Texte intégral
Je suis très heureux d'être aujourd'hui, au laboratoire national de métrologie.
Je me suis dit, en faisant cette visite, que dans le fond, l'ensemble des responsables politiques devraient faire un stage au laboratoire national de métrologie. Je me rends compte d'une chose essentielle qu'est le sens de la mesure. J'avais compris que c'était votre vocation ici, et je considère que notre vie politique nationale aurait bien besoin de cette mesure.
La mesure, on en a besoin pour mesurer les efforts qui sont devant nous en matière de réchauffement climatique, plutôt que de céder à la tentation de la polémique, du gadget sur tel événement ou sur tel autre. Nous devons mesurer l'intensité des efforts qui sont devant nous pour réussir à lutter contre le réchauffement climatique et qu'on fasse de cette mesure, que vous nous apportez, avec le savoir scientifique qu'est le vôtre, que nous puissions apporter des solutions qui soient, elles aussi, mesurables, efficaces et durables.
Je voudrais dire que j'ai appris beaucoup de choses de cette visite, et j'en tire quelques leçons très simples.
La première, c'est que nous avons tous besoin, et peut-être nous, les responsables politiques en premier lieu, d'apprendre. Il y a plein de choses que nous ne connaissons pas. Moi, je n'ai pas été formé aux méthodes de lutte contre le réchauffement climatique. Je ne suis pas un climatologue, je ne suis pas un spécialiste. Je ne sais pas comment est-ce qu'on isole correctement un bâtiment, ni quelles sont les techniques qui sont efficaces et les techniques ne le sont pas. Je ne suis pas un spécialiste des ponts thermiques. Et donc nous avons besoin d'apprendre. Je crois qu'il est essentiel que nous ayons tous l'humilité de reconnaître qu'en matière climatique, nous avons des leçons à prendre.
J'en ai appris une pendant le séminaire qui a ouvert cette année politique, pour le Gouvernement, avec le président de la République, avec Valérie Masson-Delmotte, membre du GIEC, qui a fait l'exposé, très instructif, mais j'ai aussi appris beaucoup aujourd'hui.
J'ai appris qu'il était mieux de rénover que de construire un nouveau bâtiment, et je vous remercie pour votre explication, je remercie messieurs les architectes, pour l'explication.
Ça ne tombe pas sous le sens quand on voit les très vieux bâtiments années 60, années 70, on se dit : bah, il vaut mieux raser et reconstruire, mais en réalité le coût thermique, le coût en CO2 sera infiniment plus élevé que la rénovation.
Je trouve que c'est passionnant. C'est passionnant de voir que ce n'est pas simplement une question d'émissions de CO2. C'est une question de confort, au quotidien, pour les salariés ou les citoyens, avec une bonne isolation, comme celle que vous allez mettre sur ce bâtiment du LNE, 50 000 mètres carrés. Cela va vous permettre d'avoir des températures vivables dans un bureau, et on voit bien l'ancien modèle qui est stupide, stupide économiquement, stupide du point de vue climatique, stupide financièrement.
L'ancien modèle c'est : on brûle à l'intérieur de son bureau, il fait 35, 36, 37 degrés, c'est invivable. On travaille mal, on a le cerveau qui se ramollit. Du coup, on met la clim à fond, et on perd sur tous les tableaux. On a un bâtiment qui émet beaucoup de CO2, et on rajoute de la clim qui va remettre encore du CO2 dans l'atmosphère. Ce modèle est indéfendable, invivable, insupportable.
Là, ce que vous proposez, c'est une isolation totale. Je comprends qu'il faut aussi faire les fondations, il faut faire les façades, il faut briser la lumière, il faut briser la chaleur, il faut en même temps avoir un bon isolant et du coup, les salariés auront, quelle que soit la température extérieure, une température intérieure constante de 24 degrés, sans climatisation. Donc c'est ça le modèle vers lequel nous devons aller.
Et je pense que nous avons tous intérêt à expliquer que la question climatique, c'est effectivement rendre le monde vivable, mais c'est rendre aussi notre quotidien vivable. Et que l'expérience que nous avons tous fait cet été, d'un été marqué par des vagues de chaleur, par de la canicule, qui est pesant en particulier pour les personnes les plus fragiles, les personnes malades, les personnes âgées, les feux de forêts, les incendies, les catastrophes climatiques, le dérèglement, tout ça, nous pouvons y apporter des solutions, par notre intelligence, par notre détermination et par notre prise de conscience.
Et je voudrais vous dire, ce matin, que Bercy, le ministère de l'Économie et des Finances, qui est placé sous mon autorité, participera pleinement à cette révolution climatique, qui est aussi une révolution culturelle. Et je dois vous dire que j'en ai assez d'entendre dire que le ministère de l'Économie et des Finances s'oppose à telle politique et contre telle dépense budgétaire pour le climat, c'est faux.
Nous sommes, avec l'ensemble de mes agents, totalement engagés dans la lutte contre le réchauffement climatique. Nous soutenons les politiques, nous validons les budgets, nous apportons les moyens, et la meilleure preuve en est la rénovation de ce bâtiment et la rénovation de l'ensemble des bâtiments qui était engagée sous l'autorité d'Alain Resplandy-Bernard, directeur de l'Immobilier de l'État.
Nous avons engagé la rénovation thermique des bâtiments. Je le disais, 17 % des émissions de gaz à effet de serre viennent des bâtiments. C'est donc une priorité absolue. Et Bercy a pris toute sa part pour accélérer cette rénovation énergétique des bâtiments, et investir davantage.
Depuis 2019, je donne le chiffre, nous avons investi près de 4 milliards d'euros pour la rénovation des bâtiments du LNE. Ce sont des sommes considérables, ce sont des dizaines de milliers de tonnes de CO2 qui sont évitées. C'est l'équivalent de la consommation domestique annuelle d'une ville de 200 000 habitants qui va être économisée.
Donc, sur ce volet-là, la rénovation énergétique des bâtiments, comptez sur mon engagement total. Le LNE est un exemple, et j'en remercie son directeur. Mais nous continuerons sur tous les bâtiments de l'État aussi longtemps que cela sera nécessaire, et la hauteur à laquelle cela sera nécessaire.
Le ministère de L'Économie et des Finances a aussi accompagné les ménages. Nous n'avons jamais compté les moyens publics pour soutenir la décarbonation des véhicules en mettant en place des bonus écologiques, des primes à la conversion. Je suis un grand défenseur du passage aux véhicules électriques. Je souhaite que cela se traduise par de la relocalisation industrielle en France de la part de Renault et de Stellantis, qui ont commencé à le faire. Je souhaite que ces entreprises réalisent des moteurs, des chaînes de traction, des véhicules électriques, ici, sur le territoire français, y compris pour les petits modèles. La France doit aussi produire des petits véhicules électriques, sur son territoire.
Je rappelle également que sur la rénovation énergétique des bâtiments, nous avons engagé des moyens financiers considérables avec 650 000 ménages qui ont bénéficié de Ma Prime Renov'. C'est une nouvelle illustration de la détermination du ministère de l'Économie et des Finances à avancer dans ce sens-là.
Le troisième volet de cet engagement, c'est l'accompagnement des industries. L'industrie, pour beaucoup de nos compatriotes, rime avec pollution. Quand on veut réindustrialiser notre nation, ce qui est mon objectif stratégique, celui du président de la République et celui de la Première ministre, il faut faire rimer relocalisation et décarbonation. Et je suis convaincu que l'un va avec l'autre.
La relocalisation industrielle française doit se traduire par la décarbonation accélérée de tous nos sites industriels. Nous avons consacré 1,2 milliard d'euros dans le plan de relance, à ce sujet-là. Nous continuerons à financer ces investissements. Nous allons prendre 25 sites qui sont les plus polluants, qui représentent 40% du total des émissions de CO2 industrielles en France et nous allons accélérer la décarbonation de ces sites.
Nous allons faire des partenariats publics-privés pour que, à côté de l'argent public, les entreprises privées s'engagent aussi dans cette décarbonation. Nous allons utiliser de nouvelles technologies comme l'hydrogène, nous allons continuer à financer le plan hydrogène, pour nous permettre de réaliser cette décarbonation. Là aussi, mon ministère est totalement engagé, et l'ensemble de ses agents, pour accélérer cette décarbonation.
Enfin, dernier volet de la politique que mène le ministère de l'Économie et des Finances, si vous décarbonez votre industrie, il faut mettre en place un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. Parce qu'il est évident que lorsque vous décarbonez une usine comme Aluminium Dunkerque à Fos-sur-Mer, l'aluminium qui va sortir va être plus cher, parce que l'investissement se chiffre, non pas en millions d'euros, non pas en centaines de millions d'euros, mais en milliards d'euros. Donc après l'aluminium qui sort est plus cher, et la voiture va aussi être nécessairement un peu plus chère. Vous ne pouvez pas, dans le même temps, laisser rentrer de l'aluminium qui a été produit par de hauts fourneaux très polluants, en Chine ou ailleurs, à des prix cassés. Sinon, votre décarbonation va se solder par de la délocalisation.
Donc si on veut faire rimer décarbonation et relocalisation industrielle, il est indispensable de mettre en place ce mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. C'est vital, c'est urgent et c'est une de nos déterminations les plus totales avec le président de la République.
C'est d'autant plus important que, vous avez vu les chiffres et les objectifs qui sont les nôtres. Nous avons baissé de 4 millions de tonnes de CO2 d'émissions par an entre 2012 et 2017. Nous avons doublé cette réduction à 8 millions par an entre 2017 et 2022. Je le dis au passage à tous ceux qui nous expliquent qu'on ne fait jamais rien. Sans doute qu'on ne fait jamais assez, mais on ne fait pas, rien. Et le président de la République et cette majorité ont un bilan à défendre en matière environnementale, qui est un bilan solide, mais sur lequel nous devons accélérer notre objectif, c'est 16 millions de tonnes de CO2 par an entre 2002 et 2030 pour atteindre nos objectifs européens : 50% de réduction des émissions, par rapport à 1990.
Alors comment est-ce que l'on peut faire pour aller plus vite, aller plus loin, aller plus fort en matière de transition énergétique ? D'abord, je voudrais ajouter ma voix à celle de tous ceux qui insistent sur la sobriété énergétique. Et comme ce terme de sobriété est parfois un petit peu ambigu, et que je préfère la clarté à l'ambiguïté, ça veut tout simplement dire que chacun d'entre nous ici, chacun d'entre nous au travail, à son domicile, dans ses déplacements, doit faire attention à réduire sa consommation d'énergie.
C'est ça, la sobriété. C'est un joli mot. Mais la réalité, c'est qu'au quotidien, on doit faire attention à réduire sa consommation d'énergie. Si on va faire un match de foot à Nantes, ce n'est pas idiot de réfléchir à la manière dont on va réduire les transports, sa consommation d'énergie. Il faut prendre ça au sérieux. Ce n'est pas un objet de rigolade.
Ça nous demande à tous, moi le premier, de changer nos habitudes, de changer nos comportements, de faire attention. Je vais utiliser l'avion alors qu'il y a un train. On a investi des milliards d'euros pour un Paris-Bordeaux en 2h. Est-ce que c'est vraiment nécessaire de prendre l'avion ? Non. Est-ce que dans la consommation qui est la mienne de chauffage, de climatisation, je fais le nécessaire ? J'ai poussé la clim à fond. J'aime bien être dans un frigo, il fait 18. Est-ce que c'est raisonnable ? J'ai poussé le chauffage à fond. A 20, 22 ou 23 degrés, parce que j'aime bien avoir chaud, puis comme ça, je me balade en chemisette chez moi. Est-ce qu'il ne faut pas plutôt baisser le chauffage ? Mettre un pull ? Faire attention, parce que ça représente des économies considérables. Et ce n'est pas simplement pour l'hiver prochain. C'est une habitude à prendre pour les décennies qui viennent. C'est un changement de civilisation. Ce n'est pas un changement conjoncturel. Et c'est difficile.
C'est difficile quand on a 15 ou 20 ans, mais quand on a plus de 50, ce qui est mon cas, c'est difficile de changer. Mais c'est nécessaire. Et au bout du compte, c'est bien, parce qu'on vivra tous mieux, en faisant attention à notre consommation d'énergie, c'est la priorité.
Concrètement, dans mon ministère, cela se traduira par une baisse de 15 % des consommations d'énergie d'ici deux ans, par la réduction des éclairages, du chauffage ou de la climatisation.
Deuxième objectif de mon ministère, pour aller plus vite, plus loin et plus fort : la décarbonation. Donc nous allons accélérer sur la décarbonation des sites industriels avec un investissement massif de 5 milliards d'euros supplémentaires. Nous avons déjà engagé 1,2 milliard. Nous rajouterons 5 milliards d'euros sur la décarbonation, notamment des 25 sites industriels dont j'ai parlé et qui sont concentrés dans le nord, l'ouest et le sud de la France. 6,2 milliards d'euros au total pour la décarbonation des industries, c'est absolument vital, parce que derrière, c'est des émissions de CO2, c'est la compétitivité de notre industrie qui est en jeu.
Troisième volet, après les économies d'énergie du ministère, la décarbonation des industries, sur lequel je souhaite que mon ministère s'engage encore plus rapidement, c'est le financement export. Comment est-ce que vous faites pour éviter que tout ce que vous faites en France, dans le fond, vous le reportez à l'étranger ? Vous allez financer des projets gaziers ou des projets pétroliers qui finalement vous font perdre à l'étranger toutes les économies de CO2 que vous faites sur votre territoire, ce qu'on appelle les fuites de carbone. Fuite de carbone, c'est un joli mot qu'on peut traduire assez simplement par "polluer en dehors de ses frontières". Je ne pense pas que ce soit souhaitable.
La sobriété, ça veut dire faire des économies d'énergie. Les fuites de carbone, ça veut dire polluer à l'étranger. Je pense que nous devons aller plus loin et je ferai des propositions dans la loi de finances 2023 pour que, conformément aux engagements pris par le président de la République, nous puissions mettre fin à tout nouveau soutien public, direct, à l'étranger au secteur des énergies fossiles. Cela sera traduit dans le projet de loi de finances pour 2023.
Voilà les quelques éléments que je voulais vous faire partager ce matin. Je suis responsable d'un ministère qui a un rôle capital dans l'économie, dans la vie quotidienne de nos compatriotes. Un ministère dont tous les agents sont totalement mobilisés pour accélérer la décarbonation de l'industrie, réduire les émissions, lutter contre les gaz à effet de serre, notamment dans les bâtiments publics, et prendre des dispositions internationales qui soient fortes.
Et ce qui me frappe beaucoup, c'est que plus les agents sont jeunes, plus ils sont motivés. C'est une bonne nouvelle. Est-ce que ça veut dire qu'on va réussir ? Si les plus jeunes de nos agents, qui sont d'une qualité exceptionnelle, poussent à ce point pour aller plus vite dans la lutte contre le réchauffement climatique, plus vite dans la transition énergétique, c'est la garantie que nous y arriverons.
Monsieur le Directeur, je dois dire que ce que j'ai vu aujourd'hui dans votre établissement public est la preuve qu'on peut faire vite, qu'on peut faire bien et qu'on peut faire fort. Merci à toutes et merci à tous.
Source https://www.economie.gouv.fr, le 20 septembre 2022