malheureusement plus nombreux que lorsque les hommes rentrent avec des kalachnikovs dans des salles, voilà même si cette possibilité existe évidemment encore. Donc il faut préparer la France à ces attaques cyber, attaque cyber des particuliers, 60% des PME ont été attaquées, des grandes entreprises, des hôpitaux de notre vie de tous les jours. Préciser également que cette magnifique loi qui permet justement je crois de toucher la protection de la France dans l'avenir technologie que nous connaissons, elle prépare les Jeux olympiques aussi en 2024, 11 créations de CRS ou de gendarmes mobiles supplémentaires, 50000 policiers et gendarmes grâce à la réserve que nous créons.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous parliez à l'instant de ces attaques, je voudrais qu'on dise un mot de ce qui s'est passé hier au procès des attentats du 13 novembre qui se poursuit, Salah ABDESLAM a enchainé les provocations, les insolences à tel point que les audiences ont du même être suspendues et il a eu cette phrase " Si la France m'avait mieux traité, j'aurais peut-être parlé. La France a bousillé ma vie ". Est-ce qu'il y a une forme de responsabilité de terreau, c'était les mots qu'avait utilisé à l'époque Emmanuel MACRON lorsqu'il n'était pas encore président, il avait parlé d'un terreau et d'une forme de responsabilité de l'Etat. Est-ce que cet état d'esprit, est-ce que cette question du terreau est encore une question aujourd'hui ?

GERALD DARMANIN
Moi je trouve que les propos de Salah ADESLAM sont profondément ignominieux, profondément insultants pour la nation française et je crois que le meilleur moyen de répondre à monsieur ADESLAM, c'est le silence du mépris.

APOLLINE DE MALHERBE
Et on terminera justement cette interview sur ce silence.

GERALD DARMANIN
Merci beaucoup.

APOLLINE DE MALHERBE
Gérald DARMANIN, merci d'avoir répondu à mes questions ce matin, vous êtes le ministre de l'Intérieur. Je rappelle donc vous partez en Corse dans les toutes prochaines heures pour y passer 2 jours après avoir évoqué la possibilité d'aller jusqu'à l'autonomie.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 mars 2022