Texte intégral
THOMAS SOTTO
Bonjour et bienvenue dans les "4V", Pap NDIAYE.
PAP NDIAYE
Bonjour.
THOMAS SOTTO
Une note diffusée par le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, accuse la mouvance islamiste de remettre en cause le principe de laïcité à l'école, en s'appuyant sur les réseaux sociaux. La note marque aussi des comptes qui appellent à porter des vêtements islamiques ou à prier au sein des établissements. Est-ce qu'on est face à une tentative de noyautage de certaines écoles de la République aujourd'hui ?
PAP NDIAYE
Il est vrai que depuis un an, le nombre de signalements relatifs à des tenues, disons islamiques, augmente. Il y a le fameux phénomène des abayas, et nous avons également constaté ce phénomène à la rentrée. Cela peut être en effet sous-tendu par des agitateurs professionnels, qui ne veulent…
THOMAS SOTTO
Le rapport parle d'une stratégie d'entrisme salafo-frériste, donc les salafistes et les frères musulmans.
PAP NDIAYE
Qui ne veulent ni de bien à l'école, ni de bien à la République. Nous ne sommes pas naïfs là-dessus et donc il s'agit d'appliquer fermement la loi de 2004.
THOMAS SOTTO
Quand vous dites "ça s'amplifie", on parle de combien de cas ? On est sur des dizaines, des centaines, des milliers de cas ?
PAP NDIAYE
Nous allons publier les chiffres à partir de la semaine prochaine. Je me suis engagé à ce que le nombre de signalements soit publié chaque mois sur le sujet, donc on aura une idée plus précise la semaine prochaine…
THOMAS SOTTO
Vous n'avez pas d'idée d'ordre de grandeur, là pour l'instant.
PAP NDIAYE
Mais, c'est une croissance qui est relativement significative et qui s'inscrit dans un continuum, un crescendo depuis un an environ, avec qu'une petite accélération au moment du ramadan.
THOMAS SOTTO
Et là, depuis la rentrée scolaire de septembre, il y a encore une hausse ou pas ? Certains parlent d'une épidémie de tenues islamistes.
PAP NDIAYE
C'est une hausse continue depuis un an, particulièrement depuis le printemps, depuis le ramadan, et donc nous sommes évidemment très attentifs à cela, avec la loi qui évidemment interdit…
THOMAS SOTTO
La loi, c'est la loi de 2004 sur les signes religieux.
PAP NDIAYE
C'est la loi de 2004, qui interdit les signes religieux ostensibles et qui permet évidemment d'agir dans le cas où le vêtement peut être caractérisé comme un signe religieux.
THOMAS SOTTO
Pardon de revenir sur les chiffres, mais on parle vraiment de centaines de cas, de milliers de cas, de davantage ?
PAP NDIAYE
Non, les signalements et le nombre de signalements publiés jusqu'à présent, relèvent de centaines de cas, qui généralement se règlent à l'échelle des établissements, sans difficulté. Et puis nous avons aussi encouragé les chefs d'établissement à faire remonter tous les signalements possibles, de manière à ce qu'on ait une vision aussi objective que possible de la situation.
THOMAS SOTTO
Quelle est la consigne claire que vous donnez aux chefs d'établissement ? C'est : en abaya, on ne rentre pas dans un établissement, en qamis pour les garçons on ne rentre pas, c'est ça la règle ou pas ?
PAP NDIAYE
Alors, la règle, donc c'est la loi de 2004 : pas de tenue de nature religieuse ostensible…
THOMAS SOTTO
On sait qu'elle n'est pas toujours respectée.
PAP NDIAYE
Alors, ça n'est pas toujours facile à faire, mais nous faisons confiance aux chefs d'établissement, aux cellules valeurs de la République, qui sont là aussi pour les épauler, il y en a dans beaucoup de départements et dans toutes les académies, pour pouvoir juger si la tenue est de nature religieuse. Si par exemple, s'il s'agit d'une jeune fille, si la jeune fille refuse de changer de tenue, si elle porte cette tenue de façon très régulière dans la semaine, alors on a des indications qui peuvent nous laisser penser qu'il s'agit d'une tenue de nature religieuse…
THOMAS SOTTO
Et ces élèves-là ne doivent plus rentrer habillés comme ça dans les écoles françaises.
PAP NDIAYE
Exactement, absolument.
THOMAS SOTTO
Est-ce que le bandana qui sert à couvrir les cheveux, et qui remplace discrètement le voile, est toléré lui ?
PAP NDIAYE
Là encore, tout dépend…
THOMAS SOTTO
Parce que c'est du contournement. Cela dépend, il y a des bandanas qui n'ont pas de nature religieuse, tout dépend de la destination finalement, tout dépend de l'intention de celui ou celle qui la porte, et ça, ça doit s'apprécier à l'échelle des établissements, à l'échelle également d'autres signes qui peuvent laisser penser que tel ou tel accessoire a une dimension religieuse, ce qui n'est évidemment pas toujours le cas.
THOMAS SOTTO
En tout cas la règle, c'est la fermeté, c'est-ce que vous dites ce matin.
PAP NDIAYE
La règle c'est la fermeté, et en même temps, l'appui des chefs d'établissement par les cellules qui sont les cellules de valeurs de la République. Nous sommes fermes, attentifs, bien entendu, et nous mesurons, nous publions les données, de manière…
THOMAS SOTTO
Donc de la transparence.
PAP NDIAYE
De la transparence.
THOMAS SOTTO
Pap NDIAYE, il y a pratiquement 2 ans, le 16 octobre 2020, Samuel PATY était décapité à la sortie de son établissement scolaire. Aujourd'hui, à votre connaissance, des enseignants sont-ils encore menacés de la sorte en France ?
PAP NDIAYE
Il y a quelques cas qui surviennent de temps à autres, de menaces, de propos menaçants ou insultants, à l'encontre des enseignants, et nous prenons évidemment les mesures qui s'imposent. Ce sont des mesures qui peuvent inclure de la protection des enseignants concernés, et puis bien entendu les sanctions qui s'imposent. Nous sommes évidemment au niveau des rectorats très attentifs à la protection des enseignants et des personnels en règle générale, et à tout signe qui pourrait laisser penser qu'un enseignant par exemple est menacé.
THOMAS SOTTO
En tout cas la vigilance est toujours de mise, on l'entend.
PAP NDIAYE
Vigilance, fermeté et bien entendu hommage, ce sera le cas à la mi-octobre, hommage à Samuel PATY, j'aurai l'occasion de prononcer un discours en hommage à ce combattant de la laïcité et de la liberté.
THOMAS SOTTO
Un hommage sera rendu dans toutes les écoles ?
PAP NDIAYE
Il y aura des hommages dans les écoles et dans les établissements scolaires en effet.
THOMAS SOTTO
Ça fait un peu plus d'un mois, Pap NDIAYE, que les élèves ont repris le chemin de l'école, quel bilan vous tirez de cette rentrée 2022/2023 ?
PAP NDIAYE
J'ai dit à quel point cette rentrée s'effectuait dans des conditions qui étaient des conditions difficiles. Nous n'avons rien caché…
THOMAS SOTTO
Avec un manque d'enseignants.
PAP NDIAYE
… des difficultés de recrutement des enseignants, comme dans d'autres domaines d'ailleurs. Néanmoins, compte tenu de ces difficultés, la rentrée s'est bien passée, grâce à la mobilisation des personnels. Nous avons encore quelques difficultés dans l'enseignement secondaire, il faut…
THOMAS SOTTO
On entend parler de 4 000 postes vacants, c'est un chiffre que vous validez ?
PAP NDIAYE
Alors non, ce ne sont pas des postes vacants. Il y a des trous, si je puis dire, des blocs d'heures qui manquent par-ci par-là, 2 heures de technologie, 4 heures d'économie gestion ici, bref ce sont des petits blocs qu'il nous faut combler progressivement. Le nombre de postes vacants est bien plus, bien inférieur à ceux-là, il est de quelques centaines aujourd'hui dans l'enseignement secondaire. Dans le primaire la situation est de fait normale, à l'exception bien entendu des problèmes frictionnels, des absences pour maladie, des congés maternité, de ce qui fait aussi l'ordinaire des 859 000 enseignants français.
THOMAS SOTTO
C'est sûr. Et parmi ceux qui ont déjà été recrutés, parfois à la va-vite, on l'a vu, combien ont tenu et combien ont déjà lâché ? Vous le savez ça ou pas ?
PAP NDIAYE
On a recruté des enseignants contractuels, en effet la plupart enseignait déjà l'année dernière, la grande majorité. Il peut en effet y avoir des enseignants contractuels qui abandonnent en quelque sorte, un contrat…
THOMAS SOTTO
Là, vous avez des chiffres ou pas encore ?
PAP NDIAYE
Là, on n'a pas encore de chiffres, on en aura certainement dans quelques semaines, mais nous continuons aussi à recruter des enseignants contractuels, ne serait-ce que pour assurer des remplacements qui peuvent survenir en particulier cet hiver, au moment des grippes saisonnières, par exemple.
THOMAS SOTTO
Vous avez dit que vous souhaitiez vous attaquer au collège, que vous avez qualifié "d'homme malade du système", la formule n'avait d'ailleurs pas plu à tout le monde. Concrètement, vous voulez le réformer de fond en comble, il y aura un grand plan collège avec vous ?
PAP NDIAYE
Le collège nous préoccupe, dans la mesure où le nombre d'élèves en difficulté a cru de 10 points ces dernières années. On est à 25 %. Les résultats en mathématiques, en langues vivantes, ne sont pas à la hauteur de ce qu'on peut attendre, et donc il y a bien une question relative au collège, c'est un peu le maillon faible si vous voulez dans la chaîne éducative, et donc nous commençons par la classe de 6e, qui est un niveau tout à fait crucial de transition entre le primaire et le secondaire, avec des 6e tremplin par exemple, qui visent à mieux coordonner le CM2 et la 6e. Et puis d'autres initiatives que nous allons prendre pour améliorer les résultats, et puis aussi favoriser l'égalité des chances, parce que le collège est aussi le lieu de la grande divergence, si je puis dire, entre ceux qui s'en sortent et puis ceux qui vont avoir des difficultés irrémédiables.
THOMAS SOTTO
Donc le cap sur la 6e pour commencer. Le budget, qui sera discuté dans quelques jours à l'Assemblée nationale, prévoit une hausse importante des crédits alloués à l'Éducation nationale, + 6,5 %, un peu plus de 60 milliards, alors que les négociations sur les revalorisations de salaires ont débuté hier. Est-ce que vous confirmez que tous les profs vont être augmentés de 10 % ?
PAP NDIAYE
Alors, ce à quoi je me suis engagé, c'est à une augmentation pour les débuts et les milieux de carrières, disons la 1ère moitié de carrière, jusqu'à 20/25 ans de carrière. Pour les professeurs en en fin de carrière, on va également faire un effort, avec le passage à la hors classe et à la classe exceptionnelle, qui permet des augmentations de salaires. Mais là où nous sommes vraiment en décalage par rapport à la moyenne européenne, c'est plutôt sur les débuts et les milieux de carrière…
THOMAS SOTTO
Il y a une étude de l'OCDE qui est sortie hier, on est beaucoup moins bien payé quand on est prof en France que dans les autres pays en moyenne.
PAP NDIAYE
C'est cela, surtout en début et en milieu de carrière, donc nous faisons des efforts avec des augmentations qui vont représenter jusqu'à 10 %, à quoi peuvent s'ajouter également des augmentations liées à des nouvelles missions, que nous allons proposer aux professeurs volontaires…
THOMAS SOTTO
C'est le pacte enseignement, c'est ça ?
PAP NDIAYE
Voilà…
THOMAS SOTTO
C'est quoi, c'est travailler plus pour gagner plus, en fait, si on aide les devoirs, si on en fait un peu plus, on aura une petite prime ?
PAP NDIAYE
Ce n'est pas forcément travailler plus pour gagner plus, dans la mesure où des tâches que les enseignants assument déjà, pourront être rémunérées, et donc on pourra avoir des augmentations jusqu'à 20 % des rémunérations actuelles.
THOMAS SOTTO
Le maire de Périers dans la Manche, a décidé d'offrir des polaires à ses élèves, pour pouvoir baisser le chauffage. Est-ce que les établissements scolaires, tous les établissements scolaires en France, vont devoir eux aussi baisser le chauffage, est-ce qu'ils sont concernés par les appels à la sobriété énergétique ?
PAP NDIAYE
La sobriété énergétique c'est bien, bien entendu, mais nos élèves doivent pouvoir étudier dans de bonnes conditions. Cela ne relève pas du ministère de l'Éducation nationale mais des collectivités, et donc ce que nous appelons à faire, c'est évidemment que le chauffage soit maintenu à des niveaux qui soient compatibles avec la continuité pédagogique et avec le bien être des élèves.
THOMAS SOTTO
Donc peut-être un peu plus que 19° dans les classes.
PAP NDIAYE
19°, ça me paraît raisonnable, en tout cas il y a un minimum bien entendu à respecter, pour que l'enseignement soit possible.
THOMAS SOTTO
J'ai une dernière question, rapidement s'il vous plaît, mais c'est un sujet important, on parlait du voile à l'école, en Iran des femmes sont tuées ces jours-ci parce qu'elles ont le courage de l'enlever ce voile, on entend assez peu les politiques sur ce sujet-là, qu'est-ce que ça vous inspire, vous ?
PAP NDIAYE
Ça m'inspire tout le soutien que je peux apporter aux femmes iraniennes, aux combattantes de la liberté, aux combattantes de la dignité, qui veulent pouvoir enlever leur foulard islamique, et donc j'ai un immense respect pour le courage héroïque de cette femme, de ces femmes, face à la dictature iranienne.
THOMAS SOTTO
Le voile, il a le même sens là-bas et ici ?
PAP NDIAYE
Il n'a pas le même sens, bien entendu, mais ce dont il est question c'est évidemment de la possibilité pour les femmes de s'habiller comme elles le veulent, on en est loin évidemment dans un pays comme l'Iran.
THOMAS SOTTO
Merci beaucoup Pap NDIAYE d'être venu dans les "4V". Merci à vous.
PAP NDIAYE
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 octobre 2022