Texte intégral
SALAH HAMDAOUI
Le ministre de l'Education et de la Jeunesse et notre invité sur France Bleu Hérault ce matin. Bonjour Pap NDIAYE.
PAP NDIAYE
Bonjour.
SALAH HAMDAOUI
Une première réaction pour commencer si vous le voulez bien : Emmanuel MACRON a annoncé hier qu'un projet de loi sur l'asile et l'immigration sera déposé dès le début de l'année prochaine. Alors le président de la République plaide pour une meilleure répartition des étrangers accueillis en France, notamment dans les espaces ruraux qui sont en train de perdre de la population et où, dit-il, nous devrons fermer des classes, vraisemblablement des écoles et des collèges. Alors est-ce que c'est une bonne approche, selon vous, de dire que les étrangers doivent peut-être entre autres repeupler nos campagnes ?
PAP NDIAYE
Je trouve très pertinent de lier politique d'asile et d'immigration à l'aménagement du territoire. En effet, nous faisons face à une baisse démographique forte du côté de la population scolaire : on va perdre presque 100.000 écoliers entre cette rentrée-ci et puis la rentrée 2023, après en avoir perdu 67.000 l'année dernière et ainsi de suite sur l'ensemble du quinquennat, on parle de 500.000 écoliers en moins dans nos écoles et nos établissements, particulièrement dans les zones rurales. Ça concerne aussi cette région. Et donc penser les politiques d'asile et d'immigration en lien avec cette question, c'est évidemment quelque chose de pertinent.
SALAH HAMDAOUI
C'est une journée très chargée que vous avez en perspective, journée marathon : vous vous rendez dans pas moins de 7 établissements à Carnon, à Sète, à Castelnau-le-Lez et à Montpellier ce midi. Montpellier où entre autres, vous allez inaugurer l'école Samuel-Paty. Je le rappelle, c’est cet enseignant assassiné il y a deux ans lors d'une attaque terroriste à Conflans-Sainte-Honorine. J'imagine que votre présence n'est pas que symbolique.
PAP NDIAYE
Ma présence n'est pas que symbolique pour cette inauguration d'école même si je suis très attaché à la mémoire et à la figure de Samuel PATY. J'ai commencé mes fonctions d'ailleurs par me rendre sur les lieux et dans le collège où Samuel PATY exerçait ; c'est une manière aussi de défendre les principes républicains de laïcité. Mais mon déplacement à Montpellier et dans la région n'est pas que symbolique, il est aussi une manière pour moi de prendre contact avec les enseignants, la communauté éducative, de voir comment la rentrée se passe, bref, je passe beaucoup de temps hors du ministère, hors de la rue de Grenelle. Je prends mon temps aussi ; c'est un marathon, vous dites, mais c'est aussi pour moi le temps d'échanger avec les enseignants, avec les parents, avec les élèves aussi et ça compte vraiment pour moi.
SALAH HAMDAOUI
Juste une chose : vous parlez de communauté éducative. Alors Samuel PATY et l'enseignante de Caen qui a été victime d’une agression au couteau, évidemment les raisons n’ont rien à voir mais il y a quelque chose qui peut interpeller, à savoir que ce sont des enseignants qui sont pris pour cibles parce qu'ils sont enseignants, semble-t-il. Ça, c'est inquiétant.
PAP NDIAYE
Oui, alors ce qui s'est passé à Caen n’a semble-t-il rien à voir avec les événements dont on parle pour Samuel PATY bien sûr ; il n'empêche que la question des agressions dont les enseignants peuvent être victimes, y compris d'ailleurs des agressions verbales qui sont relativement courantes malheureusement, c'est une question qui est posée et nous sommes évidemment très très attentifs et nous sanctionnons… en tout cas nous prenons les mesures nécessaires lorsque cela se produit. Il est évident que toute forme d'agressions à l'encontre d'un enseignant est inacceptable pour le ministre que je suis.
SALAH HAMDAOUI
Alors la rentrée donc : vous vous êtes dit satisfait de comment les choses se sont passées ; elle a été bonne, dites-vous. Ici chez nous, la rectrice de l'académie de Montpellier, parlait sur notre antenne, de rentrée sereine. En revanche, deux organisations syndicales, vous l'imaginez bien, sont plus nuancées. Il y a le SNPDEN qui est le principal syndicat des chefs d'établissement, il y a le SNES qui est le principal syndicat des enseignants du second degré, affirment pour leur part qu'il manque aujourd'hui au moins un enseignant dans près de deux tiers des collèges et lycées. D'abord est-ce que vous confirmez cette donnée ? Et si oui, est-ce qu’on peut parler de rentrée satisfaisante dans ces conditions-là ?
PAP NDIAYE
La rentrée s’est bien passée à l'échelle du pays ; elle s'est très bien passée dans l'académie de Montpellier ; nous avons des chiffres précis à ce sujet, il ne manque aucun enseignant dans le premier degré et dans le second degré, il y a effectivement des petits trous si je puis dire, non pas des postes entiers mais des petits blocs d'enseignement – 2 heures d'économie par ci, 3 heures techno par là - et c'est cela à quoi nous travaillons avec évidemment les services académiques, c'est ce qu'il y a de plus difficile à remplir lorsque la rentrée s'est effectuée. Mais globalement, la rentrée s'est mieux passée que l'année dernière par exemple, en dépit de conditions structurelles plus difficiles, vous savez que le recrutement des enseignants pose des difficultés accrues cette année ; et puis le marché de l'emploi est particulièrement tendu dans des disciplines techniques comme justement la technologie ou bien les professeurs des lycées professionnels.
SALAH HAMDAOUI
… La technologie et économie-gestion aussi me semble-t-il. Alors la rentrée s'est bien passée parce que c'est passé aussi par le recrutement de contractuels, 4.500 en France ; nous chez nous, il me semble que c’est 150 environ pour le département - pas pour l'académie - pour le département de Montpellier. Alors le problème soulevé par les syndicats, encore une fois, cette fois c'est un autre, c’est le SNALC qui y va fort et dans comparaison assez costaude : il dit 4 jours de formation pour ces contractuels contre 5 jours de formation quand on est recruté par un fast-food. Alors entendu comme ça, ça pose question !
PAP NDIAYE
Oui, c'était évidemment une caricature qui ne correspond pas à la réalité d'abord parce que la grande majorité des enseignants contractuels enseignaient déjà l'année dernière, 87% d'entre eux ont une expérience parfois longue de plusieurs années dans l'enseignement et puis nous avons effectivement recruté un petit nombre de nouveaux contractuels qui sont formés effectivement rapidement initialement, mais qui sont suivis tout au long de l'année avec des formations supplémentaires. On ne les lâche pas dans le grand bain comme ça, on les suit et c'est vrai aussi, je vous le fais remarquer, des enseignants titulaires qui eux aussi commencent leur année avec une formation, en tout cas dans les premiers temps, qui est encore relativement réduite. Donc on a ce sujet de la formation mais qui est un sujet qui va bien au-delà des enseignants contractuels et que nous allons travailler dans les années à venir. Dans l'immédiat, la part des enseignants contractuels qui ont une petite expérience ou pas d'expérience du tout, elle est très faible par rapport au volume des enseignants contractuels et c'est vrai dans cette académie aussi.
SALAH HAMDAOUI
Alors le recrutement, c'est évidemment essentiel pour l'Education nationale ; il passe en grande partie par des concours, notamment le CAPES pour le second degré. Alors j’ai regardé les statistiques qui sont sur le site de votre ministère et visiblement, le nombre de candidats au CAPES, en 10 ans, a baissé de 25% - c'est énorme ! Alors que c'est une profession dont on pourrait penser qu'elle attire. Comment vous l'expliquez, cette baisse très très importante ?
PAP NDIAYE
C’est tout à fait exact, le nombre de candidats a baissé ; ce qu'on appelle dans notre jargon le « rendement des concours » n'est pas satisfaisant et donc c'est bien le problème de l'attractivité du métier ; le métier d'enseignant n'attire plus comme il pouvait attirer il y a encore 10 ou 20 ans, pour des raisons financières d'abord. Et c'est pour cela que nous allons proposer des revalorisations de rémunération à tous les enseignants à partir du mois d'octobre, en tout cas les négociations vont s'engager au mois d'octobre…
SALAH HAMDAOUI
Tous les enseignants vous dites ?
PAP NDIAYE
Tous les enseignants, notamment les enseignants débutants et les milieux de carrière, là où les salaires stagnent et puis par ailleurs, j'insiste aussi beaucoup sur une revalorisation morale du métier d'enseignant ; les enseignants n'ont plus la même place dans la société française qu'ils pouvaient avoir jadis ; ils sont parfois injustement victimes d'agressions verbales, j'en parlais précédemment et donc je tiens beaucoup à ce que l'autorité et le savoir des enseignants soient mieux respectés dans la société française. Ça ne dépend pas que de moi bien sûr mais ça dépend de l'ensemble de la société parce qu'il en va en réalité évidemment de l'avenir de notre jeunesse.
SALAH HAMDAOUI
Alors j'ai une question à vous poser parce que j'ai invité pas mal d'enseignants et pas mal de chefs d'établissement et cette question est revenue souvent, donc c'est pour ça que je vous la pose : quand auront lieu les épreuves du bac pour l'enseignement spécialisé cette année ? Alors mars, avril, mai, juin ? Est-ce que vous avez une info là-dessus ?
PAP NDIAYE
Ça va être annoncé dans les jours à venir ; on a à jongler avec des contraintes extrêmement serrées, en particulier les vacances de printemps qui occupent un mois… avec les différentes zones, le mois d'avril. Et puis également, le calendrier de Parcoursup si l'on souhaite - et ça me paraît nécessaire - que les épreuves de spécialité soient intégrées dans Parcoursup, ce qui n'a pas été le cas l'année dernière. Et donc il faut tenir compte de ces contraintes et le calendrier va être annoncé dans les jours à venir.
SALAH HAMDAOUI
Une autre question sur les conditions d'accueil des élèves ; certains infectiologues parlent de 8e vague de Covid ; on a vécu deux rentrées précédentes sous le signe de la crise sanitaire ; j'imagine que vous êtes en lien avec votre collègue de la Santé, est-ce qu’il y a des choses qui se préparent, est-ce que ça vous inquiète en fait cette hausse des contaminations ?
PAP NDIAYE
Il y a une hausse des contaminations particulièrement dans la population scolaire et donc on peut penser que cette hausse est liée à la rentrée précisément et c'est donc quelque chose que nous surveillons. Pour l'instant, ça demeure à un niveau modeste mais il s'agit certainement du début de la 8e vague. On a publié un protocole sanitaire au mois de juillet : pour l'instant, on est au niveau le plus bas ; si on passe au niveau supérieur qui serait le niveau vert, alors les familles et la communauté éducative seraient prévenues au moins dix jours à l'avance et par ailleurs, les normes sanitaires qui sont celles de l'école, sont calquées sur celles de la population en général, de la société, il n’y a pas de décalage.
SALAH HAMDAOUI
Une dernière chose, la question de l'éducation sexuelle à l'école ; c'est une question très sensible qui provoque pas mal de polémiques. Alors l'éducation sexuelle, il faut le savoir, est obligatoire depuis 2001 en France mais il me semble que vous trouvez que la situation, on pourrait l'améliorer en quelque sorte.
PAP NDIAYE
Oui, il y a une loi qui nous enjoint en effet de proposer dans le primaire et le secondaire des cours d'éducation à la sexualité ; mais la réalité, c'est qu’une minorité d'élèves voire une toute petite minorité d'élèves ont des cours d'éducation à la sexualité. Or on sait à la fois pour des raisons sanitaires - la prévention des maladies sexuellement transmissibles ou la prévention des grossesses précoces - mais aussi pour des raisons plus globales - l'égalité entre les filles et les garçons, la prévention des violences sexuelles et sexistes - bref tout cela fait que l'éducation à la sexualité est tout à fait importante pour notre jeunesse et donc nous devons obéir et nous conformer à la loi de 2001. Et c'est pour cela que nous travaillons d'abord à la formation des enseignants et puis aussi à un élan sur cette question parce que l'alternative est souvent problématique : ça peut être internet, ça peut être des blogueurs ; en famille, ça se fait mais ça ne se fait pas non plus tout le temps et donc nous avons de point de vue-là, une mission qui est une mission d'éducation, même si la question - je le reconnais - est tout à fait sensible.
SALAH HAMDAOUI
Merci Pap NDIAYE, ministre de l'Education nationale et de la jeunesse, merci d'avoir accepté notre invitation et je vous souhaite donc une bonne journée dans notre département.
PAP NDIAYE
Merci beaucoup.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 19 septembre 2022