Interview de M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, à France Info le 13 juillet 2022, sur les relations entre l'opposition et le gouvernement, l'entreprise UBER, les nitrites dans l'alimentation et l'augmentation des prix alimentaires

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

ALIX BOUILHAGUET
Marc FESNEAU, bonjour.

MARC FESNEAU
Bonjour.

ALIX BOUILHAGUET
Merci beaucoup d'être avec nous ce matin. Un mot d'abord sur Emmanuel MACRON qui va prendre la parole demain pour le 14 juillet. Il n'a pas parlé depuis les législatives. On dit qu'Emmanuel MACRON, il a compris ce qui s'était passé aux législatives mais qu'il n'a pas encore accepté.

MARC FESNEAU
Je ne crois pas que ce soit le cas. Je crois qu'il a compris et accepté parce que, d'ailleurs, pour comprendre, il faut avoir accepté au fond sinon on ne comprend pas. Et je pense qu'il en a tiré les conclusions. Et il l'a dit d'ailleurs dans un certain nombre de ses expressions, même si ce n'est pas l'expression du 14 juillet : la volonté qu'il avait d'avancer dans les réformes et l'avancée avec l'équation que nous avons à l'Assemblée nationale, qui est une équation de majorité relative, de majorité quand même mais une majorité relative. Et donc la nécessité à la fois de changer sur un certain nombre de méthodes sans doute. Mais il l'avait dit, à vrai dire, avant l'épisode législatif pour faire en sorte qu'on puisse avancer, qu'on puisse à la fois développer le projet et en même temps l'amender de ce qu'il faudra amender.

ALIX BOUILHAGUET
Vous dites « changer de méthode ». Alors, c'est vrai qu'hier, il y a une petite phrase qui n'est pas passé inaperçue concernant ses liens et son action avec la société UBER. Il a dit : " Ça m'en touche une sans bouger l'autre. " Sur la méthode justement et sur la forme, est-ce qu'il a raison de parler comme ça ?

MARC FESNEAU
D'abord, s'il faisait référence citation d'un ancien Président de la République…

ALIX BOUILHAGUET
Oui mais qu'il ne l'a jamais dit en public.

MARC FESNEAU
Oui, certes, peut-être, mais après tout que parfois, un Président de la République puisse dire les choses de manière assez cash, ça n'insulte personne. Il dit simplement ce qu'il pense d'une espèce de monter en épingle qu'on essaye. Alors c'est souvent estival d'ailleurs, c'est assez intéressant à regarder. Monter en épingle quelque chose, ce qui est aussi simple qu'un ministre de l'Economie et des Finances à l'époque qui rencontre une entreprise. Si à chaque fois qu'un ministre de l'Economie et des Finances rencontre une entreprise, ça pose un problème à certains, c'est un problème parce que ça pourrait être valable pour d'autres grandes entreprises qu'il faut rencontrer, c'est important de les rencontrer.

ALIX BOUILHAGUET
Mais on ne lui reproche pas finalement de recevoir des chefs d'entreprise. On lui reproche d'avoir favorisé l'implantation d'UBER qui ne paie pas ses impôts en France, et puis en plus, qui précarise ses salariés.

MARC FESNEAU
Enfin, surtout… en première intention et d'ailleurs, on a avancé sur les questions salariales et les questions de conditions de travail des salariés, mais l'important quand même, c'est qu'on ait pu développer quelque chose qui a permis à des milliers de jeunes de trouver - on le constate tous tous les jours - de trouver un emploi, et après, de travailler aussi également sur les questions de sécurisation de l'emploi et de lutte contre la précarité. Mais à la vérité, le déploiement d'UBER en France a plutôt été un élément positif, en particulier en termes d'emplois.

ALIX BOUILHAGUET
Un mot encore sur ce qui s'est passé hier soir à l'Assemblée nationale. L'article 2 sur le projet de loi sanitaire a été retoqué. L'article 2, c'est l'adoption du Pass sanitaire aux frontières. Est-ce que ça préfigure de ce que va être cette mandature ?

MARC FESNEAU
J'espère que ça ne préfigure pas parce que c'est - semble-t-il - un grand acte d'irresponsabilité. De quoi s'agissait-il ? Il s'agissait, il s'agit d'ailleurs - le texte poursuit sa navette - de mettre en place aux frontières un Pass qui permet - en cas de variant hautement pathogène - de contrôler les personnes qui arrivent ou les personnes qui sortent, mais les personnes qui arrivent principalement pour faire en sorte d'éviter d'importer, si je peux dire, le virus. Je rappelle d'ailleurs au passage qu'un certain nombre de gens qui ont voté contre cet article-là étaient les mêmes qui nous demandaient la fermeture des frontières. Je pense à Madame LE PEN. Alors, manifestement, il y a un revirement de situation, une espèce de coalition. Alors c'est intéressant de voir qu'il y a une coalition Rassemblement national/NUPES/LR pour en fait se priver d'un outil qui est un outil de protection des populations et qui principalement touche ceux qui sont aux frontières. Alors si certains nous proposent une autre alternative, pourquoi pas ? Mais je ne la vois pas l'alternative. C'est l'alternative, c'est celle que proposait Madame LE PEN, c'est de fermer les frontières. Vous croyez que c'est quelque chose qui est possible et raisonnable ?

ALIX BOUILHAGUET
Mais ça veut dire quoi ? Ça veut dire que ce n'était pas… c'est verrouillé en Commission ? Le travail des Commissions ? C'est ce qui se fait avant d'arriver dans le débat de l'hémicycle.

MARC FESNEAU
Comme vous le savez, je connais un peu le travail parlementaire parce qu'effectivement, j'ai été ministre des Relations avec le Parlement. Le travail de commission avait été fait puisque le texte qui est arrivé, il arrivait avec ce Pass aux frontières.

ALIX BOUILHAGUET
Sauf qu'il y a eu cette surprise.

MARC FESNEAU
Mais… très bien, oui, c'est plutôt une surprise… Ce n'est pas la question de la surprise. Je ne voudrais pas qu'il y ait une espèce de d'émulation à simplement se dire : on a battu le Gouvernement. Ça n'a aucun intérêt de savoir si on bat le Gouvernement. La question, c'est de savoir est-ce qu'on dispose d'outils qui permettent de protéger les Français sur ce texte-là ? Est-ce qu'on aura demain un texte sur le pouvoir d'achat qui permettra de répondre aux questions de pouvoir d'achat des Français ? Or, j'ai senti hier soir une forme de sentiment d'irresponsabilité collective qui s'est emparée d'un certain nombre d'opposition. Et je le regrette parce que je pense que sur un certain nombre de textes, on peut essayer de trouver des terrains d'entente. Mais un Pass aux frontières, c'est un Pass qui permet, je le répète, de protéger les populations en cas de virus. Et donc se priver de cet outil-là, c'est regrettable. Alors il y a une navette ; il va aller au sénat ; il va aller à l'Assemblée nationale ; il reviendra à l'Assemblée nationale, puis au Sénat. J'espère que la raison l'emporterait. Qu'au-delà de la contingence de la soirée, si je peux dire, les oppositions maintenant seront en situation de responsabilité parce que quand on a une majorité relative, les oppositions, elles ont un rôle et une responsabilité. Donc ce n'est pas le règne de l'irresponsabilité qui doit se développer.

ALIX BOUILHAGUET
Donc on verra ça aux premières navettes.

MARC FESNEAU
On verra ça.

ALIX BOUILHAGUET
Vous êtes ministre de l'Agriculture ; vous êtes aussi ministre de la Sécurité alimentaire.

MARC FESNEAU
La souveraineté, mais c'est pareil.

ALIX BOUILHAGUET
La souveraineté alimentaire, mais enfin, il y a aussi quelque part le souhait de sécurité. Manger trop de charcuterie peut causer des cancers, c'est ce qu'a dit l'Agence de sécurité sanitaire de l'alimentation. En cause : c'est l'ajout de nitrites et de nitrates dans certains produits. Vous avez annoncé hier un plan visant à les réduire. Réduire, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que de toute façon, on ne peut pas s'en passer ?

MARC FESNEAU
Pour un certain nombre de raisons que dit d'ailleurs l'ANSES pour des raisons sanitaires elles aussi, mais d'autres raisons sanitaires, notamment la lutte contre les salmonelles et autres développements bactériologiques à l'intérieur de ces produits, il y a besoin de ces sels nitrités. Simplement, on avait dit quelque chose au mois de janvier, enfin à la fin de l'automne, qu'il y aurait un rapport de l'ANSES pour savoir le degré et la dangerosité éventuelle des nitrates. L'ANSES a répondu qu'il y avait un facteur qui pouvait être lié sans doute aux cancers colorectaux. Et donc on va se conformer aux préconisations de l'ANSES. Moi, j'aime assez qu'on se conforme à ce que dit la science. On interroge la science ; elle nous donne des éléments, on va s'y conformer. Elle nous invite à réduire la présence…

ALIX BOUILHAGUET
De combien ?

MARC FESNEAU
On verra avec eux. On va essayer de préciser les données. Un, de réduire les nitrites ; deux, de réduire et de limiter la consommation de charcuterie dans un cadre qui est raisonnable et que chacun peut comprendre. Ce qui est souvent toxique, c'est le trop de quelque chose. Ce n'est pas le produit lui-même, c'est l'excès du produit lui-même. C'est ce sur quoi il faut qu'on travaille. Et puis avec les filières, on va travailler sur la réduction des nitrites. Ils évoquent aussi les nitrates parce qu'un certain nombre de nitrates viennent par les végétaux par exemple, y compris de manière naturelle. Donc il faut qu'on travaille avec l'ensemble des filières pour se donner une perspective de réduction.

ALIX BOUILHAGUET
Face à la flambée des prix alimentaires, vous avez appelé les distributeurs à prendre leur part. Vous dites : " Il y a encore des marges d'action ". Alors ces marges d'action notamment, elles concernent les promotions. Sauf que ces promotions, avec la loi alimentation, elle est plafonnée à 34%, c'est ça ?

MARC FESNEAU
Alors c'est très simple. Elle est plafonnée à 34% ; aujourd'hui, les promotions n'atteignent pas les 34%. Donc avant de nous demander, au lieu de nous demander 50 %, on est en moyenne autour de 20-25% de promotion. Donc il y a des marges dans la grande distribution.

ALIX BOUILHAGUET
Donc c'est ça, ça serait de passer de 21 à 34% ?

MARC FESNEAU
Non mais c'est leur liberté. Avant de demander des mesures complémentaires, il vaut mieux regarder les mesures qui peuvent être mises à l'oeuvre. Deuxième élément, il faut rémunérer la matière, la matière agricole au prix qu'elle est. Il faut sortir de cette spirale déflationniste. Vous avez un certain nombre de produits qui aujourd'hui ont exactement le même prix qu'il y a vingt ans. Ça veut dire qu'on a été dans la déflation. Et donc je serai le ministre avec tous les collègues du Gouvernement qui luttent contre cette déflation des produits agricoles parce qu'à la fin, c'est la souveraineté. Parce que si vous ne rémunérez pas les agriculteurs, ça veut dire qu'ils arrêteront de produire tel ou tel produit, et donc la souveraineté disparaîtra. Et ça, c'est un élément qui est inacceptable. Donc chacun doit faire sa part. Le Gouvernement le fait au travers du Chèque alimentation, et le Gouvernement le fait sur des tas d'autres mesures.

ALIX BOUILHAGUET
Le Chèque alimentaire, celui qui a été annoncé en 2020, c'est un peu l'Arlésienne. On en est où concrètement ? Ça va toucher qui et quand ?

MARC FESNEAU
Là, vous avez un premier dispositif à l'appel. Et après, on va travailler avec mon collègue Jean-Christophe COMBE qui travaille sur les questions de solidarité, ministre des Solidarités, pour regarder maintenant le dispositif. Et ça, c'est pour l'automne que les choses seront prêtes.

ALIX BOUILHAGUET
OK, merci beaucoup.

MARC FESNEAU
Merci beaucoup à vous.

ALIX BOUILHAGUET
Merci Marc FESNEAU. Bonne journée à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 juillet 2022