Texte intégral
Mesdames et Messieurs, quelques mots simplement pour me réjouir d'être présent à cette conférence de soutien à la Moldavie, dans un contexte - Annalena l'a dit avec beaucoup de force, je la reprends et la soutiens complètement - dans un contexte où la guerre continue. Quel que soit le narratif que s'efforce de déployer la Russie, la guerre continue. La logique d'invasion se poursuit, même si les narratifs changent. Les négociations ne sont pas au rendez-vous, même si parfois on veut nous faire croire qu'elles aboutissent. Bref, il n'y a rien de changé depuis le début du conflit.
Non seulement il n'y a rien de changé, mais on s'aperçoit, au fur et à mesure, qu'il y a une accumulation d'actions insoutenables, d'atrocités constatées, lorsque les villes occupées par les forces russes sont progressivement, pour certaines, libérées, et qui montrent la gravité, l'ampleur du désastre, l'ampleur de la catastrophe, l'ampleur des drames.
Dans ce travail-là, avec Annalena, nous avons des relations très régulières. Nous allons nous revoir demain à Bruxelles pour la réunion des ministres des affaires étrangères de l'OTAN ; et puis, les Européens se retrouveront lundi pour un conseil des affaires étrangères. Mais l'aggravation de la situation m'amène à dire, là, en début de conférence de presse sur la Moldavie, que nous allons continuer ensemble avec nos amis allemands, à poursuivre le soutien à l'Ukraine, que ce soit un soutien humanitaire, financier, militaire, en termes d'équipements ; et nous sommes en pleine articulation, en pleine harmonie, sur tous ces points avec la Roumanie.
Nous allons poursuivre aussi ensemble la nécessité d'avoir de nouvelles sanctions, parce qu'en raison de l'aggravation de la situation et de l'effroi que donnent ces images que nous avons pu constater, nous devons engager un cinquième paquet de sanctions avec l'horizon du Conseil des affaires étrangères du 11 et nous travaillons ensemble Annalena et moi-même, la France et l'Allemagne, à la définition de que pourrait être ce nouveau paquet, qui devra intégrer le pétrole et le charbon. Les modalités de la mise en oeuvre font aujourd'hui l'objet de discussions, je crois, utiles.
Et puis enfin, nous devons ensemble agir pour lutter contre l'impunité des crimes et des agissements constatés, des probables atteintes au droit international et de probables crimes de guerre. Et pour cela, nous devons aider l'Ukraine à documenter ce que nous pouvons constater. Nous nous y employons, l'un et l'autre.
Et puis au-delà de cela, nous avons agi ensemble avec Bogdan, avec la Roumanie, pour organiser cette réunion de soutien à la Moldavie dont Annalena a donné les conclusions dans les cinq points qu'elle a évoqués. Ce qui me paraît le plus important, à souligner, c'est d'une part la générosité de la Moldavie, dans la relation avec les réfugiés ukrainiens. Elle est au rendez-vous, elle l'a montré. Madame la Première ministre, vous l'avez fait avec beaucoup de force. Ce qui porte aussi, c'est le soutien de longue durée que l'ensemble des acteurs qui étaient présents manifestent à l'égard de la Moldavie. Parce qu'il ne suffit pas de poser un acte, à un moment ; on sait que la crise sera longue, que la guerre sera longue, et que le suivi sera long. Tout cela s'inscrit dans les efforts de réformes initiées déjà, depuis votre arrivée, Madame la Première ministre, à la tête du gouvernement moldave. Vous avez initié des réformes importantes qu'il importe de poursuivre.
Et enfin, j'appelle surtout l'attention sur, non seulement le soin que nous devons apporter pour le bon accompagnement des réfugiés, Annalena a expliqué comment nous nous sommes mobilisés sur ce point, mais singulièrement sur la nécessité d'aider la Moldavie à acquérir son autonomie énergétique. Et nous aurons sur ce point des réunions tout l'après-midi pour trouver un accord partenarial efficace pour que la Moldavie puisse assurer sa propre souveraineté, sans dépendre des énergies venues d'ailleurs dont elle n'a pas la maîtrise. C'est un enjeu pour la Moldavie, c'est un enjeu pour les Européens.
Enfin pour terminer, tout cela, c'est de la solidarité, mais c'est aussi une conception bien comprise de notre propre sécurité, parce que la sécurité de la Moldavie, c'est la sécurité de l'Europe.
(...)
Q - Ces négociations en Ukraine n'étaient pas au rendez-vous, tout comme l'accumulation d'actions insoutenables. Il n'est pas le seul à avoir parlé personnellement à Vladimir Poutine, mais j'aimerais vous interroger sur la posture d'Emmanuel Macron sur sa démarche de négociation constante avant le conflit, pendant le conflit, face à Vladimir Poutine. Si on écoute l'Est de l'Europe, notamment la Pologne, il est reproché que, malgré l'énergie déployée dans ces négociations, ça n'a pas eu d'effet, il n'y a pas eu d'effet escompté ; vu qu'on s'oriente vraisemblablement vers des crimes de masse de l'armée russe du côté de Boutcha en Ukraine, la question que je vous pose c'est : est-ce qu'il faut encore aujourd'hui, selon vous, discuter avec Vladimir Poutine ? Est-ce qu'il faut encore considérer Vladimir Poutine comme un partenaire fiable de négociation ?
R - D'abord, je voudrais préciser que le Président Macron n'a jamais négocié avec le Président Poutine. Vous avez utilisé le mot, il ne convient pas. Le Président Macron, parfois avec le Chancelier d'Allemagne, a agi auprès du Président Poutine pour que, d'abord, il retienne son action militaire, et surtout pour qu'il rentre en négociation avec les Ukrainiens, parce que le sujet est plutôt celui-là. Le sujet, c'est une négociation entre la Russie et l'Ukraine puisqu'il y a un pays qui envahit l'autre. Et donc, c'est à ces deux pays de trouver les bases d'une négociation.
Le Président Macron et le Chancelier Scholz ont dit qu'ils étaient prêts à accompagner cette négociation si c'était nécessaire, mais la négociation, elle est normalement entre ces deux pays. Elle n'est pas au rendez-vous ! Parce qu'il y a eu un certain nombre de rencontres que vous avez évoqués. D'abord à Gomel dans le Sud de la Biélorussie puis aussi à Antalya, puis maintenant à Istanbul ; mais aujourd'hui, ces négociations n'ont pas embrayé, malgré l'ouverture qu'a pu faire le Président Zelensky, y compris sur le concept de neutralité, mais on sait les éléments de la négociation.
Il y a la question de la neutralité ; il y a la question des garanties de sécurité pour l'Ukraine ; il y a la question des territoires ; il y a la question du niveau de militarisation de l'Ukraine et il y a aussi la question de la Crimée. Je la mets dans les territoires, même si c'est une affaire qui remonte à 2014.
Tout ça est sur la table. Il suffit d'avoir la volonté politique d'avancer. Or aujourd'hui, je serais tenté de dire ici ce que j'avais dit, la dernière fois qu'on s'est vu ici dans une configuration plus restreinte avec Annalena : le pire est encore devant nous. On le voit d'ailleurs malheureusement tous les jours. Donc, c'est au Président Poutine de faire les signes nécessaires et les actes nécessaires ; en tout cas cette découverte atroce, sans doute suivi d'autres, nous amène à nous mobiliser pour préparer un cinquième paquet de sanctions dont vient de parler Annalena, il y a un instant.
Q - Je voudrais adresser une question à Mme Baerbock et M. Le Drian, à savoir, je voudrais parler de la dépendance énergétique de la Moldavie. La Moldavie dépend à 100% des importations de gaz russe, c'est pour cela que la Russie peut presque dicter les prix du gaz, et cela a augmenté de plus de 360% depuis le mois de décembre. Donc comment est-ce que l'Europe peut soutenir la Moldavie en diversifiant ses sources d'importation de gaz ? Est-ce qu'il existe déjà des initiatives ou voire même des plans et mesures concrètes pour s'y attaquer et pour soutenir la Moldavie ?
(...)
R - D'abord, c'est un point central pour la relation entre les Européens et la Moldavie. C'est la préoccupation principale dont on nous fait part, dont la ministre, la présidente nous fait part, dès que l'on va se rendre en Moldavie. Et il a déjà été apporté des réponses immédiates, ne serait-ce que l'articulation électrique avec l'Ukraine ; c'était une première réponse immédiate, ne serait-ce que la livraison de groupes électrogènes de manière assez significative à la demande des Moldaves, dans les semaines qui viennent de se passer ; c'est aussi donc une réponse par anticipation, par précaution nous l'avons fait ensemble.
Mais ça ne suffit pas, et c'est la raison pour laquelle nous avons organisé un groupe spécifique qui fera partie de la plateforme de soutien sur la durée à la Moldavie, qui est co-présidé par l'Italie et par la France ; il va devoir, cet après-midi, essayer d'inventorier le court terme, on a déjà commencé. Le court terme, je le dis devant Bogdan, il se fera de toute façon en relation avec la Roumanie, il n'y a pas d'autre solution, et on connaît la disponibilité de la Roumanie à cet égard ; donc, il va falloir vous conforter vous aussi pour le court terme, sur les centrales thermiques en particulier pour éviter de dépendre de la centrale de Transnistrie. Et puis, sur le moyen terme, il y a des initiatives à prendre sur la rapidité, l'efficacité de l'acheminement en gaz - on sait qu'il y a un tronçon de gazoduc à finir. Il faut essayer de trouver les financements pour l'achever, parce que ce sera vraiment la sécurité majeure pour la Moldavie d'avoir une capacité de se brancher sur les circuits de gaz, indépendamment de la Russie, et à ce moment-là l'autonomie stratégique, je pense, l'autonomie énergétique sera assurée.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 avril 2022