Texte intégral
LAURENCE FERRARI
Bonjour Marlène SCHIAPPA.
MARLÈNE SCHIAPPA
Bonjour.
LAURENCE FERRARI
Bienvenue dans La Matinale de Cnews.
MARLÈNE SCHIAPPA
Merci.
LAURENCE FERRARI
On va parler de vos sujets évidemment, mais d'abord, ces femmes iraniennes qui se battent pour pouvoir enlever le voile au péril de leur vie, au moins 92 personnes tuées depuis le décès de la jeune Mahsa AMINI, il y a 17 jours, il y a eu des rassemblements ce week-end, un peu partout e France. Que fait le gouvernement français pour aider les femmes iraniennes, est-ce qu'il fait quoi que ce soit d'ailleurs, fait-il quelque chose ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Bien sûr. D'abord, je veux commencer évidemment, comme je le fais à chaque prise de parole sur ce sujet, par adresser mon soutien à ces courageuses femmes iraniennes, je crois que c'est important pour elles et pour eux aussi, je pense notamment aux étudiants iraniens qui sont en train de se mobiliser, de savoir que partout, on les soutient. Il y a deux choses différentes, la mobilisation de la société civile, qui peut se faire de manière explicite avec des manifestations, etc, mais il y a aussi l'engagement des États, l'engagement des États, il est porté par la diplomatie, et notamment par le chef d'État. Il y a deux choses que je peux partager avec vous…
LAURENCE FERRARI
Mais on n'a pas entendu le chef d'État adresser des avertissements à ses homologues iraniens, on n'a pas entendu la voix de la France.
MARLÈNE SCHIAPPA
Alors, moi, je vais vous dire, j'ai appris, depuis maintenant... c'est ma sixième année en tant que ministre, avant d'être membre du gouvernement, je pensais que sur les droits humains, il fallait vraiment faire le plus de bruit possible, j'ai appris maintenant que la diplomatie, elle avance aussi dans les têtes-à-têtes, dans les dialogues les yeux dans les yeux. Et le président de la République a dit qu'il y avait ce dialogue sur la question des droits humains notamment vis-à-vis de l'Iran. Je vais vous dire qu'aujourd'hui, paraît une tribune de toutes les femmes ministres ou secrétaires d'État chargées des Affaires européennes, avec ma collègue Laurence BOONE, qui est chargée de cette question, en soutien aux femmes iraniennes. C'est une voix importante de la part de l'Europe, et un beau symbole que toutes ces femmes européennes ministres adressent leur soutien sans faille à ces femmes iraniennes.
LAURENCE FERRARI
Mais vous avez bien conscience que ça n'aide pas les Iraniennes sur le terrain qui, encore une fois, se font tirer dessus à balles réelles. Est-ce qu'on ne peut pas aller plus loin dans les sanctions, dans les mesures de rétorsion contre ce régime iranien despotique ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Tout peut être envisageable, et là aussi, je pense que pour l'efficacité du dialogue diplomatique, ce sont les personnes qui sont en charge de ce sujet qui doivent s'exprimer, évidemment, comme tout le monde, mon cœur saigne quand je vois les images d'Iran, en tant que féministe et en tant que défenseuse de la laïcité et de la liberté des femmes par rapport aux fondamentalistes religieux de très longue date, et chacun le sait, je ne peux que vibrer avec les Iraniennes et souhaiter qu'on puisse avancer, le travail est mené au niveau diplomatique en ce qui concerne le gouvernement.
LAURENCE FERRARI
Espérons qu'il aboutisse. Sandrine ROUSSEAU était hier à la manifestation place de la République pour ces femmes iraniennes, elle a été huée, elle a été conspuée, au mot de collabo. Est-ce que vous êtes surprise par cette réaction des féministes, des femmes qui se trouvaient là, il faut dire qu'à l'époque, elle avait trouvé que le voile était un embellissement de la femme ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Non, mais plusieurs choses, d'abord, je pense que respecter les manifestations, et si certains qui ne connaissent pas bien le sujet, parce qu'on ne l'apprend peut-être pas, il y a "Persépolis" qui nous enseigne sur ce sujet, il y a le film de KHEIRON, qui s'appelle "Nous 3 ou rien", sur la révolution iranienne, qui nous permet de mettre en perspective l'histoire de l'Iran, avec une porte d'entrée de fiction, bien évidemment. Ce que je veux dire par-là, c'est que le peuple iranien ne souhaite pas avoir pour porte-paroles des responsables politiques, c'est la première chose, et ça a toujours été le cas historiquement, c'est la première chose. Et la deuxième chose, c'est que vous avez aujourd'hui des femmes qui meurent, je ne sais pas si vous a vu cette photo de la fille de l'une de ces femmes tuées qui s'est coupée les cheveux, qui porte le foulard ostensiblement…
LAURENCE FERRARI
Au bord de sa tombe, oui, oui…
MARLÈNE SCHIAPPA
Voilà, devant sa tombe, avec beaucoup de dignité, et en face, elles entendent des personnes en Occident qui disent que le voile est un embellissement, mais bien évidemment qu'elles n'ont pas envie de choisir ces personnes-là comme porte-paroles de leur mouvement, elles ne leur ont rien demandé au demeurant. Et ça a été le cas aussi par exemple d'Olivier FAURE, du Parti socialiste, qui a été hué aussi. Moi, je fais partie des gens qui luttent contre l'islamisme pied à pied, j'ai co-porté la loi séparatisme avec Gérald DARMANIN, j'ai pris des mesures très fortes, et je pense courageuses pour défendre la laïcité, ça m'a été reproché, ça m'a été reproché par des gens qui nous disaient que l'islamisme radical, ce n'était pas un problème, que le fondamentalisme, ça n'existait pas en France, etc, et ce sont les mêmes aujourd'hui qui vont dans les manifestations, oui, je comprends que ces personnes soient huées.
LAURENCE FERRARI
Vous pensez ça de Sandrine ROUSSEAU et d'Olivier FAURE notamment ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Mais je pense que la gauche, et ce n'est pas une nouveauté, je pense que depuis des années, une partie de la gauche, et notamment l'extrême gauche, n'a pas eu de discours assez forts sur ces sujets, je vous invite à reprendre tous les débats que nous avons pu avoir sur les questions de laïcité ou sur les questions de lutte contre le terreau du terrorisme, c'est-à-dire l'islamisme et l'idéologie islamiste, et la manière dont elle se propage, reprenez les votes des uns et des autres, les positions des uns et des autres, certains ont été très clairs à gauche, je pense par exemple à Marie-George BUFFET, je pense à Fabien ROUSSEL ; je pense à toute une partie de la gauche, y compris une partie du Parti socialiste d'ailleurs qui a été très claire, et puis, d'autres ont été dans l'aveuglement, bien sûr.
LAURENCE FERRARI
Et dans l'ambiguïté.
MARLÈNE SCHIAPPA
Bien sûr, oui…
LAURENCE FERRARI
Plus que l'ambiguïté.
MARLÈNE SCHIAPPA
Oui, oui.
LAURENCE FERRARI
En France, il y a une hausse des atteintes à la laïcité dans les collèges et les lycées, c'est ce qu'a noté Pap NDIAYE, on l'a vu dans un reportage qui a été diffusé dans le journal de 8h de Romain DESARBRES. Est-ce qu'il y a un assaut, il y a une volonté des islamistes d'entrer par ce biais-là dans les établissements scolaires en France ?
MARLÈNE SCHIAPPA
En fait, l'islamisme radical, au cas où il y ait des traductions, parce que quand on traduit mal l'islamisme, on fait un contresens, c'est pour ça que je le dis, je suis bien consciente que c'est un euphémisme (sic), un pléonasme, pardon, plus exactement, oui, évidemment, et justement, cette stratégie des sphères islamistes, on l'a observée sur les réseaux sociaux, c'est pour ça que le président de la République a souhaité créer une unité de contre-discours républicain, qui est aujourd'hui pilotée par ma collègue Sonia BACKÈS, qui est ministre chargée de la Citoyenneté au ministère de l'Intérieur, et qui a un travail qui est mené justement par l'État pour faire en sorte de contrer ces discours sur…
LAURENCE FERRARI
Elle a dû rappeler que l'abaya est un marqueur religieux et qu'elle est interdite à l'école, on en est là en France…
MARLÈNE SCHIAPPA
Oui, elle a raison de le dire…
LAURENCE FERRARI
Il faut rappeler ce qu'est la loi.
MARLÈNE SCHIAPPA
Oui, oui, bien sûr, je pense qu'il faut rappeler…
LAURENCE FERRARI
Qui est remise sans cesse en cause, remise en question…
MARLÈNE SCHIAPPA
Mais je pense qu'il faut rappeler ce qu'est la loi, bien évidemment, et je pense qu'elle a eu raison de le faire, nous avons renforcé d'ailleurs la loi à cet égard, et notamment le ministère de l'Éducation nationale, je pense qu'il y a un avant et un après Samuel PATY, et après l'assassinat terrible de ce professeur en plein jour, en pleine rue, d'une manière absolument horrible, on ne peut pas…
LAURENCE FERRARI
Par un islamiste…
MARLÈNE SCHIAPPA
Exactement, bien sûr, par un terroriste islamiste qui a été arrêté dans sa course folle par les policiers, et notamment par la police municipale, qui était présente aussi, moi, j'étais présente avec le président de la République et le ministre de l'Intérieur ce soir-là, pour venir sur les lieux, je n'oublierai jamais cette scène et jamais ce qui s'est passé, et je pense qu'aujourd'hui, on ne peut plus s‘aveugler face à la réalité de ces faits.
LAURENCE FERRARI
Twitter et TikTok sont véritablement utilisés comme clés d'entrée pour inciter les jeunes femmes à tester les limites, à mettre un voile, à mettre un kami pour les garçons, c'est un véritable danger ces réseaux sociaux ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Ah oui oui, je pense que ça l'est, d'ailleurs c'est ce que Gilles KEPEL, qui est un grand spécialiste de ces sujets, appelle "le jihadisme d'atmosphère" en disant qu'aujourd'hui on ne se radicalise plus forcément en allant dans un lieu de radicalisation et en rencontrant des personnes, mais en étant sur Internet, en regardant des vidéos, c'est ce qui manifestement c'était passé pour ANZOROV le tueur…
LAURENCE FERRARI
Le meurtrier de Samuel PATY.
MARLÈNE SCHIAPPA
Exactement, de Samuel PATY.
LAURENCE FERRARI
Il faut être plus ferme avec des réseaux sociaux, les surveiller de plus prés et ne pas tolérer la moindre atteinte à la laïcité dans nos établissements scolaires ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Oui bien sûr, mais nous sommes fermes, nous avons relancé les moyens de Pharos quand j'étais à mes précédentes fonctions au ministère de l'Intérieur…
LAURENCE FERRARI
Plateforme de signalement.
MARLÈNE SCHIAPPA
Le président de la République avait décidé d'ouvrir Pharos 24h sur 24, de mettre plusieurs centaines d'emplois temps plein en plus pour que Pharos soit encore plus réactif et que la communication avec les réseaux sociaux se fasse mieux.
LAURENCE FERRARI
Vous êtes encore très mobilisée sur la cause des femmes, ça ça ne nous quittera évidemment pas, les affaires QUATENNENS et BAYOU ont secoué, et la France insoumise, et les Verts, pourquoi les cellules antiviolences sexistes, qui existent dans ces deux structures, ont dysfonctionné selon vous ?
MARLÈNE SCHIAPPA
D'abord c'est vrai qu'il y a ce constat que ces cellules d'écoute sur les violences sexistes et sexuelles elles sont des échecs puisque dans ces deux affaires elles n'ont pas permis de faire en sorte d'accompagner les victimes manifestement. Moi je pense que…
LAURENCE FERRARI
En tout cas sur le chemin de la justice.
MARLÈNE SCHIAPPA
Exactement, mais c'est ce qui est important, je pense qu'on ne peut pas faire du para-juridique, ou en tout cas du parajudiciaire, on ne peut pas singer la justice, nous nous sommes en train de travailler pour mettre en place une structure et notre objectif c'est de dire on ne fait pas…
LAURENCE FERRARI
Chez Renaissance.
MARLÈNE SCHIAPPA
Exactement, chez Renaissance…
LAURENCE FERRARI
Le parti présidentiel.
MARLÈNE SCHIAPPA
Tout à fait, nous notre objectif ce n'est pas de faire des procès staliniens ou d'exécuter arbitrairement politiquement telle ou telle personne, ce n'est pas non plus d'étouffer les affaires, parce que par exemple pour l'affaire autour de Taha BOUHAFS, en fait ce n'est pas la cellule qui a révélé publiquement les signalements pourtant dont elle avait été saisie, et d'ailleurs même cette personne continue à être protégée, donc je pense que nous devons prendre en compte les erreurs des autres, nos propres erreurs aussi également, puisqu'aucun parti politique n'a été exemplaire ou parfait sur ce sujet, donc je ne viens pas donner des leçons, je viens dire que mon travail c'est faire en sorte que les femmes qui s'engagent dans notre parti politique, chez Renaissance, elles puissent être protégées, c'est pour ça que dans nos statuts, c'était une volonté de Stéphane SÉJOURNÉ, notre nouveau secrétaire général qui vient d'être élu, dans nos statuts nous avons instauré et voté la création d'une structure de prévention, d'écoute, d'action, qui fera des campagnes de prévention notamment, nous allons former tous nos cadres, mais qui accompagnera aussi vers la justice. Nous avons la chance d'avoir beaucoup d'avocates spécialistes du sujet, membres de notre mouvement politique, et donc elles vont aussi permettre d'accompagner vers la plainte et vers la justice…
LAURENCE FERRARI
C'est ça la question, est-ce que c'est des organes qui sont destinés à étouffer la parole des femmes et à laver son linge sale en famille, ou au contraire vous allez les accompagner sur le chemin du dépôt de main courante ou du dépôt de plainte face à la justice ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Moi, vous savez, j'ai été responsable de ce sujet, j'étais au ministère de l'Intérieur, j'ai formé les policiers et les gendarmes, j'ai créé une plateforme qui s'appelle "arretonslesviolences.gouv.fr", j'ai allongé les délais de prescription, donc tout le travail que j'ai mené c'est pour que les femmes puissent avoir accès à la justice et accès à leurs droits, il ne s'agit pas de faire d'injonctions aux dépôts de plaintes, il s'agit de dire que dans notre pays ces faits-là doivent être condamnés en justice, et lutter contre l'impunité c'est aussi accompagner vers la plainte. Je me réjouis qu'aujourd'hui de plus en plus de femmes aillent vers la plainte, vers le dépôt plainte, parce que c'est comme ça qu'on peut accéder à la justice, justice qui est tout à fait perfectible, je ne dis pas qu'elle est parfaite, je ne dis pas que les auteurs sont condamnés à chaque fois, là aussi c'est un énorme travail à mener pour continuer à lutter contre cette impunité.
LAURENCE FERRARI
Vous aviez compris que Sandrine ROUSSEAU ait publiquement fait état des propos de l'ancienne compagne de Julien BAYOU, ce qui a amené à la démission de ce dernier de ses mandats non électifs ?
MARLÈNE SCHIAPPA
C'est un sujet très difficile de savoir qu'est-ce qu'on fait une fois qu'on est dépositaire de cette parole, et pour moi c'est ça aussi qui ne va pas dans les cellules telles qu'elles existent aujourd'hui…
LAURENCE FERRARI
Mais vous auriez fait comme elle ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Je ne sais pas…
LAURENCE FERRARI
Si vous savez.
MARLÈNE SCHIAPPA
Moi j'ai été dépositaire de beaucoup de faits et je n'en n'ai jamais parlé publiquement parce que je considère toujours que c'est à la victime de décider si elle veut s'exprimer ou pas, et dans cette affaire je ne sais pas si elle était mandatée, peut-être était-elle mandatée par la victime pour le faire…
LAURENCE FERRARI
C'est ce qu'elle dit.
MARLÈNE SCHIAPPA
Donc je ne le sais pas, mais là aussi, en ce qui concerne Julien BAYOU je pense qu'il y a un défaut de justice, moi j'entends qu'il n'y a pas de plainte déposée, qu'il n'y a pas d'instruction, ça nous met tous dans une situation extrêmement compliquée.
LAURENCE FERRARI
C'est de la justice d'ordre privé comme dit Éric DUPOND-MORETTI, on est en train de franchir un cap selon vous ?
MARLÈNE SCHIAPPA
C'est la décision, d'après ce que j'ai compris, je ne suis pas dans les instances d'Europe Écologie-Les Verts, c'est la décision de Julien BAYOU de se mettre en retrait, donc ce sera à lui d'expliquer pourquoi il a pris cette décision, moi je suis bien incapable de vous dire ce qu'il en est à l'heure actuelle.
LAURENCE FERRARI
Aujourd'hui c'est la rentrée parlementaire, est-ce que vous pensez que la France insoumise sera affaiblie, divisée, par l'affaire Adrien QUATENNENS ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Ah ben moi j'observe que la France insoumise est divisée, enfin en tout cas la NUPES est divisée d'ores et déjà, et la France insoumise est divisée bien sûr. Après je veux dire quelque chose que je ressens personnellement, j'ai vu sur les réseaux sociaux que certaines femmes de la France insoumise étaient un peu prises à parti, voire cyber-harcelées, pour certaines, suite à l'affaire Adrien QUATENNENS, je pense qu'on ne fait jamais avancer la cause des femmes en cyber-harcelant des femmes politiques même si on considère qu'elles n'ont pas eu le bon comportement face à des questions de violences conjugales, donc c'est la première chose que je veux dire, qui me semble importante, ça doit transcender nos appartenances politiques, c'est la première chose. La deuxième chose c'est que, oui, politiquement, sur un plan politique, j'observe que la NUPES est particulièrement divisée, mais au-delà de ces affaires, ils sont divisés sur la question du travail, on l'a vu avec les propos forts courageux d'ailleurs de Fabien ROUSSEL et d'une partie du Parti communiste, ils sont divisés sur la question du nucléaire, on le voit dans les débats encore aujourd'hui, ils sont divisés sur les questions européennes, et ils sont aujourd'hui divisés sur la manière de traiter les violences sexistes et sexuelles, donc il y a beaucoup de divisions, et en fait ce qui les rassemble c'est surtout l'esprit anti-MACRON et l'esprit anti-majorité présidentielle, donc nous verrons maintenant comment ça se passe dans l'hémicycle, et notamment au moment des questions au gouvernement.
LAURENCE FERRARI
Avec les grandes réformes à venir et les grands blocages à venir évidemment, vous êtes prête à affronter le 49.3 de votre gouvernement et la fronde des oppositions ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Moi je pense qu'il y a une responsabilité partagée, je ne vais pas blâmer les uns ou les autres. Notre responsabilité, à nous gouvernement, c'est de dialoguer, de concerter, de tendre la main, d'écouter, et ça c'est fait sur ces sujets, notamment par le ministre du Travail Olivier DUSSOPT, qui ne cesse de mener des concertations, des écoutes, des rencontres, la Première ministre Élisabeth BORNE, qui a rencontré tous les leaders des groupes politiques représentés au Parlement, longuement, pour échanger avec eux, et puis l'autre responsabilité c'est celle des oppositions de dire que s'ils souhaitent être constructifs, faire avancer le pays dans les grands défis qui se présentent à nous aujourd'hui, ou s'ils souhaitent faire du blocage, de l'obstruction, du refus d'avancer, nous verrons ce qu'il en est à partir d'aujourd'hui.
LAURENCE FERRARI
Vous êtes, je le disais, secrétaire d'État à l'économie sociale et solidaire, vous lancez cette semaine de la Semaine de la mode durable, c'est bien ça ? Au moment même où CAMAÏEU ferme ses magasins, 2600 employés sur le carreau, on a du mal en fait à comprendre comment on peut faire une telle casse humaine et sociale avec CAMAÏEU et dire la mode durable c'est chouette.
MARLÈNE SCHIAPPA
Alors, deux choses différentes sur CAMAÏEU, l'État a été au rendez-vous, mon collègue Roland LESCURE, le ministre de l'Industrie, a indiqué que 40 millions d'euros ont été engagés depuis le Covid-19 pour soutenir CAMAÏEU, il y a eu un travail important pour faire en sorte de faire perdurer l'enseigne, il n'y a pas de modèle viable, solide, qui ait été trouvé, mais les salariés, Roland LESCURE l'a indiqué, seront accompagnés un par un, une par une, parce que c'est un secteur très féminisé. En ce qui concerne la mode durable, alors ce n'est pas moi qui lance, mais je soutiens très fortement un collectif qui travaille pour dire qu'une autre mode est possible. C'est vrai que…
LAURENCE FERRARI
Qui ne soit pas fabriquée en Chine, à Taïwan ou en Inde.
MARLÈNE SCHIAPPA
Oui, une mode qui d'abord ne soit pas fabriquée dans des conditions d'exploitation des personnes, dans des conditions indignes de travail, avec de l'exploitation des animaux, avec un impact carbone aussi extrêmement important, vous savez que le coût carbone, l'impact carbone de la Fashion Week c'est l'équivalent de 3000 ans d'éclairage de la tour Eiffel, nous dit une étude menée par des organisations…
LAURENCE FERRARI
Donc il ne faut plus de défilés de mode…
MARLÈNE SCHIAPPA
Je ne dis pas qu'il n'en faut plus…
LAURENCE FERRARI
Avec l'artisanat français ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Pas du tout, je pense que la Fashion Week c'est magnifique, c'est des très beaux spectacles et l'industrie du luxe fait l'honneur et le rayonnement de la France, mais je pense qu'on peut collectivement réfléchir à la manière dont on recycle par exemple, vous savez que la loi dite AGEC travaille sur la question du réemploi des matières, nous sommes en France le premier pays à avoir fait une loi sur l'interdiction de détruire des invendus non alimentaires, c'est-à-dire des vêtements, que les magasins ne mettent pas les vêtements à la poubelle quand ils ne sont pas vendus, et donc nous nous lançons, avec ma collègue Bérangère COUILLARD, un fonds important pour soutenir les entreprises de l'économie sociale et solidaire, c'est-à-dire celles qui travaillent sur ce réemploi des matières, ces recycleries, ces ateliers d'insertion, ces stylistes qui s'engagent sur la mode durable, c'est un fonds qui va exister sur six ans, de plusieurs dizaines de millions d'euros, pour soutenir justement le réemploi et le recyclage de ces matières premières dans la mode.
LAURENCE FERRARI
Dans des entreprises françaises, on est bien d'accord ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Absolument, c'est de l'économie non délocalisable qui existe ici en France.
LAURENCE FERRARI
Et vous avez évoqué l'exploitation des animaux quand les articles sont fabriqués en Chine, surtout l'exploitation des hommes, des femmes et des enfants, on est bien d'accord ?
MARLÈNE SCHIAPPA
Bien sûr, c'est ce que j'évoquais sur les conditions de travail indignes, on a tous en tête le drame de l'immeuble Rana bien évidemment, mais aussi la question de l'exploitation des Ouïghours qui a été mise dans le débat public récemment, et je pense que les jeunes générations nous poussent à cela aujourd'hui car elles ne veulent plus justement consommer de cette "fast fashion" et qu'elles souhaitent se tourner vers une consommation plus durable et plus respectueuse des personnes et de la planète.
LAURENCE FERRARI
Merci beaucoup Marlène SCHIAPPA…
MARLÈNE SCHIAPPA
C'est moi qui vous remercie.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 octobre 2022