Déclaration de M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, sur la politique agricole de l'Union européenne, à Luxembourg le 7 avril 2022.

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Circonstance : Réunion des ministres de l'Agriculture

Texte intégral


"Bonjour Mesdames et Messieurs, nous sommes ce matin réunis au Luxembourg pour la tenue du quatrième Conseil Agriculture sous présidence française. C'est évidemment un conseil important au regard des sujets que nous allons traiter. D'abord un sujet qui me tient particulièrement à coeur, qui est le sujet du carbone. Les ministres du Conseil vont, je l'espère, adopter une déclaration commune sur la question du carbone. Vous savez que l'agriculture est source de captation de carbone dans le sol, les agriculteurs sont de véritables soldats du climat. Il faut pour cela créer un cadre permettant aux agriculteurs à la fois de développer les pratiques permettant de stocker du carbone dans le sol ou dans la biomasse, et en même temps créer le cadre permettant d'émettre des crédits carbone, chose qui sera donc demandée sous la forme d'une déclaration commune du Conseil afin que la Commission européenne puisse établir, dans les meilleurs délais, le cadre permettant à la fois ces pratiques, leur développement et en même temps la valorisation économique de cette captation du carbone. En lien avec le carbone, il y a évidemment la question du sol, ce qui renvoie à un sujet à l'ordre du jour aujourd'hui qui est la revue de la modification du règlement du LULUCF, un terme qui peut paraître technique mais qui est une modification réglementaire de la Commission ô combien importante, qui est travaillée sous l'égide du Conseil Environnement mais pour laquelle le Conseil de l'agriculture va se positionner aujourd'hui sous la forme des prises de position des différents États membres, fondées sur un document avec trois questions posées par la présidence française. C'est le premier bloc très important dont nous allons traiter ce matin.

Le deuxième sujet éminemment important est évidemment la situation en Ukraine. Nous aurons l'honneur de recevoir, comme nous l'avions fait il y a quelques jours, le nouveau ministre de l'Agriculture ukrainien qui nous fait l'honneur de participer cet après-midi à un point dédié à l'Ukraine. Vous savez que sur l'Ukraine, nous avons trois priorités : la première priorité est d'apporter l'aide au peuple ukrainien, l'aide au gouvernement ukrainien, l'aide aux agriculteurs ukrainiens, le nouveau ministre ukrainien a transmis à la Commission européenne un certain nombre de demandes d'aide et donc nous allons aujourd'hui faire le point sur la réponse que l'Europe, de manière coordonnée, peut apporter aux autorités ukrainiennes. Le deuxième sujet, c'est l'impact de ce conflit ukrainien sur les marchés, les marchés européens, les marchés à l'international. Nous aurons donc un point dédié et le commissaire présentera l'ensemble des mesures qu'il a annoncées le 23 mars dernier afin d'avancer sur ces outils pouvant être mis à disposition des différents États membres pour faire face aux conséquences que la guerre en Ukraine a sur les différentes productions. Enfin, le troisième sujet sur l'Ukraine est évidemment l'impact à l'international. Vous avez vu que la France a pris l'initiative d'une grande opération de coordination internationale qui s'appelle FARM, qui vise à apporter des solutions pour se prémunir d'un risque de famine à l'international, d'ici 12 à 18 mois, qui viendrait s'adjoindre à la catastrophe que nous vivons aujourd'hui liée à cette guerre sur le sol européen.

Le troisième sujet que nous aborderons aujourd'hui lors du Conseil est un sujet relatif aux indications géographiques puisque la Commission européenne nous présentera l'ensemble des modifications qu'elle a prévu dans le cadre de cette nouvelle réglementation sur les indications géographiques. C'est un sujet, là aussi, très important pour beaucoup d'États membres et nous aurons donc l'occasion de revenir dessus et d'en parler. Vous le voyez, trois sujets d'importance qui seront traités lors de ce Conseil. Un Conseil qui a également une résonance particulière puisque cela fait 60 ans, quasiment jour pour jour, que, suite au traité de Rome, les premières mesures agricoles, agraires, étaient prises au niveau européen. Et je crois que, s'il y a 60 ans, cette politique agricole commune voyait naître ses premiers textes réglementaires, l'actualité nous montre à quel point les réponses face à l'ensemble de ces défis, qu'ils soient liés à la guerre, qu'ils soient liés à cette souveraineté, cette indépendance alimentaire, qu'ils soient liés aux conséquences du changement climatique sont impérieuses. C'est vraiment à l'échelle européenne que nous arriverons à construire ensemble les réponses les plus fortes face aux défis auxquels nous sommes aujourd'hui confrontés. Je vous dis donc à tout à l'heure.


Q - Sur le LULUCF, vous avez dit c'est pratiquement entre les mains des ministres de l'Environnement. Donc quels sont les points d'intention voire de préoccupation pour les ministres de l'Agriculture qui y reviennent pour une deuxième fois, alors que ce n'est pas un texte normalement dans leur agenda.

M. Julien Denormandie : C'est un texte qui est profondément lié aux pratiques agricoles, puisque c'est un texte qui est fondé sur le sol et, à cet effet, les ministres en charge des politiques agricoles et des politiques forestières suivent avec grande attention ce texte. Nous avons posé trois questions précises qui peuvent paraître très techniques, mais la technicité est nécessaire pour s'assurer que la vision politique soit bien conforme à la fois à l'indépendance alimentaire, à la fois aux transitions, à la fois à cette approche carbone que j'évoquais tout à l'heure. Lorsqu'on parle d'agriculture, le pilier fondamental de l'agriculture, c'est le sol, cette modification de la réglementation LULUCF vise à modifier l'approche envers le sol, c'est pour ça que les ministres de l'Agriculture suivent cela de très près. Nous avons considéré que si nous en avions déjà parlé, il était important de pouvoir en reparler pour justement éclairer nos collègues du Conseil Environnement des attentes du Conseil Agricole sur ce sujet. C'est ce que nous ferons et je vous dirai ce soir les prises de position des uns et des autres.

Q - Est-ce qu'il y a une demande déjà à la Commission de prendre des mesures supplémentaires d'urgence pour aider le secteur agricole à faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine, est-ce qu'il est déjà temps de penser à des mesures supplémentaires alors que la Commission a déjà présenté un plan le 23 mars ?

M. Julien Denormandie : Il y a des sujets très précis que demandent un certain nombre d'États membres. Un point a été mis à l'ordre du jour à l'initiative de la Croatie, visant notamment à se poser la question de l'utilisation d'un certain nombre d'outils non prévus par le paquet aujourd'hui annoncé le 23 mars. Je pense notamment à l'utilisation des fonds du deuxième pilier pour pouvoir accompagner nos agriculteurs face aux conséquences de la guerre en Ukraine. Donc, le point sera mis à l'ordre du jour et sera présenté par ce groupe de pays que vous avez évoqué, à l'initiative notamment de la Croatie. Il importe que la Commission européenne entende ces demandes. J'imagine qu'il y aura un certain nombre d'États membres qui soutiendront cette position exprimée par la Croatie et d'autres. Notre objectif aujourd'hui est d'assurer l'indépendance, la souveraineté alimentaire de l'agriculture européenne et cela passe évidemment, en premier lieu, par le soutien de nos agriculteurs et donc toutes ces mesures permettant de soutenir ses agriculteurs doivent être regardées avec beaucoup d'attention par la Commission".


Source https://ue.delegfrance.org, le 8 avril 2022