Interview de Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe, à France Info le 5 octobre 2022, sur le conflit en Ukraine, l'énergie, la répression en Iran, la coupe du monde de football au Qatar, les élections en Italie et l'État de droit en Hongrie.

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Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE
Bonjour Laurence BOONE.

LAURENCE BOONE
Bonjour Marc FAUVELLE.

MARC FAUVELLE
L'armée russe recule jour après jour sur le terrain, Vladimir POUTINE se fait chaque jour un peu plus menaçant, faut-il vraiment de nouvelles sanctions au risque d'envenimer encore un peu plus la situation sur place ?

LAURENCE BOONE
D'abord est-ce que les sanctions marchent ? Oui elles marchent. Comme vous savez on affaiblit l'économie, on affaiblit leurs capacités à vivre au quotidien, remplace des pièces de voitures, d'avions, et surtout la capacité de se réarmer, leurs capacités militaires.

MARC FAUVELLE
Est-ce qu'elles marchent aussi bien qu'on l'espérait au début ?

LAURENCE BOONE
Elles marchent très bien, elles marchent très bien, on a une récession, on a beaucoup d'inflation, et surtout ce quotidien, par exemple si vous voulez faire réparer votre voiture en Russie aujourd'hui, vous allez avoir beaucoup de mal, même chose pour un avion.

MARC FAUVELLE
Peut-être pas Vladimir POUTINE.

LAURENCE BOONE
Peut-être pas Vladimir POUTINE, mais ce qu'on veut faire maintenant, puisque vous savez qu'il y a eu ces simulacres de référendum, c'est effectivement préparer un paquet, qui sera discuté par la ministre Catherine COLONNA, en européens, lors du prochain conseil des ministres des Affaires étrangères, donc préparer un huitième paquet, pour punir les organisateurs de ces simulacres de référendum, punir les propagandistes, punir les nouveaux militaires, généraux militaires…

SALHIA BRAKHLIA
Quelles sanctions on n'a pas encore adoptées, qu'est-ce qu'on n'a pas encore fait qui puisse faire mal à Vladimir POUTINE et à la Russie ?

LAURENCE BOONE
Déjà toucher toutes ces personnes, geler leurs avoirs comme les autres, donc eux aussi les affaiblir et puis les irriter, on va aussi maintenant s'attaquer à ceux qui contournent les sanctions, donc ceux…

SALHIA BRAKHLIA
Exemple.

LAURENCE BOONE
Toutes les entreprises qui font des faux certificats par exemple, là aussi on va pouvoir s'attaquer à elles, quand elles transportent du pétrole, vous savez que maintenant on a mis un prix plafond sur le pétrole, celles qui montrent un certificat qui dit que le pétrole n'est pas russe, peuvent bénéficier de ce plafond sur le prix, si on les prend la main dans le sac on va les punir, donc on durcit et on approfondit.

MARC FAUVELLE
Et est-ce qu'on en voit davantage d'armes aujourd'hui encore ?

LAURENCE BOONE
Alors on fait toute une palette de soutien à l'Ukraine qui est humanitaire, financière, et effectivement militaire, là la prochaine urgence, et à nouveau ça va être discuté au conseil des ministres des Affaires étrangères européens, c'est de former les troupes, les Ukrainiens nous l'ont demandé, les armes sont sophistiquées, ils ont besoin qu'on forme les nouvelles troupes et ça on espère avoir un accord le 17 octobre…

MARC FAUVELLE
Formées sur place ou formées ici ?

LAURENCE BOONE
Formées dans les pays qui sont au voisinage, je ne pense pas que ce soit ici.

MARC FAUVELLE
Donc en Pologne notamment, pays voisin ?

LAURENCE BOONE
Par exemple.

SALHIA BRAKHLIA
Est-ce qu'Emmanuel MACRON garde le contact avec Vladimir POUTINE en ce moment ?

LAURENCE BOONE
Alors quand il lui parle, en général vous avez un communiqué, après il y a eu l'Assemblée générale des Nations Unies où il y avait des Russes et où Vladimir POUTINE n'était pas. Vous savez Vladimir POUTINE se trouve de plus en plus isolé, on a pu voir ça à l'Assemblée générale des Nations Unies il y a deux semaines, on a aussi pu le voir dans un forum, qu'en général les pays non occidentaux font à peu près en même temps, qui s'appelle le Forum de Samarcande, où là l'isolement de Vladimir POUTINE, puisqu'il était là, a été vraiment criant, même le représentant indien, qui comme vous savez n'avait pas voté avant à l'assemblée des Nations Unies avec l'Occident, donc MODI, a isolé, pointé du doigt ce que faisait la Russie, qui était dangereux pour le monde, la paix…

SALHIA BRAKHLIA
Vous dites qu'il est isolé, mais ça ne le fait pas reculer, est-ce que nous Français, nous Européens, on garde le contact avec lui, est-ce qu'il faut négocier avec lui ?

LAURENCE BOONE
Mais bien sûr que ça le fait reculer, il n'y a plus d'investissements, les revenus qu'il va perdre, puisque plus jamais nous allons dépendre de lui pour les hydrocarbures, nous n'allons plus dépendre de lui pour l'alimentaire, les céréales, vous en avez beaucoup parlé, donc en fait c'est un énorme recul en arrière, et oui ça l'affaiblit considérablement, mais ce n'est pas immédiat, ça prend du temps.

SALHIA BRAKHLIA
Non mais je veux dire, il est toujours motivé, déterminé, il menace même avec l'arme nucléaire, est-ce qu'il faut négocier avec lui, et si oui avec quel préalable ?

LAURENCE BOONE
Alors ça c'est le président ukrainien qui décide, dans les conditions qui étaient celles du 24 février, de l'année dernière, s'il a envie de le faire, ce n'est pas à nous de dicter ces conditions, vous savez qu'il y a des médiations parfois proposées par le président turc, on va voir, plus on l'affaiblit, plus il y a de chance que POUTINE négocie.

MARC FAUVELLE
Volodymyr ZELENSKY dit il n'y aura pas de négociations tant que Vladimir POUTINE sera au pouvoir, c'est-à-dire pas dans les semaines ou dans les mois qui viennent a priori, sauf coup d'Etat ou autre chose, c'est la même position celle de la France ?

LAURENCE BOONE
Vous savez c'est une position, c'est une situation qui évolue avec les sanctions qui évoluent, avec les mouvements des militaires qui évoluent, avec les simulacres de référendum, donc c'est très difficile de dire quand on négocie.

SALHIA BRAKHLIA
Les gazoducs Nord Stream qui relient la Russie à l'Allemagne ont été touchés par plusieurs fuites ces derniers jours, inexpliquées, en mer Baltique, est-ce que vous y voyez la main de Moscou ?

LAURENCE BOONE
On y voit qu'il y a une enquête en cours, et d'autre part on va assurer la sécurité de beaucoup de ces infrastructures stratégiques. A nouveau je crois que ce qui est important là c'est effectivement laisser l'enquête poursuivre son cours, identifier ce qui s'est passé, et ensuite surtout se prémunir pour assurer, nous, notre sécurité énergétique, ce qu'on est en train de faire en européens et au niveau national.

SALHIA BRAKHLIA
On se rassure en cherchant d'autres approvisionnements. En ce qui concerne le plafonnement du prix du gaz, demandé entre autres par la France, aucun accord n'a été trouvé lors du dernier conseil des ministres européens de l'Énergie, qu'est-ce qui coince ?

LAURENCE BOONE
J'ai envie de vous dire que parfois on ne regarde que le truc qui est toujours en discussion, en fait ce qui s'est passé…

SALHIA BRAKHLIA
Eh bien oui, parce que c'est important là.

LAURENCE BOONE
D'abord, si vous me permettez, il s'est passé plein de choses. D'une part on assure l'approvisionnement, donc on a des stocks qui sont remplis très fortement en européens, 80%, 98% en France.

MARC FAUVELLE
100 % ce matin, c'est ce que nous dit la Commission de régulation de l'énergie il y a quelques minutes. C'est fait, les stocks sont pleins, mais on sait qu'ils ne sont pas suffisants pour passer l'hiver, notamment si les températures baissent.

LAURENCE BOONE
C'est pour cela qu'on fait aussi des économies d'énergie, à la fois sur le gaz, et sur l'électricité, qui sont un peu allégées aux heures de pointe pour préserver la vie de tous nos concitoyens, ça c'est la première chose. La deuxième chose c'est qu'on va demander de la solidarité à tout le monde, donc ça veut dire que on va aller chercher les rentes de ceux qui produisent de l'électricité à bas coût, et qui peuvent la revendre à coût élevé, pour financer tous les boucliers que vous connaissez, les boucliers énergétiques…

SALHIA BRAKHLIA
Ça c'est le mécanisme européen pour les énergéticiens.

LAURENCE BOONE
Voilà, et on va aussi demander une contribution exceptionnelle aux entreprises énergétiques qui extraient des énergies fossiles et qui les raffinent, et ça à nouveau ça va nous permettre de financer ça.

SALHIA BRAKHLIA
Mais pourquoi on n'arrive pas à plafonner les prix ?

LAURENCE BOONE
J'y arrive. La troisième chose, et c'est ce que la France porte avec Agnès PANNIER pendant les conseils européens, c'est une extension de ce qu'on appelle le dispositif espagnol, qui comme vous savez découple complètement le prix de l'électricité de celui du gaz.

MARC FAUVELLE
Qui a obtenu une dérogation, les prix du gaz en Espagne sont nettement plus faibles, et au Portugal d'ailleurs aussi, que dans le reste de l'Europe.

LAURENCE BOONE
Absolument, il y a assez peu d'interconnexions, comme vous savez, entre l'Espagne et le reste de l'Europe, ce qui en fait un espèce d'îlot énergétique. On demande, et on est en train d'étudier, et la Commission est en train de l'étudier, que ce mécanisme, ce dispositif, puisse être étendu à l'ensemble des pays européens.

MARC FAUVELLE
Et l'Allemagne coince, et l'Allemagne bloque pour l'instant.

LAURENCE BOONE
L'Allemagne coince parce que la plupart de son énergie est faite à partir de gaz, donc elle ça ne va pas beaucoup lui bénéficier, c'est vrai. Il faut qu'on regarde comment on peut mettre en place un mécanisme de solidarité européen pour que les pays qui produisent leur électricité à partir de gaz puissent aussi bénéficier de cette baisse des prix du gaz, et donc le plafond que vous évoquez, est aussi en cours de discussion pour ça.

MARC FAUVELLE
Toujours avec la secrétaire d'État à l'Europe, Laurence BOONE. Les pays membres de l'OPEP vont se réunir aujourd'hui à Vienne, pour décider d'une baisse de la production de pétrole à l'échelle du globe. La Russie fait partie de ce club des pays producteurs ; qui dit moins de pétrole, dit un Baril plus cher dans les semaines qui viennent. Ça veut dire victoire de Moscou ?

LAURENCE BOONE
Absolument pas.

MARC FAUVELLE
Ah…

LAURENCE BOONE
En fait, ce qui s'est passé, c'est les effets des sanctions et de tout ce qu'on a fait sur les économies et la sobriété, marche, donc il y a moins de demande de pétrole, et du coup…

MARC FAUVELLE
Lorsque c'est la crise sur une partie de la planète.

LAURENCE BOONE
… quand il y a moins de demande avec la même offre, les prix baissent, et donc les prix ont baissé significativement, ce qui est la raison pour laquelle l'OPEP se réunit pour essayer…

MARC FAUVELLE
Mais là, ils remontent depuis plusieurs semaines les prix.

LAURENCE BOONE
Parce qu'on parle de cette réunion. Je crois que les prix vont continuer à être très volatiles, ce qui effectivement, c'est-à-dire qu'ils vont à la hausse, à la baisse, un souci pour beaucoup de personnes et beaucoup d'entreprises, mais à nouveau là aussi nous on va plafonner le prix du pétrole russe, et ça, ça va exercer cette pression à la baisse et comme vous savez on a demandé aux énergéticiens aussi de baisser le prix du pétrole à la pompe, ce qui permet aussi aux personnes, aux ménages, de se fournir avec un prix d'essence décent, j'allais dire, pour pouvoir satisfaire leurs besoins, accompagner leurs enfants à l'école, chez le dentiste et tout ce qui fait la vie quotidienne.

SALHIA BRAKHLIA
Donc vous n'êtes pas inquiète de cette réunion aujourd'hui ?

LAURENCE BOONE
On va suivre, bien sûr, mais je crois qu'il faut modérer les inquiétudes, regarder et répondre avec les politiques qui vont bien, ce qu'on a pu faire cet été sur le prix de l'essence.

MARC FAUVELLE
Il y a quelques jours, jeudi dernier précisément, le chancelier allemand Olaf SCHOLZ a annoncé, j'allais dire à la surprise générale, un plan de 200 milliards d'euros pour freiner les effets de l'inflation et de la crise de l'énergie sur l'économie allemande. Est-ce qu'il avait informé la France de ce plan ?

LAURENCE BOONE
Écoutez, nous chaque fois qu'on prend une mesure, je dois avouer que parfois on oublie de prendre le téléphone.

MARC FAUVELLE
Et là il a oublié aussi.

LAURENCE BOONE
Je dois l'avouer.

SALHIA BRAKHLIA
Mais là c'est un plan à 200 milliards, quand même.

MARC FAUVELLE
C'est un plan à 200 milliards, ce n'est pas une paille non plus.

LAURENCE BOONE
Alors, il y a deux choses. Nous on a fait quand même 100 milliards, je le rappelle, ce qui n'est pas non plus une paille, et d'autre part ils avaient fait un peu la même chose pendant la période du Covid, d'annoncer un plan très gros, qu'ils n'ont pas du tout utilisé dans les mêmes mesures. Maintenant…

MARC FAUVELLE
Là, vous êtes en train de nous dire en creux qu'ils ont effectivement oublié de prévenir les partenaires européens ?

LAURENCE BOONE
Je suis en train de vous dire un creux que, est-ce que l'on aurait aimé tous être prévenus, bien sûr, vous le savez, vous avez vu les réactions dans la Presse. Maintenant, ce qui est important c'est qu'on travaille en Européens, et pour le coup on est en train du coup d'accélérer les mesures qui étaient sur la table, à la fois accélérer l'analyse du dispositif ibérique, qui devrait bénéficier à toute l'Europe, analyser le plafond du gaz que vous évoquiez tout à l'heure, analyser aussi ici ce mécanisme ibérique nécessiterait des transferts budgétaires pour qu'on ait à peu près une péréquation, et les mêmes conditions j'allais dire de prix et d'approvisionnement dans toute l'Union européenne. Parce que ce qu'on essaie de faire, c'est de réagir de façon unie, pas de créer de l'inconscience entre nous.

SALHIA BRAKHLIA
Mais est-ce que c'est vraiment ce qu'est en train de faire l'Allemagne avec un plan à 200 milliards ? Il n'y a pas un risque de favoriser les entreprises allemandes, parce qu'elles, elles auront suffisamment d'argent, et de créer une distorsion de concurrence dans toute l'Europe ?

LAURENCE BOONE
La raison pour laquelle on négocie en Européens, et ce plan de l'Allemagne a mis j'allais dire une piqûre d'accélération à tout le monde, c'est précisément pour qu'on n'ait pas de distorsion de concurrence, qu'on puisse à peu près à avoir le même soutien dans les pays, même discussion qu'au début du Covid, et que nous restions unis…

SALHIA BRAKHLIA
Mais alors, ça va passer par quoi, par un emprunt européen commun, comme ça a été le cas pendant la crise Covid ?

LAURENCE BOONE
Je ne peux pas vous le dire aujourd'hui, mais par exemple il reste de l'argent de l'emprunt commun qui a été effectué pendant le Covid, donc oui on peut effectivement étudier une réallocation pour les pays qui ont beaucoup d'entreprises manufacturières qui utilisent du gaz, et à qui ça coûte très cher.

MARC FAUVELLE
Il reste combien ? C'était 750 milliards à l'époque empruntés sur les marchés, en partie, il en reste combien dans les caisses de l'Europe ?

LAURENCE BOONE
Sur les 750 milliards il en reste à peu près 200 qui n'ont pas été affectés.

MARC FAUVELLE
Donc qui pourraient servir aujourd'hui à une forme de quoi, de plan de relance, de plan de soutien ?

LAURENCE BOONE
Non, ça pourrait… Ce que ça permet, c'est de regarder, si on fait un mécanisme ou un dispositif dit européen… ibérique pardon, étendu à l'Europe et qui ne bénéficie pas à tout le monde de la même façon, comment est-ce qu'on se remet dans des situations à peu près similaires dans tous les pays ? Je vais vous dire une chose, ce que l'on essaie de faire, ce qui est important, c'est de rester unis politiquement et économiquement…

MARC FAUVELLE
Et ça n'est pas facile tous les jours.

LAURENCE BOONE
Ce n'est pas du tout de générer de la concurrence entre nous, parce que, POUTINE ce qu'il cherche, c'est à nous diviser, et évidemment nous n'allons pas lui donner ce plaisir.

MARC FAUVELLE
Vous avez cité, Laurence BOONE, à plusieurs reprises depuis tout à l'heure, l'exemple ibérique, l'exemple espagnol. Est-ce que la France va lui emboîter le pas aussi sur la taxe sur les plus riches qu'elle vient d'annoncer ?

LAURENCE BOONE
Alors, de quoi parle-t-on ? En Espagne, c'est une taxe sur les patrimoines de plus de 3 millions, et qui commence à un taux de un 1,7%. En France, nous avons une taxe sur le patrimoine immobilier qui commence à 1,3 million…

MARC FAUVELLE
Immobilier uniquement.

SALHIA BRAKHLIA
C'est le patrimoine immobilier.

MARC FAUVELLE
C'est l'IFI qui a remplacé l'ISF.

LAURENCE BOONE
Oui, mais ça a commencé beaucoup plus tôt, avec un taux progressif jusqu'à 1,5%. Quand on regarde ce que ça génère, c'est à peu près la même chose. La vraie question c'est : est-ce qu'on est suffisamment solidaire, est-ce qu'on protège le pouvoir d'achat des ménages ? Donc nous, ça fait longtemps, parce qu'on est le pays où il y a le plus fort taux d'imposition de tous les pays de l'OCDE. Depuis le premier mandat d'Emmanuel MACRON, on est sur une trajectoire de baisse d'impôts. On va évidemment la continuer pour préserver le pouvoir d'achat.

SALHIA BRAKHLIA
Et baisse d'impôts généralisée pour les classes modestes entre autres, en revanche pour les plus riches, taxer les plus riches en cette période, même de manière exceptionnelle et temporaire, c'est pas une option que vous envisagez, même si nos voisins espagnols le font, même si a BCE, la Banque Centrale Européenne appelle à le faire ?

LAURENCE BOONE
Mais, nos voisins espagnols font quelque chose que nous faisons depuis très longtemps, donc je ne vois pas pourquoi on se mettrait à faire de la surenchère. Et quand…

MARC FAUVELLE
Parce que, eux, taxent l'ensemble des patrimoines, et pas uniquement le patrimoine immobilier, comme le fait l'impôt sur la fortune immobilière.

LAURENCE BOONE
Oui, mais ils taxent à 3 millions, nous on taxe à 1 million.

SALHIA BRAKHLIA
Mais quand vous voyez que la BCE, la Banque Centrale Européenne…

LAURENCE BOONE
… patrimoine qui n'est pas productif. Vous n'avez pas aujourd'hui envie de taxer une entreprise qui elle n'est pas une entreprise énergétique, qui n'a pas de rente créée par la situation et qui fait face à des factures énergétiques qui augmentent et qui par ailleurs emploient des personnes, je le rappelle.

SALHIA BRAKHLIA
Une question sur la Russie, sur les déserteurs. Vous savez que la mobilisation des réservistes continue en Russie, certains essaient de fuir le pays pour ne pas faire la guerre. Est-ce que l'Europe doit les accueillir ces déserteurs ?

LAURENCE BOONE
Alors, là aussi on réagit en Européens, parce que c'est plus efficace. Comme vous le savez, on a restreint les conditions d'octroi des visas, nous faisons attention à ce que les journalistes dissidents, les personnes qui se battent contre le régime, les artistes, les étudiants, puissent toujours venir chez nous, donc on examine les visas au cas par cas, y compris en tenant compte des risques sécuritaires. Pour les dissidents russes, on va faire la même chose, on va regarder au cas par cas, si ce sont des personnes qui fuient un régime et qui doivent être protégées, parce qu'elles se battent contre ce régime, et si elles ne posent pas de risques sécuritaires.

MARC FAUVELLE
Mais il n'y aura pas d'acceptation globale de tous les déserteurs de l'armée russe aujourd'hui sur le sol européen ?

LAURENCE BOONE
Non, comme je viens de vous le dire, c'est une…

MARC FAUVELLE
Non…

LAURENCE BOONE
… au cas par cas pour les préserver eux et nous préserver nous aussi.

MARC FAUVELLE
Comment prouver aujourd'hui, si quelqu'un dit "je refuse d'aller faire la guerre en Ukraine", qu'est-ce qu'il doit prouver à l'Europe pour pouvoir bénéficier de l'asile par exemple ?

LAURENCE BOONE
Eh bien doit montrer effectivement, en fait c'est des procédures qui sont beaucoup plus longues, normalement quand vous êtes dans l'espace Schengen par exemple, quand vous avez accès à l'espace Schengen vous n'êtes pas dans cette situation, ça met 15 jours pour délivrer un visa, là on va mettre plus de 40 jours, va regarder ce qu'il a fait, on va prendre des références, c'est des procédures qui sont très précises.

SALHIA BRAKHLIA
Mais pardon, si c'est un jeune homme qui doit être mobilisé pour aller faire la guerre, il n'a pas 40 jours devant lui.

LAURENCE BOONE
Non, absolument, mais il va demander, c'est le processus, en général il l'a demandé avant, il y a effectivement des enquêtes qui sont en cours, alors je ne peux pas vous raconter tout ce qui se passe dans une ambassade, mais on essaye vraiment de préserver, à la fois l'accès à l'asile et en Europe pour les personnes qui en ont besoin, et d'éviter aussi les risques sécuritaires. Et c'est à nouveau une solution efficace en Européens. Vous savez que plein de pays qui sont plus proches de la Russie…

SALHIA BRAKHLIA
Ne veulent pas.

LAURENCE BOONE
… eux voulaient tout couper.

SALHIA BRAKHLIA
Ils ne veulent pas en accueillir du tout.

MARC FAUVELLE
Laurence BOONE, secrétaire d'État chargée de l'Europe, invitée de France Info. 08h50, le fil info avec Maureen SUIGNARD, on va parler de la situation en Iran dans un instant, si vous voulez bien.

SALHIA BRAKHLIA
Toujours avec Laurence BOONE, la secrétaire d'État chargée de l'Europe. Hier l'Assemblée nationale a rendu hommage à toutes ces Iraniennes et ces Iraniens qui se battent pour leur liberté contre le pouvoir en place. À part ces gestes symboliques, que peut faire la France ? Que peut faire l'Union européenne pour leur venir en aide ?

LAURENCE BOONE
D'abord les gestes symboliques c'est important, parce que ça montre la mobilisation dans le monde entier et ça met de la pression effectivement sur les gouvernements. Par exemple avec toutes mes homologues européennes, on a effectivement publié une lettre demandant que ces exactions s'arrêtent, que ces violences s'arrêtent. Maintenant c'est repris en européen et à nouveau ce sera discuté par la ministre des Affaires étrangères Catherine COLONNA. Ce qu'on demande aujourd'hui, c'est effectivement d'accorder à ces femmes les mêmes droits que les hommes ont. Vous connaissez ces droits : c'est le droit de la famille qu'on demande de changer aussi, c'est le droit à disposer de leur corps, c'est toute une liste en fait de faire qu'elles soient égales des hommes. Là aussi, nous sommes en train de discuter de sanctions pour toutes les personnes qui sont impliquées dans ces violences.

SALHIA BRAKHLIA
Quelles sanctions ?

LAURENCE BOONE
Je ne peux pas vous en dire plus parce c'est en discussion entre les ministres des Affaires étrangères européens, mais vous pouvez vous imaginer que le même type de choses mais adapté…

SALHIA BRAKHLIA
On parle de gel d'avoir, d'interdiction de voyager dans l'Union européenne par exemple.

LAURENCE BOONE
Oui, absolument, pour tous ceux qui ont été impliqués dans ces violences.

MARC FAUVELLE
Laurence BOONE, est-ce que vous comprenez la décision de plusieurs grandes villes françaises de supprimer les fan zones et les écrans géants pendant la Coupe du monde de foot ?

LAURENCE BOONE
Alors…

MARC FAUVELLE
"Alors", ça va être long !

LAURENCE BOONE
(Rires) Oui, il faut que j'arrête de dire "alors", vous avez raison.

MARC FAUVELLE
Non mais je vous en prie.

LAURENCE BOONE
On est dans une époque où cet été a montré l'urgence absolue du changement climatique. On vous demande à tous, vous, moi, de changer les entreprises, de changer nos habitudes, pour faire des économies d'énergie, pour arrêter de lancer du carbone et des gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Je crois que ça s'applique aussi au monde du sport. Amélie OUDÉA l'avait rappelé et il faut aujourd'hui qu'on réfléchisse là aussi à est-ce qu'on peut faire des choses pour être un tout petit peu plus sobre et à la fois profiter du sport et ménager aussi le climat.

MARC FAUVELLE
Donc oui si c'est au nom de la sobriété énergétique, c'est ça votre réponse ? Le boycott, enfin la suppression des écrans géants ?

LAURENCE BOONE
Pardon, je pensais aux déplacements pour les Coupes du monde de foot. Je suis désolée.

MARC FAUVELLE
Ah ! C'est la question que j'allais vous poser après mais vous pouvez le faire dans l'autre sens.

LAURENCE BOONE
Donc on va le faire dans l'autre sens.

MARC FAUVELLE
Alors je vous repose la question dans l'autre sens : est-ce que la France enverra des responsables politiques au Qatar, quel que soit le parcours des Bleus pendant la compétition ?

LAURENCE BOONE
Mais je pense que là aussi, vous savez ce qui se passe. En fait la raison pour laquelle je répondais là-dessus, c'est effectivement qu'au Qatar on a des stades de foot avec de la climatisation etc., que ça demande à beaucoup de personnes de prendre l'avion et que, oui, il faut se poser la question de savoir si tout le monde doit y aller dans les mêmes proportions.

SALHIA BRAKHLIA
Il faut un boycott diplomatique ?

LAURENCE BOONE
Je pense qu'il faut une réflexion mais je n'ai pas dit qu'il fallait faire un boycott diplomatique.

MARC FAUVELLE
C'est-à-dire que la position du gouvernement n'est pas encore tranchée ?

LAURENCE BOONE
Je ne suis pas ministre des Sports et, effectivement, elle va l'étudier. Ce n'est pas à moi de le dire.

MARC FAUVELLE
Est-ce qu'on ne peut pas imaginer une réponse européenne ?

LAURENCE BOONE
Oui, absolument. Et d'ailleurs je pense que ce sera discuté comme il a été discuté de la présence dans certains pays à certains événements.

SALHIA BRAKHLIA
Laurence BOONE, l'extrême-droite a pris le pouvoir en Italie et son visage c'est celui de Giorgia MELONI, future présidente du conseil italien. Est-ce que c'est une partenaire comme une autre ?

LAURENCE BOONE
Alors d'abord, que c'est un choix démocratique des Italiens. Ce n'est pas à nous de critiquer ça. Mais il y a deux choses. La première c'est qu'il y a des sujets comme la guerre en Ukraine sur laquelle l'Europe a besoin de rester unie, et donc il faudra travailler avec l'Italie là-dessus.

MARC FAUVELLE
Ça tombe bien, elle est plutôt d'accord avec la ligne européenne sur l'Ukraine.

LAURENCE BOONE
Sur l'Ukraine, absolument. Ensuite on a un traité du Quirinal. C'est un traité de coopération entre l'Italie et la France qui fait travailler nos sociétés civiles et nos entreprises. Bien sûr, ça, ça va continuer. C'est fait pour justement résister aux aléas politiques. Sur la troisième chose, il y a des valeurs et des positions qui ne sont pas les nôtres ni les miennes, et que nous vous avons pris l'habitude et continueront de combattre. Ils ont beaucoup changé de position, une fois et en faveur de l'euro, une autre fois contre l'euro. Nous on jugera aux actes mais à il y a une chose que je peux vous assurer, c'est que nous allons être extrêmement vigilant sur le respect de l'État de droit et de beaucoup de droits sociétaux.

MARC FAUVELLE
Mais si par exemple lors du prochain sommet européen, vous avez sur la chaise à côté de vous un ou une ministre italienne de l'Europe, c'est-à-dire votre homologue qui est d'extrême-droite, vous lui serrerez la main ? Vous travaillerez avec lui ou avec elle ?

LAURENCE BOONE
Mais je vais travailler avec elle sur nos sujets qui exigent que l'Europe reste unie. Ensuite je vais attendre de voir quelles sont ses positions, ce qu'elle a dit, ce qu'elle dira.

SALHIA BRAKHLIA
Vous disiez : on va être attentif aux valeurs portées par cette nouvelle majorité en Italie. Il y a une attention particulière sur la question de l'IVG ?

LAURENCE BOONE
Il y a une attention particulière sur la question de l'État de droit à nouveau. C'est quelque chose que nous préservons en Europe et qui nous distingue véritablement de ce qui se passe en Russie et dans d'autres États du monde. Donc ça, c'est extrêmement important. Ensuite il y a des valeurs sociétales sur lesquelles nous sommes effectivement posés. Vous pouvez penser à l'IVG, le président a proposé de mettre ça dans la charte des droits fondamentaux européens. Ce n'est pas pour rien.

SALHIA BRAKHLIA
C'est pour quand ? Il l'a dit en janvier ça.

LAURENCE BOONE
Oui. C'est à nouveau des choses qui se discutent à 27 et, comme vous savez, ce n'est pas toujours facile à 27. Tout le monde n'a pas les mêmes positions mais ce n'est pas pour ça qu'il ne faut pas continuer de porter le flambeau.

MARC FAUVELLE
Sur l'IVG Laurence BOONE, la Hongrie de Viktor ORBAN a décidé que les femmes qui souhaitent avorter devront à l'avenir écouter les battements de cœur de leur fœtus. Il s'agit évidemment de les en dissuader. Est-ce que l'Europe a son mot à dire ?

LAURENCE BOONE
Je crois qu'on a tous à nous exprimer sur des choses que l'on considère fondamentales. Ça, ce genre de mesures ou de dispositions si elles sont vraies, je trouve ça terrible pour les femmes qui avortent.

MARC FAUVELLE
Pourquoi vous dites "si elles sont vraies" ?

LAURENCE BOONE
Parce que c'était dans la presse, oui…

MARC FAUVELLE
C'est dans la loi qui a été adoptée en Hongrie.

SALHIA BRAKHLIA
Oui, ç'a été adopté.

LAURENCE BOONE
Eh bien c'est terrible. C'est terrible parce que je ne connais pas de femme qui avorte de gaieté de cœur et, en fait, on n'est pas là pour sanctionner ou pénaliser.

SALHIA BRAKHLIA
Mais l'Europe fait quoi face à ça ?

LAURENCE BOONE
L'Europe est un droit depuis 1975. Je vais vous dire un truc. Quand l'Europe fait des choses, on dit : mais l'Europe pourquoi elle fait ça ? Et quand l'Europe ne fait pas un truc qu'on doit faire au niveau national…

SALHIA BRAKHLIA
Mais vous dites que vous êtes attentifs aux valeurs qui sont véhiculées dans les pays européens, si quand ça se transgresse comme ça l'Europe ne fait rien, à quoi elle sert ?

LAURENCE BOONE
Mais l'Europe elle a servi pour l'énergie. Et vous savez l'Europe, ce n'est pas un marché où on pique et on choisit ce qu'on veut, et puis quand il y a un truc dont on ne veut pas on ne le fait pas. Alors là, c'est une valeur fondamentale. Nous on se bat, on se bat au Parlement européen. Il y a le pacte Simone Veil. On se bat dans les instances européennes pour faire reconnaître ce droit mais on n'est pas en charge des lois hongroises sur ce sujet. Il y a trop d'Europe ou il n'y a pas assez d'Europe. Il y a une Europe où on discute, où on défend nos valeurs et on combat celles auxquelles on ne croit pas, et croyez-moi ça prend du temps et de l'énergie.

MARC FAUVELLE
Laurence BOONE, secrétaire d'État chargée de l'Europe, merci et bonne journée à vous.

LAURENCE BOONE
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 octobre 2022