Interview de M. Franck Riester, ministre du commerce extérieur et de l'attractivité, à Public Sénat le 24 juin 2022, sur l'absence de majorité absolue à l'Assemblée nationale, les relations entre le gouvernement et l'opposition et le commerce extérieur.

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Intervenant(s) : 
  • Franck Riester - Ministre du commerce extérieur et de l'attractivité

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Notre invité politique ce matin c'est Franck RIESTER. Bonjour.

FRANCK RIESTER
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être avec nous.

FRANCK RIESTER
Merci à vous.

ORIANE MANCINI
Vous êtes ministre délégué chargé du Commerce extérieur et de l'attractivité de la France et vous avez été réélu dimanche député de Seine-et-Marne. Vous présidez Agir, c'est l'une des composantes de la majorité présidentielle. On va parler évidemment de toutes ces questions. Elisabeth BORNE a dit hier soir sur LCI ne pas avoir tranché sur le fait de demander ou non la confiance du Parlement. Est-ce qu'il n'y a pas un peu un signal de fébrilité ? Est-ce qu'elle n'acte pas qu'elle renonce à avoir une majorité ?

FRANCK RIESTER
Non, ce n'est pas ça. C'est simplement qu'elle n'a pas fait son choix encore dans une situation nouvelle. C'est une époque nouvelle, on ne peut pas dire un nouveau monde puisque ça, c'était en 2017. Mais oui, nous sommes dans une époque nouvelle où le gouvernement n'a pas une majorité absolue. Nous avons une majorité relative. Le président de la République a été réélu et le groupe principal à l'Assemblée nationale c'est le groupe qui soutient l'action du président de la République. Donc nous devons trouver les voies et moyens dans les jours, les semaines qui viennent et c'est tout ce que fait aujourd'hui le président de la République en lien avec les partis, en lien avec les groupes, pour faire fonctionner cette Assemblée nationale d'un nouveau genre d'une certaine façon. Et vous savez, beaucoup de ceux qui sont dans l'opposition aujourd'hui, qui réclament depuis longtemps le scrutin proportionnel finalement, ils en ont un peu le résultat potentiel. Si on avait eu un scrutin proportionnel, peu ou prou on aurait eu cette Assemblée nationale-là. Eh bien démontrons collectivement qu'une diversité plus importante de l'Assemblée nationale n'est pas source d'immobilisme mais, au contraire, quelque chose qui permet d'avancer, de mener des réformes importantes dans le pays sur base du compromis, sur la base de la culture du compromis, qui nous manque bien souvent.

ORIANE MANCINI
Mais est-ce que c'est possible en France ? Est-ce que c'est vraiment possible d'avoir ces compromis, de faire cette coalition ?

FRANCK RIESTER
Oui, je le crois. Je le crois, en tout cas je le souhaite. Je le souhaite. Vous savez, beaucoup d'ailleurs de commentateurs disent : regardez, dans d'autres pays il y a la culture du compromis qui permet d'avoir des résultats. Mais la culture du compromis, elle est aussi le fruit des institutions. Et c'est vrai que les institutions avec une majorité forte n'incitent pas à tendre la main, à écouter l'opposition puisqu'on a la majorité à soi tout seul. Eh bien, là je pense que c'est une belle opportunité pour construire un nouveau fonctionnement du parlement, en respectant davantage peut-être ces oppositions, en travaillant davantage en amont les textes.

ORIANE MANCINI
Ce que vous n'avez pas fait. Vous reconnaissez que ça n'a pas été fait dans le précédent quinquennat.

FRANCK RIESTER
Mais nous et les autres majorités avant nous. Et je pense que de travailler plus en amont les textes, peut-être de faire des textes moins bavards, plus politiques, qui permettent de mieux saisir aussi pour nos compatriotes ce qu'on fait et ce qu'on met en discussion à l'Assemblée nationale. J'étais à l'époque, rappelez-vous, rapporteur de la loi Hadopi qui était la loi sur la lutte contre le piratage sur Internet. J'avais été frappé de voir, avec mon expérience, à quel point on n'avait pas suffisamment en amont saisi les parties prenantes, saisi nos compatriotes sur cet enjeu de la protection du droit d'auteur. Eh bien peut-être qu'avec cette nouvelle assemblée, il va falloir qu'on travaille beaucoup plus en amont les textes, qu'on les mette en discussion dans l'opinion publique bien en amont.

ORIANE MANCINI
Donc c'est aussi un message au gouvernement et à Emmanuel MACRON. Il va falloir plus tenir compte du Parlement. Il va falloir nous aussi - quand je dis nous, c'est vous, vous gouvernement - changer votre méthode de gouvernement.

FRANCK RIESTER
Mais je vous le dis, c'est évident. Il faut prendre acte du fait que nous avons une Assemblée nationale différente, plus diverse, sans majorité absolue. Et le président MACRON comme les autres présidents de la République qui étaient avec des majorités absolues, va devoir travailler différemment bien sûr. Mais il le dit, il l'a dit d'ailleurs aux Français lors de son intervention télévisée. Il le démontre d'ores et déjà en rencontrant les différents chefs des partis politiques de notre pays et il a la volonté, sur la base de son projet qui a été acté par les Français, soutenu par le groupe principal à l'Assemblée nationale, sur la base donc de ce projet-là de trouver les voies et moyens pour avancer, pour agir pour nos compatriotes. Pour leur régler leurs problèmes de santé, leurs problèmes de sécurité, leurs problèmes d'emploi, de formation, leurs problèmes liés à la transition énergétique et climatique. Voilà, c'est un beau programme devant nous et moi je suis optimiste, je vais vous dire.

ORIANE MANCINI
Et c'est ce que vous avez dit à Emmanuel MACRON en tant que président de parti puisque, évidemment, vous vous êtes entretenu avec lui comme tous les autres présidents de parti. Vous lui avez dit ça. Qu'est-ce qu'il vous a répondu ?

FRANCK RIESTER
Oui, je lui ai dit ça. Et je lui ai même dit que nous, on souhaitait de ce fait-là être encore plus dans le rassemblement et l'unité. On a pris la décision par exemple qu'Agir ne fasse pas un groupe à l'Assemblée nationale. Vous savez que nous avions un groupe, le groupe Agir ensemble à l'Assemblée nationale, et on a pris la décision de se regrouper avec la République en March, avec d'autres partenaires de la majorité…

ORIANE MANCINI
Vous avez combien de députés aujourd'hui à Agir ?

FRANCK RIESTER
15.. 14 exactement. Et donc on a pris la décision…

ORIANE MANCINI
Pas de quoi faire un groupe non plus.

FRANCK RIESTER
Oui mais vous savez, un groupe, on aurait pu avec quelques divers droite, des personnalités qui ont envie de travailler d'une façon plus autonome comme on l'avait d'ailleurs dans le groupe Agir ensemble. Le groupe Agir ensemble n'était pas composé que de députés Agir. Et donc on a fait ce choix de rassemblement et d'unité en bâtissant avec la République en Marche le groupe Renaissance. Voilà. Et ça, je crois que c'est un beau signal d'unité et un beau signal que nous nous appliquons à nous-mêmes à ce que nous essayons de faire passer comme message politique. Dans un moment où nous avons en France tant de défis à relever, tant de menaces auxquelles il faut faire face, de se rassembler entre femmes et hommes de bonne volonté au service de l'intérêt général. Mettre l'intérêt du pays avant l'intérêt de son parti.

ORIANE MANCINI
On va parler évidemment dans quelques instants d'Ensemble et de ses différentes composantes dont la vôtre. Mais pour finir sur ces questions de majorité, hier Elisabeth BORNE sur LCI a dit : on ne peut pas écarter des amendements d'où qu'ils viennent par principe, mais évidemment si un amendement n'est porté que par le Rassemblement national, je ne vois pas pourquoi on le voterait. Vous partagez ça ?

FRANCK RIESTER
Ecoutez, tout est dit. Je crois qu'il faut trouver les voies et moyens d'écouter, de travailler mais ne pas se mettre dans une situation d'alliance avec le Front national ou avec la France insoumise. Ce n'est pas du tout notre esprit.

ORIANE MANCINI
C'est-à-dire que tous les amendements du RN, vous les rejetez.

FRANCK RIESTER
Non, ce n'est pas du tout ça, pas du tout. L'idée est de travailler intelligemment texte après texte, en écoutant les députés quels qu'ils soient, parce qu'à partir du moment où ils ont été élus, ils sont des députés de la République et donc il faut travailler avec eux. Pour autant, il est clair que pour nous, pas question de faire une alliance c'est-à-dire d'avoir une contrepartie " je te prends cet amendement-là et tu voteras mon texte ". Non, ça ne peut pas être comme ça. Il faut être clair.

ORIANE MANCINI
Ça marche aussi pour la France insoumise ?

FRANCK RIESTER
Oui. La France insoumise doit avoir un comportement différent de ce qu'elle a aujourd'hui. On voit bien cette dureté de la France insoumise dans le Parlement. On voit bien, moi je l'ai vu quand pendant cinq ans, à quel point c'était dur, à quel point c'était rugueux. Nous devons travailler différemment. Et donc ce nouveau fonctionnement de l'Assemblée nationale doit se faire dans la clarté, sans compromission mais avec la culture du compromis et je pense que c'est possible. Pas question d'avoir une alliance évidemment avec des partis avec lesquels on a des différences majeures, que ce soit la France insoumise ou que ce soit le Rassemblement national - d'ailleurs ils ne le souhaitent pas non plus. Et en revanche écouter, travailler avec toutes celles et ceux qui ont envie d'être constructifs et ont envie de bâtir des compromis au sens noble du terme.

ORIANE MANCINI
Le Rassemblement national, il ne dit pas qu'il ne veut pas être constructif.

FRANCK RIESTER
Très bien !

ORIANE MANCINI
Il est plutôt dans cette démarche-là. Ils ont quand même 89 députés, c'est le premier parti d'opposition.

FRANCK RIESTER
Je vous dis, à partir du moment où ils sont élus, ils sont des députés de la République. Il faut en prendre acte et le respecter. Et respecter ça, c'est respecter les électeurs. Mais en même temps, il est hors de question pour nous de bâtir des alliances avec le Rassemblement national. C'est clair, c'est net et c'est précis.

ORIANE MANCINI
La semaine prochaine vont être désignés les présidents de commissions, dont la fameuse commission des finances qui doit revenir à un membre de l'opposition. À qui doit-elle revenir pour vous ? À quel parti doit-elle revenir ?

FRANCK RIESTER
Ça, c'est à eux de voir. C'est à l'opposition de voir.

ORIANE MANCINI
Vous ne prendrez pas part au vote ?

FRANCK RIESTER
La tradition, c'est que c'est le premier groupe de l'opposition - mais c'est une tradition, ce ne sont pas les textes. Donc on verra ce que sera la décision.

ORIANE MANCINI
Donc le Rassemblement national.

FRANCK RIESTER
On verra ce que sera la décision des oppositions. Vous savez, moi je suis convaincu que ce qui compte, c'est que quel que soit le président de la commission des finances, il soit aussi dans une attitude constructive. Et que les pouvoirs qu'il a, qui sont nombreux, soient utilisés au service de l'intérêt général et pas au service partisan pour faire du blocage ou pour faire des coups politiques. Ce n'est jamais qu'ont fait les précédents présidents de commission des finances qui étaient dans l'opposition, que ce soit par exemple Gilles CARREZ, que ce soit Eric WOERTH. J'espère que cette tradition d'un président de la commission des finances issu de l'opposition mais déterminé à assurer ses fonctions au service de l'intérêt général restera la mise.

ORIANE MANCINI
Donc il n'y a pas de problème si c'est un RN ou un La France insoumise qui prend la tête de la commission des finances.

FRANCK RIESTER
Ce sera le choix des oppositions.

ORIANE MANCINI
Et vous confirmez que vous ne prendrez pas part au vote quelle que soit la configuration.

FRANCK RIESTER
Je verrai quand le les choses se présenteront mais…

ORIANE MANCINI
Donc vous n'excluez pas selon la configuration de prendre part au vote.

FRANCK RIESTER
Non mas attendez, je ne sais pas. Après, c'est une question peut-être d'individualités. Mais l'esprit, c'est que cette présidence de la commission des finances appartient - et c'est les textes - appartient à l'opposition et ce n'est pas à la majorité de se mêler du choix de celui ou celle qui est retenu par l'opposition. Pour autant, rien n'est jamais impossible à partir du moment où c'est une élection et on verra bien ce que sera le candidat in fine.

ORIANE MANCINI
Est-ce que le résultat de dimanche a été une claque quand même pour vous, pour la majorité présidentielle ?

FRANCK RIESTER
Ce n'est pas la victoire qu'on espérait, à la hauteur de ce qu'on espérait. Mais on est le premier groupe très clairement, avec à la fois le groupe Renaissance, le groupe MoDem et le groupe Horizons de l'Assemblée nationale. On est à une trentaine ou une quarantaine de voix de la majorité absolue, ce n'est pas insurmontable. C'est après un quinquennat où nous avons été en responsabilité. Quand même quand on prend un peu de hauteur : un président qui a été réélu. C'est la première fois depuis le général de GAULLE qu'un président est réélu alors qu'il avait une majorité à lui à l'Assemblée nationale. Et la famille politique et les différentes composantes qui le soutiennent sont les premiers à l'Assemblée nationale, ont les groupes les plus importants à l'Assemblée nationale. Ecoutez, ce n'est pas si mal. Maintenant évidemment, il n'y a pas la majorité absolue et donc il faut travailler dans ce nouveau contexte-là au service des Français. C'est exactement la philosophie dans laquelle nous sommes, mais c'est plutôt évidemment une déception de ne pas avoir cette majorité absolue qui aurait été un moyen de mettre en oeuvre encore plus rapidement et efficacement notre projet. Mais en même temps les Français ont choisi, et c'est peut-être encore une fois une belle opportunité - c'est pour ça que je suis optimiste - de peut-être travailler différemment et de changer la culture politique dans notre pays, et peut-être aussi de revaloriser l'image de la politique auprès de nos compatriotes.

ORIANE MANCINI
Et du Parlement ?

FRANCK RIESTER
Du Parlement en particulier mais de l'image de la politique en général. En tout cas, c'est dans cet esprit-là que nous allons travailler au gouvernement.

ORIANE MANCINI
Là, vous nous parlez des différentes composantes d'Ensemble : Renaissance, Agir, Horizons MoDem. Est-ce que vous pensez vraiment parvenir à rester unis dans ce quinquennat qui s'annonce difficile et dans cette législature qui s'annonce compliquée ?

FRANCK RIESTER
Oui, je le pense d'autant plus que la majorité est relative et que nous avons besoin de nous serrer les coudes pour pouvoir continuer d'avoir un bloc le plus important à l'Assemblée nationale.

ORIANE MANCINI
Alors justement, quelle sera l'attitude d'Agir ? Est-ce que vous garderez quand même une liberté de vote, même au sein de Renaissance puisque vous êtes dans le même groupe ? Ou est-ce que vous dites : il y a des textes sur lesquels on va peser, il y a des taxes sur lesquels on imposera des lignes rouges ?

FRANCK RIESTER
Ecoutez, quand on est député on a une liberté de vote. Ça, c'est quelque chose qui est très important, mais en même temps on a un besoin d'une solidarité de groupe. Et cette solidarité de groupe, elle est d'autant plus importante encore une fois quand la majorité est relative, et donc on a besoin de tous pour pouvoir passer des textes de loi. Premièrement. Et deuxièmement, les députés ont été élus sur la base d'un projet : celui présenté par le président de la République, acté par les Français et du fait de son élection comme président de la République et qui est le projet que nous avons porté dans les campagnes électorales, partout sur le territoire. Je me suis présenté, moi, en Seine-et-Marne comme vous le savez, en portant le projet du président de la République.

ORIANE MANCINI
Sur quels textes vous comptez peser ?

FRANCK RIESTER
Nous avons, comme vous le savez, une sensibilité sur les questions économiques, sur les questions d'autorité, sur les questions de défense, sur les questions de sécurité. Et donc nous voulons être très à la manoeuvre et très engagés sur ces textes-là pour assurer les moyens à nos compatriotes de vivre en sécurité, de faire en sorte que notre justice puisse répondre plus rapidement aux besoins. Nous voulons aussi continuer cette oeuvre d'amélioration de la compétitivité du pays. Regardez ce qui a été fait depuis cinq ans pour améliorer la compétitivité du pays, avec les résultats que vous voyez en termes de chômage, en termes de croissance, en termes d'attractivité. Vous savez que pour la troisième année consécutive, la France est le pays le plus attractif d'Europe en termes d'investissements étrangers sur son sol. Ce n'est pas le fruit du hasard.

ORIANE MANCINI
On va en parler.

FRANCK RIESTER
Oui, mais il faut le dire à nos compatriotes. Ce n'est pas le fruit du hasard cette dynamique économique. Malgré les difficultés que certains ont toujours, le fait qu'il y ait une bonne dynamique sur l'emploi, c'est le fruit des mesures qui ont été prises par le président de la République et ses gouvernements successifs pour améliorer la compétitivité de notre pays. Donc on veut aller plus loin dans cette direction et les députés Agir seront particulièrement impliqués sur ces questions-là.

ORIANE MANCINI
Emmanuel MACRON n'a pas parlé de la réforme des retraites mercredi soir. Est-ce que ça vous inquiète ? Est-ce que vous craignez qu'il l'enterre un petit peu ?

FRANCK RIESTER
C'est typiquement une réforme qui va nécessiter, vu le contexte à l'Assemblée nationale, d'être encore plus dans le rassemblement.

ORIANE MANCINI
Ça veut dire qu'elle pourra ne pas se faire ?

FRANCK RIESTER
Attendez, tout est possible La volonté est là de la faire, et c'est d'ailleurs pour ça que la méthode qu'il propose et qu'il a évoquée dans sa campagne est la bonne. C'est d'associer les parties prenantes, c'est d'associer les Français bien en amont pour essayer de bâtir la meilleure réforme possible. Pour quoi faire ? Pas pour embêter les Français : pour assurer la pérennité du système de retraite par répartition auquel, nous Français, nous sommes attachés. Or tous nos compatriotes comprennent bien qu'à partir du moment où on vit plus longtemps et qu'on ne souhaite pas remettre des cotisations tant sociales que patronales, parce que c'est du pouvoir d'achat en moins pour les salariés ou de la compétitivité en moins pour nos entreprises si on mettait des cotisations en hausse, ni baisser les pensions de retraite, la seule façon de pouvoir équilibrer le système avec une France qui vieillit, c'est de travailler plus longtemps et de repousser l'âge légal du départ en retraite. Mais tout ça doit se faire dans la discussion, dans la transparence et dans la proportion et la progressivité. C'est l'état d'esprit qui est le nôtre et avec la volonté, bien sûr, de prendre en compte les questions spécifiques, individuelles. Parce qu'évidemment ceux qui commencent très tôt à travailler, ceux qui ont des métiers qui sont particulièrement pénibles ou durs doivent avoir un parcours je dirais de travail tout au long de leur vie différente des autres.

ORIANE MANCINI
Sur les textes, vous aurez besoin de la majorité alors plutôt à droite, on imagine, sur la réforme des retraites. Est-ce qu'Agir qui détient beaucoup de députés qui viennent de la droite, est-ce que vous serez un groupe charnière pour aller discuter avec les LR ? Est-ce que c'est ça aussi que vous souhaitez faire ? Est-ce que vous espérez débaucher des députés LR ?

FRANCK RIESTER
Attendez, on ne veut pas débaucher. On veut clairement que toutes celles et ceux qui ont envie de par les responsabilités que leur ont confié leurs électeurs, envie de faire avancer le pays, de régler des problèmes qui sont des problèmes importants pour nos compatriotes, loin des clivages partisans ou des postures partisanes, sont les bienvenus. Ils sont les bienvenus en étant dans un nouveau groupe, bienvenus en votant en députés libres en fonction de ce qu'ils souhaitent et c'est ça qu'on appelle de nos voeux. Ce n'est pas nécessairement de changer… qui compte. Ce qui compte, c'est d'accompagner ce mouvement de travail collectif qui est devant nous et qui est nécessaire pour nos compatriotes, et pour agir au service de nos compatriotes.

ORIANE MANCINI
Est-ce qu'il faut aussi qu'il y ait un signal qui soit donné au gouvernement ? Est-ce que dans le remaniement qui va avoir lieu il faut qu'il y ait de nouvelles personnalités de droite pour vous ?

FRANCK RIESTER
Ecoutez, ça c'est la question du président de la République. C'est le président de la République en lien avec la Première ministre qui nomme le gouvernement et c'est tout à fait sa responsabilité. Mais vous avez vu depuis qu'Emmanuel MACRON est président de la République, il a toujours été dans le dépassement, dans le rassemblement. Il a nommé Edouard PHILIPPE Premier ministre en 2017 qui venait de la droite. Il a su faire en sorte que son gouvernement représente la diversité des sensibilités de celles et ceux qui le soutiennent dans son action, qu'ils soient politiques ou de la société civile. Je suis absolument convaincu que prenant en compte cette nouvelle réalité politique, il prendra les décisions qui s'imposent.

ORIANE MANCINI
Et Elisabeth BORNE, qui est plutôt marquée à gauche, elle peut rester, vu la configuration de la nouvelle Assemblée ?

FRANCK RIESTER
Ecoutez, elle est Première ministre, elle est dans le dépassement comme nous tous, bien évidemment. Son appartenance à sa culture de gauche est une force pour la majorité.

ORIANE MANCINI
Un dernier mot sur ce gouvernement, parce qu'on a vu hier par exemple Brigitte BOURGUIGNON, qui était en déplacement pour parler des thématiques de la santé, il y a le Covid qui remonte, on est en pleine crise de l'hôpital, Brigitte BOURGUIGNON lundi elle a annoncé qu'elle démissionnerait du gouvernement puisqu'elle a perdu. Est-ce que ce n'est quand même pas un problème qu'on ait une ministre de la Santé qui est démissionnaire, comme d'autres, est-ce qu'à un moment il ne va pas falloir faire ce remaniement vite ?

FRANCK RIESTER
Il y a un moment où il faudra faire ce remaniement.

ORIANE MANCINI
Non mais là, c'est encore tenable cette situation ?

FRANCK RIESTER
Mais vous voyez bien que… oui, bien sûr…

ORIANE MANCINI
On a Brigitte BOURGUIGNON qui est sur le terrain, alors qu'on sait qu'elle est démissionnaire.

FRANCK RIESTER
Bien sûr que c'est possible. La politique, et la mise en oeuvre d'une politique publique de santé, ne repose pas uniquement sur une ministre, heureusement, ou un ministre. Et donc c'est toutes les équipes du ministère, c'est toutes les forces vives du secteur de la santé, qui font une politique publique de la de la santé. Pour autant, bien évidemment on voit bien que le président de la République devra faire un ajustement ou un remaniement, et d'ailleurs il l'a dit lui-même, qu'il devra faire entrer un certain nombre de secrétaires d'Etat, sur un certain nombre de sujets qui sont aujourd'hui, pas, je dirais, cochés dans le gouvernement. Donc ce temps-là va arriver. A quel moment, ça c'est le président de la République qui décide, mais vous savez, bâtir un gouvernement dans cette situation politique inédite, c'est quelque chose de sérieux, qui demande du temps et de la réflexion, et c'est bien légitime qu'il le fasse ainsi. On lui reprocherait de se précipiter pour constituer un gouvernement.

ORIANE MANCINI
Un dernier mot sur Agir, avant de parler de votre ministère. Entre Renaissance qui est un groupe puissant, le MoDem et Horizons, est-ce que vous ne craignez pas d'être effacé ?

FRANCK RIESTER
Non, moi je ne crains pas ça. Ce que je crains, c'est de ne pas être suffisamment constructif pour faire avancer mon pays, c'est de ne pas suffisamment faire vivre les idées qui sont les miennes. Et je ne crois pas du tout que ça se joue une histoire de poids des groupes, c'est une question de force de conviction, de travail, et aussi de détermination à se faire entendre vis-à-vis de du président de la République. J'ai eu l'occasion de lui dire beaucoup de choses pendant mon entretien avec lui.

ORIANE MANCINI
On va parler de votre ministère et des chiffres du commerce extérieur qui ne sont pas bons. Quels sont les derniers chiffres, d'ailleurs, du déficit commercial ?

FRANCK RIESTER
Alors, écoutez, en 12 mois glissants, on est à plus de 100 milliards d'euros de déficit, 106 milliards d'euros. Et c'est. Evidemment…

ORIANE MANCINI
106 aujourd'hui.

FRANCK RIESTER
Oui, enfin, c'est en 12 mois glissants à fin avril. On attend les chiffres prochainement pour le mois de mai. Ce sont des mauvais chiffres, qui sont liés à deux choses, des raisons structurelles et des raisons conjoncturelles. Conjoncturelles, tout le monde le comprend avec l'augmentation du prix de l'énergie, eh bien ça vient impacter le coût global de nos importations. Et même si…

ORIANE MANCINI
Donc ça veut dire que ça va encore se creuser.

FRANCK RIESTER
Probablement. Probablement, parce qu'on voit bien que plus le coût des importations des énergies, mais aussi des matières premières augmente, plus c'est difficile, même si les exportations sont dynamiques, d'avoir une balance commerciale positive, au contraire elle a tendance à se dégrader, et donc cet effet conjoncturel il est là pour durer le temps du prix de l'énergie à un niveau élevé, c'est la raison pour laquelle la stratégie du président qui est de dire : il faut qu'on accélère la transition énergétique, est la bonne, pour sortir de notre dépendance aux hydrocarbures. Et puis deuxièmement, il y a une stratégie plus structurelle, qui vise à d'abord continuer le travail d'amélioration de la compétitivité du pays. Pour être bons à l'international, il faut être fort dans son pays et donc il faut que son pays soit compétitif. Deuxièmement, c'est continuer à relocaliser des productions, être un pays plus de production, et tout le travail que l'on fait avec le Plan de relance, avec France 2030, va dans ce sens-là. C'est aussi la transition énergétique, je l'ai rappelé, c'est aussi avoir une politique commerciale européenne moins naïve, mieux protéger nos entreprises de la concurrence déloyale, forcer la réciprocité des pratiques. Vous savez, hier j'ai signé avec le Parlement européen, un texte européen qui est un changement radical de la politique commerciale européenne. Sous influence française et sous présidence française, on a par exemple aujourd'hui un texte qui va être mis en oeuvre dans quelques jours, qui va nous permettre de forcer nos partenaires commerciaux du monde entier, à ouvrir leurs marchés publics aux produits européens, alors même qu'aujourd'hui ils sont fermés aux produits européens, au moment où nous, nous ouvrons tous nos marchés publics européens aux entreprises du monde entier. C'est un changement radical de philosophie. On va dire aux Chinois, aux Américains, aux Japonais : si vous voulez continuer de répondre aux marchés publics en Europe entière, ouvrez vos marchés publics à nos produits. Eh bien ça, c'est la fin de la naïveté européenne. Et il faut que nos compatriotes voient et comprennent que le volontarisme du président de la République au niveau européen, change l'Europe, et change l'Europe dans ce qui était chose qu'ils ne supportaient plus, la naïveté face à des pratiques souvent déloyales de nos partenaires commerciaux.

ORIANE MANCINI
Un dernier mot, puisque vous le dites, la France pour le moment attire les investissements étrangers, est-ce qu'une crise politique et des blocages à l'Assemblée nationale pourraient inverser cette tendance ?

FRANCK RIESTER
Ecoutez, je pense que tout ce qui donne le sentiment d'une instabilité, n'est pas bon. Mais encore une fois, moi je suis optimiste, je ne pense pas que ce que nous allons vivre, soit de l'instabilité, mais chacun va être face à ses responsabilités…

ORIANE MANCINI
Non mais ça peut avoir des conséquences sur les investissements étrangers ?

FRANCK RIESTER
Bien sûr. Bien sûr, une instabilité, une incapacité à agir, une incapacité à former les réformes, à mettre en oeuvre les réformes nécessaires pour le pays, est un élément qui ne joue pas favorablement, en termes d'attractivité. Les investisseurs du monde entier que je rencontre, me disent : on choisit la France aujourd'hui, plus que l'Allemagne, plus que l'Espagne, plus que le Royaume-Uni, pour investir, parce que vous avez un président qui a mené des réformes qui nous permettent de développer nos affaires, de meilleure façon en France qu'ailleurs. S'il y avait un mouvement inverse, eh bien évidemment ça jouerait sur l'attractivité, donc ça jouerait sur les investissements et ça jouerait sur la croissance et l'emploi. Et c'est donc tout ce qu'on ne veut pas. Et je finis en disant un point, c'est que nous avons besoin en matière aussi de commerce extérieur de continuer à avoir cet esprit de conquête, continuer à faire en sorte que nos entreprises, petites, moyennes et grandes, choisissent l'international pour se développer. Et on a toute une politique très ambitieuse en la matière.

ORIANE MANCINI
Un dernier mot, puisqu'on rentre dans la saison estivale, est-ce que, en termes d'attractivité de la France, notamment pour les touristes, là le Covid est derrière nous, est-ce que vous êtes optimiste sur les chiffres du tourisme pour cet été ?

FRANCK RIESTER
Oui, et d'ailleurs les chiffres sont bons pour 2022, et une partie d'ailleurs des chiffres du commerce extérieur que l'on ne voit pas suffisamment, que sont les résultats de nos services, nous sommes très excédentaires, que ce soit par exemple les services aux entreprises, les services de transport, et le tourisme, sont très dynamiques en 2022, et notamment parce que les touristes sont de retour en France. Il suffit de voir à Paris le nombre de touristes qu'il y a cet été ou en tout cas ce printemps, par rapport à l'année dernière, pour être optimiste. Par compte, nous devons continuer d'être prudents, de respecter les gestes barrières, pour ne pas que la 7e vague dont on commence à parler, ne soit trop violente.

ORIANE MANCINI
Et de remettre le masque, vous pourriez l'envisager au gouvernement ?

FRANCK RIESTER
Ecoutez, en tout cas et les gestes barrières sont importants, et il faut que chaque Français puisse être conscient que le virus recommence à circuler.

ORIANE MANCINI
Merci Franck RIESTER.

FRANCK RIESTER
Merci à vous.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'avoir été notre invité ce matin.

FRANCK RIESTER
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 juin 2022