Interview de M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques, à Public Sénat le 7 juillet 2022, sur les relations entre le gouvernement et l'opposition à l'Assemblée nationale, la réforme des retraites, la renationalisation d' EDF, l'augmentation du point d'indice des fonctionnaires, le pouvoir d'achat, les cabinets conseil et l'avenir du parti Renaissance .

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Texte intégral

ORIANE MANCINI
Bonjour Stanislas GUERINI.

STANISLAS GUERINI
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être notre invité politique ce matin. Vous êtes ministre de la Transformation et de la Fonction publiques et toujours délégué général de Renaissance. C'est le parti de la majorité présidentielle. On est ensemble pendant vingt minutes pour une interview en partenariat avec la presse régionale. Bonjour Julien LECUYER.

JULIEN LECUYER
Bonjour Oriane, bonjour Monsieur le ministre.

STANISLAS GUERINI
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Julien de La Voix du Nord. On ne le présente plus mais quand même on le précise. On va évidemment parler de ces discours de politique générale, un devant les députés, l'autre devant les sénateurs. Est-ce qu'on n'était pas un peu hier, Stanislas GUERINI, plutôt dans le catalogue de mesures que dans une vraie vision de la France pour les cinq ans à venir ?

STANISLAS GUERINI
Non, je ne crois pas. Je crois au contraire qu'Elisabeth BORNE a fait la parfaite démonstration entre la différence qu'il y avait entre le compromis et la compromission. C'est-à-dire qu'elle a présenté une vision du pays fidèle à nos engagements, nos engagements de la campagne, la campagne présidentielle. Certains éléments, je suis certain qu'on y reviendra, qui ont été précisés, qui étaient extrêmement concrets puisque je crois que c'est ça qu'attendent les Français : des réponses concrètes sur l'urgence climatique, sur l'urgence sociale pour le pouvoir d'achat. Et puis elle a fait vivre cet esprit qui doit vraiment caractériser ce quinquennat, c'est un peu l'esprit du Sénat aussi, l'esprit de compromis. Elle a donné les points d'ouverture, les points d'intérêt qu'il y avait eu dans les discussions avec les différents groupes parlementaires, parce qu'elle a consacré beaucoup de temps à pouvoir les rencontrer. C'est comme ça qu'on va devoir avancer.

JULIEN LECUYER
On a bien saisi, monsieur GUERINI, que " compromis " était un mot-clé, " ensemble " aussi, il a été cité 25 fois. Ça égale le record du mot " territoire " dans le discours de politique générale de Jean CASTEX.

STANISLAS GUERINI
C'est ce que la situation du pays impose. Je le crois vraiment.

JULIEN LECUYER
Ça, on a bien saisi. Mais ce qu'on a mis saisi, c'est sur quoi le gouvernement était prêt à lâcher pour justement aboutir à ce compromis.

STANISLAS GUERINI
Ça, c'est une discussion qu'on aura vraiment sur les différents textes. La situation politique, c'est celle-là. Aujourd'hui nous avons des oppositions qui ont dit clairement " nous, on ne veut pas participer à un accord de gouvernement, on ne veut pas participer à une coalition parlementaire ". Il n'y a pas eu de bougé entre les différents groupes parlementaires. Et ça nous renvoie donc à une situation où c'est, sur chacun des sujets, sur chacun des textes, on va devoir justement construire ces compromis-là. Est-ce que c'est malsain ? Est-ce que c'est inédit par rapport à ce que vivent d'autres pays ? Je ne crois pas. Je crois que ça va nous obliger à aller chercher le meilleur de nous-mêmes, à avoir à chaque fois une direction claire. Prenez la question du pouvoir d'achat : nous notre philosophie, c'est la valorisation du travail. Les mesures qu'on met sur la table sont des mesures de valorisation travail. Mieux partager la valeur dans les entreprises, augmenter la prime Macron, reconnaître le travail des agents de la Fonction publique.

JULIEN LECUYER
Oui, ça c'est la philosophie mais qu'est-ce que vous êtes prêts à accepter…

ORIANE MANCINI
C'est aussi la philosophie des Républicains par exemple. Est-ce que vous êtes prêts à accepter certaines de leurs propositions ?

STANISLAS GUERINI
Mais si ça s'inscrit dans ce cadre-là et cette cohérence-là, de faire des choses aujourd'hui qui permettent de répondre à l'urgence - donner du pouvoir d'achat aux Français - et en même temps ne pas trahir une philosophie de valorisation du travail, alors oui bien sûr.

JULIEN LECUYER
Donc les baisses d'impôts prônées par les Républicains par exemple, vous y être attentifs.

STANISLAS GUERINI
On regardera tout, effectivement dans un cadre-là aussi qu'a posé extrêmement clairement Elisabeth BORNE hier : pas d'augmentation d'impôts, pas de déficit excessif, et donc une ligne budgétaire de baisse des déficits, et puis des mesures systématiquement en faveur de l'environnement. Je crois qu'une fois qu'on est dans ce cadre-là, alors oui, on peut regarder.

JULIEN LECUYER
La Première ministre a cité et salué - vous l'avez rappelé - ses échanges avec tous les présidents de groupe à l'Assemblée sauf - sauf ! - ceux du RN et de LFI. Est-ce que ça veut dire que vous les excluez du champ républicain et du dialogue ?

STANISLAS GUERINI
En tout cas, des partis qui s'inscrivent dans les partis de gouvernement. C'est absolument évident. On a été extrêmement clairs : nous n'allons pas chercher de compromis justement, d'accord, de coalition avec l'extrême-droite dans notre pays. Ensuite on constate qu'au sein de la NUPES, il y a beaucoup d'hétérogénéité. Je pense que, pour être très sincère, tout le monde n'est pas très à l'aise ni sur la forme ni sur le fond avec ce qui est proposé aujourd'hui par la NUPES, au sein même de la NUPES. On verra. On verra comment est-ce qu'on peut essayer d'aller convaincre les réformistes. Mais moi hier…

ORIANE MANCINI
Mais ça veut dire clairement que vous comptez sur les divisions de la NUPES pour avancer.

STANISLAS GUERINI
Ce n'est pas des divisions en tant que telles mais moi je compte sur les voix réformistes pour, d'une certaine façon, se réveiller parfois et prendre des positions un peu différentes de celles, et sur la forme et sur le fond, qui ont été affichées pour l'instant par la NUPES. Hier en regardant nos oppositions, j'étais parfois attristé et inquiet. Attristé de voir qu'au fond, LFI entraîne l'intégralité de la NUPES vers le bas dans son attitude. Vous voyez, voir des députés de la NUPES ne pas se lever pour saluer Edith CRESSON, ça m'a fait mal d'une certaine façon, dans un moment où la Première ministre reconnaissait et saluait l'engagement des femmes dans la vie politique. Simone VEIL, personne ne se lève. Ça ne ressemblait pas aux députés socialistes par exemple que je connais. Et puis inquiet, inquiet parce que je vois que tout ça fait le jeu, au fond, du Rassemblement national. On a une stratégie des députés du Rassemblement national d'être respectables, plutôt calmes dans l'hémicycle. De voir toutes ces outrances-là du côté de la NUPES, je me disais, au fond, que ça profitait et potentiellement que ça pourra profiter au Rassemblement national. Oui, ça, ça m'inquiète. Donc nous, nous avons une ligne claire…

ORIANE MANCINI
Donc ils sont en train de respectabiliser le Front national en faisant cette stratégie, la NUPES, c'est ça ?

STANISLAS GUERINI
Je vois bien leur stratégie et je vois des députés de la NUPES qui sont tombés dans une outrance absolue, dans des excès absolus. Ce n'est pas très digne le spectacle hier que nous avons vu à l'Assemblée nationale, et j'ai très, très peur que tout ça, au fond effectivement, banalise, respectabilise – je ne sais pas quel est le terme qu'il faut utiliser - le Rassemblement national. Oui, ça, ça m'inquiète, et oui notre majorité a les idées claires…

ORIANE MANCINI
Donc ça veut dire que pour vous, la stratégie de Marine LE PEN a contrario est la bonne.

STANISLAS GUERINI
En tout cas, je vois qu'elle peut avoir une certaine efficacité et ça m'inquiète. Parce que quand l'extrême-droite gagne des sièges, c'était aussi ce qui est ressorti de cette élection législative, évidemment ça doit mobiliser…

ORIANE MANCINI
Et pas qu'un peu : fois dix !

STANISLAS GUERINI
Fois dix. Tout champ des Républicains. Donc ça doit rester notre combat. Moi je n'oublierai pas que notre combat principal, c'est de lutter contre l'extrême-droite.

JULIEN LECUYER
En parlant d'outrance, peut-être une petite réaction à la polémique qui est née des propos de Mathilde PANOT, la présidente du groupe LFI, qui a parlé d'Elisabeth BORNE comme d'une rescapée de la Macronie, alors qu'on le sait, c'est une fille d'un rescapé des camps de la mort. Est-ce que vous considérez que c'est une maladresse ?

STANISLAS GUERINI
Je l'espère. Je l'espère vraiment.

ORIANE MANCINI
Et vous en doutez ?

STANISLAS GUERINI
Et vite, vite qu'elle s'excuser et qu'elle corrige ses propos.

ORIANE MANCINI
Vous lui demandez des excuses ? Elle doit s'excuser publiquement.

STANISLAS GUERINI
Bien entendu. J'espère vraiment du fond du coeur, et je le crois, que c'est une maladresse assez terrible parce qu'un discours de cette nature-là, il est préparé, il est lu, il est relu. Elle connaît parfaitement l'histoire d'Elisabeth BORNE. Elle a écouté Elisabeth BORNE pendant le discours de politique générale qui a évoqué elle-même son histoire personnelle. Comment laisser un tel mot ensuite dans le discours ? Donc je crois, et d'une certaine façon c'est ma nature de penser le meilleur pour chacun, donc je crois que c'est de la maladresse, mais vite qu'elle corrige et vite qu'elle s'excuse.

ORIANE MANCINI
On va revenir sur le fond mais sur la forme, parce que là aussi il y a des compromis qui vous sont demandés, notamment par les sénateurs qui ont demandé hier à ce que vous renonciez, à ce que le gouvernement renonce au Conseil national de la refondation. Est-ce que vous êtes prêt à faire ça et à y renoncer, et à dire que finalement c'est au Parlement de jouer ce rôle ?

STANISLAS GUERINI
Mais il faut bien expliquer ce qu'est le Conseil national de la refondation. Les sénateurs se disent peut-être cela parce qu'ils ont une vision qui peut-être met en concurrence les formes de démocratie les unes avec les autres. Ce qu'il faut expliquer, c'est que la démocratie représentative issue des élections, elle ne sera absolument pas affaiblie par une capacité en amont sur certains sujets à trouver les voies de consensus avec la société civile, avec des gens qui ne sont pas tout le temps autour de la table dans les discussions qu'on peut avoir. Et dans ce quinquennat, moi je crois qu'il y a beaucoup choses qui peuvent se faire hors les murs de l'Assemblée nationale, et ce n'est absolument pas un affaiblissement de l'Assemblée nationale.

ORIANE MANCINI
Donc il ne faut pas y renoncer.

STANISLAS GUERINI
Absolument pas.

ORIANE MANCINI
OK. Ça semble enterré mais non, il faut le relancer.

STANISLAS GUERINI
La vision que j'ai pour pouvoir avancer, c'est de se dire qu'au fond à l'Assemblée, dans nos assemblées, il faut se concentrer sur l'essentiel, sur les urgences, sur le noyau dur de l'intérêt général, les questions de pouvoir d'achat, répondre à l'urgence climatique, donner des moyens aussi pour maintenir l'ordre dans notre pays. Ça, je crois que sur ces sujets-là, il y a vraiment, et je le pense très sincèrement - on est dans cet esprit de compromis que j'évoquais - la capacité à bâtir des majorités à l'Assemblée. Et puis il y a beaucoup de choses qui devront se faire différemment que notre premier quinquennat. Sur le terrain, par l'expérimentation, par la différenciation territoriale aussi, par une capacité de dialogue un peu inventive avec des acteurs qui ne sont pas tout le temps autour de la table pour pouvoir avancer. C'est vrai sur l'école, c'est vrai sur la santé. Vous voyez sur la santé, il y a des mesures immédiates qu'on peut prendre sans avoir besoin de passer par l'Assemblée nationale ou par le Sénat. Sur l'accessibilité des services publics par exemple, beaucoup de sujets…

JULIEN LECUYER
Juste pour compléter sur le Conseil national de la refondation qui avait été prévu au départ fin juin. Est-ce qu'on peut s'y attendre quand même pour un lancement ce mois de juillet ?

STANISLAS GUERINI
Je pense que dès que possible, mais ce sera la décision du président de la République et de la Première ministre. Dès que possible, réunissons le Conseil national de cette refondation justement pour poser les diagnostics. Le premier objectif, c'est, dans le moment que notre pays et notre continent est en train de vivre, de poser un diagnostic et une vision partagée du pays. Ne sous-estimons pas l'ampleur des transformations des chocs que notre société est en train de vivre. Je pense que nous sommes vraiment à un moment de bascule. On le voit avec la guerre sur notre continent, on le voit aussi avec l'impact de toutes ces transitions très profondes : écologique, économique, démographique, numérique. Bien, c'est à ça qu'on doit répondre. Et je pense que le Conseil national de la refondation il doit placer le débat et notre pays à cette hauteur-là, parce qu'on se tromperait vraiment très, très profondément si on restait enfermé, vous voyez, dans des batailles d'étiquette, d'appareil. Notre époque j'ai envie de dire mérite mieux que ça.

ORIANE MANCINI
Sur la réforme des retraites peut-être un mot puisqu'Elisabeth BORNE hier, elle n'a pas du tout parlé de report de l'âge de départ à la retraite. Est-ce que c'est un peu une façon d'enterrer cette mesure quand même ?

STANISLAS GUERINI
Non, je ne le crois sincèrement pas. En tout cas, je ne le souhaite pas. Elle a posé un cadre qui est celui de la transformation et des réformes pour notre pays, pour pouvoir faire en sorte que nous financions le progrès, ni par les augmentations d'impôts, ni par l'augmentation de la dette pour les générations suivantes.

ORIANE MANCINI
Elle a dit qu'il fallait travailler plus mais elle n'a pas dit comment. Est-ce que ça veut dire que vous cherchez d'autres méthodes qu'un report de l'âge légal de départ ?

STANISLAS GUERINI
De travailler plus quand même, donc les choses ont été dites clairement. Pour moi évidemment, ça reste notre ambition politique. Il faudra construire le calendrier, voir quelles sont là aussi les voix de compromis pour avoir cette réforme acceptable, et moi je reste intimement convaincu qu'il faut faire cette réforme dans ses différentes composantes.

JULIEN LECUYER
Donc on reste bien sur l'objectif de relèvement de l'âge de la retraite.

STANISLAS GUERINI
Oui, je le crois très profondément. À la fois pour apporter du progrès…

ORIANE MANCINI
Mais comment vous allez trouver un compromis ? Parce que la droite ne votera pas s'il n'y a pas de report de l'âge légal de départ et la gauche ne votera pas s'il y en a un. Comment vous allez faire ?

STANISLAS GUERINI
J'ai entendu les groupes politiques, les partis politiques dans la campagne présidentielle ou législative appeler eux aussi de leurs voeux à ce qu'on puisse travailler plus longtemps. Ce n'est pas la seule mesure dans la réforme des retraites telle qu'on l'envisage, c'est avant tout une réforme de justice, une réforme de progrès pour qu'on puisse aussi augmenter les pensions de retraite. Donc cet équilibre-là on le présentera, on avancera, et je pense que c'est souhaitable pour notre pays.

JULIEN LECUYER
Petite question sur aussi l'autre annonce forte durant ce discours. C'est l'intention de l'Etat de renationaliser EDF. À l'heure actuelle simplement pour rappel, l'Etat français possède 84 % du capital, on le porterait à 100 % dans un contexte de très grande fragilité de l'entreprise. Première question, combien ça va coûter ? Et deuxièmement, est-ce que ça va s'accompagner comme le redoutent les syndicats d'une réforme en profondeur de l'entreprise ?

STANISLAS GUERINI
Cette annonce-là, c'est la concrétisation de la vision qu'a posée le président de la République pendant la campagne. La question de notre souveraineté, c'est-à-dire notre capacité d'indépendance énergétique, elle est absolument centrale. Et si on veut avoir les moyens de cette souveraineté, alors on doit être en possession de tous les leviers, et notamment du levier de cette belle et grande entreprise.

JULIEN LECUYER
Oui, en possession de la dette d'EDF qui est colossale.

STANISLAS GUERINI
Mais l'Etat dans le dernier quinquennat a toujours été au rendez-vous avec EDF. Quand il a fallu recapitaliser EDF, nous l'avons fait à plusieurs reprises pour apporter des moyens en capital, certes sans augmentation du pourcentage de possession de la société, mais l'Etat a déjà investi, mis de l'argent pour donner les moyens à EDF de conduire cette politique-là. Mais est venu le temps d'une planification énergétique plus volontariste, mieux maîtrisée.

JULIEN LECUYER
Et donc combien ça va coûter ?

STANISLAS GUERINI
Je n'en ai pas la réponse ce matin. Je dois bien avouer que ce n'est pas un dossier que je suis moi directement, et donc je reviendrai pour vous le dire, mais je suis certain qu'Agnès PANNIER-RUNACHER pourrait vous le dire avec plus de précisions. Moi, je n'aime pas dire de bêtises le matin à la télévision. Mais c'est un investissement qui, je crois, est nécessaire pour notre pays parce qu'on doit faire cette planification énergétique, à la fois pour investir dans les énergies renouvelables, dans le nucléaire, et à travers cette décision de nationalisation complète – vous l'avez souligné - de cette grande entreprise publique, nous nous donnons les moyens de faire cette planification énergétique. C'est ça en tout cas le sens de cette annonce-là.

JULIEN LECUYER
Donc pas de réponse non plus sur la réforme en profondeur ?

STANISLAS GUERINI
L'entreprise elle-même le demande. Elle a besoin, on le voit bien, des investissements qui sont nécessaires, qui sont devant nous, dans le parc nucléaire. Dans l'investissement dans des nouveaux modèles de centrales plus petites. Nous avons besoin évidemment de donner les moyens et de réformer cette grande entreprise. Mais c'est un projet absolument positif et, d'ailleurs, tout à fait entraînant et passionnant pour notre pays parce que c'est une grande aventure industrielle.

JULIEN LECUYER
Et qui va diviser la NUPES.

STANISLAS GUERINI
Oui, j'ai bien entendu. J'étais, moi, assis devant les rangs des communistes hier à l'Assemblée. Je voyais bien qu'ils saluaient cette décision très fortement. Alors ils avaient les applaudissements discrets à ce moment-là mais j'ai entendu les commentaires qui pouvaient le saluer.

ORIANE MANCINI
Il y a un dossier que vous suivez bien en revanche, c'est l'augmentation du salaire des fonctionnaires. Alors c'est une mesure qui figurera dans la loi pouvoir d'achat qui est présentée cet après-midi en conseil des ministres.

STANISLAS GUERINI
Ce sera acté cet après-midi.

ORIANE MANCINI
E qui sera actée.

STANISLAS GUERINI
À travers un décret que nous allons prendre en conseil des ministres.

ORIANE MANCINI
Donc ça veut dire juste pour qu'on soit clair que tous les fonctionnaires seront augmentés de 3,5 % au mois de juillet, même si cette loi pouvoir d'achat n'est pas votée au Parlement ?

STANISLAS GUERINI
Oui, et nous en tirerons les conséquences dans le projet de loi de finances rectificative. Donc il y aura bien une discussion budgétaire au Parlement cette question-là mais la décision, c'est effectivement un décret qui sera pris aujourd'hui même en conseil des ministres. Donc je crois que c'est souhaitable dans notre pays de pouvoir agir rapidement quand on prend des décisions. Ça sera fait, c'était un engagement pris avant l'élection présidentielle. Il sera traduit dans les actes le plus rapidement possible.

ORIANE MANCINI
Donc ça veut dire que ce n'est pas forcément au mois de juillet.

STANISLAS GUERINI
Si. La décision, et je l'avais annoncée comme telle, elle sera effective au mois de juillet. Mais je suis en train de me battre pour que dans les logiciels de paye, ça soit visible sur la feuille de paie dès le mois de juillet pour la Fonction publique d'Etat, c'est-à-dire là où on a la main le plus rapidement possible. Parce que je pense que c'est très important que quand on prend des décisions à l'Assemblée, en décret, en Conseil des ministres, ça soit effectif le plus rapidement possible et visible des agents de la Fonction publique.

ORIANE MANCINI
Donc juste les fonctionnaires d'Etat, ils le verront sur leur fiche de paie de juillet. Les fonctionnaires territoriaux et les fonctionnaires hospitaliers, ça sera plus tard ?

STANISLAS GUERINI
Les 3,5 % d'augmentation, ils concernent tous les agents de la Fonction publique. Tous les agents, les trois versants, fonctionnaires comme contractuels. On va le traduire dans les logiciels de paie, sur les fiches de paie le plus rapidement possible. Dès juillet pour la Fonction publique d'Etat, je pense plutôt au mois d'août pour la Fonction publique territoriale et hospitalière, mais avec une effectivité de la mesure là aussi en juillet. C'est-à-dire qu'il y aura un effet rétroactif sur la feuille de paie au mois d'août pour tout le monde. Donc c'est pour tout le monde au mois de juillet et le plus rapidement possible visible sur la feuille de paie.

JULIEN LECUYER
Monsieur GUERINI, je ne vais pas me faire le chantre du verre à moitié vide, mais vous avez vu les dernières prévisions INSEE. 5,8 % d'inflation, votre hausse du point d'indice de 3,5 % elle va être entièrement mangée par l'inflation.

STANISLAS GUERINI
D'abord vous me donnez l'occasion de dire plusieurs choses. Cette décision, c'est la plus forte hausse du point d'indice depuis 1985. C'est quelque chose qui est extrêmement notable.

JULIEN LECUYER
Après plusieurs années du gel du point d'indice.

STANISLAS GUERINI
37 ans. Dans ce quinquennat, dans le quinquennat précédent. Donc c'est un effort collectif pour nous tous extrêmement important : 7,5 milliards d'euros consacrés justement à pouvoir apporter une réponse au pouvoir d'achat des agents de la Fonction publique. Je veux préciser ici qu'elle vient s'ajouter, s'additionner aux augmentations moyennes de salaires dans la Fonction publique. Parce que de temps en temps, on donne l'impression en disant " il y a eu un gel depuis longtemps du point d'indice " qu'il y a eu zéro augmentation de salaires dans la Fonction publique. Ce n'est évidemment pas le cas. Il y a en moyenne sur ces dernières années 1,5% d'augmentation des salaires des agents de la Fonction publique dans les différents versants de la Fonction publique.

JULIEN LECUYER
En moyenne monsieur GUERINI. Ça veut dire que certains n'ont pas eu cette…

STANISLAS GUERINI
Vous me parlez bien d'une inflation qui est en moyenne aussi pour les Français. Je suis Ministre de la Fonction publique, j'agis pour l'ensemble des agents. Donc 1,5 % d'augmentation moyenne qui vient s'ajouter aux 3,5% d'augmentation du point d'indice qui concernent tout le monde tout de suite.

ORIANE MANCINI
Est-ce que…

STANISLAS GUERINI
Je veux aller au bout parce que c'est important.

ORIANE MANCINI
Oui, mais j'ai encore des questions là-dessus.

STANISLAS GUERINI
Une réponse à l'urgence du pouvoir d'achat, et j'ai été très clair avec les organisations syndicales, est-ce que ça épuise la grande question qui est, au fond pour moi, mon grand défi, ministre des agents de la Fonction publique, de l'attractivité de la Fonction publique, la réponse est non. Nous avons un travail collectif à mener avec les agents, avec les organisations syndicales, sur la conception même des rémunérations au sein la Fonction publique.

JULIEN LECUYER
Ça, c'est le travail de cet automne qui va commencer.

STANISLAS GUERINI
Oui. Je veux mener ce travail-là pour pouvoir aboutir en 2023, parce que je crois que le chantier de l'attractivité de la Fonction publique il est essentiel pour notre pays. On voit bien qu'on a besoin d'une Fonction publique puissante, présente sur les territoires. On a besoin, et les Français le savent très bien, des agents de la Fonction publique. Ils font un travail formidable, courageux. Ils s'engagent pour l'intérêt général de notre pays. On doit répondre et sur la fiche de paie et ce qu'il se passe aussi à côté de la fiche de paie. Il y a aujourd'hui un déficit de sens dans l'organisation même du travail, des missions qui leur sont demandées. Moi c'est sur ces différents éléments-là que je souhaite travailler.

ORIANE MANCINI
J'ai encore deux questions là-dessus. Vous l'avez dit, ça va coûter plus de 5 milliards. Sur ces 5 milliards, il y en a un peu plus de deux qui vont être à la charge des collectivités territoriales. Est-ce que vous allez les aider à financer cette augmentation ?

STANISLAS GUERINI
Moi ce que j'ai dit, on a réuni avec Christophe BECHU les employeurs des collectivités territoriales, en amont d'ailleurs de la décision. Ce n'est pas tout le temps comme ça que ça s'était passé par le passé. D'abord ils ont dit deux choses : on est d'accord pour l'augmentation du point d'indice, et on est d'accord y compris pour les proportions que nous sommes en train d'évoquer, ce qui est d'ailleurs le signe que je crois que c'est un bon équilibre d'augmenter de 3,5%. Puis ils étaient d'accord aussi sur la méthode, c'est-à-dire d'avoir un rendez-vous budgétaire à l'automne qui permette d'évoquer l'ensemble des questions de financement pour les collectivités. Ce que veulent les collectivités, c'est une vision large. Elles ont des enjeux sur la masse salariale, elles ont beaucoup d'autres enjeux d'augmentation de prix aussi, de fluides, d'électricité, du gaz dans les collectivités. Elles ont des enjeux de ressources, de financement, de pérennité de la dotation générale de fonctionnement. Bref…

ORIANE MANCINI
Donc ça veut dire que ça rentrera dans un cadre global mais qu'il n'y aura pas d'aide spécifique pour les aider sur cette masse salariale.

STANISLAS GUERINI
Voilà, cette compensation spécifique, mais nous aurons une discussion budgétaire à l'automne - et elles on était d'accord sur la méthode - large et avec l'ambition de donner une visibilité aussi dans le long terme, de la capacité de projection, ce que nous avons fait dans le quinquennat précédent sur la dotation générale de fonctionnement.

ORIANE MANCINI
Et dernière question, est-ce que ce dégel du point d'indice il est ponctuel ou est-ce qu'il va perdurer sur le long du quinquennat ?

STANISLAS GUERINI
Ce que j'ai indiqué là aussi, c'est que je ne souhaite pas une indexation du point d'indice sur l'inflation, donc il n'y a pas non plus une revoyure ad'hoc sur le point d'indice. Mais on aura un travail, je l'ai indiqué, sur la construction des rémunérations, les perspectives de carrière dans la Fonction publique qui sera un travail extrêmement important et qui donnera évidemment des points de rendez-vous avec tous les acteurs. Les organisations syndicales mais aussi les agents eux-mêmes.

ORIANE MANCINI
Un mot avant de laisser les questions politiques à Julien. Le Sénat, vous l'avez vu, a présenté une proposition de loi sur les cabinets de conseil, pour mieux encadrer le recours aux cabinets de conseil suite à la commission d'enquête. C'est une proposition qui est soutenue par l'unanimité du Sénat. Est-ce que le gouvernement va la soutenir ?

STANISLAS GUERINI
En tout cas, c'est une proposition que je prends très au sérieux. Je recevrai d'ailleurs les deux sénateurs – sénatrice et sénateur - qui sont porteurs de cette proposition de loi dans les tout prochains jours parce que je crois que c'est une vraie question, le recours aux prestations de conseil. Moi je ne veux pas être populiste, vous voyez, je pense qu'il y a besoin que l'Etat puisse s'appuyer sur des acteurs extérieurs pour l'aider à avancer et qu'effectivement, nous avions à avancer, à clarifier le cadre sur ces questions-là. Et donc ce que je peux vous dire aujourd'hui, c'est que, oui, il y a beaucoup, beaucoup de propositions. J'avais lu avec beaucoup d'attention le rapport de ces sénateurs qui formulaient un grand nombre de propositions que je reprendrai. Nous sommes en train de travailler à un nouveau cadre pour encadrer le recours des ministères à ces prestations de conseil, de conseil en stratégie notamment et ce nouveau cadre intégrera…

ORIANE MANCINI
Il sera présenté quand ce nouveau texte ?

STANISLAS GUERINI
Je vais le présenter vraiment dans les prochaines semaines, et puis je donnerai aussi une position sur la proposition de loi qui sera présentée au Sénat, enfin qui a été déjà présentée au Sénat…

ORIANE MANCINI
Qui a été présentée, ça veut dire que vous ne la reprendrez peut-être pas telle quelle, mais que vous reprendrez des éléments…

STANISLAS GUERINI
…Ce que je peux vous dire ce matin c'est qu'il y a beaucoup d'éléments sur lesquels on se retrouvera avec les sénateurs pour réintégrer leurs propositions, notamment en matière de déontologie, de transparence, de contrôle aussi, dans le cadre de ces prestations-là, donc on va avancer très fort, et je pense que voilà un sujet sur lequel on peut avancer ensemble… justement de l'unanimité, et c'est ce que je souhaite, parce qu'il y a besoin, il ne faut pas laisser ce débat aux populistes, qui en font toujours usage, d'une certaine façon, pour abîmer, pour décrédibiliser, il y a beaucoup de gens qui veulent bien faire au sein de l'Etat, je peux vous le garantir, ce n'est pas malsain de parfois recourir à un prestataire extérieur, mais bien sûr il faut encadrer les choses et surtout réarmer notre Etat, réarmer notre puissance publique, avec des capacités en interne, des compétences, pour justement prendre des décisions stratégiques.

ORIANE MANCINI
Julien…

JULIEN LECUYER
Simplement, sur le futur de Renaissance, ex-LREM, dont vous êtes le délégué général, alors déjà jusqu'à quand vous l'êtes, est-ce qu'il y a une date à laquelle vous abandonnez ce siège ?

STANISLAS GUERINI
Le calendrier, qu'on a discuté avec notre bureau exécutif cette semaine, c'est un calendrier qui consisterait à réunir les trois formations politique, Agir, Territoires de Progrès et La République en marche, à la rentrée, pour avoir un moment de réflexion collective sur ce que doit être ce grand parti présidentiel qu'on souhaite refonder sur des bases plus larges…

ORIANE MANCINI
Donc il n'y a pas le MoDem, il n'y a pas Horizons ?

STANISLAS GUERINI
MoDem et Horizons ils sont dans notre coalition et dans la majorité présidentielle, dans Ensemble.

ORIANE MANCINI
Mais Ensemble ça devient quoi ?

STANISLAS GUERINI
Ça continuera évidemment à exister.

ORIANE MANCINI
Avec toujours Richard FERRAND ?

STANISLAS GUERINI
Avec toujours Richard FERRAND, moi je le souhaite en tout cas, son rôle il est très important dans notre majorité, donc s'il en a le souhait et le désir, je pense que sa voix, sa sagesse, elle est extrêmement précieuse pour notre majorité. Donc, le MoDem, Horizons et Renaissance, dans cette coalition, de majorité, et puis Renaissance, qui est le grand parti présidentiel, sur une base élargie, avec Territoires de Progrès, avec Agir, s'ils en sont d'accord…

JULIEN LECUYER
Avec une aile gauche et une aile droite, c'est ça ?

STANISLAS GUERINI
Avec une capacité, et ça nous a été reproché parfois, à faire vivre le débat et faire vivre les sensibilités au sein de cette grande formation présidentielle. Je pense qu'il ne faut pas aller chercher le plus petit dénominateur commun, on est dans un moment important, un moment où la bataille des idées, où la définition aussi, à long terme, de ce que doit être le progressisme, le macronisme, eh bien c'est très important de pouvoir faire vivre ce débat-là dans notre formation politique, donc, à la rentrée, avec l'objectif effectivement, à ce moment-là officiellement, de basculer de La République en marche en Renaissance, mais pas seulement, en intégrant des forces qui veulent venir avec nous fonder ce grand parti présidentiel.

JULIEN LECUYER
Une petite réaction à l'interview de Stéphane SEJOURNE dans " Le Figaro " qui est susceptible de prendre votre succession et qui dit " nous devons retrouver l'esprit de conquête, le goût du risque, le dépassement politique ", est-ce que LREM il n'est pas temps qu'elle se réveille un petit peu cette formation ?

STANISLAS GUERINI
Non, écoutez… moi je suis très fier d'avoir dirigé une formation politique qui a permis la réélection du président de la République, c'était inédit dans la 5e République en dehors des périodes de cohabitation, je pense qu'il ne faut pas…

JULIEN LECUYER
Mais en perdant pas mal de députés dans la bataille.

STANISLAS GUERINI
Il ne faut pas se flageller sur le travail qui a été fait, il y a un travail immense qui a été mené, avec nos militants, avec les " marcheurs ", avec nos cadres, et vraiment je veux les saluer, mais bien sûr qu'on doit se projeter dans la vie politique du pays et ce travail moi je le fais avec Stéphane SEJOURNE, il mène un travail très important de…

JULIEN LECUYER
Mais il y aura un inventaire à faire ?

STANISLAS GUERINI
De préfiguration…

ORIANE MANCINI
Et c'est fini…

STANISLAS GUERINI
Oui, bien sûr, mais vous savez, derrière le mot " inventaire " parfois on y met beaucoup de connotations négatives, moi c'est avec un esprit extrêmement positif que je me projette dans cette aventure collective, j'y prendrai ma part d'ailleurs, moi je ne veux pas disparaître de notre organisation partisane parce que c'est très important, les partis politiques sont parfois décriés, mais ils ont un rôle très important dans la vie politique du pays.

ORIANE MANCINI
Et ce sera le mot de la fin.

STANISLAS GUERINI
Merci.

ORIANE MANCINI
Merci Stanislas GUERINI, merci beaucoup d'avoir été notre invité.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 juillet 2022