Texte intégral
HÉLÈNE FILY
Marlène SCHIAPPA, bonjour.
MARLÈNE SCHIAPPA
Bonjour.
HÉLÈNE FILY
Secrétaire d'État à l'Économie sociale et solidaire et à la Vie associative. Merci beaucoup d'avoir accepté l'invitation de France Inter.
MARLÈNE SCHIAPPA
Avec plaisir.
HÉLÈNE FILY
Emmanuel MACRON a renoué hier avec la tradition de l'interview du 14 Juillet et il appelle, on l'a dit, à une mobilisation générale face à une guerre qui dure en Ukraine et à ses conséquences énergétiques. Le Président s'est converti à la sobriété ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Écoutez, d'abord j'ai trouvé qu'on avait une interview du président de la République extrêmement volontariste et je pense que toutes les personnes qui l'ont écouté dans sa longueur ont pu partager ce constat. Et c'est important parce qu'il y avait une petite musique qui pouvait dire que le président était dans un deuxième mandat, était dans une forme de confort ou de lassitude. Ce sont des choses que j'ai lues dans la presse mais en fait il n'en est rien. On voit à quel point le président Emmanuel MACRON n'a rien perdu de sa combativité ni de sa volonté de réformer le pays, le transformer et d'apporter des solutions face à des enjeux extrêmement importants comme la guerre en Ukraine…
HÉLÈNE FILY
C'était ce qu'il devait faire hier. Et il a réussi ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Pardon ?
HÉLÈNE FILY
C'était ce qu'il devait faire hier et il a réussi ça selon vous ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Je trouve et notamment la question de sa guerre en Ukraine et de son implication. Quand le président de la République s'est déplacé en Ukraine peu avant les élections législatives, certains on disait : "mais pourquoi ? Quel rapport avec la politique intérieure etc ?", or il y a des conséquences très directes. On parle ici assez régulièrement sur les questions énergétiques notamment mais pas uniquement.
HÉLÈNE FILY
Est-ce qu'il s'est converti à la sobriété énergétique Emmanuel MACRON ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Je ne dirais pas qu'il s'est converti, ce n'est pas mon champ lexical préféré. Mais néanmoins, je dirais qu'effectivement il y a une réflexion et on s'adapte tous aux aléas et aux événements, notamment parfois dramatiques du monde, qui nous obligent à avoir une réflexion forte. On parle de transition écologique, de transition énergétique. Ça montre bien à quel point on doit champ certains réflexes qui pouvaient être les nôtres dans le passé et qui ne sont plus adaptés à l'époque que l'on vit aujourd'hui.
HÉLÈNE FILY
C'est vrai que c'est un mot qu'il n'avait pas utilisé, qu'il n'avait pas repris à son compte jusqu'à présent, en empruntant à la gauche dans l'entre-deux-tours que la planification écologique.
MARLÈNE SCHIAPPA
Oui, c'est vrai.
HÉLÈNE FILY
Là, il nous annonce quand même des temps difficiles à venir. Du rationnement, il va falloir qu'on réduise notre consommation, c'est vraiment un cran plus loin.
MARLÈNE SCHIAPPA
Écoutez, il y aura un plan justement sur la sobriété. Vous savez qu'il y a une ministre chargée de la Transition énergétique qui est ma collègue Agnès PANNIER-RUNACHER, et qui a été chargée par le président de la République de présenter justement ce plan. Tout ne peut pas reposer sur les consommateurs. Donc ce sera un plan, j'imagine, de grande ampleur avec des responsabilités partagées. Mais je crois qu'avec les prix de l'énergie, beaucoup d'entre nous qui ont commencé à se rééduquer ou à partager avec nos enfants le fait que des gestes simples de sobriété sont importants, mais une fois encore je pense que c'est comme pour les questions d'écologie au sens large. Il ne suffit pas de dire aux gens : "Ne prenez pas de bain !" Je pense que c'est une approche bien plus large que celle-ci.
HÉLÈNE FILY
Et puis parmi ces mesures simples, il y en a qui existent déjà en fait sur la limitation de consommation dans les administrations publiques, l'éclairage dans les magasins tard le soir. Ça existe mais ça n'est pas appliqué.
MARLÈNE SCHIAPPA
C'est vrai mais c'est vrai aussi qu'on peut aller plus loin. Tous les exemples qui ont été donnés précédemment à m'apparaissent tout à fait justes. Pardon mais la climatisation à outrance, c'est vraiment entretenir un cercle vicieux. Parce que ça veut dire qu'on peste contre la canicule, le réchauffement climatique, on utilise davantage la climatisation. Les bateaux de croisière, moi j'avais signé une tribune il y a trois ou quatre ans là encore une fois contre l'utilisation à outrance. Il ne s'agit pas d'être contre les croisières du tout, il s'agit de dire qu'il y a une manière de consommer…
HÉLÈNE FILY
Plus sobre.
MARLÈNE SCHIAPPA
Et c'est tout le sens notamment de l'économie sociale et solidaire, et c'est pour ça que le Président et la Première ministre ont voulu rattacher l'économie sociale et solidaire à Matignon, auprès de la Première ministre, pour dire qu'à ce stade elle est encore parfois à la marge de l'économie générale et elle doit tendre à devenir la norme, ou en tout cas à irriguer les pratiques de toute l'économie.
HÉLÈNE FILY
On va revenir à votre feuille de route tout à l'heure. Emmanuel MACRON il a aussi fait passer des messages à la droite hier dans son interview. Sur la nouvelle réforme du travail notamment, RSA conditionné ; durcissement de nouvelles règles de l'assurance chômage ; réforme du lycée professionnel ; c'est le seul moyen de faire passer les textes à l'Assemblée que de lancer ces messages au groupe LR ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Moi je ne l'ai pas perçu comme ça, mais ça ne vous étonnera pas.
HÉLÈNE FILY
Non, mais vous venez de gauche vous. Comment vous vous y retrouver là-dedans, dans ces mesures ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Écoutez à mon sens, en fait l'idée pour le président de la République ce n'est pas de se dire : "Tiens, je vais envoyer un message à la droite". L'idée c'est de se dire qu'il a un objectif chevillé au corps qu'il partage depuis toujours, c'est le plein emploi. C'est de vouloir atteindre le plein emploi. Et donc il veut se donner les moyens d'un point de vue macroéconomique d'atteindre le plein emploi et donc de prendre toutes les mesures qui peuvent permettre à chacun de trouver un vrai travail et un vrai salaire.
HÉLÈNE FILY
Toute réforme, toute loi doit passer par un Parlement qui, aujourd'hui, ne ressemble plus à celui du dernier quinquennat.
MARLÈNE SCHIAPPA
Oui.
HÉLÈNE FILY
Comment on fait ? Comment vous faites ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Moi ce que j'observe, c'est que les Français ont adressé un double message avec les dernières élections. Elections présidentielles, nous souhaitons majoritairement en tout cas reconduire le président de la République ; élections législatives, nous ne souhaitons pas lui donner une majorité absolue. Et donc les Français ont demandé au président de la République de trouver des compromis, de dialoguer bien davantage par rapport à ce que nous avons fait lors du précédent quinquennat, d'être plus en lien avec les parlementaires à qui revient le dernier mot. Nous sommes dans un régime parlementaire, donc c'est bien normal.
HÉLÈNE FILY
Le groupe LR en priorité, c'est ce qu'on a compris en tout cas en entendant le président hier.
MARLÈNE SCHIAPPA
Non, je ne crois pas qu'il y ait de priorité particulièrement. Il y a des députés de grand talent sur tous les bancs de l'Assemblée nationale avec lesquels on peut travailler et c'est ce qui se fera, j'imagine.
HÉLÈNE FILY
L'épreuve du feu, c'est le pouvoir d'achat à partir de lundi dans l'hémicycle.
MARLÈNE SCHIAPPA
Oui, bien sûr, avec des enjeux extrêmement concrets parce qu'on a beaucoup parlé justement de la vie interne de l'Assemblée nationale. Un groupe, un intergroupe, pas un vrai groupe, des vice-présidents etc. Je ne suis pas sûre que ça change profondément la vie quotidienne des Français. Moi les personnes que j'ai autour de moi me parle de la liste des fournitures scolaires de la rentrée et disent : "J'ai des craintes sur l'augmentation du prix du papier, comment j'achète les copies doubles, les stylos etc, ou comment je fais pour expliquer à mes enfants qu'on ne va peut-être pas partir en vacances ou peut-être moins que d'habitude". Et donc ça, c'est aussi le volet d'engagement de la vie associative dont j'ai la responsabilité, puisque c'est grâce à toutes ces associations qui se mobilisent qu'il y a des familles qui peuvent avoir des étés décents et voire amusants.
HÉLÈNE FILY
Il y a la question des salaires aussi dans votre domaine particulièrement.
MARLÈNE SCHIAPPA
Oui, bien sûr.
HÉLÈNE FILY
Mais comment on aide les entreprises qu'on sait fragiles à surmonter le surcoût de l'augmentation du SMIC par exemple ?
MARLÈNE SCHIAPPA
C'est un vrai sujet que vous abordez, et notamment moi les premiers acteurs que j'ai pu avoir le plaisir de rencontrer en charge de l'économie sociale et solidaire m'ont tous dit qu'ils voulaient vraiment ne pas être laissés sur le bord de la route quand il y avait des aides, notamment pour les employeurs. Parce que, vous l'avez dit, les associations et l'ESS par exemple dans ce champ, vous avez beaucoup de crèches associatives, beaucoup d'organisations qui s'occupent des personnes plus âgées, des épiceries solidaires, des organisations qui vraiment font tenir la société. Et donc c'est important de les considérer aussi pour ce qu'ils sont, c'est-à-dire des employeurs et des acteurs de l'économie, donc je m'attacherai avec eux et avec tous mes collègues à faire en sorte qu'ils soient justement inclus dans ces démarches.
HÉLÈNE FILY
L'Etat va les aider. On vous sait engagée, Marlène SCHIAPPA, auprès d'associations de lutte contre l'homophobie. Caroline CAYEUX, la Ministre déléguée aux Collectivités territoriales, est revenue sur ses propos d'il y a dix ans où elle qualifiait le mariage pour tous de caprice. Son mea culpa il y a quelques jours se félicitant aujourd'hui d'avoir "beaucoup d'amis parmi ces gens-là" ont tout autant choquée, elle s'excuse de nouveau ce matin dans Le Parisien, mais c'est vrai que votre collègue ministre délégué aux Transports Clément BEAUNE a jugé ces propos extrêmement choquants. Vous aussi. Est-ce qu'elle peut rester dans l'équipe gouvernementale dans ces conditions ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Je vous remercie d'abord de rappeler mon engagement. C'est vrai que d'ailleurs ça m'a été reproché souvent pendant le premier quinquennat d'avoir été un peu une activiste de l'intérieur pour ouvrir la PMA pour toutes les femmes ou pour ouvrir le don du sang aux HSH et mettre fin à cette discrimination. Pendant les deux mois où je n'étais plus ministre, j'ai eu le plaisir de me rendre à Stonewall à New-York, là où il y a eu émeutes de Stonewall qui ont donné lieu à la première Pride pour échanger avec des activistes sur ce sujet, et de me rendre à la Pride de Paris pour soutenir les associations qui défilaient, donc c'est un engagement que j'ai chevillé au corps.
HÉLÈNE FILY
Est-ce que les excuses de Caroline CAYEUX vous ont convaincue ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Moi vous savez, j'ai l'ambition d'être modestement une alliée efficace pour les droits LGBTQIA+, et donc ce n'est pas à moi de dire si j'accepte ses excuses, je pense que c'est aux personnes concernées de dire si elles les acceptent.
HÉLÈNE FILY
Les propos étaient très blessants en tout cas.
MARLÈNE SCHIAPPA
Bien évidemment. Et surtout, je pense que personne n'a intérêt à revenir aux débats du passé, à un retour vers le futur et avoir des débats d'un autre temps pour savoir si on ouvre ou pas le mariage pour tous. C'est dans la loi. La loi est là et donc nous appliquons la loi. Et maintenant en tant que Ministre chargé des Collectivités territoriales, Caroline CAYEUX a beaucoup de leviers pour soutenir la cause. Donc si elle souhaite le faire, elle peut soutenir l'ouverture de centres LGBT+ plus partout dans le pays, elle peut soutenir des Prides, elle peut soutenir les maires qui ont envie de s'engager pour créer des délégations sur les droits LGBTQIA. Elle a beaucoup de leviers donc je pense que maintenant, des paroles il faudra passer aux actes.
HÉLÈNE FILY
Voilà, des actes réclamés par Marlène SCHIAPPA de retour au gouvernement Borne 2. C'est une bonne situation ça d'être ministre finalement, Marlène SCHIAPPA ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Écoutez, en tout cas dans un contexte historique de féminisation du pouvoir avec une femme Première ministre, une femme présidente de l'Assemblée nationale et une femme présidente de groupe, c'est un plaisir d'être dans cette équipe.
HÉLÈNE FILY
Oui, clin d'œil au titre de votre dernier livre évidemment publié aux éditions de L'Observatoire.
MARLÈNE SCHIAPPA
Je vous en remercie.
HÉLÈNE FILY
Merci beaucoup d'avoir accepté l'invitation de France Inter.
MARLÈNE SCHIAPPA
C'est moi qui vous remercie. Bon week-end.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 juillet 2022