Texte intégral
ANTOINE BAREGE
Bonjour Roland LESCURE
ROLAND LESCURE
Bonjour.
ANTOINE BAREGE
D'abord votre réaction. Est-ce qu'on peut parler de drame humain et social avec cette fermeture de CAMAÏEU, cette liquidation judiciaire ?
ROLAND LESCURE
C'est évidemment une grande déception. A chaque liquidation judiciaire, on est extrêmement déçu. On pense aux salariés, en l'occurrence les 2 500 employés de CAMAÏEU dont mille à Roubaix. Et c'est une marque emblématique, qui a été connue par toutes les Françaises et tous les Français. Donc, oui, c'est un drame, c'est une déception. L'histoire n'est pas terminée évidemment mais c'est une grande déception, ça c'est vrai.
ANTOINE BAREGE
Pourquoi l'État n'a pas voulu sauver CAMAÏEU ?
ROLAND LESCURE
Alors, l'État, d'abord, accompagne CAMAÏEU depuis des années. Il faut que vous sachiez que depuis la Covid, ce n'est pas que CAMAÏEU évidemment comme beaucoup d'entreprises du commerce dans le détail étaient très affectées par la Covid, c'est quarante millions d'euros qui ont été apportés dans l'État sous forme de subventions et sous forme de prêts. Et depuis la reprise par le nouvel actionnaire en 2020, c'est quarante millions d'argent de l'État qui ont été apportés. Dans le cadre de ce processus de redressement, je vais être très clair avec vous sur le processus de redressement qui a été annoncé extrêmement tard, début septembre. On a eu un document envoyé par l'actionnaire actuel qui proposait une reprise dimanche soir, d'une page, et qui en gros demandait à l'État 48 millions d'euros de plus contre un engagement de l'actionnaire de cinq millions, c'est-à-dire un engagement extrêmement déséquilibré dans lequel l'État prenait l'essentiel du risque, au-delà évidemment des quarante millions déjà engagés par l'État. Donc on se retrouverait avec beaucoup d'argent public : pas moins de 70 millions d'argent en frais, vingt millions d'abandons de créances et 48 millions d'argent nouveau face à un engagement d'actionnaires qui était insuffisant et surtout sur la base d'un plan d'affaires qui manquait d'épaisseur et de crédibilité. Moi, je ne peux pas engager 70 millions d'argent public sans avoir un plan d'affaires crédible, sérieux, complet. On sait que CAMAÏEU était dans une situation difficile ; il aurait fallu qu'on ait des informations un peu plus sérieuses sur la manière dont l'actionnaire comptait le redresser. Donc je suis évidemment déçu qu'on n'ait pas pu aller plus loin mais évidemment, je pense que vos auditeurs comprendront, on ne peut pas engager de l'argent public sur une idée ; on a besoin d'engagements sérieux et de plans d'affaires extrêmement bien définis. On le fait dans d'autres entreprises. ARC, vous la connaissez très bien cette entreprise, est à 70 kilomètres de là, on l'accompagne depuis des années. Quand l'actionnaire est là, l'Etat est là, dans une logique de redressement crédible.
ANTOINE BAREGE
Mais la région était prête à financer avec Xavier BERTRAND. Vous, vous ne vouliez pas suivre ; vous dites : non, stop, il faut arrêter à un moment.
ROLAND LESCURE
Non, non, attendez. Jusqu'à présent, depuis deux ans, il y a un acteur public qui a accompagné CAMAÏEU sans jamais manquer au rendez-vous, c'est l'État, 40 millions ; pour aller plus loin et mettre encore pas loin de 50 millions d'euros on attendait un plan d'affaires crédible et un engagement concret et ambitieux de la part de l'actionnaire qu'on n'a pas eu, que la région soit prête à accompagner très bien, mais je ne veux pas laisser dire que l'État n'était pas prêt à s'engager. On s'engage depuis 2 ans auprès de cette entreprise, on aurait évidemment été prêt à en faire davantage sur la base d'un plan d'affaires crédibles et ambitieux.
JOURNALISTE
Au lendemain de l'annonce de la liquidation de CAMAÏEU, invité exceptionnel de France Bleu Nord ce matin, nous sommes avec le ministre délégué à l'Industrie Roland LESCURE.
ANTOINE BAREGE
Alors on comprend bien ce matin vous dénoncez un manque de sérieux de l'actionnaire, les salariés…
ROLAND LESCURE
Non je ne pense pas qu'on puisse dire ça, enfin je ne me mets dans la tête de l'actionnaire mais en tout cas ce qu'on a reçu comme engagement était clairement insuffisant pour engager 70 millions d'argent public, ça c'est vrai.
ANTOINE BAREGE
Alors qu'est-ce qu'on fait maintenant Roland LESCURE ?
ROLAND LESCURE
D'abord on va s'occuper de l'essentiel, c'est-à-dire des salariés. Évidemment le ministère du Travail va les accompagner dans un processus de liquidation, un certain nombre d'actifs peut-être vont être repris. La marque a une valeur, un certain nombre de magasins évidemment le CAMAÏEU existent toujours, ils sont là. Le centre de logistique l'est également, donc on peut espérer que dans le cadre de processus de liquidation, ces actifs puissent être repris par les investisseurs qui sont prêts à s'engager dans la durée et du coup on l'espère aussi reprendre un certain nombre de salariés. Donc l'histoire ne se termine pas aujourd'hui. C'est évidemment un événement triste, un événement difficile, un événement décevant mais qui j'espère va se poursuivre avec un feuilleton difficile mais qui va nous permettre, j'espère, de trouver des solutions pour chacun des salariés aujourd'hui concernés.
ANTOINE BAREGE
Quel message vous voulez faire passer aux 2600 salariés de CAMAÏEU ce matin ?
ROLAND LESCURE
D'abord qu'on n'est à leurs côtés, qu'on les a pas abandonnés, qu'on les accompagne depuis 3 ans et on va continuer à le faire, qu'on regrette évidemment de manière très forte ce qui est en train de se passer. On pense à eux directement et à chacun d'entre eux et l'État va continuer à faire son travail pour accompagner les salariés un après un.
ANTOINE BAREGE
Et comment faire pour que cette situation ne se reproduise pas dans une autre entreprise ?
ROLAND LESCURE
Moi je vous dis on garde toutes les situations quel que soit le secteur, quelle que soit la région et ça m'occupe un peu et ça occupe un peu mes équipes depuis maintenant quelques semaines parce que la crise énergétique, évidemment les suites de la Covid, ont un impact important sur un certain nombre d'entreprises. À chaque fois on aura n'a même discipline, on est prêt à ce que l'État aide les entreprises à condition qu'on puisse protéger l'outil industriel, accompagner les salariés et qu'on soit aligné avec les actionnaires, l'État n'a pas l'occasion à nationaliser CAMAÏEU, je pense que tout le monde peut le comprendre. On est prêt à accompagner des actionnaires dans une logique de reprise d'activité crédible, étayée et dans laquelle les actionnaires si je peux dire se mouillent.
ANTOINE BAREGE
Donc s'il le faut vous vous viendrait à Roubaix rencontrer les salariés et parler d'avenir avec eux.
ROLAND LESCURE
Bien sûr, bien sûr, nous sommes nous sommes prêts à les rencontrer, nous sommes prêts à les accompagner et je le répète, je regrette infiniment ce qui est en train de se passer, je ne souhaite pas que l'État soit jugé comme responsable d'une situation dans laquelle, je pense, il n'a pas manqué à sa parole depuis maintenant 3 ans. Il a accompagné cette entreprise et malheureusement aujourd'hui le sentier de reprise n'était pas suffisamment crédible pour mobiliser encore de l'argent public.
ANTOINE BAREGE
Merci Roland LESCURE d'avoir été l'invité de France Bleu Nord ce matin et bonne journée.
ROLAND LESCURE
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 octobre 2022