Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Apolline de MALHERBE.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci de venir répondre à toutes mes questions ce matin parce que j'en ai plein, on a énormément de questions à voir avec vous parce qu'on est confronté tous les Français en ce moment à des questions de consommation, d'énergie, de prix, de pénurie, de salaire. Je voudrais qu'on commence par les loyers parce que alors qu'on prévoit 7 % d'inflation, les loyers ne seront finalement pas gelés, vous l'avez annoncé, les hausses de loyers seront limitées à 3,5 %. Vous avez choisi votre camp, ce sera quand même les propriétaires.
BRUNO LE MAIRE
Non c'est le camp de tous les Français et c'est le camp de la protection contre l'inflation. Nous avons mis en place il y a plusieurs mois un bouclier énergétique sur l'électricité, sur le gaz, nous l'avons complété par des mesures sur l'essence, nous mettons maintenant en place un bouclier loyer. il y aurait une augmentation effectivement de l'indice de 3,5 % mais ce sera pour l'année qui vient, c'est-à-dire que les loyers seront gelés, on ne pourra pas dépasser les 3,5 % alors que si on regarde aujourd'hui les niveaux d'inflation, on pourrait avoir du plus 4, du plus 5, du plus 6, c'est bien une protection que nous garantissons aux Français, les loyers n'augmenteront pas pendant un an de plus de 3,5 % comme les prix de l'électricité n'ont pas augmenté de plus de 4 %, comme les prix du gaz ont été gelés, c'est une nouvelle protection que nous garantissons aux Français.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous jouez un peu sur les mots, vous me dites ils sont gelés mais gelés à 3,5, donc ils sont gelés mais ils augmentent.
BRUNO LE MAIRE
Parce qu'il faut trouver les compromis. J'ai reçu pendant plusieurs semaines les associations de bailleurs, j'ai reçu le logement social, les associations de consommateurs, les propriétaires, il faut tenir compte des intérêts de chacun, c'est comme ça on pourra avancer. Nous avons discuté et après la discussion vient le moment où il faut décider en trouvant le compromis, je pense que ce bouclier loyer est le meilleur compromis pour tous.
APOLLINE DE MALHERBE
J'imagine que mot compromis n'est pas tout à fait choisi au hasard dans le contexte évidemment où on parle beaucoup de compromis mais quand même si on regarde dans le portefeuille par exemple d'un locataire qui paierait un loyer de 600 euros, 600 euros par mois avec cette augmentation de 3,5 %, ça fait quand même 273 euros de plus par an.
BRUNO LE MAIRE
Oui mais il a la garantie, Apolline de MALHERBE, il a la garantie que ça n'augmentera pas pendant un an, c'est une garantie forte. Qu'est-ce qui est important, c'est de pouvoir se projeter aujourd'hui au-delà de cette période de pic d'inflation dont j'ai parlé à plusieurs reprises. Donc là chacun peut se projeter et savoir que son loyer n'augmentera pas de plus de 3,5 %, alors que je le redis ça pourrait être 4, 5, 6 dans les mois qui viennent. Et par ailleurs ça permet de garantir qu'on va continuer à construire parce que si vous avez des loyers qui sont complètement gelés, des revenus qui sont complètement gelés, ça n'est pas une incitation à construire et chacun sait que nous avons besoin de construction notamment dans les zones tendues.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous dites ça aurait pu être beaucoup plus, ça veut dire que vous prévoyez combien d'inflation au mois de juin, au mois de juillet est-ce que vous avez déjà un petit peu une idée ?
BRUNO LE MAIRE
On a une inflation aujourd'hui qui atteint les 5 % et je pense qu'en moyenne annuelle sur 2022 nous devrions avoir une inflation de l'ordre de 5 %. Ça va continuer donc à augmenter dans les semaines et dans les mois qui viennent, je l'ai toujours indiqué, nous sommes au coeur du pic d'inflation, raison de plus pour protéger nos compatriotes, mais je le rappelle nous avons le niveau d'inflation le plus faible de la zone euro parce que nous avons été la France les premiers à prendre des décisions fortes, que nous ne les avons maintenues et que nous les renforçons maintenant avec le paquet qui est en cours de préparation.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu'il faut imaginer que l'inflation va continuer à monter mais de manière peut-être un peu moins abrupte ou est-ce que vous imaginez un plateau voire même une décrue ?
BRUNO LE MAIRE
Non je pense que l'inflation continuera à monter dans les semaines qui viennent et je ne l'ai jamais caché, ça fait des mois que je dis que le plus dur est devant nous, nous y sommes, nous espérons une décrue de l'inflation dans le courant de l'année 2023 et ensuite nous aurons une inflation structurellement plus faible, plus fortes pardon que ce que nous avions précédemment tiré par la situation géopolitique, l'Ukraine, les blocages en Chine et tiré par le coût de la transition énergétique.
APOLLINE DE MALHERBE
Les loyers donc qui pourraient augmenter jusqu'à 3,5 et bloqué au-delà de 3,5, qu'est-ce qu'il en sera des APL ? Vous aviez promis qu'elles seraient revalorisées ces aides personnelles au logement de 3,5 % également, c'est ça ?
BRUNO LE MAIRE
Elles seront revalorisées de 3,5 %.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous nous le confirmez ce matin.
BRUNO LE MAIRE
je vous le confirme ce matin avec la même philosophie qui est de protéger ceux qui ont les plus grandes difficultés et c'est bien cela toute la logique de la protection que nous voulons apporter, une protection qui est temporaire parce que l'inflation, le pic d'inflation est temporaire et qui doit être le plus ciblée possible sur les ménages qui en ont le plus besoin, sur les jeunes qui en ont le plus besoin, sur des familles qui en ont le plus besoin, l'augmentation des APL de 3,5 %, c'est une façon de répondre aux difficultés de toutes ces personnes.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça va mieux en le disant parce que quand même les APL, c'était une des premières mesures, vous aviez quand même choisi comme première mesure très emblématique du premier quinquennat d'Emmanuel MACRON, de les baisser de 5 euros, on s'en souvient bien.
BRUNO LE MAIRE
Vous voyez nouveau quinquennat, prenez ça comme mesure emblématique si vous le souhaitez, nous sommes là pour protéger nos compatriotes, en particulier ceux qui ont le plus de difficultés, qui ont les revenus les plus faibles, à passer ce cap du pic…
APOLLINE DE MALHERBE
Changement de philosophie donc ?
BRUNO LE MAIRE
Non ce n'est pas un changement de philosophie, c'est simplement une très grande attention aux difficultés des Français, aux difficultés de nos compatriotes.
APOLLINE DE MALHERBE
Sobriété énergétique, les patrons d'EDF d'ENGIE et de TotalEnergies qui appellent hier à la sobriété, la meilleure énergie reste celle que nous ne consommons pas, des patrons qui encouragent à ne pas consommer, c'est quand même suffisamment rare pour être souligné, l'effort doit être immédiat, collectif et massif, chaque geste compte. Est-ce que ça veut dire que vous appelez plus que jamais les Français à la sobriété énergétique ?
BRUNO LE MAIRE
D'abord je salue effectivement cette tribune des énergéticiens français, je pense qu'elle va dans le bon sens et que c'est un signal très fort de leur part. Je rappelle que c'est un message qui a été passé par le président de la République il y a maintenant plusieurs mois, quand il a défini notre stratégie énergétique à Belfort, elle repose sur 3 piliers, accélérer la réalisation de nouvelles structures renouvelables notamment les champs éoliens offshore, construire 6 nouveaux réacteurs nucléaires et faire preuve de sobriété. Chacun doit comprendre que la sobriété d'un point de passage obligé pour réussir notre transition énergétique et lutter avec efficacité contre le réchauffement climatique. Il y a pas d'alternative à la sobriété, elle est nécessaire et tant mieux si les énergéticiens se saisissent de ce sujet. Je rappelle aussi que la Première ministre a lancé le plan sobriété énergétique il y a maintenant quelques jours.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu'on va, est-ce qu'on en est là, c'est-à-dire est-ce qu'on se dit que on va manquer de gaz cet hiver, est-ce qu'on pourrait aussi d'avoir des black-out, des moments où on a plus d'électricité, où on ne sait pas faire face à la demande ?
BRUNO LE MAIRE
Notre rôle, c'est justement de faire face à cela, de tout prévoir, les décisions qui sont prises sur l'usine de Saint-Avold, elles vont dans ce sens-là, il s'agit de prévoir…
APOLLINE DE MALHERBE
Saint-Avold c'est donc cette usine à charbon.
BRUNO LE MAIRE
C'est la centrale à charbon, on maintiendra…
APOLLINE DE MALHERBE
Qui pourrait être réallumée.
BRUNO LE MAIRE
Nous maintiendrons la décision de fermeture de toutes les centrales à charbon, c'est l'engagement du président de la République, il sera tenu, mais il faut pouvoir faire face à l'imprévu, à des situations qui sont des situations hors normes d'autant plus que sur le gaz russe, nous ne savons pas quelles sont les décisions qui ont été prises par Monsieur POUTINE.
APOLLINE DE MALHERBE
En gros ce que vous nous dites, c'est si vous ne baissez pas le chauffage, on aura du charbon cet hiver.
BRUNO LE MAIRE
Non ce n'est pas ça. C'est pas ce que nous disons, ce n'est pas une question de menaces ou de… c'est simplement essayer sur le long terme de changer nos habitudes, de changer chacun nos comportements pour que nous réussissions cette transition énergétique et que nous soyons plus efficaces dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Et ça commence d'ailleurs avant les particuliers par les administrations et par les entreprises. Et nous, membres du gouvernement, responsables politiques, tous ceux qui ont des administrations sous leur autorité ont une responsabilité très lourde pour réduire la facture énergétique de leurs bâtiments.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous allez demander à ces patrons, tous les patrons d'usines etc de faire eux-mêmes un effort, est-ce que c'est simplement un encouragement, une demande que vous leur faites ou est-ce que vous pourriez aller jusqu'à couper les usines la nuit comme l'Allemagne commence à l'envisager dans certains de ces scénarios ?
BRUNO LE MAIRE
Dans ces temps difficiles, ça vous donne mon état d'esprit profond, il n'y a de solution que collective. Soit nous sommes capables, les particuliers, les entreprises, les administrations, l'Etat de définir un cap, une stratégie de long terme, une planification sur la sobriété, sur l'énergie qui nous permettra d'accélérer la lutte contre le réchauffement climatique parce qu'il faut la gagner cette bataille, c'est indispensable, c'est l'avenir de nos enfants qui en dépend, c'est l'avenir de notre planète et là nous réussirons. Soit on commence à rentrer dans des chicayas interminables à se rejeter la responsabilité les uns sur les autres et ça ne marchera pas. Ça vaut pour le climat, ça vaut pour le pouvoir d'achat, ça vaut pour tous les grands sujets qui concernent la France.
APOLLINE DE MALHERBE
Moi je veux bien, c'est-à-dire que c'est beaucoup mieux de faire ça tous ensemble et de ne pas avoir le sentiment qu'on fait chacun dans notre coin, mais je regarde simplement les plans en Allemagne avec un plan à 3 niveaux, on est déjà au niveau 2 d'alerte en Allemagne, alors ils sont beaucoup plus dépendants évidemment des Russes, mais ils ont la possibilité désormais de permettre aux gestionnaires de réseaux de couper le robinet des usines.
BRUNO LE MAIRE
C'est des discussions que nous avons déjà avec Agnès PANNIER-RUNACHER et avec un certain nombre de secteurs économiques. Est-ce qu'il y a des opérations, à un moment donné de délestage, c'est-à-dire de dire : voilà, quelles sont les entreprises à qui nous serons obligés de couper le gaz, parce qu'il n'y en aurait plus ? Nous n'en sommes pas là, je veux le dire tout de suite, mais bien entendu que nous prévoyons et que nous planifions ces situations-là, c'est notre rôle d'anticiper.
APOLLINE DE MALHERBE
On se souvient de mesures très emblématiques…
BRUNO LE MAIRE
Mais ça ne se fait pas contre les entreprises, ça se fait avec elles, c'est avec elles que nous déterminons les entreprises qui sont les plus stratégiques, celles dont on peut éventuellement couper le gaz, et celles dont on ne peut pas couper le gaz.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez rendez-vous avec le patron de TOTAL juste après, non ?
BRUNO LE MAIRE
J'ai rendez-vous avec le patron de TOTAL, mais c'est une discussion que nous avons depuis mois…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous voulez lui demander quoi ?
BRUNO LE MAIRE
Vous voyez bien, quand vous fermez par exemple une verrerie, vous cassez l'outil de production, parce qu'elle ne peut pas redémarrer ensuite. Donc il est évident que ce n'est pas là qu'il faut délester en premier. Donc, ce sont des discussions que nous avons avec les entrepreneurs, pour faire face à toutes les situations possibles.
APOLLINE DE MALHERBE
Et cette rencontre avec le patron de TOTAL, vous en attendez… ?
BRUNO LE MAIRE
On va parler sobriété, on va parler évidemment transition énergétique, et puis on va parler prix du carburant, parce que quand je dis que chacun doit mettre la main à la pâte, ça veut dire aussi en matière de lutte contre l'inflation, que tout l'effort ne peut pas reposer uniquement sur l'Etat et sur la dépense publique , il faut également que les entreprises fassent un effort, TOTAL l'a fait sur le prix du carburant, et ils ont accordé une remise de 10 centimes d'euro sur le prix du litre de carburant, qui complète la remise de 18 centimes de l'Etat. Je vais demander au président de TOTAL, Patrick POUYANNE, de faire à nouveau un effort, parce que le prix du carburant reste très élevé, et que c'est très dur pour beaucoup de nos compatriotes qui n'ont pas d'autre possibilité, qu'ils soient apprentis, qu'ils soient salariés, qu'ils soient ouvriers, que de prendre leur voiture pour aller travailler, et qui ne s'en sortent pas. Donc, que chacun fasse un effort.
APOLLINE DE MALHERBE
Bruno LE MAIRE, ça veut dire que vous vous apprêtez à demander ce matin en patron de TOTAL, quoi, d'allonger cette ristourne ou de la doubler ?
BRUNO LE MAIRE
Nous allons discuter, est-ce qu'il peut l'allonger, est-ce qu'il peut l'augmenter ? L'effort…
APOLLINE DE MALHERBE
Voire même l'augmenter et l'allonger ?
BRUNO LE MAIRE
L'effort doit être équitablement réparti. Les entreprises, l'Etat, les particuliers qui le peuvent, c'est comme ça que nous parviendrons à surmonter cette crise de l'inflation, et que nous en sortirons, j'en suis persuadé, plus forts.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire, Bruno LE MAIRE, que, après la fin août, après la ristourne des 18 centimes, vous êtes en train de vous dire : ce sera aux entreprises de prendre le relais. J'imagine que l'Etat ne va pas se retirer totalement de ces aides…
BRUNO LE MAIRE
Non, l'Etat ne va pas se retirer…
APOLLINE DE MALHERBE
Ça sera une aide…
BRUNO LE MAIRE
Qu'il n'y ait pas d'ambiguïté…
APOLLINE DE MALHERBE
Main dans la main.
BRUNO LE MAIRE
Aujourd'hui, c'est quoi les deux postes de dépenses qui inquiètent le plus nos compatriotes ? Les carburants et l'alimentation. Sur les carburants, nous avons la remise de 18 centimes. Nous travaillons sur des dispositifs qui permettraient de soutenir plus ceux qui n'ont pas d'autre choix que de prendre leur voiture pour aller travailler, mais je souhaite aussi que les entreprises, notamment une entreprise comme TOTAL, contribuent à l'effort collectif. Vous voyez que c'est une philosophie différente du rôle des entreprises. J'ai toujours considéré que les entreprises avaient un rôle dans la cité, un rôle aussi pour le bien public. Eh bien là c'est l'occasion de le montrer. TOTAL l'a fait dans les mois qui sont passés, je souhaite que TOTAL poursuive son effort, et pourquoi pas l'augmente.
APOLLINE DE MALHERBE
Bruno LE MAIRE, le groupe LR va proposer une baisse des taxes sur le carburant, c'est déjà le cas du RN, c'est déjà le cas de LFI, ça veut dire qu'aujourd'hui la majorité des députés nouvellement élus demande une baisse de la taxe sur les carburants. Est-ce que vous seriez prêt à un compromis là-dessus ?
BRUNO LE MAIRE
On va discuter évidemment avec toutes les formations politiques, et maintenant je pense que c'est bien de rentrer dans le vif du sujet. C'est très bien dans les discussions globales, mais on voit bien qu'il n'y a pas d'accord au gouvernement possible, qu'il n'y a pas d'union nationale possible, donc moi je souhaite...
APOLLINE DE MALHERBE
Ça c'est fini, vous ne faites plus semblant d'y croire.
BRUNO LE MAIRE
Mais vous savez, moi je pense aux Français. Je ne pense qu'à mes compatriotes, et je sais qu'aujourd'hui ils attendent des décisions. Il faut…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous dites ce matin, ça y est, on l'a compris, Il n'y aura pas de coalition, il n'y aura pas de gouvernement d'union nationale.
BRUNO LE MAIRE
Mais je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'avoir une union nationale. Nous ne sommes pas en guerre, ni dans une situation qui justifierait une union nationale. Je ne pense pas qu'une coalition soit possible et qu'elle soit accessible dans des délais raisonnables, et je sais en revanche que nos compatriotes, chaque jour, se demandent si nous allons prendre des décisions pour les aider sur le prix du carburant, sur le prix de l'alimentation, sur la situation économique, sur l'emploi, sur la sécurité. L'esprit de compromis doit s'accompagner d'un esprit de décision, et le compromis ne doit jamais se faire au détriment de la décision. Nos compatriotes ont besoin aussi que nous décidions sur les sujets que vous avez soulevés. Et s'agissant du carburant, pour répondre précisément à votre question, je veux dire aussi que tout n'est pas possible, et que des dépenses supplémentaires de l'ordre de 20 ou de 25 milliards d'euros sur le carburant, comme le proposent certaines formations politiques, elles sont trop coûteuses, ou alors il faudra renoncer à d'autres choses. Tout n'est pas possible, tout simplement Apolline de MALHERBE, parce que nous avons atteint la cote d'alerte sur les finances publiques.
APOLLINE DE MALHERBE
La cote d'alerte.
BRUNO LE MAIRE
Oui, la cote d'alerte.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire quoi, sur la dette par exemple. Je sais que la dette a encore augmenté…
BRUNO LE MAIRE
Nous avons atteint la cote d'alerte sur les finances publiques, au sens…
APOLLINE DE MALHERBE
… de 90 milliards au 1er trimestre, on est à 2 900 milliards d'euros de dette.
BRUNO LE MAIRE
Oui, mais ce n'est pas le montant brut des 2 900 milliards qui me préoccupe. Pourquoi est-ce que je parle de cote d'alerte ? Tout simplement parce que les conditions de financement ont changé, que nous pouvions emprunter à 0 % voire à des taux négatifs, et qu'aujourd'hui nous empruntons à plus de 2 %, parce qu'une partie de la charge de la dette est indexée sur l'inflation, donc quand l'inflation augmente, la charge de la dette augmente aussi de plusieurs milliards d'euros, et que ma responsabilité de ministre des Finances, et je souhaite que chacun l'entende, c'est de revenir à des finances publiques équilibrées d'ici 2027.
APOLLINE DE MALHERBE
Je ne sais pas comment vous faites là, avec toutes ces contradictions, avec tous ces tiraillements…
BRUNO LE MAIRE
Non, ce n'est pas contradictoire.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est-à-dire que vous allez vouloir mettre en place des aides et en même temps vous nous dites : on atteint la cote d'alerte.
BRUNO LE MAIRE Mais, Apolline de MALHERBE, la politique c'est des choix. C'est ce que je vous explique ce matin. C'est que nous avons des finances publiques qui doivent revenir à l'équilibre d'ici 2027, qu'il est impératif de réduire l'endettement public, car l'endettement public est une atteinte à notre indépendance et à notre souveraineté, qu'il faut dans le même temps protéger nos compatriotes qui sont les plus fragiles, mais les protéger de manière responsable, en faisant des choix, qu'est-ce qui est notre priorité, jusqu'où allons-nous, pour combien. De temps ? C'est de cela qu'il faut discuter.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous allez réveiller les alertes qu'a lancée LFI et Jean-Luc MELENCHON, sur un programme caché de réduction de la dette, qui va entraîner mécaniquement, une hausse des taxes.
BRUNO LE MAIRE
Mais, le complotisme ne sera…
APOLLINE DE MALHERBE
Ou en tout cas, qui entraîne votre refus de les baisser les taxes.
BRUNO LE MAIRE Apolline de MALHERBE, le complotisme ne fera jamais une solution pour la France, c'est l'esprit de responsabilité qui fera des solutions. Mon choix, chacune des oppositions, part dans des idées qui ne tiennent pas la route, ou alors prêtent de mauvaises intentions au gouvernement, alors que nous ne cherchons qu'à trouver des solutions pour le pays. Soit, les oppositions vont dans la surenchère sans cesse, en disant : il faut toujours plus, dépenser toujours plus, baisser toujours plus telle taxe ou tel impôt, et dans ce cas-là, nous n'irons nulle part, soit, chacun se dit, ce que je crois absolument indispensable, que, aujourd'hui, beaucoup de nos compatriotes sont confrontés à des augmentations de prix qui sont très difficiles, sont inquiets pour leur situation personnelle, et demandent de notre part des solutions, on se met autour de la table du Parlement, nous réfléchissons sur chaque sujet aux solutions les plus appropriées, nous faisons des choix ensemble. Et moi, je suis prêt à entendre les critiques, les propositions, les alternatives…
APOLLINE DE MALHERBE
Enfin, vous êtes quand même en train de nous dire, Bruno LE MAIRE…
BRUNO LE MAIRE
Mais au bout d'un certain temps, il faudra décider, et décider dans un cadre qui est contraint, qui est celui de nos finances publiques.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes en train de nous dire qu'il n'y a plus d'argent dans les caisses.
BRUNO LE MAIRE
Non, je vous dis simplement que le cadre dans lequel nous devons travailler, ce n'est pas le grand n'importe quoi, c'est des finances publiques qui doivent être équilibrées.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça ne commence pas tout à fait bien, cette idée du compromis, si vous commencez tout de suite par dire : eh bien, par exemple, alors qu'ils sont tous d'accord, du LR jusqu'à LFI et au RN, pour dire qu'il faut baisser les taxes sur le carburant, que ça, ce n'est pas possible.
BRUNO LE MAIRE
Mais c'est mon rôle de ministre des Finances, c'est mon rôle de ministre de l'Economie de dire : nous devons protéger, il y a plein de solutions possibles, et d'ailleurs, on a déjà fait beaucoup, je le redis, sur le gaz, sur l'électricité, sur l'essence, sur les ménages les plus modestes, sur le soutien au travail, qui doit rester notre fil directeur, nous avons de nouvelles propositions, on en discute ensemble, mais ne laissons pas croire aux Français qu'on peut dépenser tant et plus indéfiniment, nous avons fait le quoi qu'il en coûte, il a été efficace, il a protégé les Français, il nous a permis d'ailleurs d'éviter que la dette n'explose encore plus, parce que ça aurait été effroyablement coûteux de réparer la montée du chômage et l'explosion des faillites. Mais désormais, nous devons nous mettre dans un cadre financier nouveau et responsable.
APOLLINE DE MALHERBE
Cote d'alerte sur la dette atteinte donc. Fabien ROUSSEL, pourquoi pas, Yannick JADOT, pourquoi pas Robert MENARD, pourquoi pas, pourquoi pas rentrer dans un gouvernement, quand vous me dites : pas de gouvernement d'union nationale, ça veut dire que si ces trois-là disent : eh bien, oui, pourquoi pas venir dans le gouvernement, vous dites non, finalement, on n'a pas besoin de vous ?
BRUNO LE MAIRE
Je ne vais pas vous faire en bon français du pick and choose sur les uns et sur les autres. Ce qui est important, c'est le projet sur lequel le président de la République, je le rappelle, parce qu'on l'oublie un peu trop souvent, a été réélu, il y a quelques semaines, ce projet, il tient en 4 mots : le travail, la sécurité, l'éducation et le climat, tous ceux qui croient dans la valorisation, dans la dignité par le travail, tous ceux qui croient dans la nécessité de faire de l'Education une priorité absolue, tous ceux qui pensent qu'il faut renforcer notre sécurité et lutter avec encore plus de détermination contre la délinquance, qui est insupportable pour nos compatriotes, et tous ceux qui veulent accélérer la lutte contre le réchauffement climatique, sur la base définie par le présent la République, sobriété, renouvelables et nucléaire, tous ceux-là sont les bienvenus…
APOLLINE DE MALHERBE
Eh bien, potentiellement, alors, ça dépend des points, mais enfin, Fabien ROUSSEL par exemple, ça fonctionne sur tout ce que vous venez de dire, donc pourquoi pas…
BRUNO LE MAIRE
Par exemple, mais ça ne fonctionne pas pour d'autres, sur la question du nucléaire, par exemple…
APOLLINE DE MALHERBE
Sur Yannick JADOT, je pense que sur la question du nucléaire, ça ne marcherait pas, mais ça marcherait sur d'autres points…
BRUNO LE MAIRE
Et vous savez, le compromis, ça n'est pas le reniement, là aussi, il faut bien comprendre le cadre dans lequel…
APOLLINE DE MALHERBE
Ni pour eux ni pour vous…
BRUNO LE MAIRE
Mais je pense qu'il est indispensable dans un début de quinquennat avec un président de la République qui a été réélu, qui a obtenu la majorité à l'Assemblée nationale, parce que, là aussi, on l'oublie, de fixer le cadre politique, l'esprit de compromis doit s'accompagner de l'esprit de décision, et le compromis, ce n'est pas le reniement, il y a un projet, et croyez-moi, je suis viscéralement attaché à ce que nous gardions la ligne de notre projet, elle n'est pas négociable, nous croyons à la nation, nous ne croyons pas par exemple au communautarisme ; donc tous ceux qui feront assaut de communautarisme…
APOLLINE DE MALHERBE
Là, vous pensez à LFI ?
BRUNO LE MAIRE
Par exemple, eh bien, dans ce cas-là, je suis désolé, sur les sujets de société, sur ces sujets fondamentaux, il n'y a pas de compromis possible.
APOLLINE DE MALHERBE
Encore une fois, j'ai quand même l'impression que le portrait-robot d'un Fabien ROUSSEL, il a tout à fait sa place dans ce que vous nous dites.
BRUNO LE MAIRE
Peut-être, mais c'est à lui de le dire, ce n'est pas à moi de dire : tiens, venez, c'est à lui de le dire…
APOLLINE DE MALHERBE
Eh bien, il dit qu'il n'est pas contre…
BRUNO LE MAIRE
Moi, j'ai toujours bien travaillé…
APOLLINE DE MALHERBE
Il dit que la porte est ouverte…
BRUNO LE MAIRE
Avec Fabien ROUSSEL, mais avant les noms, avant les personnes, il y a le projet pour la France, et je ne voudrais pas que, en ce début de quinquennat, on ne s'écarte du projet pour la France qui a été proposé par un Emmanuel MACRON et retenu largement par nos compatriotes.
APOLLINE DE MALHERBE
Bruno LE MAIRE, ministre de l'Economie et des Finances, merci d'avoir donné toutes ces précisions ce matin. Je rappelle quand même votre expression plutôt alarmiste, la cote d'alerte sur la dette est atteinte.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 juin 2022