Interview de M. Olivier Véran, ministre délégué, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement, à BFMTV le 7 octobre 2022, sur la pénurie de carburant, les véhicules électriques à 100 euros par mois, la neutralité carbone à l'horizon 2050, la sobriété énergétique et la réforme des retraites.

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Média : BFM TV

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Olivier VÉRAN.

OLIVIER VÉRAN
Bonjour.

APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être dans ce studio pour répondre à mes questions et puis pour nous donner aussi beaucoup d'infos très pratiques ce matin, vous êtes le porte-parole du gouvernement. On craignait déjà de ne pas avoir assez de gaz et d'électricité et maintenant on s'inquiète sur l'essence, je voudrais commencer par ça, quelle est la situation ce matin dans les stations-essence et la situation de l'approvisionnement ?

OLIVIER VÉRAN
La situation elle est disparate. Globalement il y a 15 % des stations-essence de notre pays qui connaissent des difficultés pour fournir l'ensemble des carburants, c'est-à-dire que généralement il y a un carburant, souvent le diesel, qui vient à manquer en partie dans la journée, en raison essentiellement d'une grève qui a été déclenchée par la CGT, sur des questions salariales, vis-à-vis du groupe TotalEnergies, qui fait qu'il y a quelques raffineries qui restent encore bloquées, certaines ne sont plus, et ça veut dire que factuellement nous ne manquons pas d'essence, nous ne manquons pas de carburants, d'ailleurs les groupes de pétroliers importent davantage d'essence pour combler les difficultés qu'ils ont à sortir leurs propres carburants de leurs raffineries, mais ça veut dire qu'il y a des difficultés qui peuvent être rencontrées çà et là, et dans certaines régions c'est un peu plus dur, c'est la région Hauts-de-France. Donc il n'y a pas de pénurie au global, on n'est pas en train de manquer de carburants, on n'est pas en difficulté d'approvisionnement, en revanche il y a ces difficultés et ces tensions, et comme à chaque fois que ça arrive, dès qu'on parle de tension sur les carburants, eh bien il y a de l'inquiétude, compréhensible, qui monte, il y a un certain nombre de nos compatriotes qui vont de fait dans les stations-essence, craignant d'en manquer demain, ce qui crée des effets d'embouteillages et ce qui peut accentuer les tensions dans certaines stations.

APOLLINE DE MALHERBE
En fait ce que vous nous dites c'est qu'il n'y a pas de pénurie au départ, Ok, qu'on ne manque pas, qu'on n'a pas de pénurie d'essence…

OLIVIER VÉRAN
Et n'en manquera pas.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais on a quand même des pénuries à la pompe.

OLIVIER VÉRAN
En plus ces pénuries, je le redis, elles accentuent - je regardais à Paris ce matin, je suis passé devant une station-essence - à Paris il y a plus de 90 % des stations qui ne rencontrent aucune difficulté, plus de 90 %, et celles qui rencontrent des difficultés, c'est les difficultés temporaires, elles seront à nouveau achalandées en essence. Il y avait cinquante bagnoles qui faisaient la queue, en plus ça peut être dangereux sur la voie, qui faisaient la queue devant la station, et on voit, on commence à voir des gens qui arrivent avec des containers, des jerricans, au cas où il n'y aurait plus d'essence dans notre pays, donc il faut faire attention à ne pas accentuer quelque chose.

APOLLINE DE MALHERBE
Olivier VÉRAN, vous dites que c'est la faute des automobilistes qui paniquent ?

OLIVIER VÉRAN
Pas du tout, mais non, je n'ai pas dit ça du tout. Je comprends le phénomène, qu'on connaît bien à chaque fois qu'on pense qu'on va manquer de quelque chose, je dis que notre pays a déjà connu…

APOLLINE DE MALHERBE
Enfin qu'on connaît bien, qu'on commence à connaître, pardon, mais on a l'impression que le mot pénurie, qui est un mot qui n'existait pas dans notre vocabulaire, il nous arrive, alors vous étiez le premier sur les questions de masques, mais enfin, je veux dire, depuis ce moment-là c'est une question qui revient de manière récurrente, et à tous les niveaux.

OLIVIER VÉRAN
Là on n'est pas dans quelque chose qui relève de, encore une fois, de la pénurie avec des difficultés d'approvisionnement, on est dans des difficultés temporaires de distribution, liées à un mouvement social, vous rajoutez à ça le succès les stations TotalEnergies parce qu'il y a eu la ristourne gouvernementale et la ristourne du groupe qui fait que le prix de l'essence y est sans doute moins cher que dans d'autres stations, tout ça cumulé crée… je dis juste attention à l'effet panique, je ne culpabilise absolument personne, je dis que c'est un mouvement connu, normal, je dis néanmoins que ça ne veut pas dire que nous sommes sur le point de manquer de carburants. J'essaye quand même de rassurer un peu, je l'ai dit d'ailleurs après le Conseil des ministres, quand on m'a posé la question "y aura-t-il une pénurie ?", j'ai répondu à la journaliste "il n'y en n'a pas, mais le simple fait que vous posiez la question, et quelle que soit la réponse que je vais faire, va créer de toute façon un mouvement…"

APOLLINE DE MALHERBE
Donc c'est un peu la faute des automobilistes quand même…

OLIVIER VÉRAN
Non.

APOLLINE DE MALHERBE
Et c'est un peu la faute des journalistes qui vous interrogent sur la pénurie.

OLIVIER VÉRAN
Apolline de MALHERBE, vous ne pensez pas ce que vous dites, ce n'est pas ce que je suis en train de vous dire.

APOLLINE DE MALHERBE
Non, je vous prends à l'ironie, mais Olivier VÉRAN, cela dit, je voudrais quand même comprendre quand est-ce que ça va s'arrêter et qu'est-ce qu'on fait pour ceux qui en effet s'inquiètent, et pour certains de manière tout à fait légitime, parce que vous parliez de la région Hauts-de-France, où là il y a carrément des stations qui sont réquisitionnées. Donc maintenant vous me dites, Ok, il y a du carburant, le problème c'est qu'il n'arrive pas forcément à la pompe, il y a plusieurs raisons, je voudrais qu'on s'arrête un instant sur la question de la grève, 11e jour de grève chez TOTAL, avec des demandes en effet d'augmentation notamment de 10 % chez les salariés, il y a zéro contact, depuis 11 jours, entre les grévistes et la direction de TOTAL. Vous ne dites pas aujourd'hui à TOTAL "allez-y quand même, parlez-leur" ?

OLIVIER VÉRAN
On est extrêmement attentif à ce que ce mouvement social puisse trouver une solution le plus tôt possible, le plus rapidement possible, pour justement ne pas déclencher cette spirale qui pourrait conduire à des désagréments qui peuvent être parfois très gênants, d'ailleurs j'ai une pensée très sincère pour ceux de nos compatriotes qui se voient en panne d'essence ou en grande difficulté pour utiliser leur véhicule, il y a des enfants dans la région Hauts-de-France qui sont en difficulté pour aller dans les établissements scolaires…

APOLLINE DE MALHERBE
Qui sont privés de transport scolaire.

OLIVIER VÉRAN
Il y a des gens, je reçois des contacts et des messages, des gens qui me disent "du coup j'arrive pas, quelles que soient les raisons, le fait est que je n'arrive pas à trouver de l'essence là pour en mettre dans ma voiture pour aller travailler demain", et donc c'est absolument ce que nous voulons éviter, c'est pour ça que mon discours il est important de l'inscrire dans un contexte, il est de dire nous ne sommes pas dans une situation qui devrait générer une pénurie parce que nous avons du carburant, il y a des difficultés de distribution, et donc il y a des difficultés temporaires, réelles, mais temporaires, dans certaines stations, et on ne doit pas paniquer, on va trouver une solution.

APOLLINE DE MALHERBE
Comment on en sort, est-ce qu'il faut aller vers l'idée de rationner par exemple, d'empêcher les gens de faire un plein total, enfin total, pas TOTAL, stations TOTAL, mais je veux dire de faire le total de leur plein, est-ce que vous voulez interdire les jerricans, est-ce que vous allez réquisitionner, voire même, et Xavier BERTRAND a évoqué l'idée hier, est-ce qu'il faudrait carrément envoyer l'armée pour débloquer les raffineries ?

OLIVIER VÉRAN
Nous avons, alors on n'en n'est pas à l'armée, par contre il y a un conflit social qui doit trouver une résolution rapide, et le groupe TOTAL a communiqué en disant qu'ils y travaillaient, donc nous suivons ça de très près. Quand il y a vraiment des difficultés très très fortes on peut être amené à utiliser, avoir recours à ce qu'on appelle nos stocks stratégiques, on a de quoi tenir quand même trois mois dans notre pays avec les seuls stocks stratégiques, donc on peut déstocker lorsque c'est nécessaire, il nous est arrivé de le faire, notamment dans la région Hauts-de-France, parce que figurez-vous que la raffinerie de Dunkerque, qui je crois représentent 22 % de la distribution de carburant dans notre pays, elle est complètement bloquée à l'heure à laquelle je vous parle, donc c'est pour cela que nous sommes capables d'avoir des actions encore plus déterminées…

APOLLINE DE MALHERBE
C'est pour ça que c'est la région Hauts-de-France…

OLIVIER VÉRAN
Dans la région Hauts-de-France, là ou dans le Sud-ouest, ou le Sud-est de la France, les difficultés sont plus rares.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous n'hésiterez pas à réquisitionner d'autres stations s'il le faut, les donner en priorité à ceux qui ont le plus… on retrouve un peu les essentiels et non essentiels !

OLIVIER VÉRAN
En fait on a déjà connu, vous vous souvenez, des mouvements de grève générale, qui allaient durer pendant des semaines, avec des organisations pour accéder à l'essence, nous n'en sommes pas là, c'est mon message de ce matin, parce que dans un cas de figure ça peut créer véritablement des mouvements de foule, et dans l'autre cas ce n'est pas nécessaire, donc vous parliez par exemple de la question des jerricans, il n'est pas nécessaire d'aller faire des provisions avec des jerricans, donc nous demandons aux Français de ne pas le faire.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous leur demandez de ne pas le faire, est-ce que vous allez leur interdire de le faire ?

OLIVIER VÉRAN
Ça peut être une possibilité, je n'ai pas la réponse à vous donner ce matin, mais encore une fois on travaille pour que les deux raffineries qui restent encore bien bloquées, se débloquent, pour que nous puissions travailler, on est en contact aussi avec la CGT qui est responsable de ce… qui a déclenché ce mouvement de grève, quels qu'en soient les motifs, je n'ai pas à en juger, pour que les raffineries soient débloquées rapidement et qu'on puisse retrouver une activité normale.

APOLLINE DE MALHERBE
Olivier VÉRAN, on en est où d'ailleurs de la voiture électrique à 100 euros par mois, vous vous souvenez, c'était une des promesses d'Emmanuel MACRON ?

OLIVIER VÉRAN
Bien sûr, on va le faire.

APOLLINE DE MALHERBE
C'est une solution aussi ça, que les gens passent à l'électrique.

OLIVIER VÉRAN
C'est une belle solution. De toute façon je vais vous rappeler une annonce, très forte que nous avons faite, et que nous avons obtenue au niveau européen, on ne vendra plus de véhicules thermiques dans notre pays d'ici à 2035, donc il n'y aura plus de voitures à essence vendues sur le marché en 2035.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais cette solution, il avait promis les voitures à 100 euros par mois, les voitures électriques à 100 euros par mois.

OLIVIER VÉRAN
Oui, on va le faire.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais quand ?

OLIVIER VÉRAN
On va le faire, c'est en instruction, ça ne se fait pas deux jours.

APOLLINE DE MALHERBE
Non, non, ça ne se fait pas en deux jours, mais c'était une promesse avant les élections.

OLIVIER VÉRAN
C'est une promesse de campagne, c'est dans le programme du président de la République et nous la tiendrons. Ça signifie aussi être capable d'augmenter, ce que nous faisons, les capacités de production de batteries électriques, de véhicules électriques, ça signifie aussi augmenter encore notre parc de chargeurs et de super-chargeurs électriques, pour qu'il y en ait partout…

APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire pas demain.

OLIVIER VÉRAN
Mais si, ça veut dire que c'est dans le quinquennat.

APOLLINE DE MALHERBE
Dans le quinquennat.

OLIVIER VÉRAN
Dans le quinquennat c'est presque demain.

APOLLINE DE MALHERBE
Pas tout à fait demain. Un dernier mot justement sur demain ou pas demain, est-ce qu'il y aura un retour à la normale pour l'approvisionnement en essence dans les stations, est-ce que vous prévoyez un retour à la normale dans deux, trois, quatre jours, est-ce que vous avez un peu une idée de ça ?

OLIVIER VÉRAN
Il y aura un retour à la normale, je dis aux Français de ne pas avoir d'inquiétude excessive, encore une fois…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous ne savez pas quand.

OLIVIER VÉRAN
Je suis absolument en empathie et désolé avec les gens qui rencontrent des difficultés réelles pour faire le plein, ou des gens qui stressent, ou les gens qui mettent un réveil 2 heures plus tôt parce qu'ils se disent qu'ils vont devoir faire la queue, tout cela procède, non pas d'un phénomène de pénurie globale, mais du fait qu'il y a cette inquiétude, que je comprends, je ne juge pas.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous ne pouvez pas nous dire ce matin, Olivier VÉRAN, retour à la normale dans deux jours ou dans trois jours ?

OLIVIER VÉRAN
Je ne peux pas vous dire si c'est le retour demain matin, ce serait une bonne nouvelle. En gros, si la grève s'arrête, dans les raffineries, les distributions reprennent normalement et toutes les stations reprennent leur fonctionnement normal.

APOLLINE DE MALHERBE
Alors Olivier VÉRAN, porte-parole du gouvernement, le gouvernement qui a donc annoncé hier le mode d'emploi de la sobriété en France, 19 degrés dans les pièces principales, 17 degrés dans les chambres, les chauffe-eau à 55 degrés max, l'achat de thermostats programmables, décaler l'usage de certains appareils, et pour autant il y a aussi des mesures qui n'ont pas été retenues, ça c'est les mesures retenues donc, mais celles qui ont pas été retenues c'est notamment le passage à la flotte, justement auto-électrique du gouvernement, le télétravail obligatoire pour fermer des bureaux. Pourquoi ?

OLIVIER VÉRAN
Ce que nous voulons d'abord c'est passer l'hiver et passer au vert si je puis dire, notre objectif c'est la neutralité carbone en 2050…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous l'aviez prévue celle-là !

OLIVIER VÉRAN
Jamais, Apolline de MALHERBE, jamais pour vous, vous savez qu'on fait tout de façon spontanée.

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, bien sûr.

OLIVIER VÉRAN
Et donc, pour cela, nous voulons des mesures qui soient acceptables dans la durée, vous en avez citées quelques-unes. Je vais en prendre une, le chauffe-eau, moi je ne savais pas, j'ai un chauffe-eau chez moi, je ne savais pas, il chauffe spontanément l'eau à 70 ou 80 degrés, je ne sais pas si vous avez déjà essayé de vous toucher ou de vous laver les mains à 70 ou 80 degrés, mais ça brûle, c'est presque une casserole en pré-ébullition.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc il faut que chacun baisse, on l'a bien compris, la température du chauffe-eau.

OLIVIER VÉRAN
Vous réglez, en réalité ça permettra d'éviter que votre chauffe-eau consomme beaucoup d'énergie pour chauffer votre eau, alors que vous n'en n'avez pas besoin, à des températures que vous n'utilisez pas, vous ne verrez pas la différence, votre facture baissera, ça c'est une mesure. Ensuite, regardez bien le plan qui a été présenté hier, le gros de l'effort il est demandé à l'État, nous nous le demandons à nous-mêmes, les températures réglées à 19, et lorsqu'il y a des pics de consommation ce sera 18 degrés dans les bâtiments de l'État, on va même être amené à fermer des bâtiments ministériels pour faciliter et rendre obligatoire le télétravail lorsque la situation va le nécessiter. On limite à 110 km/h, sur l'autoroute, la vitesse pour les voitures de fonction lorsque les missions ne sont pas urgentes. Donc, vous voyez, c'est ce type de mesures. Ce qu'on veut c'est quelque chose d'acceptable dans la durée, qui ne bouleverse pas le quotidien des Français…

APOLLINE DE MALHERBE
En fait ce que vous nous dites c'est que ce n'est pas juste cet hiver, c'est que ça c'est une habitude qu'on va devoir prendre à long terme.

OLIVIER VÉRAN
Ce que je vous dis c'est qu'on a cet objectif de court terme qui rejoint un objectif de long terme, et que tout le monde veut que nous atteignons, et nous les premiers, la neutralité carbone à 2050, ce qui veut dire qu'il nous faut réduire notre consommation d'énergie, et nous ne voulons pas retourner à l'âge de pierre, ou à la lampe à huile, on n'est pas pour un modèle de décroissance, on est pour un modèle qui est capable de produire, on veut que nos entreprises ne soient pas à l'arrêt, ou ne connaissent pas des difficultés, tout cela est évitable si on baisse un peu la température en intérieur, si sur baisse un peu la température de l'eau chaude, et si on fait attention dans notre quotidien, qu'on privilégie le vélo électrique ou le covoiturage, il y a un boom du vélo électrique dans notre pays, on l'accompagne et on simplifie les règles de financement par exemple.

APOLLINE DE MALHERBE
Il y aura des ambassadeurs de la sobriété qui devront contrôler la mise en œuvre de ce plan, ça va marcher comment, y compris ça veut dire dans les entreprises, dans les immeubles ?

OLIVIER VÉRAN
Ça veut dire qu'il y aura des… vous parlez de contrôle, moi je parle d'accompagnement, parce que l'ensemble des mesures dont on est en train de parler, qui sont comprises dans le document qui est disponible sur le site du gouvernement, l'ensemble de ces mesures peuvent nécessiter de l'accompagnement pour des modalités de mise en place, et donc on ne veut pas que les gens se retrouvent forcément tout seuls, surtout dans des bâtiments collectifs, pour décider comment respecter les règles.

APOLLINE DE MALHERBE
Ils vont être choisis comment ces ambassadeurs de la sobriété ?

OLIVIER VÉRAN
Il y a de la formation, qui est déjà en cours, dans le milieu des entreprises, dans le milieu des agences de l'État, on a une belle agence aussi, qui s'appelle l'ADEME, qui est chargée de réfléchir, d'innover, d'identifier, de contrôle, d'accompagner, nous le faisons très bien dans la rénovation thermique par exemple.

APOLLINE DE MALHERBE
Ce ne sera pas contraignant, c'est-à-dire qu'ils vont aller, je ne sais pas, dire "ah ben non, là il faut baisser le chauffage, vous êtes encore à 22", mais il n'y aura pas, ils ne vont pas taper sur les doigts, ils ne vont pas imposer des sanctions financières, enfin je veux dire c'est juste de l'incitation ?

OLIVIER VÉRAN
Vous savez, il y a 750.000 Français qui l'année dernière ont fait le choix de procéder à la rénovation thermique et qui ont fait appel à ce qu'on appelle MaPrimeRénov' pour avoir un accompagnement financier de l'État, 750.000 sur une année, on prévoit que ce soit 700.000 par an. Pourquoi ? Parce qu'il y a cette véritable attention portée à la cause climatique et il y a cette volonté de réduire les consommations énergétiques lorsqu'elles ne sont pas indispensables, ce qui veut dire que le volontarisme des Français il est réel, et nous voulons nous appuyer sur ce volontarisme pour progresser, donc il n'y a pas besoin d'avoir sans arrêt des contrôles et des sanctions.

APOLLINE DE MALHERBE
On a des nouvelles de nos réacteurs nucléaires à l'arrêt ?

OLIVIER VÉRAN
On a les nouvelles qu'EDF nous donne, c'est-à-dire qu'il y a 28 réacteurs sur 56 qui ne fonctionnent pas aujourd'hui, certains parce que c'est les traditionnels contrôles qui sont effectués, vous savez il n'y a jamais tous les réacteurs qui fonctionnent en même temps, c'est normal, et d'autres parce qu'il y avait ces sujets de corrosion, donc nous sommes très attentifs à la sécurité avant tout…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce qu'on est en train de prendre du retard dans la réouverture de ces réacteurs-là ?

OLIVIER VÉRAN
C'est EDF qui est responsable de la réouverture des réacteurs, et EDF continue de nous assurer que dans les prochaines semaines, dans les prochains mois, les réacteurs actuellement à l'arrêt retrouveront leur fonctionnement normal.

APOLLINE DE MALHERBE
Il était prévu que les réacteurs à l'arrêt soient rouverts avant l'hiver, est-ce que ce sera le cas ?

OLIVIER VÉRAN
EDF ne dit pas le contraire aujourd'hui, mais on suit ça de très près, croyez-moi.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez l'air pas complètement sûr.

OLIVIER VÉRAN
Non, parce que ce n'est pas moi qui ait un bleu de travail et qui vais dans une centrale pour réactiver un moteur…

APOLLINE DE MALHERBE
Non bien sûr, mais vous comprenez bien que tout ce qu'on fait comme effort, si les réacteurs étaient ouverts on serait moins inquiet.

OLIVIER VÉRAN
Bien sûr, mais je vous dis qu'EDF ne nous dit pas autre chose que ce qu'ils nous ont dit la semaine dernière et le mois dernier.

APOLLINE DE MALHERBE
La Russie…

OLIVIER VÉRAN
Donc on a toutes les raisons d'espérer.

APOLLINE DE MALHERBE
La Russie, Joe BIDEN qui, à l'instant alerte, je cite, contre le "risque d'apocalypse nucléaire", est-ce que les Français doivent être inquiets ?

OLIVIER VÉRAN
La France, l'Europe, le monde occidental, est extrêmement vigilant et nous agissons par tous les moyens, diplomatiques notamment, pour faire en sorte que le scénario catastrophe n'arrive pas. Nous avons entendu les menaces ont été proférées, re-proférées, re-re-proférées par Vladimir POUTINE, mais le canal diplomatique qui est maintenu nous permet aussi de passer le message qu'il est hors de question que cette situation puisse survenir.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous savez si la France travaille aussi à des scénarios s'il y a une attaque nucléaire en Ukraine, quelles conséquences pour la France ?

OLIVIER VÉRAN
Mais nous travaillons extrêmement, de façon extrêmement serrée, à toutes les hypothèses, notamment du fait de la centrale de Zaporijjia, vous le savez, en Ukraine, où les cobelligérants continuent de… pour l'instant…

APOLLINE DE MALHERBE
Aujourd'hui elle est sous contrôle russe.

OLIVIER VÉRAN
Ils font quand même attention de ne pas faire n'importe quoi à côté de la station, mais vous savez que des bâtiments annexes avaient été endommagés, donc il y a des missions de l'AIEA qui sont en cours, internationales, pour vérifier que les conditions de sécurité sont réunies, il n'y a pas de problème avec le réacteur, il a été arrêté il y a environ trois semaines, la température a chuté fortement dans cette centrale, mais on suit ça avec une expertise scientifique internationale.

APOLLINE DE MALHERBE
Olivier VÉRAN, une question sur le pouvoir d'achat, parce que pour la première fois hier les agriculteurs, les industriels, et les distributeurs, la grande distribution, se sont mis d'accord pour vous alerter, pour tirer le signal d'alarme, et pour dire "attention, si vous ne faites pas quelque chose" - ils vous appellent au secours – ils disent "si vous ne faites pas quelque chose pour la hausse des prix de l'énergie au niveau des agriculteurs, mais aussi de la distribution, alors tout cela va se répercuter sur les prix", et ils parlent d'un panier moyen qui augmentera de 15 %. Est-ce qu'il faut un bouclier alimentaire ?

OLIVIER VÉRAN
D'abord il faut un traitement de fond, traitement de fond c'est plafonner le prix du gaz, c'est découpler le prix du gaz et de l'électricité, notamment lorsque l'électricité est produite à partir de nucléaire, c'est ce qu'a travaillé d'arrache-pied le président de la République française au niveau de la Commission européenne, nous avons désormais une position européenne très claire, nous nous harmonisons avec les Asiatiques qui font face aux mêmes difficultés, et nous demandons aux pays producteurs, notamment la Norvège et les États-Unis, de faire en sorte que les prix que nous ayons à payer, alors qu'on est solidaires vis-à-vis des sanctions appliquées à la Russie, les prix que nous ayons à payer ne soient pas quatre fois…

APOLLINE DE MALHERBE
Ils ne jouent pas complètement le jeu ?

OLIVIER VÉRAN
Qu'ils ne soient pas quatre fois les prix du marché, donc on va plafonner les prix, ce qui veut dire, et le président de la République l'a dit hier, d'ici à la fin d'octobre on aura des mécanismes en place qui permettront de retrouver des eaux plus calmes pour les prix du gaz et de l'électricité, premier point. Deuxième point, pour les agriculteurs qui sont très consommateurs d'énergie, parce qu'ils en ont besoin pour fonctionner, il y a des dispositifs type bouclier tarifaire qui sont en œuvre, et on continue, le ministre de l'Agriculture Marc FESNEAU continue de rencontrer les organisations représentant les agriculteurs, pour les accompagner et faire en sorte qu'il n'y ait pas de répercussion forte sur les prix pour les consommateurs.

APOLLINE DE MALHERBE
Olivier VÉRAN, vous avez vu les images de ce jeune Rudy, 16 ans, handicapé qui a été roué de coups…

OLIVIER VÉRAN
Terrible.

APOLLINE DE MALHERBE
Et filmé par ses camarades, ça s'est passé dans l'Oise.

OLIVIER VÉRAN
Terrible, terrible…

APOLLINE DE MALHERBE
Quand on voit ça, ce matin on découvre par ailleurs que, c'est une information RMC, le nombre d'appels pour harcèlement à l'école a doublé en un an, les parents ils appellent le 30 20, qui est donc le numéro d'alerte, ils ont du mal à joindre un conseiller, souvent les conseillers sont mal, voire pas formés, et ensuite il n'y a rien derrière, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'accompagnement qui est fait pour ces enfants, pour ces parents, on ne sait pas faire.

OLIVIER VÉRAN
D'abord l'augmentation du nombre d'appel atteste aussi du fait qu'il y ait des nouveaux dispositifs d'alerte qui ont été mis en place, qui n'existaient pas au préalable, donc ça je le dis. Ensuite, on continue de former des experts, plusieurs centaines d'experts, à destination des écoles, pour pouvoir accompagner, on s'appuie davantage sur le corps enseignant, mais je vais vous dire, Apolline de MALHERBE, ma conviction, c'est qu'on doit renverser la table en la matière. Moi je crois à la prévention, il y a des pays du nord de l'Europe qui sont capables de faire des ateliers, des mises en perspective, avec des harceleurs, des harcelés, des témoins, avec des systèmes de jeu de rôle pour que les enfants comprennent la gravité de ce que c'est le harcèlement. Il y a trop d'enfants dans nos écoles qui subissent du harcèlement, qui a un impact considérable, non seulement sur leur mental, sur leur équilibre général, sur la capacité d'apprendre.

APOLLINE DE MALHERBE
Pour renverser la table il faut des sous, est-ce que vous allez profiter par exemple du budget…

OLIVIER VÉRAN
Pas que ça, il y avait nécessité aussi d'une prise de conscience collective du drame humain qui peut représenter le harcèlement scolaire.

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais on met un numéro et derrière il n'y a rien.

OLIVIER VÉRAN
Non, il n'y a pas rien, pardon, il y a le développement, vous avez des professionnels – je ne peux pas laisser dire que les gens ne seraient pas formés pour cela, d'abord ce sont des gens qui sont volontaires pour le faire…

APOLLINE DE MALHERBE
Ce n'est pas moi qui le dis, c'est notamment HUGO qui est une des dernières associations qui aident encore les familles harcelées.

OLIVIER VÉRAN
Je vous dis juste, je peux entendre qu'il y ait des situations qui n'aient pas trouvé une réponse suffisante, et j'en suis désolé, et on doit travailler pour les améliorer, ce qui ne veut pas dire qu'il faille jeter l'ensemble des dispositifs et de tous les acteurs qui s'impliquent au quotidien.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais en tout cas vous êtes conscient du problème et vous dites il faut renverser la table.

OLIVIER VÉRAN
Ah mais le harcèlement scolaire, bien évidemment.

APOLLINE DE MALHERBE
Je voudrais une question quand même politique parce qu'il y a eu ce tweet de Jean-Luc MÉLENCHON hier qui appelle le 5… il rappelle que "le 5 et 6 octobre 1789 les femmes qui marchaient sur Versailles contre la vie chère, elles ramènent" - je cite Jean-Luc MÉLENCHON – "elles ramènent alors le Roi, la Reine et le Dauphin, de force à Paris sous contrôle populaire, faites mieux le 16 octobre", le 16 octobre c'est son appel pour une marche contre la vie chère.

OLIVIER VÉRAN
…Faites mieux, ou faites pire en l'occurrence, ce qu'il veut dire Jean-Luc MÉLENCHON, je veux dire il y a une désolidarisation, et je la salue, de partis plus traditionnels au sein de la NUPES…

APOLLINE DE MALHERBE
Olivier FAURE notamment, du Parti socialiste, qui…

OLIVIER VÉRAN
Qui considèrent qu'il dépasse les bornes, mais ce n'est pas la première fois qu'il dépasse les bornes.

APOLLINE DE MALHERBE
A alerté Jean-Luc MÉLENCHON sur ses mots.

OLIVIER VÉRAN
Non, mais il est tout le temps dans l'outrance, dans l'appel à la violence sociale, c'est un appel à la violence sociale.

APOLLINE DE MALHERBE
C'est un appel à la violence sociale pour vous ?

OLIVIER VÉRAN
C'est un appel à la violence sociale, déguisé, il pourra toujours dire "ce n'est pas ce que je voulais dire", mais vous voyez toujours ce discours borderline qui flirte avec… on connaît bien ça, pardon de le redire, en Amérique centrale, dans certains pays d'Amérique du Sud, où on légitime parce qu'on considère que les gens n'ont plus que ce moyen-là. Pardon, le droit de manifester il est constitutionnel, on le respecte, on l'accompagne, mais les appels masqués, ou directs ou indirects, à une forme de violence sociale, c'est irresponsable, encore plus de la part d'un responsable politique.

APOLLINE DE MALHERBE
Au-delà des propos de Jean-Luc MÉLENCHON est-ce que vous redoutez une mobilisation sociale ?

OLIVIER VÉRAN
Mais nous, vous savez, on veut réformer notre pays, on veut transformer notre pays, et on veut le juste partage de l'effort, le juste partage de l'effort, on veut que les Françaises et les Français voient, comprennent que les réformes que nous menons c'est pour répartir cet effort, c'est la justice sociale que nous voulons, donc nous voulons le plein emploi, et pour cela nous voulons un marché du travail qui soit de nature à proposer un emploi à chacun et faire en sorte que les gens qui n'ont pas de travail en prenne un, on veut un système social qui soit équilibré financièrement pour ne pas avoir à augmenter la dette, ni les impôts, et donc ça veut dire être capable de travailler un peu plus, tout en faisant attention…

APOLLINE DE MALHERBE
Et s'il faut faire face à la rue, vous le faites.

OLIVIER VÉRAN
Tout en faisant attention à ceux qui ont des carrières longues, des carrières hachées, etc., etc., c'est cette réforme, cette transformation de notre pays. Il y a des gens qui veulent l'immobilisme, il y a des gens qui veulent le retour en arrière, il y a des gens qui vous disent qu'il n'y a pas de problèmes, ces gens-là, pardonnez-moi, ne partagent pas la responsabilité collective, qui est la nôtre, de faire en sorte que nos enfants, et nos petits-enfants, si demain il y avait besoin d'un "quoi qu'il en coûte" puissent encore le financer.

APOLLINE DE MALHERBE
Olivier VÉRAN, porte-parole du gouvernement, merci d'avoir répondu à mes questions, et je rappelle que vous avez dit en début d'interview, à propos de l'essence, qu'il y avait du carburant, qu'il n'y avait pas de pénurie de carburant, qu'il y avait simplement une difficulté à l'approvisionnement au niveau de la pompe, vous voulez être…

OLIVIER VÉRAN
Ce qui entraîné des difficultés réelles et que nous travaillons à lever activement.

APOLLINE DE MALHERBE
Rassurant ce matin.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 octobre 2022