Texte intégral
JEFF WITTENBERG
Bonjour Olivier KLEIN.
OLIVIER KLEIN
Bonjour.
JEFF WITTENBERG
Maya le disait, vous êtes ministre délégué à la Ville et au Logement, vous êtes aussi maire de Clichy-sous-Bois, et vous êtes un ministre issu de la gauche. Vous étiez au Parti socialiste, et c'est à ce ministre-là d'abord que je voudrais poser la première question, qui concerne non pas votre secteur, pour l'instant, mais la réforme des retraites qu'Élisabeth BORNE veut voir votée avant la fin de l'hiver, qu'une majorité de Français rejette, qui a suscité des manifestations hier et qui pourrait même aboutir à une crise institutionnelle, puisqu'Emmanuel MACRON, on l'entendait dans le journal, n'exclut pas une dissolution si ça ne passe pas à l'Assemblée. Est-ce que vous êtes à l'aise, vous, le ministre venu de la gauche, avec cette réforme ?
OLIVIER KLEIN
Oui, je suis à l'aise avec les réformes. Quand on est de gauche, social-démocrate, on est à l'aise avec les réformes par essence. Cette réforme elle est nécessaire, et puis elle n'est pas surprise, le président de la République l'avait dit dans le quinquennat précédent, ça n'a pas pu se faire, il l'a redit pendant la campagne. La situation elle est celle que le COR décrit, c'est-à-dire qu'on va vers un déficit très important du système de retraite par répartition, et moi je suis attaché à la répartition, à la justice, donc il faut une réforme concertée et on s'est donné les moyens avec ce temps de concertation, et c'était une demande, et moi j'étais certain qu'on allait aller vers cette concertation, il faut une réforme qui est juste, qui prenne en compte les questions de pénibilité, de durée de travail, des métiers qui sont hachés, d'autres moins, donc oui il faut une réforme, une réforme juste.
JEFF WITTENBERG
Mais sur la philosophie de cette réforme, je le rappelle, vous êtes, vous avez été membre du Parti socialiste en 1981, la retraite à 60 ans c'était une conquête sociale, avec François MITTERRAND, est-ce qu'il n'y a pas un pincement au cœur sur le symbole, d'abandonner ?
OLIVIER KLEIN
Vous venez d'accueillir Serge GUERIN, qui est un spécialiste du vieillissement, il disait tout à l'heure qu'on vit plus longtemps. Oui, on vit plus longtemps aujourd'hui, et c'est pour ça qu'il faut tenir compte des carrières longues, de la pénibilité, de la réalité. Moi, à 60 ans c'est dans 4 ans pour moi, j'ai encore la force de travailler, et d'autres qui sont beaucoup plus usés, eh bien ils devront, il faudra qu'on tienne compte de la pénibilité de leur métier.
JEFF WITTENBERG
Mais beaucoup de métiers, alors vous êtes élu de quartiers difficiles, parfois, enfin populaires et qui ont parfois des difficultés avec des métiers que certaines personnes n'ont pas plaisir à faire. Vous allez leur expliquer de c'est une mesure de justice sociale, aux administrés, à Clichy-sous-Bois ?
OLIVIER KLEIN
C‘est pour ça, d'abord c'est une réforme qui est progressive, 4 mois de plus par an, donc on verra ce que dira la concertation. Aujourd'hui, le point de départ c'est 65 ans en 2031. Cette concertation elle est nécessaire, il y a des métiers pénibles, il faudra que cette réforme en tienne compte, tenir compte du nombre d'annuités, bien évidemment. Vous savez, la réforme qu'a portée Marisol TOURAINE était aussi une réforme qui faisait travailler plus longtemps.
JEFF WITTENBERG
Et elle est comprise aussi par vos électeurs, elle sera comprise, aujourd'hui elle ne l'est pas.
OLIVIER KLEIN
Mais, le principe d'une réforme, c'est qu'elle doit être expliquée, et partagée, et concertée.
JEFF WITTENBERG
Dernière question sur ce point. S'il y a une dissolution, ce dont menace aujourd'hui Emmanuel MACRON, l'Assemblée nationale, est-ce que vous ne craignez pas un retour de bâton des électeurs et une nouvelle majorité, voire une victoire du Rassemblement national à l'image de ce qu'on a vu en Italie, il y a quelques jours ?
OLIVIER KLEIN
Évidemment, il faut toujours craindre le Front national, et ça c'est mon credo depuis, vous avez parlé de mon parcours politique, la lutte contre l'extrême-droite fait partie de mon credo, donc il faut craindre le Front national, bien évidemment…
JEFF WITTENBERG
… vent en poupe, elle pourrait …
OLIVIER KLEIN
Il faudra expliquer, il faudrait expliquer si c'était le cas, aujourd'hui ou demain, pourquoi le Front national est un danger extrêmement grave pour notre pays, mais la démocratie, le président de la République s'est fait élire sur un programme, si il ne se sent pas en capacité de mettre en œuvre ce programme, eh bien il prendra les décisions qui sont les siennes.
JEFF WITTENBERG
Et ça ne vous fait pas peur une dissolution.
OLIVIER KLEIN
Écoutez, moi ce que je souhaite, c'est que la concertation aille au bout et que chacun prenne ses responsabilités.
JEFF WITTENBERG
Alors, donc on va évoquer vos dossiers, ministre de la Ville et du Logement. Vous revenez du Congrès HLM qui s'est tenu à Lyon. Est-ce que sur le logement l'État est également, pour reprendre l'expression de Bruno LE MAIRE, à l'euro près aujourd'hui, et on ne peut pas dépenser sans compter, sur ce dossier également ?
OLIVIER KLEIN
Il ne faut jamais dépenser sans compter, parce que…
JEFF WITTENBERG
Ça veut dire qu'il faut faire des économies, plus exactement.
OLIVIER KLEIN
Non, il ne faut pas faire des économies, il faut dépenser bien. Il y a plusieurs urgences dans le domaine du logement. D'abord le logement social. Oui, je reviens du Congrès HLM, j'y ai passé 3 jours, parce que c'était extrêmement important pour moi d'écouter le monde HLM, que je connaissais comme président de l'Agence nationale pour le renouvellement urbain, comme maire, et je voulais leur montrer à quel point leur écosystème m'importe. Et puis, comment dépenser bien ? Il faut construire plus, 2,2 millions de demandeurs de logement social, c'est insupportable. Il faut rénover, et rénover vite, parce qu'on le voit, l'urgence climatique elle est sous nos yeux en en ce moment et ceux qui demandent un logement, ils demandent un logement parce que leur famille s'agrandit, parce qu'ils ont besoin de quitter un logement, mais ils demandent aussi un jour parce que leur logement n'est pas en bon état, parce que c'est une passoire thermique, et donc oui, il faut dépenser, il faut surtout dépenser bien, pour qu'on se sente bien dans son logement.
JEFF WITTENBERG
Vous connaissez les critiques qui vous sont adressées, notamment par les bailleurs sociaux, il y a le l'organisme Action logement par exemple qui vous reproche d'avoir ponctionné 300 millions d'euros sur ses biens à lui, pour que l'État ne s'engage pas. Qu'est-ce que vous répondez ? Parce que cet Action logement, il est piloté à la fois par les syndicats et le patronat, et les deux vous critiquent sur ce point.
OLIVIER KLEIN
J'ai rencontré tout le monde, je rencontrerai encore tout le monde. Ces 300 millions d'euros, ce n'est pas de l'argent qui va partir dans le ciel, c'est de l'argent qui va servir à construire, c'est ce qu'on appelle l'aide à la pierre. Donc, ils avaient déjà participé depuis 3 ans à se FNAP, à ce fonds d'aide à la pierre. On propose qu'ils y continuent, mais on a à travailler avec Action logement, avec l'ensemble du monde HLM. La Première ministre m'a demandé de construire un pacte de confiance avec le monde HLM, et on y travaille depuis que je suis rentré au gouvernement. Avec Action logement on travaille tous les jours. Vous savez, Action logement c'est le principal financeur du renouvellement urbain, et donc le président de l'ANRU que j'étais, travaillait tous les jours, et j'ai rencontré évidemment le président d'Action logement, Bruno ARCADIPANE, avant, pendant le congrès, et il le sait, je le rencontrerai encore après, pour travailler, pas pour nous mais pour le bien de ceux qu'on loge.
JEFF WITTENBERG
Quelles mesures vont être prises pour les locataires qui n'arrivent plus à payer leur loyer ? Ils touchent aujourd'hui des APL, des Aides Personnalisées au Logement, est-ce que vous allez continuer à les verser, alors qu'ils risquent normalement de ne plus les toucher ?
OLIVIER KLEIN
D'abord, dans la loi sur le pouvoir d'achat on a augmenté les APL de 3,5%. Ensuite il y a tous les systèmes de boucliers…
JEFF WITTENBERG
Ça fait oublier les 5 € de la baisse qu'il y avait eu il y a quelques années…
OLIVIER KLEIN
Non, oui, enfin non, c'est la situation actuelle qui m'importe. Aujourd'hui il y a cette hausse de 3,5 %. Il y a effectivement des hausses de charges et donc moi j'ai demandé aux CAF, dans tous les départements, d'être extrêmement attentif, s'il y a des gens de bonne foi qui n'arrivent plus à payer leur loyer, je demande aux CAF de ne pas suspendre les APL, la loi le prévoit dès aujourd'hui ; si on est de bonne foi et qu'on est dans une situation dramatique, de difficultés financières, eh bien oui, il ne faut pas suspendre les APL, il n'y a pas de double peine.
JEFF WITTENBERG
La précarité énergétique va-t-elle de pair avec la sobriété que le gouvernement réclame ? On demande aux Français de régler leur thermostat à 19°, mais dans certaines habitations, dans certains logements précaires, 19° c'est déjà beaucoup. Est-ce qu'il n'y a pas peut-être une exagération dans les demandes aujourd'hui, et une non prise en compte de la précarité de certains logements ?
OLIVIER KLEIN
La précarité, la précarité énergétique, je la connais, je la connais comme maire de Clichy-sous-Bois, il y a évidemment des petits pavillons qui sont des passoires thermiques, il y a des logements qui sont insalubres, donc évidemment cette sobriété doit être intelligente. Il y a la demande au plus grand nombre et il y a les cas particuliers, des gens qui souffrent, et on ne va pas rajouter de la souffrance à la souffrance, mais il faut qu'on soit tous citoyens, qu'on fasse des efforts sur la consommation électrique, sur la température de nos logements, sur notre consommation d'eau, bien évidemment, pour nous, pour notre pouvoir d'achat et pour la planète.
JEFF WITTENBERG
Je vous demandais en début d'interview si vous étiez à l'aise avec la réforme des retraites, est-ce que vous êtes, pas à l'aise, mais est-ce que vous approuvez par exemple ce qu'a dit Bruno LE MAIRE, votre collègue ministre de l'Économie, dit a dit que lui personnellement, ce n'est pas votre cas ce matin, il mettra désormais un col roulé, non plus une cravate, pour s'adapter à un thermomètre un peu plus bas dans les pièces chauffées.
OLIVIER KLEIN
Écoutez, c'est ce que l'on fait tous depuis…
JEFF WITTENBERG
Certains ont dit que c'était un gadget.
OLIVIER KLEIN
Non mais ce n'est pas ça la question, la sobriété c'est être attentif à la planète et à notre pouvoir d'achat. Donc oui, mettre une doudoune sans manches, mais ce n'est pas ça la vraie question…
JEFF WITTENBERG
La vraie question…
OLIVIER KLEIN
Non parce que c'est du, enfin, c'est une question personnelle de comment on s'habille, c'est pas ça qui va régler les choses, mais oui, on n'est pas obligé d'être en tee-shirt quand il fait froid, il vaut mieux se couvrir et ne pas allumer le chauffage, et ne pas mettre une veste quand il fait chaud et d'allumer la clim, c'est une évidence.
JEFF WITTENBERG
Donc c'est des petits gestes, ce n'est pas simplement symbolique.
OLIVIER KLEIN
Chaque petit geste compte. Oui, enfin, en ce moment on dort avec un pyjama plus chaud qu'il y a 15 jours.
JEFF WITTENBERG
Bon. On vous a entendu ce matin, merci beaucoup Olivier KLEIN, ministre du Logement, ministre de la Ville, maire de Clichy-sous-Bois pour quelques semaines encore, et c'est la suite de Télématin et la 2e interview des "4 vérités". Merci beaucoup.
OLIVIER KLEIN
Merci.
MAYA LAUQUE
Merci Olivier KLEIN, qui dort donc avec un pyjama plus chaud ces derniers jours. Merci beaucoup.
JEFF WITTENBERG
Voilà, il n'y a pas que le col roulé dans la vie.
MAYA LAUQUE
Sur la réforme des retraités et la menace d'une dissolution de l'Assemblée, on va rappeler que vous souhaitez une réforme concertée et que chacun prenne ses responsabilités.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 octobre 2022