Interview de M. Gabriel Attal, ministre chargé des comptes publics, à LCI le 4 octobre 2022, sur la réforme des retraites, le budget pour 2023 et les violences sexuelles et sexistes.

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Média : LCI

Texte intégral

ADRIEN GINDRE
Bonjour Gabriel ATTAL.

GABRIEL ATTAL
Bonjour Adrien GINDRE.

ADRIEN GINDRE
Merci d'avoir accepté notre invitation. Votre collègue Éric DUPOND-MORETTI s'est vu signifier hier son renvoi en procès devant la Cour de justice de la République pour prises illégales d'intérêts. Il va se pourvoir en cassation. Mais il va pouvoir rester au gouvernement ?

GABRIEL ATTAL
Oui, il est dans l'action, j'étais avec lui il y a quelques jours, ce week-end, en Guyane pour prendre des mesures pour lutter contre les trafics de stupéfiants, j'ai échangé aussi avec lui sur son budget, pour la troisième année consécutive, le ministère de la Justice connaîtra une augmentation historique de 8 %…

ADRIEN GINDRE
Mais ce n'est pas ce qui est en cause…

GABRIEL ATTAL
Non, mais c'est une réponse à votre question sur le fait qu'il reste à sa tâche, qu'il est pleinement mobilisé pour renforcer les moyens du système judiciaire, réduire les délais, lutter contre les stupéfiants, les violences faites aux femmes et renforcer le service public de la justice…

ADRIEN GINDRE
... Il y a également le secrétaire général Alexis KOHLER de l'Élysée, collaborateur d'Emmanuel MACRON, qui a été mis en examen, on l'a appris hier, lui aussi pour prise illégale d'intérêts, lui aussi va pouvoir rester à son poste, dans aucun cas, ces décisions ou ces procédures judiciaires ne vous interpellent ?

GABRIEL ATTAL
C'est une procédure qui avait été engagée précédemment, j'ai lu comme vous, je pense, le communiqué des avocats d'Alexis KOHLER, qui rappellent…

ADRIEN GINDRE
Qu'il conteste avoir commis tout délit…

GABRIEL ATTAL
Oui, qu'il y a eu une première plainte de l'association Anticor, en 2019, je crois, qui a été classée sans suite en l'absence d'infraction caractérisée, que, du coup, une deuxième plainte d'Anticor a été déposée, qu'il y a eu une enquête pour quatre infractions possibles, que trois ont été déjà écartées, qu'il en reste une, et que le travail va se poursuivre, mais je crois, et c'est ce qu'ont rappelé les avocats d'Alexis KOHLER, qu'il a attesté d'un certain nombre de témoignages de ses supérieurs hiérarchiques ou de ses collaborateurs, pour des faits dont, je rappelle, qui remontent pour certains à plus de 10 ans…

ADRIEN GINDRE
Il est malgré tout mis en examen, pour le coup, ce n'est pas un fait totalement anodin.

GABRIEL ATTAL
Présumé innocent, puisqu'il conteste évidemment les faits.

ADRIEN GINDRE
Ça veut donc dire, Gabriel ATTAL, pour en terminer sur ce sujet, que désormais, la nouvelle doctrine pour Emmanuel MACRON et le gouvernement, c'est que l'on soit renvoyé en procès ou mis en examen, on reste en place, fini la jurisprudence qu'on avait appelée Bérégovoy-Balladur de dire : quand on est mis en examen, on démissionne... ?

GABRIEL ATTAL
Je crois que ça fait un moment que ça été clarifié, notamment du fait que depuis cette jurisprudence Bérégovoy-Balladur, il y a eu des évolutions institutionnelles, et que le Garde des sceaux ne donne plus de consigne individuelle, je rappelle par ailleurs que nous avons…

ADRIEN GINDRE
Même s'il aura à nommer le futur procureur de Paris l'année prochaine…

GABRIEL ATTAL
Je vous rappelle par ailleurs que nous avons une doctrine, quand un ministre est condamné, il est amené à quitter le gouvernement, c'est ce qui s'est passé par exemple, il y a quelques mois ou années maintenant, avec mon collègue Alain GRISET, qui a été condamné et qui a quitté le gouvernement.

ADRIEN GINDRE
On va en venir à la question des retraites, je le disais, ça fait partie des sujets très compliqués de cette rentrée, on avait hier une réunion de l'intersyndicale, qui représentait 8 organisations syndicales, elles se sont exprimées à la fois contre le report de l'âge légal de départ à la retraite, mais aussi contre l'allongement de la durée de cotisations, est-ce que vous allez quand même avancer contre leur avis ?

GABRIEL ATTAL
D'abord, elles ont dit, je crois, qu'elles participeraient à la concertation, ce qui est plutôt une bonne nouvelle, note souhait, c'est évidemment de travailler, d'échanger avec les organisations syndicales, avec les formations politiques. La Première ministre a reçu les présidentes et présidents de groupes, et évidemment, on va continuer à dialoguer avec les syndicats, avec les formations…

ADRIEN GINDRE
Mais est-ce que vous pourriez y renoncer, est-ce que dans le cadre de cette concertation, vous pourriez dire : très bien, vous êtes autour de la table, nous acceptons de renoncer au report de l'âge légal ou à l'allongement de la durée de cotisations ?

GABRIEL ATTAL
Je crois que ce qui a été soumis à la concertation, c'est des éléments très importants de la réforme, c'est-à-dire la prise en compte des carrières longues, la prise en compte de la pénibilité, et un certain nombre de paramètres qui permettront de garantir que le report de l'âge légal ne touche pas tout le monde de la même manière.

ADRIEN GINDRE
Donc vous dites : on discute de ces sujets-là autour, mais on maintient le report de l'âge légal qui lui est un préalable…

GABRIEL ATTAL
Oui, je pense qu'ils sont plus qu'autour, je pense qu'ils sont au cœur de la réforme, oui, le cœur de cette réforme, c'est de dire qu'on doit travailler globalement plus longtemps, c'est ce qu'on a dit pendant la campagne présidentielle, il n'y a pas de surprise de ce point de vue-là. Puisque les choses ont été annoncées très clairement dans le cadre de la campagne présidentielle.

ADRIEN GINDRE
Non, mais dès lors qu'il y a une concertation, pourrais-je dire, il y a des gages qui sont donnés dans les deux directions…

GABRIEL ATTAL
Mais la concertation, elle est importante pour voir comment est-ce que ça s'applique, qui est concerné, pour combien d'années, comment est-ce qu'on tient compte du fait qu'une personne qui a commencé à travailler jeune doit évidemment continuer à partir avant les autres, qu'une personne qui a eu une carrière pénible, un métier pénible, doit évidemment aussi pouvoir partir avant les autres, tout ça, est au cœur de la concertation qui aura lieu avec les organisations syndicales.

ADRIEN GINDRE
Il y a un point qui n'est pas tout à fait clair encore pour moi, est-ce que dans la réforme, il y a bien la suppression des régimes spéciaux, ça faisait partie des engagements de campagne, ça concerne par exemple, alors qu'ils vont être essentiels cet hiver, les gaziers, les électriciens. Est-ce que leurs régimes spéciaux seront supprimés ?

GABRIEL ATTAL
Eh bien, vous l'avez dit, c'est dans la réforme qui a été annoncée, présentée par le président de la République dans le cadre de la campagne présidentielle, et donc évidemment, ce sur quoi on travaille, c'est l'application de la réforme qui a été présentée dans le cadre de la campagne.

ADRIEN GINDRE
Alors, autre point très important, c'est le nombre de milliards qu'on doit récupérer, vous avez expliqué, vous, avec le président de la République qu'il fallait parvenir à l'équilibre du système, vous vous appuyez sur le rapport du Conseil d'Orientation des Retraites, mais quel est l'objectif chiffré, combien d'euros d'économies doit-on obtenir par an grâce à la réforme ?

GABRIEL ATTAL
Ce qui a été dit pendant la campagne présidentielle, c'est que la réforme qui était présentée dans la campagne devait permettre une économie de l'ordre de 8 milliards d'euros à la fin du quinquennat, mais le point sur lequel je veux insister, c'est qu'il ne s'agit pas uniquement d'une réforme d'économies budgétaires, c'est aussi une réforme qui est un élément clé de notre stratégie en faveur de l'économie et de l'emploi, parce que la réalité, c'est quoi, la réalité, c'est que si on veut pouvoir financer des mesures essentielles à la protection des Français, notamment pour nos aînés, le fait d'avoir une retraite minimale à 1.100 euros quand on a travaillé toute sa vie, le fait de pouvoir être aidé dans l'adaptation de son logement quand on est en perte d'autonomie, mais aussi des grands projets sur l'éducation, sur la transition écologique, il faut des moyens supplémentaires, que ces moyens supplémentaires, on ne souhaite pas les trouver en alourdissant encore la dette. On ne souhaite pas les trouver non plus, je vais au bout de ma démonstration, en augmentant les impôts, et que donc, on peut et on doit les trouver en augmentant globalement le volume de travail dans notre pays, parce que plus vous avez de Français qui travaillent, plus vous avez de recettes sociales, plus vous avez de recettes fiscales qui permettent de financer des priorités. L'estimation que nous avons sur l'impact d'une réforme des retraites sur les finances publiques, ce qu'elle dégagerait en termes de recettes sociales et fiscales, c'est de l'ordre de 20 milliards d'euros à la fin du quinquennat. Si on augmente le taux d'emploi, le nombre de Français qui travaillent dans notre pays, ça augmente les recettes pour la Sécurité sociale, pour le budget de l'État.

ADRIEN GINDRE
Alors, je vous ai laissé terminer, mais j'ai quand même une précision à vous demander, la réforme des retraites ne va donc pas uniquement servir à équilibrer le système, mais aussi à vous dégager des marges budgétaires pour la santé, pour l'école, pour l'écologie ?

GABRIEL ATTAL
Exactement, parce que si on avait le taux d'emploi des Allemands, qui sont nos voisins, on aurait beaucoup moins de problèmes de finances publiques, plus vous avez de Français qui travaillent, plus vous avez de recettes fiscales et de recettes sociales. On le voit d'ailleurs aujourd'hui, puisqu'on a le taux de chômage le plus bas depuis 15 ans, le taux de chômage des jeunes le plus bas depuis 40 ans, grâce à l'action qui a été menée pour favoriser le travail, et on voit qu'on bénéficie de cotisations sociales et de recettes fiscales en hausse, parce que, il y a globalement plus de Français qui travaillent, c'est ce qui nous permet de financer aujourd'hui le bouclier tarifaire pour protéger les Français face à l'envolée des prix, mais aussi l'investissement dans l'éducation, dans les armées. Donc le cœur de notre stratégie, encore une fois, c'est d'augmenter le taux d'emploi dans notre pays, ça paraît comme ça assez technique et abstrait, mais c'est globalement de dire que plus nous aurons de Français qui travaillent, plus nous aurons de marges de manœuvre pour agir…

ADRIEN GINDRE
... Plus à tous égards. Il y a quand même…

GABRIEL ATTAL
C'est travailler plus pour vivre mieux, voilà, là où en face, vous avez des oppositions, notamment, qui promettent : un travailler moins pour gagner moins, parce que la réalité, c'est que moins on a de Français au travail, moins on a de marges de manœuvre budgétaire, plus on se retrouverait obligé d'augmenter les impôts ou les cotisations sociales, ce qui n'est pas notre souhait, nous, les impôts, on continue à les baisser.

ADRIEN GINDRE
Alors, ce n'est pas tout à fait ce qu'elles proposent, elles, elles proposent d'aller chercher l'argent ailleurs, mais on ne va pas rentrer dans ce débat trop longtemps. Les oppositions, elles vous proposent aussi une méthode, elles disent, puisqu'il y a une opposition des Français, c'est François RUFFIN, le député Insoumis qui le disait au "Grand Jury" ce week-end, il dit : mais allons au référendum, voyons ce que les Français en disent, est-ce que ça peut être une possibilité ?

GABRIEL ATTAL
Je pense que cette réforme a été annoncée, on l'a dit, dans le cadre de la campagne présidentielle, qu'il y a eu ensuite un vote, je ne dis pas que tous les Français qui ont voté pour Emmanuel MACRON l'ont fait pour la réforme des retraites évidemment, mais on ne peut pas dire que ce soit une réforme qui est sortie du chapeau, ça fait 4 ans qu'on en parle, il y a eu une élection présidentielle qui s'est jouée, notamment sur ce sujet-là, je me souviens du débat entre Emmanuel MACRON et Marine LE PEN, qui avait largement porté sur cette question. Il me semble que maintenant, c'est le rôle des partenaires sociaux, des formations politiques, du Parlement que de travailler et de voter in fine sur cette réforme.

ADRIEN GINDRE
Ça veut dire que, par exemple, le 16 octobre, il y a une marche est organisée à l'initiative de Jean-Luc MÉLENCHON, avec des organisations de gauche et des partis de gauche, s'il y a du monde dans la rue, des dizaines de milliers de manifestants, voire centaines, disait hier Mathilde PANOT à votre place, ça ne changera rien, vous n'en tiendrez pas compte ?

GABRIEL ATTAL
On a une concertation qui est ouverte, on va continuer à travailler avec les organisations syndicales. Moi, j'ai compris que cette marche, cette manifestation était organisée avant tout sur la question du pouvoir d'achat, et il me semblerait assez étonnant d'appeler à une marche contre une réforme qui n'a pas encore été présentée, puisqu'elle est encore en train d'être soumise à la concertation. Pour le reste, heureusement qu'on n'a pas attendu la marche de La France Insoumise pour agir contre la vie chère et pour le pouvoir d'achat. Heureusement qu'on n'a pas attendu la marche de La France Insoumise pour revaloriser l'ensemble des minima sociaux de 4 %, l'ensemble des pensions de retraite de 4 %, pour augmenter le point d'indice des fonctionnaires de 3,5 %, pour verser une allocation exceptionnelle de rentrée à 11 millions de ménages pour les aider à affronter l'inflation, heureusement qu'on n'a pas attendu la marche de La France Insoumise pour supprimer la redevance télé qui va rendre 138 euros de pouvoir d'achat aux contribuables…

ADRIEN GINDRE
On ne va peut-être pas faire tout l'inventaire, parce qu'il y a d'autres sujets…

GABRIEL ATTAL
Non, mais je le dis : il y a marcher, c'est bien, il y a agir, c'est mieux.

ADRIEN GINDRE
Alors, justement, sur ce qui est attendu de vous, et sur ce qui est pour le coup déjà présenté, il y a le budget dont vous êtes en charge en tant que ministre chargé des Comptes publics, il y a d'ailleurs aujourd'hui en Commission l'examen du texte qui commence à l'Assemblée nationale, il y a une question qui cristallise les oppositions depuis plusieurs semaines, c'est la question des superprofits, vous-même, vous avez indiqué, il y a quelques jours, que le mécanisme de compensation qui permet à l'État de récupérer une partie des bénéfices réalisés sur les énergies renouvelables pouvait être élargi, vous aviez dit : pourrait être élargi, est-ce qu'il peut être élargi ou est-ce qu'il va être élargi, est-ce qu'on va demander une contribution plus importante ou à plus de monde ?

GABRIEL ATTAL
C'est immédiatement lié aux discussions qui ont lieu en ce moment avec la Commission européenne. Vous savez qu'une réunion importante s'est tenue vendredi dernier.

ADRIEN GINDRE
Avec un point d'accord qui a été trouvé.

GABRIEL ATTAL
On a au niveau européen la reprise d'un mécanisme qui existe en France, qui a inspiré le mécanisme européen, qui consiste à dire que quand il y a des énergéticiens qui bénéficient d'une forme de rente de situation, et grâce, entre guillemets, à l'inflation sur les prix de l'énergie, dégagent des bénéfices importants, à ce moment-là, évidemment qu'ils contribuent, et que l'État capte cette rente…

ADRIEN GINDRE
Mais aujourd'hui, c'est sur les énergies renouvelables uniquement…

GABRIEL ATTAL
Oui, et d'ailleurs, c'est près de 20 milliards d'euros l'an prochain qui seront restitués à l'État, ce qui nous permet de financer une grande partie du bouclier tarifaire…

ADRIEN GINDRE
Et donc est-ce que vous allez l'élargir et aller au-delà des énergéticiens qui font les énergies renouvelables ?

GABRIEL ATTAL
Il y a des discussions qui sont en cours au niveau européen sur le mécanisme d'élargissement à d'autres dispositifs, notamment par exemple aux énergies fossiles, et plus particulièrement, c'est ce qui nous intéresse, en France, puisque c'est là-dessus qu'on est concerné, aux activités de raffinage, vous savez qu'en France on ne produit pas d'énergies fossiles, de gaz ou de pétrole, en revanche, on a des activités comme celle du raffinage. Et là, oui, on regarde quel est le mécanisme qui est en train d'être défini au niveau européen, je crois qu'il y a des précisions techniques qui sont encore en train d'être travaillées, et le cas échéant, évidemment qu'on adaptera notre mécanisme de ce point de vue-là.

ADRIEN GINDRE
Le budget, c'est aussi fait de symboles, il y a une tentation, une discussion pour interdire les jets privés, maintenant, la question qui est sur la table, c'est de savoir s'il faut les taxer ou, pour formuler les choses différemment, leur appliquer des règles différentes, aujourd'hui, il y a une taxe qui est réduite, comme pour les avions, la TICPE, est-ce que vous pourriez soutenir l'amendement qui consisterait à dire : eh bien, on met fin à cette réduction et ils paient ?

GABRIEL ATTAL
Moi, je pense qu'il faut se poser les bonnes questions et se demander quel est notre objectif, si notre objectif, c'est de lutter contre les émissions de CO2, baisser les émissions de CO2, je ne sais pas si l'augmentation d'une taxe fera que les jets voleront moins ou qu'ils seront moins émetteurs en CO2, moi, ce que j'ai vu, c'est qu'il y a quelques mois, AIRBUS a fait voler un A380 aux biocarburants, donc qui ne polluent pas ou quasiment pas, si les biocarburants ne sont pas systématisés aujourd'hui dans l'aérien, et notamment dans les vols commerciaux, c'est parce qu'ils coûtent très, très cher, il y a un enjeu de filière, mais aussi parce qu'ils coûtent très, très cher. Moi, plutôt qu'être le premier pays au monde à annoncer qu'on interdit les jets privés ou qu'on surtaxe les jets privés, je préférerais qu'on soit le premier pays au monde à dire dans quelques années, les jets privés en France doivent voler aux biocarburants. Les personnes qui prennent des jets privés payeront beaucoup plus cher leur billet, mais au moins, elles le feront pour un billet qui ne polluera plus, voilà, c'est ça pour moi le cœur de ce qu'on doit rechercher. Après, on peut se poser toutes les questions possibles sur des taxes, sur des harmonisations de plafond, on aura le débat dans le cadre du PLF.

ADRIEN GINDRE
Mais a priori, c'est non pour l'idée de taxer davantage les jets privés…

GABRIEL ATTAL
Ce que je dis, c'est qu'il y aura un débat, s'il s'agit d'aligner une taxe sur une autre, moi... enfin, encore une fois les parlementaires en débattront, mais, moi, je pense qu'il ne faut pas oublier quel est notre objectif, si c'est vraiment de réduire nos émissions de CO2, à ce moment-là, il faut probablement des propositions beaucoup plus ambitieuses que celle-là.

ADRIEN GINDRE
Sur ce plateau Bruno LE MAIRE avait annoncé que la suppression de la CVAE, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, se ferait non pas finalement dès l'année prochaine, mais en deux ans, 2023 et 2024, aujourd'hui il y a des oppositions, et des élus locaux surtout, qui vous demandent de renoncer à cette suppression, à la fois parce que ça coûte de l'argent à l'État, et puis parce que les collectivités locales sont inquiètes sur les modalités de compensation. Est-ce que vous pourriez renoncer à supprimer cette CVAE, ou finalement la supprimer sur davantage de temps que sur deux ans ?

GABRIEL ATTAL
Non, il faut supprimer la CVAE, c'est dans la droite ligne de ce qu'on a fait ces dernières années, pour baisser les impôts de production en France. Il faut se rendre compte que, 2017 la France avait sept fois plus d'impôts de production que l'Allemagne, vous imaginez, vous êtes un grand groupe, un investisseur, qui veut s'implanter dans un pays européen, il compare la France et l'Allemagne, vous avez un des deux pays, la France en l'occurrence, où les impôts de production sont sept fois plus élevés, donc oui il faut baisser les impôts de production dans notre pays, on a commencé à le faire ces dernières années, il faut poursuivre, il y a un papier des "Echos" hier, qui a été publié, qui montre très bien à quel point notre secteur industriel, et les PME-TPE, bénéficieront de cette mesure, c'est très important. Les élus locaux qui s'inquiètent, ou qui ont des doutes sur cette mesure, s'inquiètent notamment de la compensation qui pourra leur être accordée puisque la CVAE bénéficie aujourd'hui aux collectivités locales. J'ai beaucoup travaillé avec mes collègues Christophe BÉCHU et Caroline CAYEUX, avec les associations d'élus locaux, pour définir les modalités de compensation, on a entendu d'ailleurs leurs propositions, on a bougé sur un certain nombre de points, et je pense que la solution de compensation qu'on leur propose permet de garantir qu'ils seront compensés à l'euro près, que la compensation tiendra compte de la dynamique économique de leur territoire, et doit permettre de rassurer. Mais c'est important qu'on continue encore une fois à faire baisser la pression fiscale sur nos entreprises, parce que notre intérêt à tous c'est de développer l'activité économique en France, de créer des emplois en France.

ADRIEN GINDRE
Mais toujours en deux ans, 2023-2024 ça ne change pas, ça ne peut pas être étalé sur un temps plus long ?

GABRIEL ATTAL
Oui, il y a déjà eu une adaptation, vous l'avez rappelé, ça devait être en une fois, ce sera fait en deux fois parce que l'an prochain le bouclier tarifaire va nous coûter plus cher que prévu, ça demande de faire des efforts, tout le monde fait des efforts, les Français vont payer une augmentation de 15 % de leurs factures d'électricité, de gaz…

ADRIEN GINDRE
Mais pas plus que sur deux ans.

GABRIEL ATTAL
Au lieu de 120 %, les entreprises aussi feront un effort avec une suppression d'impôt qui se fera en deux ans plus tôt qu'en une année.

ADRIEN GINDRE
Vous parliez des collectivités locales, elles vous demandent également l'indexation de leur dotation globale de fonctionnement sur l'inflation, parce qu'elles disent "les prix augmentent pour nous aussi, donc il nous faut plus d'argent", est-ce que c'est une possibilité ou est-ce que c'est exclu ?

GABRIEL ATTAL
Je pense que ça serait une mesure qui est à la fois difficilement réalisable d'un point de vue budgétaire, moi ma responsabilité c'est de dire la vérité aux Français sur l'état de nos comptes, et la réalité c'est que le budget de l'État ne peut pas être le garant, en toute situation, des difficultés connues par les budgets de nos collectivités locales, ça c'est la première chose. Deuxième chose, ça serait, je pense injuste, puisque ça viendrait abonder des collectivités locales qui ne sont pas soumises aux mêmes difficultés que les autres, donc moi je pense que la ligne qu'on a adoptée cette année, qui est celle d'un filet de sécurité, je rappelle qu'il y a 430 millions d'euros de filets de sécurité qui ont été adoptés cet été, pour soutenir et cibler l'aide sur les collectivités qui sont particulièrement fragilisées par la hausse des prix de l'énergie, ou de l'alimentation pour les cantines, c'est la bonne solution. Vous avez des collectivités qui vont bénéficier d'un soutien qui va jusqu'à 70 % de la hausse d'électricité ou de gaz, mais c'est vrai qu'on cible sur les collectivités…

ADRIEN GINDRE
Et elles devront s'en contenter.

GABRIEL ATTAL
Qui sont les plus en difficulté, parce que la réalité c'est que budget de l'État ne peut pas soutenir l'intégralité des collectivités locales.

ADRIEN GINDRE
Alors, dans les choses qui coûtent de l'argent il y a une promesse qu'Emmanuel MACRON avait faite dans sa compagne, c'est l'allégement des droits de succession, vos collègues députés Aurore BERGE et Matthieu LEFEVRE, du groupe majoritaire Renaissance, ont déposé un amendement pour remettre ce sujet sur la table, on a compris que ce n'était pas pour tout de suite, que vous n'aviez pas l'argent, mais dans ce cas-là c'est pour quand, est-ce que ce sera effectif en 2024, est-ce que pour le prochain budget vous prenez l'engagement d'alléger ces droits de succession ?

GABRIEL ATTAL
Ils l'ont dit, c'est un amendement d'appel qui permettra d'avoir le débat dans l'hémicycle sur ce sujet-là et qui permettra…

ADRIEN GINDRE
Un amendement d'appel c'est pour que ça rentre en vigueur un jour quand même !

GABRIEL ATTAL
Oui, qui nous permettra au gouvernement de donner des précisions sur le calendrier. Il y a effectivement un engagement de campagne du président de la République qui a dit qu'on allégerait les droits de succession dans le quinquennat, et je peux vous le dire, et vous le reconfirmer ici, nous allégerons les droits de succession dans le quinquennat.

ADRIEN GINDRE
Mais pas forcément en 2024.

GABRIEL ATTAL
Ensuite il y a une question de rythme, moi je pense qu'il faut commencer à faire entrer en vigueur la mesure à partir de l'année 2024, est-ce que c'est l'intégralité de la mesure ou est-ce que ça se fait sur plusieurs années dans le quinquennat, ça fera partie des débats qu'on aura avec les parlementaires. Moi ma responsabilité c'est d'éclairer la représentation nationale et de leur dire ce qui est soutenable ou pas pour nos finances publiques. On a une trajectoire qui a été fixée de réduction des déficits, on a réduit le déficit ces dernières années, il était de 9 % en 2020, 6,5 % en 2021, il est de 5 % cette année, il doit être de 3 % en 2027…

ADRIEN GINDRE
Même si vous savez qu'il y a des doutes sur votre stratégie, le Haut Conseil des finances publiques estime que ça va être très compliqué à tenir.

GABRIEL ATTAL
C'est son rôle de nous dire que ça va être compliqué, de nous appeler à être les plus efficaces possible, moi ce que je constate c'est que ces dernières années on a chaque année réduit le déficit dans notre pays. On doit continuer à le faire, parce que la réalité c'est qu'il faut, et c'est ce qu'on est en train de faire, revenir à des finances publiques qui sont plus soutenables et commencer à rembourser notre dette, parce que sinon c'est les jeunes générations qui la paieront en impôts dans les années à venir. Donc oui la mesure sur les droits de succession entrera en vigueur, moi je souhaite qu'on puisse démarrer dès 2024, on aura le débat dès ce PLF puisqu'un certain nombre d'amendements ont été déposés.

ADRIEN GINDRE
Vous avez vu la majorité des oppositions dans le cadre des "Dialogues de Bercy", que vous avez organisés pour préparer ce budget, est-ce que vous avez acquis la conviction qu'un accord était possible ou vous serez contraints de recourir au 49.3 faute de majorité ?

GABRIEL ATTAL
Pourquoi on a fait les "Dialogues de Bercy", parce qu'on est face à une situation parlementaire assez inédite, nous n'avons pas la majorité absolue, et donc ça nécessite d'évoluer dans la méthode. D'habitude le projet de loi de finances, le budget, il est présenté aux parlementaires après qu'il ait été adopté en Conseil des ministres, avant ça les parlementaires n'ont rien, moi j'ai dit on change de méthode et on transmet plusieurs semaines en avance, avant le Conseil des ministres, aux parlementaires, le contenu du PLF, les articles qui…

ADRIEN GINDRE
Mais est-ce que ça a changé quelque chose, est-ce qu'ils vous ont dit on est prêt à voter ou est-ce que… ?

GABRIEL ATTAL
D'abord ce que j'ai constaté c'est qu'au début une partie des oppositions avait dit "on ne viendra pas", ils sont tous venus. Ensuite une partie des oppositions avait dit "on fait la première réunion", ils ont fait toutes les réunions, on a eu plus d'une dizaine d'heures de travail, et à l'issue ils ont dit eux-mêmes dans la presse, les oppositions, que ça avait été utile, et donc moi ce que je peux vous dire c'est que le texte tel qu'il est présenté au Parlement, tel qu'il sera, je l'espère, adopté au Parlement, ne sera pas le même que celui qui est rentré dans les "Dialogues de Bercy." On a repris des propositions des oppositions, sur les collectivités locales par exemple, en abondant la DGF de 210 millions d'euros en présentant…

ADRIEN GINDRE
Mais ça ne vous empêchera pas d'avoir recours au 49.3.

GABRIEL ATTAL
Sur la question de la forêt, sur la question de la lutte contre la fraude, pour autant, et je réponds immédiatement à votre question, les oppositions ont été claires depuis le début, mais avant même qu'on démarre les "Dialogues de Bercy", en nous disant "quel que soit le contenu de votre budget on votera contre votre budget et on vous forcera à avoir recours au 49.3", donc il y avait de toute façon assez peu de suspense avant même qu'on démarre les travaux.

ADRIEN GINDRE
Autre sujet qui concerne les oppositions, plusieurs partis sont concernés par des affaires de violences sexuelles, sexistes, même si parfois elles sont imprécises, c'est le cas de Julien BAYOU l'ancien secrétaire nationale d'Europe Ecologie-Les Verts, qui dénonce ce matin chez nos confrères du journal "Le Monde", "une confusion entre féminisme et maccarthysme" après avoir été mis en cause par Sandrine ROUSSEAU, autre députée écologiste, il considère avoir été considéré comme présumé coupable. Est-ce que vous partagez ce point de vue, est-ce qu'il a été injustement ciblé ?

GABRIEL ATTAL
Moi je n'ai pas tous les tenants et les aboutissants de cette affaire, moi j'ai été assez effectivement surpris par la manière dont les choses se sont faites, avec Sandrine ROUSSEAU qui est allée sur un plateau télé jeter des accusations sans préciser dire de quoi il s'agissait, ce qui a conduit à une mise en retrait. Je ne veux pas rentrer dans les détails puisque je ne les connais pas, voilà, simplement moi je pense que ce qui est important c'est quand même toujours de s'en remettre à la justice et au fait que la justice peut être saisie, qu'il peut y avoir ensuite des enquêtes, des condamnations, et c'est ça qui doit rester la boussole. Ça n'empêche pas, pour des formations politiques, de se doter de cellule qui permette de regarder un certain nombre de choses et y compris d'accompagner des potentielles victimes vers une saisine de la justice.

ADRIEN GINDRE
Oui, mais c'est compliqué, vous dites il faut se tourner vers la justice, et en même temps avoir une cellule, c'est forcément de justice un peu parallèle. Même Éric DUPOND-MORETTI dit "attention, ça n'a aucun sens, c'est une forme de justice de droit privé."

GABRIEL ATTAL
Non, mais je pense que s'il s'agit d'une cellule qui permet de faire de la prévention au sein des formations politiques, et potentiellement d'identifier de potentielles victimes pour les accompagner vers une saisine de la justice, je pense que dans ces cas-là ça peut être sain. Vous savez, moi je ne suis pas là en train de faire des leçons de morale ou pointer du doigt, aucun parti n'a le monopole du vice, aucun parti n'a le monopole de la vertu, c'est des sujets de société, qui traversent la société dans son ensemble, et donc toutes les formations politiques, donc la question qui est posée aux formations politiques ce n'est pas est-ce que vous lavez plus blanc que blanc ou pas, c'est est-ce que vous vous dotez des outils qui vous permettent de gérer ces situations le mieux possible, et moi je pense que le mieux possible ça reste quand même de se tourner vers la justice.

ADRIEN GINDRE
Merci Gabriel ATTAL d'avoir accepté notre invitation.

GABRIEL ATTAL
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 octobre 2022