Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Gérald DARMANIN.
GERALD DARMANIN
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci de répondre à mes questions ce matin au lendemain d'un remaniement qui vous a vu élargir votre périmètre, vous êtes désormais ministre de l'Intérieur, mais également en charge des dossiers, en plus de l'Intérieur, des collectivités territoriales et de l'Outre-mer, en gros il y a deux grands gagnants, Bruno LE MAIRE et vous, avec des périmètres élargis. Après le fiasco du Stade de France, pourtant, Elisabeth BORNE a fait savoir à plusieurs médias, en tout cas a sous-entendu au minium, qu'elle hésitait à vous garder, comment l'avez-vous convaincue de rester ?
GERALD DARMANIN
Je n'ai jamais eu cette discussion avec Madame la Première ministre. Moi je veux dire que c'est un grand honneur de rester ministre de l'Intérieur, en général les ministres de l'Intérieur ils durent un petit peu moins de deux ans, je suis très heureux de pouvoir continuer mon travail auprès des femmes et des hommes du ministère de l'Intérieur et je ne prends pas ça comme un gain, je prends ça comme des responsabilités supplémentaires. S'occuper des collectivités locales, s'occuper de l'Outre-mer, avec Jean-François CARENCO et Caroline CAYEUX, c'est une grande responsabilité, et c'est des difficultés en plus, malheureusement si j'ose dire.
APOLLINE DE MALHERBE
On va y venir d'ailleurs parce que sur ce point, et notamment sur l'Outre-mer rattaché au ministère de l'Intérieur ça fait déjà débat. Mais je reviens quand même d'un mot sur la question du Stade de France puisque ça été véritablement l'un des événements autour de ces élections législatives avec un véritable fiasco, une forme de désastre, vous l'avez-vous-même reconnu qu'il y a eu de grands manquements, est-ce que vous vous dites d'abord que toutes les leçons en ont été tirées, et deux, est-ce qu'on est prêt pour les Jeux Olympiques ?
GERALD DARMANIN
Alors, les Jeux Olympiques et les matchs de football au Stade de France ce n'est pas tout à fait la même chose, ce sont certes des grands événements sportifs, mais je pense qu'un événement de water-polo ou un événement de baseball n'est pas tout à fait un match avec deux grandes équipes de Ligue des champions de football, mais…
APOLLINE DE MALHERBE
C'est moins les JO ?
GERALD DARMANIN
C'est différent, d'abord il y a beaucoup plus de spectateurs qui restent beaucoup plus longtemps sur le sol national, dans beaucoup d'endroits en France et dans des moments de tension très différents que des matchs de football de Ligue des champions ou de Coupe du monde de football.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais la vulnérabilité des touristes étrangers, c'est aussi cette question-là quand même !
GERALD DARMANIN
Alors, il y a la question de la délinquance, s'il y a bien un regret à avoir au Stade de France c'est le fait de ne pas avoir tapé assez sur la délinquance, ça je l'ai effectivement reconnu, et donc on a mis désormais des moyens extrêmement importants, et des consignes extrêmement fermes, il y a eu trois matchs au Stade de France depuis, et ils se sont passés de manière admirable, en tout cas le plus admirable possible, j'ai triplé les effectifs de police à Saint-Denis pour lutter contre cette délinquance, donc j'en ai tiré des conclusions, effectivement. Après il y a d'autres sujets pour les Jeux Olympiques, il y a la question de la cérémonie d'ouverture, sur la Seine, il y a la question de la lutte contre le terrorisme, il y a la question du cyber, il y a eu 4 milliards d'attaques cybers aux Jeux de Tokyo, ce sont des questions qui se posent pour les Jeux Olympiques à Paris, qui ne sont pas tout à fait celles de l'ordre public lors d'un match de finale de Ligue des champions au Stade de France.
APOLLINE DE MALHERBE
Le préfet LALLEMENT il peut rester ?
GERALD DARMANIN
Le préfet LALLEMENT a toute ma confiance, comme l'ensemble de la préfecture de police, après dans l'organisation de la préfecture de police et de la façon dont on organise un certain nombre de choses le préfet LALLEMENT lui-même m'a fait des recommandations et j'attends le rapport du Sénat, j'en ai évoqué, avec des sénateurs, des éléments, voilà quelques heures encore, pour pouvoir tirer toutes les conclusions effectivement dans l'organisation de la préfecture de police.
APOLLINE DE MALHERBE
Il a toute votre confiance, vous n'avez jamais douté, vous ne vous êtes jamais dit il y a un moment quand même où la responsabilité, ou alors l'organisation, a failli ?
GERALD DARMANIN
Non mais, c'est sûr que l'organisation elle a failli ce jour-là, sinon il n'y aurait pas les difficultés que nous avons connues, même s'il n'y a pas eu de morts, ni de blessés graves, je voudrais ici le rappeler, mais ça ne vient pas que du préfet de police, le ministre de l'Intérieur a sa part, comme l'ensemble de la chaîne de commandement, donc on en tirera désormais sereinement toutes les conclusions, ce qui est sûr c'est qu'on ne restera pas dans la même situation dans l'organisation des matchs, notamment des matchs de football.
APOLLINE DE MALHERBE
Le préfet LALLEMENT a toute votre confiance, la confiance c'est aussi une des questions qui se posera demain, mais il n'y aura pas de vote de confiance après le discours d'Elisabeth BORNE face aux députés. Vous qui êtes peut-être un de ceux qui connaît le mieux la politique au sein de ce gouvernement où de nombreux membres du gouvernement sont plutôt novices, est-ce que vous ne vous dites pas ça commence mal quand même ?
GERALD DARMANIN
Ce qui ne va pas très bien pour le gouvernement bien sûr, c'est de ne pas avoir de majorité absolue, on a une majorité relative, voulue par les Français, que le président de la République continue son action, mais tempéré par des groupes d'opposition plus ou moins constructifs, et je pense que d'abord la Première ministre a eu raison de consulter ces groupes politiques d'opposition pour voir s'ils étaient plus ou moins constructifs. Aucun d'entre eux, dans ce que j'en ai compris, dans ce qu'elle a rendu compte au Conseil des ministres de ces consultations, n'a souhaité nous aider ou faire une coalition, franchement c'est très regrettable, mais il faut en tirer les conclusions telles que les ont voulues les Français, donc il est tout à fait normal, désormais, que la Première ministre puisse présenter texte par texte, le pouvoir d'achat très bientôt au Parlement, la sécurité, l'immigration, en ce qui me concerne, et voir si les oppositions, et notamment le groupe des LR, ne fait que parler ou veut bien agir pour le bien des Français. Et moi je leur tends une nouvelle fois la main, notamment sur les textes qui me concernent, sur la sécurité, l'immigration, il n'y a pas de raison de ne pas trouver un compromis sur la sécurité, sur les moyens de la sécurité, sur l'immigration, sur l'Outre-mer avec la Nouvelle-Calédonie, sur la Corse, sur le Grand Paris que je vais relancer dans mes nouvelles fonctions aujourd'hui, il n'y a pas d'idées très profondément différentes, je crois, entre le groupe des LR et le nôtre, évidemment il y aura des compromis à faire, comme dans toute démocratie, mais je pense qu'on peut aller vers ce chemin.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est uniquement de leur responsabilité, de ne pas être rentrés au gouvernement, c'est eux qui ont refusé ou est-ce que c'est vous qui n'avez pas fait non plus les compromis nécessaires ?
GERALD DARMANIN
Non, mais ils ont souhaité clairement ne pas rentrer, je pense qu'ils l'ont dit ex-voto, dans le gouvernement.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous disiez pourtant " on peut gouverner ensemble " !
GERALD DARMANIN
Je le pense, d'ailleurs le gouvernement dure cinq ans, donc ça peut venir peut-être dans les prochaines semaines, prochains mois, prochaines années. En tout cas aujourd'hui ce qui est intéressant ce n'est finalement pas la composition gouvernementale, mais est-ce que nous sommes capables, nous, de tendre la main aux oppositions, il y a des gens à gauche capables de construire avec nous, il y a des gens à droite capables de construire avec nous, et notamment au Sénat, est-ce que si on présente des textes plein de bon sens et avec esprit de compromis, ce qui est le nôtre aujourd'hui, est-ce que cette main tendue sera serrée par nos adversaires, qui ne sont pas nos ennemis ? Le Front national et la France insoumise est notre ennemi, les LR ou les socialistes sont nos adversaires, et je pense qu'en démocratie ça compte cette distinction.
APOLLINE DE MALHERBE
RN et LFI sont vos ennemis, pour le coup vous utilisez le mot " ennemis " ?
GERALD DARMANIN
Enfin c'est des ennemis, bien sûr moi je les respecte en tant que parlementaires, ils voteront ce qu'ils souhaitent, et tant mieux s'ils votent les textes du gouvernement, mais on n'a pas à discuter, à négocier, avec le Front national ou avec la France insoumise.
APOLLINE DE MALHERBE
Le RN qui se donne beaucoup de mal pour tenter de montrer qu'ils sont prêts à en tout cas ne pas bloquer le gouvernement, ils ont déjà annoncé qu'ils ne signeraient pas la motion de censure de la NUPES demain.
GERALD DARMANIN
Mais nous verrons bien, malheureusement on a vu déjà que sur l'IVG les mauvais démons du Front national remontaient à la surface. Vous savez, il n'y a pas encore eu une séance, à l'Assemblée nationale, où le gouvernement a proposé un seul texte, donc ne faisons pas le procès avant de voir arriver le débat, ne crions pas avant d'aller chez le dentiste, voilà – pardon pour les dentistes, évidemment il y en a des formidables et qui ne font pas mal du tout – donc voyons la séance à l'Assemblée nationale, voyons les textes que propose la Première ministre, et sur ces textes, plein de bon sens et avec l'esprit de compromis du gouvernement, je comprends que les oppositions aient envie de voir si vraiment on a l'esprit de compromis, donc il faut qu'on soit humble également, moi en tout cas c'est avec cette humilité que j'irai voir les députés, les sénateurs, des oppositions pour construire avec eux les textes pour la sécurité de demain. Personne, je crois, ne comprendrais, à commencer par leurs électeurs, qu'ils refuseraient cette main tendue.
APOLLINE DE MALHERBE
Gérald DARMANIN, les Outre-mer sont désormais rattachés à votre ministère, est-ce que ça veut dire que la question des Outre-mer c'est une question de sécurité ?
GERALD DARMANIN
Non, mais le ministère de l'Intérieur n'est pas le ministère de la sécurité, il n'est pas seulement le ministère de la sécurité, c'est le ministère des collectivités locales, et c'est le ministère des dotations aux collectivités locales. Moi je connais très bien les collectivités locales d'Outre-mer, pour avoir été ministre des Comptes publics pendant trois ans, elles ont des besoins criants d'amélioration de leurs comptes et le ministère de l'Intérieur, qui n'est pas que le ministère de la sécurité, va les aider. Il y a des discussions institutionnelles extrêmement importantes. Le ministère de l'Intérieur c'est le ministère des institutions et des élections, la Nouvelle-Calédonie il faut désormais savoir ce qu'on en tire comme conclusion après ce troisième référendum.
APOLLINE DE MALHERBE
Je vais vous poser la question dans un instant sur la Nouvelle-Calédonie, mais quand même, qu'est-ce que vous répondez aux critiques qui sont faites ? On entend par exemple la députée LFI Elsa FAUCILLON qui a ces mots, elle dit " comment ne pas voir le mépris et l'outrage, la référence coloniale ".
GERALD DARMANIN
Non mais c'est excessif, et malheureusement c'est encore la France insoumise, et ce n'est pas à moi qu'il faut invoquer ce mot de coloniale, bon !
APOLLINE DE MALHERBE
Qu'est-ce que vous voulez dire ?
GERALD DARMANIN
De ma propre construction personnelle je crois que c'est une insulte qui est un petit peu décalée. Non, je veux dire qu'aujourd'hui les Outre-mer ont besoin d'être profondément aidés et, je crois, par un ministère fort, pas par un ministre fort, par un ministère fort, voilà, et aujourd'hui il y a deux ministres qui s'occupent des Outre-mer, Jean-François CARENCO, qui est un homme d'Etat, qui a servi à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Guadeloupe, en Nouvelle-Calédonie, et qui sera un globe-trotter, au rendez-vous notamment contre la vie chère, mais quand Jean-François CARENCO, dès hier, me dit " nous allons ensemble appeler le patron de CMA-CGM pour que les prix soient moins chers. " A La Réunion nous allons jeudi, avec lui par exemple, pour éviter de supprimer des rotations, des arrivées, de matières premières, eh bien nous avons tous constaté ensemble que malgré les qualités des ministres des Outre-mer précédents, et je voudrais saluer Sébastien LECORNU notamment, eh bien peut-être que le patron de CMA-CGM écoute davantage un ministère avec lequel il a d'autres discussions.
APOLLINE DE MALHERBE
L'autorité sera plus incarnée, vous voulez dire, face à eux ?
GERALD DARMANIN
En tout cas ce qui est sûr c'est qu'il ne faut pas voir dans le ministère de l'Intérieur désormais que le ministère de la sécurité, c'est le ministère de la protection des Français au sens large, et aujourd'hui je me sens un des ministres qui protège les Français, un grand ministère social qui est le ministère de l'Intérieur.
APOLLINE DE MALHERBE
Quel avenir pour la Nouvelle-Calédonie ?
GERALD DARMANIN
J'y vais le 26 juillet prochain avec Jean-François CARENCO, plusieurs jours, pour écouter, parce qu'avant tout c'est avec humilité et respect que je veux voir les Calédoniens, je veux entendre les questions qui se posent, alors bien sûr de la part de ceux qui étaient ce qu'on appelle " loyalistes ", c'est-à-dire qui voulaient rester Français, mais aussi de la part des Kanaks, et je prendrai tout mon temps, à la demande du président de la République et de la Première ministre, pour voir comment nous pouvons bâtir ensemble l'avenir institutionnel de l'île, donc ce n'est pas maintenant que je vais faire ce débat, si vous m'invitez au lendemain de ce voyage je viendrai…
APOLLINE DE MALHERBE
Je n'y manquerai pas.
GERALD DARMANIN
Bien volontiers, ce n'est pas la première fois que j'irai en Nouvelle-Calédonie, j'y suis déjà allé, mais je pense que le grand travail de paix qui a été fait, depuis Michel ROCARD en passant par Manuel VALLS pour arriver au travail qu'a fait Sébastien LECORNU, Jean CASTEX et Edouard PHILIPPE, peut nous permettre aujourd'hui de discuter de l'avenir des Néo-calédoniens.
APOLLINE DE MALHERBE
J'aimerais vous reposer la question pour la Corse, quel avenir pour la Corse ? Vous aviez ouvert des discussions, vous aviez même prononcé le mot d'autonomie juste avant les élections, et puis, pouf, ça s'est arrêté. On reprend où ?
GERALD DARMANIN
Entre temps il y a eu des élections, y compris en Corse, et entre temps il y a eu des remaniements, donc je vois cette semaine le président SIMEONI, avec lequel j'ai tenu des contacts directs, et j'irai en Corse moi-même, sans doute fin juillet, une date à trouver avec le président SIMEONI, pour pouvoir commencer ces discussions qui sont conformes à l'idée qu'on s'était donnée d'autonomie dans la Constitution de la République française.
APOLLINE DE MALHERBE
Quand vous allez en Corse vous parlez corse, vous avez une manière de prononcer SIMEONI sans dite le " i " qui est assez appuyée.
GERALD DARMANIN
Moi j'aime bien que quand on vient dans le Nord on parle chtimi un petit peu, ça me fait plaisir quand les gens ne disent pas " Lesquin " mais " Léquin " pour les habitants de Lesquin, voyez, donc je respecte chacune des identités de notre République et j'aime bien qu'on respecte la mienne, donc j'ai un profond respect pour les Corses et pour leur culture.
APOLLINE DE MALHERBE
Gérald DARMANIN, la rapporteuse des droits donne aujourd'hui son rapport annuel et c'est le ministère de l'Intérieur qui est quand même le plus ciblé, elle parle notamment de la dégradation de l'accès aux services publics et en particulier du manque de créneaux de rendez-vous dans les services des étrangers pour obtenir un titre de séjour, dans les services qui délivrent les passeports, elle parle d'une véritable dégradation, voire même d'un divorce qui est en train de se consommer entre les usagers et les services publics. Qu'est-ce que vous répondez à ça ?
GERALD DARMANIN
Je ne sais pas s'il y a un divorce, mais le constat que fait la défenseure des droits je l'ai fait depuis longtemps comme maire et maintenant comme ministre, c'est justement ce qu'on essaye de réparer. D'abord il y a eu trop, dans l'administration, une volonté de numérisation, de passer par des répondeurs et finalement de retirer le contact humain avec les fonctionnaires de la République –Jean-Paul DELEVOYE, lorsqu'il était médiateur de la République, avait déjà évoqué ça…
APOLLINE DE MALHERBE
Elle appuie là-dessus carrément, elle dit " aujourd'hui il faut remettre des humains. "
GERALD DARMANIN
Elle a raison, la Cour des comptes a d'ailleurs montré qu'il manquait beaucoup d'emplois publics au ministère de l'Intérieur, c'est un rapport que j'avais demandé au Premier président de la Cour des comptes, qui est désormais public, et je suis le premier des ministres de l'Intérieur, grâce à Jean CASTEX à l'époque, et au président de la République, à arrêter la diminution du nombre de fonctionnaires dans les préfectures et sous-préfectures, désormais il faut ré-augmenter le nombre de ces agents, et notamment en réorganisant le service, et c'est sûr que pour les accès, alors soit aux passeports et aux pièces d'identité qui passent par les mairies, et dont on doit avoir des discussions et je remercie l'Association des maires de France pour vision constructive pendant cette période particulière où les Français ont dû renouveler leurs pièces d'identité alors que pendant un an et demi, pendant le Covid, elles se sont éteintes dans leur validité…
APOLLINE DE MALHERBE
Parcours du combattant, vous le savez.
GERALD DARMANIN
Mais je sais très bien, on a d'ailleurs diminué de 15 jours le délai d'attente, mais c'est beaucoup trop long encore, et vous avez parfaitement raison, donc ça c'est le premier point…
APOLLINE DE MALHERBE
Je ne sais pas comment font, notamment les personnes âgées, pour trouver un rendez-vous, il faut cliquer 1000 fois pour tenter d'en trouver un.
GERALD DARMANIN
Alors, excusez-moi, ce n'est pas tout à fait vrai aujourd'hui, d'abord il y a eu beaucoup d'employés qui étaient en télétravail qui sont revenus au travail, au sens physique du terme, c'est une très bonne chose, Christophe BECHU, lorsqu'il était ministre délégué, a mis en place un fichier commun pour obtenir une seule prise de rendez-vous, y compris téléphonique, et pas simplement numérique désormais, et on a augmenté très fortement le nombre de personnes et de moyens pour accélérer ces pièces d'identité, mais c'est vrai qu'il y a encore un délai d'attente très long, qui est dû au Covid, puisque lorsqu'on était en Covid ces services étaient fermés et votre pièce d'identité... s'est éteinte sans que vous l'ayez renouvelée. Sur les étrangers, la défenseure des droits a là aussi raison, nous allons revoir intégralement la façon dont les préfectures fonctionnent, notamment en donnant accès pour les rendez-vous des étrangers qu'on doit accueillir plus dignement et c'est le travail que je vais faire dans les prochaines semaines.
APOLLINE DE MALHERBE
Claire HEDON elle insiste aussi sur la question du contrôle de police au faciès, elle dit qu'il y a peut-être trop de contrôles et elle donne l'exemple de la Grande-Bretagne, en Grande-Bretagne, quand il y a un contrôle, il faut un récépissé et on y compte, du coup, 700.000 contrôles par an, en France il n'y a donc pas de récépissé et on y compte entre 6 et 12 millions de contrôles par an, c'est-à-dire 10 à 20 fois de plus que chez nos voisins Anglais, elle encourage à ce qu'il y ait au minimum une tentative de récépissé, d'expérimenter ça, qu'est-ce que vous lui répondez ?
GERALD DARMANIN
Que je suis en désaccord avec la défenseure des droits. Moi d'abord je fais confiance, a priori, aux policiers et aux gendarmes, moi j'ai confiance dans les policiers, les gendarmes, de la République, qui sont bien formés et qui agissent – je voudrais le rappeler à tout le monde – sous l'autorité judiciaire. Lorsque vous faites un contrôle d'identité, lorsque vous êtes policier ou gendarme, vous le faites parce que soit vous êtes officier de police judiciaire, soit parce qu'on vous autorise à le faire, notamment parce que le procureur de la République vient à considérer qu'autour de la gare Lille-Flandres, par exemple, vous pouvez le faire, voilà, donc c'est toujours sous l'autorité de la justice qu'agissent les policiers et les gendarmes, donc je pense qu'il faut arrêter, ça c'est vraiment très important, la suspicion générale sur les policiers, les gendarmes. Malheureusement, que disent les policiers, encore hier soir à Ermont dans le Val-d'Oise où j'étais auprès d'eux ? C'est que leur métier est difficile, ils ont des moyens supplémentaires, parfois des effectifs supplémentaires, ils ont confiance évidemment dans leur action, ils trouvent que c'est utile, mais ils disent, « mais voilà, Monsieur le ministre, la parole du voleur, quasiment aujourd'hui, vaut la parole du policier », eh bien ça il faut arrêter, la parole du policier, elle est supérieure à la parole du voleur. Quand le policier fait une bêtise, il faut évidemment le sanctionner, et je ne suis pas le dernier à le faire, mais a priori le policier et le gendarme parce qu'ils portent l'uniforme de la République, on doit leur faire confiance.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes ministre de l'Intérieur depuis combien d'années maintenant ?
GERALD DARMANIN
C'est pour ça que je n'ai voulu le récépissé, ça m'a été posé des dizaines de fois cette question, le récépissé, c'est je crois une défiance vis-à-vis des policiers et des gendarmes et je veux dire une nouvelle fois que lorsqu'on fait des contrôles d'identité, on le fait en vertu du code de procédure pénale et on le fait sous l'autorité judiciaire.
APOLLINE DE MALHERBE
Es-ce que vous êtes exemplaire Gérald DARMANIN ?
GERALD DARMANIN
Ça dépend sur quoi, qu'elle est votre question ?
APOLLINE DE MALHERBE
Sur les relations notamment avec les femmes, Elisabeth BORNE, je la cite dans le Elle, c'est une interview à paraître aujourd'hui. Elle dit, je pense que l'on n'attend pas simplement des hommes politiques ou des responsables qu'ils ne soient pas pénalement répréhensibles, on attend d'eux qu'ils soient exemplaires, il faut que chacun prenne conscience que le monde a changé et heureusement y compris dans le champ de ce qui n'est pas pénalement répréhensible il y a des comportements que l'on n'a pas envie de voir.
GERALD DARMANIN
Oui sans doute, la Première ministre a raison. Après moi je suis très attaché à la présomption d'innocence. Je pense qu'il ne faut pas et ça vaut pour tout le monde y compris pour monsieur COQUEREL dont je trouve que le procès qui lui est attenté voilà est sans doute très dur à vivre pour lui, s'il est responsable pénalement, il sera condamné, mais monsieur COQUEREL est je crois un adversaire, peut-être un ennemi, il ne sert pas souvent la main, il est même très dur avec moi depuis 5 ans, mais je veux dire, même monsieur MELENCHON l'a dit d'ailleurs que ce genre de procès public est parfois gênant. Donc notre difficulté, je comprends la Première ministre, c'est à la fois d'écouter la parole des femmes évidement et en tant que ministre de l'Intérieur Marlène SCHIAPPA l'a souligné hier à la passation de pouvoir, on y met beaucoup, beaucoup de moyens, mais les procès ne se rendent pas sur tweeter. Donc est-ce que je suis exemplaire, il faudrait le demander à mon épouse, ce qui est certain c'est qu'on a aujourd'hui un équilibre subtil c'est vrai à trouver entre la présomption d‘innocence et la garantie de notre démocratie à toutes et tous et en même temps l'écoute naturelle de ceux qui ont à se plaindre. Donc on est rarement juge de sa propre exemplarité, la Première ministre et le président de la République ont demandé à Damien ABAD de ne plus faire partie du gouvernement.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est évidement à ce propos-là notamment qu'elle a été interviewée par le journal Elle ou qu'elle a accepté en tout cas de répondre à ces questions-là. Pour vous Damien ABAD n'avait plus sa place au gouvernement, c'est évident ?
GERALD DARMANIN
Je n'ai pas à commenter cela d'abord parce que je ne suis pas à la place de Damien ABAD, je ne suis pas à la place d'Eric COQUEREL, je ne suis pas à la place de la Première ministre, ils ont eu leur discussion. Ce qui est sûr c'est qu'au bout d'un certain temps y compris pour les personnes qui sont accusées la pression est très forte et parfois empêche de faire son travail.
APOLLINE DE MALHERBE
Elle l'a été, elle l'a été sur vous ?
GERALD DARMANIN
Oui mais pour des raisons différentes, moi je constate que j'ai eu quatre décisions de justice de suite depuis 5 ans qui ont été favorables à ma présomption d'innocence.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais précisément Elisabeth BORNE ne parle pas de décision de justice, elle parle de comportement exemplaire et elle dit que les choses ont changé, est-ce qu'il y a des choses que vous regrettez ?
GERALD DARMANIN
J'ai compris aussi que monsieur COQUEREL ou monsieur ABAD ont toujours nié les comportements qu'on leur prêtés, qui dit vrai ? La justice le dira très certainement et ça prend du temps malheureusement parfois de dire la vérité. En tout cas je comprends la difficulté à laquelle nous sommes confrontées parce que la parole des femmes… il n'y a pas que la parole des femmes, il y a la parole des enfants aussi, il y a la parole des hommes dans certains cas également et je pense qu'il ne faut pas non plus galvauder la présomption d'innocence. Si les procès se font toujours dans les médias mais surtout sur les réseaux sociaux, alors il n'y a plus de justice.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais si je vous repose la question, Gérald DARMANIN, c'est parce que votre nom, régulièrement, ressort dans la bouche des féministes ou même des oppositions, ce matin, je recevais un des députés de La France Insoumise, Louis BOYARD sur RMC, qui, je l'interrogeais sur Damien ABAD, et lui me répondait Gérald DARMANIN. Vous avez reconnu vous-même avoir eu des relations sexuelles avec des femmes qui venaient vous demander des services…
GERALD DARMANIN
Non, mais là, non…
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que ce sont des choses que vous ne feriez plus aujourd'hui ?
GERALD DARMANIN
Non, d'abord, je trouve que la comparaison est quand même très, très déplacée, si vous me le permettez, parce que…
APOLLINE DE MALHERBE
C'est la comparaison qu'a faite Louis BOYARD par exemple ce matin, et qu'ils ne manqueront pas de faire dans l'assemblée, vous le savez très bien…
GERALD DARMANIN
Oui, oui, que les oppositions s'opposent, vous savez, depuis que je fais de la politique, malheureusement, j'ai tout vu, moi, je me fais traiter de sale arabe par des gens qui viennent pas très loin du Front national, des féministes, je trouve un peu radical dans la diffamation que je fais d'ailleurs condamner assez régulièrement, c'est l'opposition et c'est la vie publique. La vie publique, elle est faite désormais d'extrêmes violences, d'ailleurs, il ne faudrait pas s'étonner qu'un certain nombre de personnes ne veulent plus être ministres ou ne plus faire de politique, parce que, vous savez, quand vous rentrez chez vous, vous avez votre épouse, votre maman, vos enfants, et que vous entendez tout ce que vous voyez à la télévision ou sur les réseaux sociaux, vous-même, ça vous touche, j'imagine, pour votre propre personne, vous vous demandez si ça vaut le coup de jouer l'intérêt général…
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais là, je ne parle pas des réseaux sociaux, vous-même avez reconnu, ce que je veux dire, c'est est-ce que, aujourd'hui…
GERALD DARMANIN
Non, Madame, ne faites pas le procès…
APOLLINE DE MALHERBE
Avec le recul, vous vous dites, je ne le ferai plus ?
GERALD DARMANIN
Non, mais ce qui est incroyable, c'est que vous ne dites pas qu'il y a eu 4 décisions de justice qui m'étaient favorables…
APOLLINE DE MALHERBE
Si, si, au contraire, je l'ai dit…
GERALD DARMANIN
Non, vous ne l'avez pas dit…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais je reprends les mots d'Elisabeth BORNE qui dit : il ne s'agit pas de question pénalement répréhensible, mais de comportement…
GERALD DARMANIN
Alors, ce qui est sûr, c'est que je n'aurai pas d'autres relations sexuelles indépendamment qu'avec mon épouse, ça, si c'est votre question morale...
APOLLINE DE MALHERBE
Non, non, moi, je ne suis pas là pour juger…
GERALD DARMANIN
Alors, si on en arrivait à cette question morale, et…
APOLLINE DE MALHERBE
Pour le coup de la question de la fidélité ou non, ce n'est pas là-dessus…
GERALD DARMANIN
Non, mais Madame…
APOLLINE DE MALHERBE
Non, mais c'est très clair, c‘est important…
GERALD DARMANIN
Oui, je me permets de vous répondre, si on en est à ce niveau désormais de déballage, oui, évidemment, de ne pas avoir de relations sexuelles en dehors de mon épouse, oui, je vous le dis, si c'est tout ce que vous voulez savoir…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais je ne vous ai pas posé cette question-là…
GERALD DARMANIN
Je ne vais pas rentrer dans le détail, c'est les trompettes de la renommée de Georges BRASSENS, en fait, la société d'aujourd'hui. On vivait tranquille, à l'écart sur la place publique, peut-être trop tranquille, et maintenant, peut-être que le jeu n'en vaut pas la chandelle, puisque, par définition, voici le genre de question qu'on pose à des femmes et des hommes politiques, peut-être est-ce normal, si je viens vous voir, je suis à quoi je m'attends…
APOLLINE DE MALHERBE
Encore une fois, je ne vous ai pas posé cette question-là…
GERALD DARMANIN
Je sais à quoi je m'attends. Mais quand même, vous devriez peut-être aussi, puisque c'est mon rôle de le dire, et encore une fois, monsieur MELENCHON qui le dit, c'est assez extraordinaire, quand même, ça vaut pour les uns et pas pour les autres, il y a deux types de poids et de mesures…
APOLLINE DE MALHERBE
Je reprends les mots de la Première ministre…
GERALD DARMANIN
Non, mais il y a deux poids, deux mesures…
APOLLINE DE MALHERBE
Avoir un comportement exemplaire.
GERALD DARMANIN
Il y a deux poids, deux mesures aussi. Mais voyez, je pense que la présomption d'innocence, c'est quand même quelque chose d'intéressant, c'est quand même le fondement d'une démocratie, voilà, et ça vaut pour tout le monde, et il se peut qu'il y ait des gens qui soient accusés qui soient innocents, c'est possible, et que ce n'est pas l'inquisition au Torquemada. Donc il y a heureusement une procédure de justice qui est bien faite, voilà. Il y a d'autres personnes qui sont au gouvernement et qui sont accusées, vous l'aurez constaté, et il y a des personnes qui sont dans l'opposition et qui sont accusées. Et il y a des journalistes qui sont à des antennes et qui sont accusés, et moi, je ne suis pas coupeur de tête.
APOLLINE DE MALHERBE
Gérald DARMANIN, ministre de l'Intérieur, désormais en charge des dossiers, en plus de l'Intérieur, des Collectivités territoriales et de l'Outre-mer, merci d'avoir répondu à mes questions ce matin.
GERALD DARMANIN
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 juillet 2022