Déclaration de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, sur l'Union européenne face à la crise énergétique, à Bruxelles le 30 septembre 2022.

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Circonstance : Arrivée à la réunion extraordinaire des ministres de l'Énergie

Texte intégral

Mme Agnès Pannier-Runacher : Ce Conseil des ministres européens de l'Énergie sera important aujourd'hui. Nous allons encore avancer sur la batterie de mesures qui doivent nous permettre de faire face à la crise. Je pense notamment au texte qui va nous permettre de piloter une diminution de 5% des consommations d'électricité en période de pic puisque c'est la perspective de cette consommation qui pèse aujourd'hui sur le prix de l'électricité. Nous allons également mettre en place une contribution sur les profits des entreprises qui aujourd'hui sont productrices d'énergie et qui la vendent à un prix de marché qui est beaucoup plus élevé. Nous allons également mettre en place une contribution de solidarité sur les entreprises extractives de fossiles et qui ont des activités de raffinage, l'ensemble de ces éléments permettant de financer les mesures de protection des consommateurs européens, comme nous le faisons en France puisque nous avons pris les devants avec l'ARENH et le mécanisme propre à la production d'énergies renouvelables qui nous permet aujourd'hui de financer une grosse partie de notre bouclier énergétique.

Mais je vais être très claire : il va falloir aller beaucoup plus vite, beaucoup plus loin et faire d'autres propositions. Je ne laisserai pas les entreprises, les collectivités locales, les industriels s'arrêter en France parce que nous faisons face à des prix d'électricité et du prix du gaz trop élevés. Dans cette approche, nous allons demander à la Commission de faire des propositions dans la droite ligne du mandat qui lui avait été donné le 9 septembre dernier. Ces propositions doivent d'abord viser à couper la volatilité sur les marchés de l'énergie. Il faut mettre des mécanismes coupe-circuit sur ces marchés et également des mécanismes de couverture des appels de marge pour permettre de redonner de la liquidité au marché. Ca c'est le premier point, c'est la filière Ecofin mais il appartient maintenant au Conseil Ecofin de prendre une décision le 3 et le 4 octobre prochains, en tout cas c'est notre souhait. Le deuxième point, c'est évidemment de travailler sur le prix du gaz. Plusieurs propositions sont envisagées. On parle de cap, on parle de changement de référence pour le prix du gaz. En tout état de cause, nous ce que nous souhaitons, c'est que cette analyse soit menée jusqu'à son bout, qu'on puisse négocier de manière directe avec nos partenaires qui fournissent du gaz par le moyen de gazoducs, que l'on puisse réfléchir à une façon de piloter les achats de gaz naturel liquéfié et que l'on trouve un moyen de baisser le prix du gaz sur l'ensemble de ces approvisionnements avec une Commission européenne, une Union européenne qui peut à un certain point coordonner les achats de gaz.

Enfin, le troisième point, c'est évidemment le prix de l'électricité. Le prix de l'électricité, on peut le baisser rapidement. C'est tout l'enjeu d'avoir un mécanisme ibérique par exemple qui soit étendu à l'ensemble de l'Europe. Je sais qu'il y a des réticences sur ce mécanisme mais nous y avons travaillé techniquement. On sait pouvoir faire en sorte qu'il évite une surconsommation de gaz et on sait qu'il peut être mis en place très rapidement. C'est probablement aussi ce type de signal dont ont besoin les entreprises sur le terrain. Donc, nous allons travailler dans cette direction. En France, par ailleurs, je réunirai mercredi avec Bruno Le Maire l'ensemble des fournisseurs d'énergie pour travailler à des contrats et une charte qui permettent aux collectivités locales et aux entreprises de pouvoir avancer dans des conditions qui soient, je dirais, de meilleure qualité, plus protectrices et donc nous agirons aussi au niveau national.

La France a signé une lettre avec 14 autres pays pour demander un plafonnement des prix des importations de gaz d'où qu'elles viennent. Est-ce que les propositions qui ont été faites par la Commission il y a deux jours sont suffisantes selon vous ?

Mme Agnès Pannier-Runacher : La Commission a refait une série de propositions. Je pense que c'est une avancée utile mais ce que nous disons, c'est qu'il faut aller plus loin sur ces sujets-là et qu'il faut conclure plus vite. Donc nous allons essayer de nourrir aujourd'hui la discussion en ce sens avec la perspective de décisions qui puisse être pris dans un délai restreint. Je rappelle qu'il y a un conseil informel des ministres de l'énergie à Prague dans deux semaines, ça peut être aussi une occasion de refaire le point ou peut-être plus tôt.

Est-ce que ce n'est pas trop lent ce processus ?

Mme Agnès Pannier-Runacher : En tout cas, c'est un processus sur lequel nous, nous voulons accélérer. Je crois que c'est un sujet qui est partagé par mes homologues, nous en avons discuté, vous savez qu'il y a eu une intense activité diplomatique, j'ai beaucoup parlé à mes homologues belge, allemand, espagnol, italien, polonais, roumain, tchèque ces derniers jours. Nous sommes tous conscients que nous avons une responsabilité, celle de défendre nos entreprises, celle de défendre l'industrie européenne, que nous avons aussi une responsabilité, celle de ménager une solidarité européenne autour de ces enjeux de l'énergie. Donc c'est fort de ces deux principes que nous allons agir dans les prochains jours.

Est-ce qu'il faut sécuriser tous les câbles sous-marins y compris les câbles de télécommunications ? Est-ce que l'Europe doit faire plus là-dessus ? Et est-ce qu'il s'agit d'un acte de sabotage ?

Mme Agnès Pannier-Runacher : Alors je ne me permettrai pas de commenter à des actes qui, pour le moment, font l'objet d'enquêtes approfondies. En tout état de cause, il semblerait qu'il y ait une intervention délibérée, je n'irais pas au-delà de ça et cela fait partie de la vigilance accrue que nous devons avoir par rapport à ce type de situation.

Malgré tout le travail que vous faites, vous et vos collègues, est-ce qu'il y a une chance que [les Européens continuent de payer des prix pas raisonnables ?]

Mme Agnès Pannier-Runacher : Écoutez, en France, en tout cas, nous avons pris nos responsabilités, c'est-à-dire que les Français, les ménages français sont aujourd'hui en Europe ceux qui sont les mieux protégés par rapport à l'augmentation du prix du gaz et du prix de l'électricité. C'est également le cas des très petites entreprises et des très petites collectivités locales. Donc nous continuerons à protéger les ménages français, les très petites entreprises et les très petites collectivités locales. Aujourd'hui, ce qui est en jeu, c'est le fonctionnement de notre économie et de notre compétitivité au niveau européen et nous allons également y travailler parce qu'il n'est pas question de laisser nos industriels s'arrêter.


Source https://ue.delegfrance.org, le 3 octobre 2022