Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à CNews le 29 juin 2022, sur l'inflation, le déficit public, la dette publique, les prix de l'énergie, les mesures en faveur du pouvoir d'achat, la taxation des hauts revenus et la vie politique.

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Texte intégral

LAURENCE FERRARI
Bonjour Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour Laurence FERRARI.

LAURENCE FERRARI
Bienvenue dans la matinale de Cnews.

BRUNO LE MAIRE
Merci.

LAURENCE FERRARI
Les nuages noirs s'accumulent sur l'économie française. Inflation et taux d'intérêt en hausse, augmentation vertigineuse des prix de l'alimentation et de l'énergie, si on rajoute les 50 000 contaminations/jour pour le Covid et le risque d'une France bloquée à l'Assemblée nationale, on a un tableau très morose, vous me l'accorderez, très morose.

BRUNO LE MAIRE
Ce n'est pas tout à fait ma vision.

LAURENCE FERRARI
Vous allez me la donner. Mais est-ce que la France ne risque pas d'entrer en période de récession ?

BRUNO LE MAIRE
Non, je ne pense pas. Je pense que la croissance française est solide. On l'a fixée à 2,5% pour 2022.

LAURENCE FERRARI
Moins que prévu.

BRUNO LE MAIRE
Moins que prévu mais comme tous les autres pays occidentaux, tous les autres pays européens. Nous avons le choc inflationniste, nous avons la fermeture de la Chine, nous avons la déstabilisation américaine qui pèse sur la croissance. Mais la croissance française résiste, c'est un des chiffres de croissance les plus élevés de la zone euro et c'est le résultat de tout le travail de fond que nous avons fait depuis 5 ans. Attractivité du pays, baisse de la fiscalité sur les entreprises, formation et qualification des salariés, c'est ça qui nous permet de résister aujourd'hui. Notre difficulté, elle est sur les finances publiques, elle n'est pas sur la situation économique qui est solide. L'investissement se porte bien, l'investissement des entreprises, et surtout l'emploi se porte très bien. Donc tout ça montre que le tableau est plus contrasté que vous ne pouvez le dire.

LAURENCE FERRARI
Mais l'un est intimement lié à l'autre. Les finances publiques sont intimement liées à la politique que vous avez mené, le "quoi qu'il en coûte ”, l'argent magique. On continue à dépenser sans compter.

BRUNO LE MAIRE
Non, on est sorti du "quoi qu'il en coûte ”. Je l'ai dit en septembre dernier. Nous ne pouvons pas continuer dans le "quoi qu'il en coûte ”. Le "quoi qu'il en coûte” était justifié par l'effondrement de l'économie française en 2020, avec une récession pour le coup d'une violence comparable à celle de 1929. Donc nous avons protégé, soutenu les salariés, soutenu les entreprises. Maintenant nous revenons à la normale et nous combattons l'inflation…

LAURENCE FERRARI
Donc on dépense.

BRUNO LE MAIRE
Mais la bonne réponse à l'inflation, ce n'est pas le "quoi qu'il en coûte ”. Le "quoi qu'il en coûte ” était la bonne réponse à la crise du Covid, la bonne réponse à l'inflation c'est la protection de ceux qui souffrent le plus de l'inflation et la maîtrise de l'inflation. D'ailleurs le résultat est là Laurence FERRARI : 4%, 5% d'inflation, c'est le chiffre le plus faible de la zone euro. Donc c'est la preuve que toutes les mesures que nous avons prises sur l'électricité, sur le gaz, le bouclier tarifaire, les remises sur le carburant ont été efficaces. Nous protégeons mieux et nous avons protégé plus vite contre l'inflation que la plupart des pays européens.

LAURENCE FERRARI
Notre déficit public, où en est-il ? Quelle est votre prévision pour cette année ?

BRUNO LE MAIRE
Nous allons tenir les 5% de déficit public, c'est la preuve que nous sommes responsables. Je suis venu sur ce plateau dire il y a quelques mois que nous aurions 5% de déficit, nous aurons 5% de déficit. J'ai dit également que nous allions engager la baisse de la dette publique, nous avons 114% de dette publique, nous allons passer à 112. C'est encore évidemment trop dans les conditions financières actuelles…

LAURENCE FERRARI
C'est petit, c'est peu.

BRUNO LE MAIRE
Mais la direction est la bonne. Simplement, je le redis avec beaucoup de gravité pour tous ceux qui nous écoutent, pour tous ceux avec qui nous allons travailler à l'Assemblée nationale et au Sénat, nous avons atteint la cote d'alerte. Pourquoi ? Pas à cause du chiffre brut mais parce que les conditions financières de financement de la dette française ne sont plus du tout les mêmes.

LAURENCE FERRARI
Les taux d'intérêt.

BRUNO LE MAIRE
Les taux d'intérêt qui remontent et l'inflation parce que je rappelle qu'une partie des obligations françaises sont indexées sur l'inflation. Ça veut dire que lorsque l'inflation augmente, la charge de la dette augmente. Je vous donne juste un chiffre : la charge de la dette en 2022, c'est 17 milliards de plus que ce que nous avions anticipé à cause de l'inflation et à cause de la remontée de taux d'intérêt. Donc chacun doit comprendre que le cadre financier dans lequel nous évoluons désormais a radicalement changé.

LAURENCE FERRARI
On entend bien la petite musique vous fait résonner et notamment en direction de vos anciens amis des Républicains : on maîtrise la dette, elle reste à un niveau abyssal. Geoffroy ROUX de BEZIEUX du MEDEF dit " attendez Monsieur le Ministre, la cote d'alerte elle n'est pas atteinte, elle est largement dépassée, on continue à dépenser ".

BRUNO LE MAIRE
Oui. C'est pour ça que je fais un appel à la responsabilité de chacun. D'abord je le redis, nos chiffres sont tenus 5% de déficit promis, 5% tenus. Baisse de la dette publique annoncée, nous passons de 114 à 112. Je rappelle que je suis le Ministre des Finances qui a sorti la France de la procédure pour déficit excessif il y a quelques années, qui est revenu sous les 3% de déficit public. Donc je n'ai pas de leçon à recevoir sur la maîtrise des finances publiques, nous l'avons fait. Quant à ce chiffre de plus de 100, à tous ceux qui critiquent aussi dans les oppositions, je rappelle que c'est en général eux qui ont fait exploser la dette en 2010 de 60% à plus de 94. Donc plutôt que se renvoyer la balle les uns les autres, essayons de dessiner un chemin pour la France, qui permet à la fois de protéger nos compatriotes, ceux qui souffrent le plus de l'augmentation des prix et de rétablir nos finances publiques. Et je le dis aussi à Geoffroy ROUX de BEZIEUX que j'ai reçu hier…

LAURENCE FERRARI
Le en même temps est possible ?

BRUNO LE MAIRE
Très franchement pour répondre au MEDEF, les entreprises ne sont pas les dernières à demander de l'aide à l'Etat quand il y a la crise du Covid ou quand il y a l'inflation. Donc plutôt que d'essayer de nous renvoyer le mistigri les uns les autres, je propose que nous nous rassemblions, que nous disions « voilà l'enveloppe dont nous disposons, le cadre financier dans lequel nous évoluons et à partir de là, trouvons tous ensemble les meilleures mesures pour le pays ».

LAURENCE FERRARI
Il y a quelques plus-values fiscales aussi, 55 milliards d'euros de plus-values fiscales. Ça, c'est le bon côté des choses si on veut le voir ?

BRUNO LE MAIRE
Oui. Dans ces plus-values fiscales, il y a une des recettes fiscales les plus dynamiques, c'est l'impôt sur les sociétés. C'est bien la preuve que la politique que nous avons engagée avec le président de la République de baisse de l'impôt sur les sociétés que nous avons ramené de 33,3 à 25 et même moins pour les PME et les TPE, ça permet aux entreprises de mieux fonctionner, de dégager des profits, de payer plus d'impôts sur les sociétés et d'embaucher davantage puisque l'emploi se porte bien. Donc c'est la bonne politique et comme c'est la bonne politique Laurence FERRARI, je ne compte pas en changer. Nous maintiendrons la politique de l'offre. C'est celle que je conduis depuis 5 ans, celle qui nous permet de nous rapprocher du plein emploi - ce que nous n'avons pas atteint depuis un demi-siècle en France - ce qui permet de créer de la richesse pour pouvoir la redistribuer. Donc nous maintiendrons la politique de l'offre qui fera le succès du pays.

LAURENCE FERRARI
Vous avez évoqué les mesures pour le pouvoir d'achat, pour aider les Français les plus défavorisés. Il y a déjà 25 milliards d'euros qui ont été engagés depuis le début de l'année. Là le nouveau paquet de propositions, vous le chiffrez à peu près à la même chose ? 25 milliards d'euros aussi ?

BRUNO LE MAIRE
Ce sera un montant équivalent. Je ne peux pas donner le chiffre exact puisque nous allons arriver à l'Assemblée nationale et que je veux laisser toute sa place à la discussion à l'Assemblée nationale, mais dans le cadre que j'ai fixé : les finances publiques qui doivent être rétablies et une politique de l'offre qui favorise la création de richesses par les entreprises et l'emploi.

LAURENCE FERRARI
En aucun cas la France ne peut devenir la Grèce en termes de dette ?

BRUNO LE MAIRE
Non. Non, ne jouons pas là aussi avec les peurs des Français. La France créé des emplois, la France investit, la France est en train de se moderniser en termes de numérisation, de robotisation et d'innovation, donc il faut simplement garder son sang-froid. Moi je vois dans cette période beaucoup de gens qui s'agitent dans tous les sens. Ils sautent sur leur chaise, ils poussent des grands cris, ils font peur aux Français. Rien n'est plus précieux…

LAURENCE FERRARI
Hommes et femmes politiques ?

BRUNO LE MAIRE
Oui, des hommes et des femmes politiques qui jouent avec les peurs des Français. Rien n'est plus précieux que le sang-froid dans cette période de grande agitation. Oui il y a un pic inflationniste, oui c'est très dur pour des millions de nos compatriotes et c'est bien pour ça que nous les protégeons. Ce pic inflationniste ne durera pas éternellement, et si nous sommes capables de tenir cette ligne économique, le rétablissement des finances publiques, de soutien à ceux qui sont les plus fragiles et de créations d'emplois, nous nous en sortirons.

LAURENCE FERRARI
Sur la question de l'énergie, est-ce qu'il faut sortir du marché européen de l'électricité qui, en fait, a fait grimper la facture de 35% de l'électricité ? Est-ce qu'il ne faut pas en sortir ? Le président MACRON l'a dit ; il est furieux de cette situation.

BRUNO LE MAIRE
Il ne faut sortir du marché européen de l'énergie. En revanche je pense, comme l'a fait le président de la République, que maintenant il faut hausser le ton. Avoir de l'électricité décarbonée dont le prix est indexé sur les énergies fossiles, c'est stupide. C'est stupide économiquement et c'est révoltant d'un point de vue climatique. Donc s'il faut hausser le ton, croyez-moi, ça ne me dérange absolument pas de le faire avec la Commission européenne et avec nos partenaires européens. Nous ne voulons plus payer l'électricité décarbonée au prix des énergies fossiles.

LAURENCE FERRARI
Oui mais après ? Une fois qu'on a haussé le ton, qu'est-ce qui se passe ? Rien ?

BRUNO LE MAIRE
Ne vous inquiétez pas, il se passe toujours quelque chose quand on hausse le ton. Il faut le faire avec des arguments, nous en avons. Il faut le faire avec de la détermination, nous n'en manquons pas avec Emmanuel MACRON.

LAURENCE FERRARI
Sur effectivement les chèques que vous allez proposer, est-ce que c'est la solution ? Les Républicains notamment disent " on ne veut pas de cette politique des chèques, chèque alimentation, chaque carburant ". C'est des mesurettes disent-ils. Vous entendez leurs propositions ?

BRUNO LE MAIRE
J'entends mais enfin, ils expliqueront aux Français qu'un chèque alimentation n'est pas une bonne idée. Moi je pense que c'est une bonne idée parce que c'est une idée qui est simple, immédiate et que moi je suis ici pour répondre aux préoccupations immédiates, pour ne pas dire des angoisses immédiates de millions de nos compatriotes. Quand vous avez une famille de 3 ou 4 enfants, que vous n'arrivez plus à payer ce qu'il faut pour les nourrir correctement, désolé, ma responsabilité c'est de trouver une solution immédiate. Je ne dis pas que c'est une solution formidable, je dis qu'elle a le mérite de l'efficacité, de la simplicité et de la rapidité. Donc oui, le chèque alimentaire est une solution efficace pour nos compatriotes.

LAURENCE FERRARI
Mais on est d'accord que l'Etat n'est pas amené à payer pour l'alimentation, l'électricité ou le carburant des Français ad vitam æternam ?

BRUNO LE MAIRE
Evidemment que non, c'est bien pour ça que nous privilégions des mesures temporaires à des mesures pérennes. Quand on nous dit " il faut baisser la TVA ", mais c'est très bien. Sauf que baisser la TVA, ça n'est pas une mesure temporaire. Parce qu'une fois que vous avez baissé la TVA, vous ne revenez jamais dessus. Donc vous vous privez de recettes fiscales dont vous avez besoin pour les services publics, pour l'hôpital, pour les collèges, pour les universités. Nous préférons des mesures transitoires. Et sur la question du carburant parce qu'effectivement, c'est la question centrale : il y a l'alimentation et les carburants, c'est les deux préoccupations centrales des Français.

LAURENCE FERRARI
Le logement aussi, ça pèse très lourdement.

BRUNO LE MAIRE
Le logement aussi mais le logement, c'est d'abord de la construction. C'est bien pour ça sur l'indice des prix, nous n'avons pas voulu bloquer l'indice des loyers pour que la construction soit encouragée, surtout dans les zones tendues. Sur les carburants, moi je suis ouvert à la discussion mais nous n'allons pas engager comme le proposent certains, une politique qui ramènerait le prix du litre l'essence à 1,50 euro parce que ça coûterait environ 50 milliards d'euros. C'est une fois et demie le budget de tout le ministère de l'Environnement, de toutes les mesures que nous prenons pour les chaudières, pour la transition énergétique, pour la rénovation des bâtiments. Donc ça n'est pas responsable. En revanche je fais une proposition, c'est de discuter avec tous ceux qui le souhaitent à l'Assemblée nationale pour voir s'il ne faut pas prolonger la remise de 18 centimes d'euro par litre de carburant. Elle doit s'arrêter fin août. Est-ce qu'il ne faut pas la prolonger jusqu'à fin décembre ? Est-ce qu'il ne faut pas ajouter à cette remise une mesure pour tous ceux qui sont obligés de prendre leur voiture pour aller travailler ? Je pense aux professions indépendantes, je pense aux salariés, je pense aux alternants. Tous ces jeunes qui aujourd'hui sont à 40, 50 kilomètres de leur entreprise et qui ne peuvent plus financer leurs déplacements en voiture. Moi je suis prêt à regarder cette option.

LAURENCE FERRARI
Au passage, le bonus écologique pour l'achat d'une voiture électrique doit s'arrêter là, le 1er juillet. C'est une aberration. Est-ce qu'il est prolongé ?

BRUNO LE MAIRE
Nous maintiendrons le bonus de 6 000 euros sur l'achat de véhicule électrique. Il devait s'arrêter effectivement au 1er juillet. Il sera maintenu jusqu'à la fin de l'année 2022 puisque nous avons une grande ambition qui est d'accélérer la transition du véhicule thermique vers le véhicule électrique. Mais il faut accompagner nos compatriotes, beaucoup d'entre eux ne peuvent absolument pas se payer un véhicule électrique qui a un énorme défaut : c'est que c'est très cher. Donc il faut les encourager. Pour les encourager à avoir un bonus, nous maintiendrons ce bonus de 6 000 euros sur les véhicules électriques.

LAURENCE FERRARI
Est-ce que vous allez mettre en place la taxation des superprofits d'entreprises comme TotalEnergies qui demande aux Français des efforts en leur disant " vous devriez arrêter de consommer de l'électricité ". Vous allez le mettre en place ?

BRUNO LE MAIRE
Il y a un certain nombre d'entreprises qui ont fait des profits importants pendant la crise. L'immense majorité d'entre elles a aussi des difficultés, je tiens à le dire. Pour parler à des entrepreneurs du bâtiment, des travaux publics, on voit bien que c'est très difficile pour eux. Il y a des problèmes d'approvisionnement, de coûts de matières premières très élevés. Puis il y a un petit nombre d'entreprises effectivement pour lesquelles la situation est plutôt bénéfique. C'est le secteur énergétique, ça peut être le secteur des transports avec CMA CGM. Moi je leur demande de me faire des propositions et des propositions fortes pour qu'ils puissent rendre une partie de leurs bénéfices aux Français directement. Ça peut être des remises à la pompe, ça peut être des propositions faites par les transporteurs comme CMA CGM. Aujourd'hui j'estime qu'ils peuvent faire bien davantage. Après s'ils préfèrent ne pas faire davantage, nous prendrons nos responsabilités.

LAURENCE FERRARI
Un impôt exceptionnel sur les hauts revenus, très hauts revenus demandé par Laurent BERGER, ça vous prenez, vous ne prenez pas ?

BRUNO LE MAIRE
Non, pour une raison qui est simple. C'est que nous avons fixé une ligne dont il ne faut pas dévier : baisser les impôts des Français. Et je pense que quand vous commencez à dire que vous allez taxer les plus hauts revenus, finalement vous arrivez aux hauts revenus, finalement vous arrivez aux revenus moyens et finalement vous arrivez à tous les Français. Or nous notre politique constante depuis plus de 5 ans maintenant, c'est baisser les impôts de nos compatriotes. Et tant que je serais ministre des Finances, nous garderons cette ligne-là.

LAURENCE FERRARI
À condition que l'Assemblée nationale vous accorde aussi les réformes que vous souhaitez, vous le gouvernement. Est-ce qu'on n'est pas face à une perspective de blocage complet ? Ça inquiète les partenaires sociaux. On a une Assemblée que vous connaissez parfaitement. Est-ce que, encore une fois, sur les grandes réformes - projet de loi de finances rectificative, la loi sur les retraites, le pouvoir d'achat - il n'y a pas un risque de blocage ?

BRUNO LE MAIRE
C'est tout le défi pour nous tous, majorité comme opposition : nous élever au niveau des Français. Nos compatriotes ont fait un choix qui est clair, ils ont reconduit le président de la République pour 5 ans sur la base d'un projet qui est très clair. C'est le cadre politique dans lequel nous devons travailler, parce que ce choix il a été fait avec près de 28 % des suffrages au premier tour. Et pour moi ce cadre-là, vous le rappeliez tout à l'heure, le compromis oui, le reniement non. Il ne faut pas sortir de ce cadre qui a été défini au premier tour des élections présidentielles. Mais ensuite ils nous ont adressé un deuxième message : travaillez ensemble, entendez-vous. Eh bien il faut nous élever au niveau des attentes des Français. Pas de querelle, pas de politique politicienne, pas d'affrontement stérile, des solutions pour nos compatriotes. C'est ce qu'ils nous demandent.

LAURENCE FERRARI
Est-ce que vous allez les trouver ? Ça, c'est la question. Elisabeth BORNE ne va pas se soumettre à un vote de confiance à l'issue de son discours de politique générale. C'est un aveu de faiblesse ?

BRUNO LE MAIRE
Non, mais elle n'y est pas obligée.

LAURENCE FERRARI
Non, mais elle pourrait le faire.

BRUNO LE MAIRE
Non, mais je pense qu'il vaut mieux que nous nous mettions au travail le plus rapidement possible. Moi j'ai entendu les discussions. Je pense que la phase de dialogue était nécessaire avec tous les groupes d'opposition. Je pense qu'il faut que nous entrions maintenant rapidement dans les travaux pratiques. Nos compatriotes vont nous juger là-dessus. Est-ce que vous êtes capable sur les carburants, sur l'alimentation, sur la lutte contre l'inflation, sur la lutte contre le chômage de trouver des solutions de compromis ?

LAURENCE FERRARI
Mais avec qui ? Avec qui ? Avec vos amis de LR ?

BRUNO LE MAIRE
Vous savez, c'est au pied du mur qu'on voit le maçon. C'est exactement ce qui va se passer dans quelques jours.

LAURENCE FERRARI
Donc avec des alliances avec LR, avec d'autres partis politiques ?

BRUNO LE MAIRE
Moi j'appelle Les Républicains à faire preuve de sens des responsabilités. Je leur tends la main sur la question des carburants pour être très concret. Ce n'est pas uniquement une proposition générale. Je leur dis " oui, les carburants sont une énorme difficulté. Votre proposition de ramener le litre de carburant à 1,50 euro, c'est 50 milliards d'euros. On sait très bien qu'on ne peut pas le faire donc est-ce que vous voulez faire de la surenchère ou est-ce que vous voulez travailler en bonne intelligence avec le gouvernement ? " J'entends leur choix qui est de ne pas avoir de coalition, ce n'est pas critiquer le choix qui est fait par Les Républicains. En revanche je leur tends la main en leur disant « essayons de trouver des compromis sur un certain nombre de mesures et notamment la loi de finances rectificative et sur la loi sur le pouvoir d'achat ».

LAURENCE FERRARI
Et après sur les retraites. Un dernier mot, Yaël BRAUN-PIVET a été élue présidente de l'Assemblée nationale, première femme à ce poste. Demain ce sera la présidence de la Commission des finances, hautement stratégique, très très liée à votre ministère. Vous préférez un NUPES ou un RN à la présidence ? Puisque ce sera l'opposition.

BRUNO LE MAIRE
Moi je ne tranche pas pour une raison simple, c'est qu'il y a un principe de séparation des pouvoirs auquel je crois beaucoup. Il faut simplement mesurer que là aussi, quelle que soit la personnalité qui occupe ce poste demain, c'est un poste stratégique pour que les lois puissent être adoptées rapidement et dans le respect de nos finances publiques. Je rappelle que c'est le président de la Commission des finances qui peut retenir ou ne pas retenir des amendements suivant qu'ils sont gagés, c'est-à-dire suivant qu'ils sont appuyés sur des ressources financières ou pas. Il peut dire " tel amendement, il n'y a pas les ressources financières nécessaires, vous ne l'avez pas gagé, je le refuse ". C'est le coeur du rôle du président de la Commission des finances, et j'attends du prochain président de la Commission des finances qu'il fasse respecter ce fameux article 40, qu'il examine soigneusement la recevabilité des amendements pour qu'il nous permette de travailler rapidement et qu'il n'y ait pas de blocage dans cette commission stratégique qu'est la Commission des finances.

LAURENCE FERRARI
Merci beaucoup Bruno LE MAIRE d'avoir été ce matin dans La matinale de Cnews.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 juin 2022