Texte intégral
ADRIEN GINDRE
Bonjour Clément BEAUNE.
CLÉMENT BEAUNE
Bonjour.
ADRIEN GINDRE
Merci d'avoir accepté notre invitation. On parlera transport et sobriété énergétique dans un instant parce que les transports, c'est 30% de notre consommation d'énergie, mais d'abord un mot des carburants. On voit que 15% des stations-service en France - ce sont les chiffres donnés par le gouvernement - connaissent des difficultés d'approvisionnement. À quand le retour à la normale ?
CLÉMENT BEAUNE
On voit en effet des difficultés d'approvisionnement ici à Paris et en Ile-de-France. On voit des régions où c'est plus difficile encore, je pense aux Hauts-de-France en particulier.
ADRIEN GINDRE
Avec même une station sur trois qui avait fermé dans cette région.
CLÉMENT BEAUNE
Ces difficultés sont assez localisées mais elles sont importantes en Ile-de-France par exemple ou dans les Hauts-de-France, je le disais. Dans les prochains jours, on espère que la situation va revenir à la normale. Je veux expliquer ce qui se passe parce qu'il ne faut pas qu'il y ait une forme de panique qui ajoute à quelques difficultés objectives. Il n'y a pas de pénurie d'essence dans le sens où la France n'aurait plus d'approvisionnement ; ça n'est pas cela. Il y a des phénomènes ponctuels qu'on essaie de résorber. D'abord le fait, en effet, que les ristournes qu'on met en place sur le carburant peuvent avoir, c'est notamment le cas dans les Hauts-de-France, des effets d'attraction…
ADRIEN GINDRE
Puisqu'il y a des Belges qui viennent s'approvisionner en France.
CLÉMENT BEAUNE
Voilà. Des personnes qui traversent la frontière et qui bénéficient de ces carburants. On assume évidemment cette politique de soutien au pouvoir d'achat…
ADRIEN GINDRE
Et elle ne changera pas.
CLÉMENT BEAUNE
Elle ne changera pas. Elle a quelques effets parce qu'elle protège fondamentalement le pouvoir d'achat des Français, on en a besoin dans cette période, mais elle a quelques effets de cette nature. S'y ajoute une situation sociale que vous connaissez.
ADRIEN GINDRE
Avec des grèves dans les raffineries de TOTAL.
CLÉMENT BEAUNE
De TOTAL ou d'ESSO qui sont en grève aujourd'hui. Il y a une difficulté sociale.
ADRIEN GINDRE
Qu'il faut régler. Parce que vous dites : la remise on n'y touche pas, mais si on ne touche pas à la remise et qu'on ne fait rien sur la grève, ça ne va pas régler ce problème.
CLÉMENT BEAUNE
Alors il y a d'abord un certain nombre de mesures pour faire face à l'urgence. La ministre de l'Énergie Agnès PANNIER-RUNACHER, qui est en première ligne sur ce sujet, a activé dans un certain nombre de lieux notamment dans les Hauts-de-France ce qu'on appelle le déblocage, le stock stratégique pour que l'approvisionnement soit renforcé.
ADRIEN GINDRE
Est-ce que ça va se faire davantage ? Parce qu'on voit que malgré ces déblocages pour le moment, les perturbations non seulement continuent mais s'amplifient d'heure en heure.
CLÉMENT BEAUNE
Oui, ça peut se faire davantage. Pour ce qui me concerne sur le plan des transports, je réunirai ce matin les fédérations de transporteurs pour voir localement là où on peut améliorer l'approvisionnement. Nous mobilisons tous les leviers. Et je donnerai d'ailleurs dans la journée, l'autorisation exceptionnelle que les camions-citernes puissent circuler aussi le dimanche, ce qui n'est pas le cas habituellement, pour que là où on peut avoir des déblocages on approvisionne mieux les stations-services. Donc on mobilise tous les leviers. Une situation sociale, je peux vous dire, aujourd'hui il y a une discussion entre l'entreprise et ses salariés, TOTAL principalement, pour essayer de débloquer la situation.
ADRIEN GINDRE
Donc vous appelez TOTAL à faire un geste en direction des grévistes. Je rappelle juste, les revendications c'est 10 % de salaire en plus pour 2022, le dégel des embauches, un plan massif d'investissement. Est-ce que vous dites à TOTAL : avancez, faites un pas en direction des salariés ?
CLÉMENT BEAUNE
Le gouvernement ne rentre pas dans le dialogue social entreprise par entreprise. J'ai eu à connaître des situations comme cela dans l'aéroportuaire, dans le ferroviaire cet été…
ADRIEN GINDRE
Le gouvernement fait des incitations parfois. Il y a quelques jours sur ce plateau, Olivier DUSSOPT disait : il faut augmenter les salaires dans certaines entreprises.
CLÉMENT BEAUNE
On essaye de faciliter le dialogue social. Notamment le ministère de l'Énergie est en lien avec TOTAL, avec sa direction pour essayer de faciliter ce dialogue social, de trouver des solutions. C'est l'intérêt collectif. Dans un moment où il y a des difficultés de pouvoir d'achat, il ne faudrait pas ajouter des difficultés au quotidien des Français. Donc il y a cette situation sociale, il y a tout l'approvisionnement sur lequel on essaie de débloquer le maximum de choses : stocks stratégiques ou livraisons y compris le week-end. Et nous faisons tout pour que dans les prochains jours, cette situation puisse se résorber, notamment dans les points les plus difficiles et je pense aux Hauts-de-France tout particulièrement.
ADRIEN GINDRE
Alors annonce très importante que vous faites : la circulation effectivement des camions-citernes ce week-end. Juste quand vous dites les prochains jours : les professionnels de la filière il y a quelques instants disaient 10 jours avant le retour à la normale. 10 jours, c'est très long. C'est un ordre de grandeur qui vous paraît cohérent ?
CLÉMENT BEAUNE
On essaie de faire plus vite que cela. Le retour à la normale, ça voudrait dire plus de perturbations. Mais entre la situation qu'on vit aujourd'hui, vous l'avez rappelé, où 15% des stations-service sont aujourd'hui en difficulté - c'est important - et un retour à 100%, il peut va y avoir une marge, et évidemment on essaie d'améliorer jour après jour les choses à partir de ce week-end.
ADRIEN GINDRE
Alors venons-en aux questions de sobriété énergétique, le plan qui a été présenté hier par le gouvernement. Il y a un volet qui vous concerne tout particulièrement, c'est celui de du covoiturage avec l'annonce d'un bonus pour ceux qui vont covoiturer à l'avenir. Mais de combien sera ce bonus ?
CLÉMENT BEAUNE
Alors des ordres de grandeur ont circulé autour de 100 euros, ce sera sans doute l'ordre de grandeur. On définit ça d'ici la fin de l'année. Pourquoi ? Parce que l'incitation financière, vous avez raison, c'est très important. Le covoiturage, j'insiste pour tous ceux qui peuvent se poser la question ou qui y ont eu recours de temps en temps mais pas tous les jours, pour leur trajet entre le domicile-travail, c'est en soi une source d'économies très importante.
ADRIEN GINDRE
Oui mais l'économie, c'est ce que l'on réalise par semaine. Là ce que vous dites, c'est qu'il y aura un bonus en plus mais qui n'est pas décidé. Le montant n'est pas décidé.
CLÉMENT BEAUNE
Alors il y a des chiffres, vous l'avez dit, ces derniers jours qui ont circulé autour de 100 euros. C'est l'ordre de grandeur.
ADRIEN GINDRE
Oui, mais est-ce que vous confirmez ?
CLÉMENT BEAUNE
Je confirme cet ordre de grandeur et je vous dis que nous avons une discussion avec les ministères concernés, avec les entreprises concernées pour définir cela d'ici la fin de l'année.
ADRIEN GINDRE
Mais pourquoi pas avant, pardon ? Parce que la sobriété pour beaucoup de mesures, ça rentre en vigueur dès aujourd'hui.
CLÉMENT BEAUNE
Oui.
ADRIEN GINDRE
Le plan a été présenté hier, il y a des décrets qui paraissent. Pourquoi pour le covoiturage on attend le 1er janvier 2023 ?
CLÉMENT BEAUNE
Parce que, sans rentrer dans trop de détails, c'est un sujet qui implique beaucoup d'acteurs. Comment est financé le bonus ? Comment sera financé le bonus ? C'est ce qu'on appelle un système de certificat d'énergie, sans être trop compliqué. Ça veut dire que les entreprises qui ont une activité assez polluante, ça peut être par exemple TOTAL, payent un certain nombre de mesures d'économie d'énergie à d'autres secteurs qui, eux, contribuent à la sobriété et à la transition écologique. Et donc il y a un transfert…
ADRIEN GINDRE
Il y a des mécanismes à mettre en place.
CLÉMENT BEAUNE
Voilà, exactement. Et ce mécanisme, il est en train d'être défini. Surtout ce sur quoi j'insiste, c'est qu'il y aura cette incitation financière. Elle sera importante, elle sera mise en place au 1er janvier prochain. C'est important, chacun peut le savoir déjà, et nous aurons d'autres mesures dans ce plan.
ADRIEN GINDRE
Juste sur le bonus, il suffira de s'inscrire sur une plateforme de covoiturage ou vous contrôlerez l'utilisation effective du covoiturage au quotidien ?
CLÉMENT BEAUNE
Alors l'idée, c'est que ça soit le plus simple possible. C'est ça qu'on est en train de définir. Donc un montant clair qui sera important ; quand vous inscrirez sur la plateforme de covoiturage, vous aurez rapidement une partie de ce soutien financier, de ce chèque en quelque sorte qui vient de la plateforme elle-même. On connaît quelques grandes entreprises, Blablacar et d'autres. Et avec l'usage, pour vérifier quand même que vous recourez vraiment au covoiturage, au bout de X trajets – probablement une dizaine - vous aurez le complément de soutien financier pour vérifier que ce n'est pas simplement une inscription artificielle, bidon, mais que c'est vraiment un usage. Et surtout là où j'insiste, c'est qu'aujourd'hui on n'est pas mauvais en France sur le covoiturage chez les jeunes notamment pour la longue distance. On prend parfois un covoiturage pour un long voyage ou partir en vacances. On le fait très, très peu, c'est 1 % des trajets de voiture, pour le quotidien.
ADRIEN GINDRE
Pour aller au travail par exemple.
CLÉMENT BEAUNE
Pour le travail simple. Et donc l'idée, c'est aussi que cette aide financière soit ciblée sur principalement ces trajets domicile-travail dans les semaines qui viennent.
ADRIEN GINDRE
C'est très important de le préciser également.
CLÉMENT BEAUNE
J'insiste parce que c'est important, il y aura d'autres mesures dans ce plan.
ADRIEN GINDRE
Alors il y a par exemple une mesure, si vous me permettez, qui concerne la vitesse des agents sur les routes. Les agents de l'administration, ça concerne l'État, qui dans leur voiture de service devront se limiter à 110 kilomètres à l'heure. Alors sur le principe on se dit : très bien, on voit que ça fait de la sobriété mais ça concerne qui ? Ça représente combien de personnes et ça fait quel gain à la fin ?
CLÉMENT BEAUNE
Quand vous réduisez votre vitesse en général, c'est un gain important évidemment pour le climat. Parce que ça peut paraître pas évident, mais quand vous réduisez la vitesse, vous émettez moins en réalité et quand vous réduisez votre vitesse vous consommez moins aussi. Donc c'est à la fois bon pour le climat et bon pour le pouvoir d'achat. L'État en tant qu'employeur de 5 millions de personnes si je prends toute la Fonction publique y compris les collectivités - en tout cas pour l'État, c'est près de 2 millions de personnes – incite ses agents, demande à ses agents de faire pour ces trajets cet effort-là.
ADRIEN GINDRE
Mais il y a beaucoup de fonctionnaires qui prennent l'autoroute tous les jours, pardon ? Parce que, ignorance totale de ma part, je dois le reconnaître, quand on voit la mesure on se dit : c'est un joli symbole mais est-ce que c'est vraiment efficace ? Est-ce que ça va massivement vous permettre de réduire la consommation d'énergie ?
CLÉMENT BEAUNE
Deux choses là-dessus Adrien GINDRE. Ce sont des centaines de milliers de trajets chaque année. Je prends un exemple dans mon ministère : beaucoup d'agents assurent notre sécurité sur les routes. Ils sont plus de 10 000 tous les jours partout en France. On a peut-être parfois une vision à Paris mais partout en France. Et ils font des trajets qui sont souvent importants parce qu'ils interviennent sur des routes, sur des centres techniques et on habite rarement à proximité de ces zones qui sont en plein milieu d'une autoroute ou d'une route nationale. Donc c'est des gens typiquement, il y en a des centaines de milliers en France, des fonctionnaires de l'État local ou des collectivités locales qui font des trajets importants. Et puis par ailleurs, ce n'est pas seulement… Là l'État donne l'exemple avec ses propres agents, nous incitons tous les employeurs publics à faire cet effort, mais c'est un message, une recommandation - pas une obligation, une recommandation - que je fais aussi aux Français.
ADRIEN GINDRE
Et pourquoi une recommandation et pas une obligation ? Parce que la vitesse sur les routes, c'est une décision d'État.
CLÉMENT BEAUNE
Bien sûr.
ADRIEN GINDRE
La vitesse sur l'autoroute, elle est limitée à 130. Pourquoi ne pas dire : elle est désormais limitée à 110 ?
CLÉMENT BEAUNE
Elle est à 130 de longue date pour des raisons notamment de Sécurité routière. Là, la philosophie générale du plan, et on veut garder cet état d'esprit pour toutes les mesures, c'est de dire : il faut changer nos habitudes, changer nos vies. Donc il y a des incitations financières pour créer des déclics comme sur le covoiturage. Il y a des mesures de recommandations. On verra ensuite s'il faut changer d'approche mais je pense que c'est très important…
ADRIEN GINDRE
Vous avez peut-être gardé un mauvais souvenir des 80 kilomètres à l'heure d'Édouard PHILIPPE aussi.
CLÉMENT BEAUNE
Non mais je l'assume. Pourquoi ça n'a pas marché sur des mesures type taxe carbone pour les Gilets jaunes ? Pourquoi ça n'a pas été compris pour les 80 kilomètres/heure ? Parce que beaucoup de Français se sont dits : on ne comprend pas pourquoi une contrainte nous tombe dessus. Et donc dans ces cas-là on peut s'enfermer et on peut aussi essayer de réfléchir. Quand il y a un effort de mobilisation générale comme l'a dit le président de la République pour la sobriété, la Première ministre a rappelé que ce n'était pas juste pour cet hiver, c'est un changement de culture profond. On a besoin que ça rentre dans nos vies et c'est le pari que l'on fait, mais je crois qu'il sera réussi. On voit bien que les Français ont conscience de cette gravité climatique. C'est dire quelle est la boîte à outils pour que chacun fasse un effort.
ADRIEN GINDRE
C'est de la responsabilité de chacun.
CLÉMENT BEAUNE
Et la baisse de la vitesse, ce n'est pas négligeable. Si vous baissez de 20 kilomètres/heure votre vitesse sur autoroute, c'est 20 % d'économie de carburant donc chacun peut y réfléchir. Après il y a des situations difficiles. Quand on est parfois en contrainte domicile-travail et un peu pressé, évidemment on respecte la limite de vitesse mais on ne réduit peut-être pas sa vitesse. Quand on a un peu plus de temps et qu'on peut gagner 3 ou 4 minutes sans problème, on peut réduire sa vitesse et ce n'est pas difficile.
ADRIEN GINDRE
Est-ce que cette sobriété elle s'appliquera au gouvernement ? Est-ce que vous roulerez moins vite, voire est-ce que vous roulerez tous à l'électrique pour moins polluer aussi, moins utiliser d'énergies fossiles ? Parce qu'aujourd'hui, sauf erreur de ma part, tout le parc gouvernemental n'est pas électrique.
CLÉMENT BEAUNE
Alors c'est vrai, tout le parc n'est pas électrique comme le parc national parce qu'il y a une transformation progressive. D'abord il y a une filière de production qui n'est pas toujours au rendez-vous parce que c'est une transformation qui met du temps, passer tout un parc à l'électrique. L'État a été - pas ce gouvernement, depuis plusieurs années – très exemplaire. C'est l'État qui a acheté les premiers petits véhicules électriques, je ne citerai pas de marques mais beaucoup de véhicules dans les ministères sont de petites voitures 100% électriques. Il y a des voitures, parfois pour des raisons de sécurité, qui sont pour certains personnages de l'État - je pense au président de la République, à la Première ministre – blindés, donc là c'est quand même très particulier.
ADRIEN GINDRE
Et on ne sait pas faire de blindés électriques.
CLÉMENT BEAUNE
Aujourd'hui non, ça viendra peut-être mais aujourd'hui non. Et puis il y a des véhicules qui sont hybrides ; c'est mon cas par exemple. C'est une première étape, je roule dans un véhicule hybride. Et oui, je ferai attention à tout : aux questions de Sécurité routière, de vitesse et transformation progressive de notre parc automobile dans le ministère et au-delà.
ADRIEN GINDRE
Et au choix des mots aussi, non ? Parce qu'Emmanuel MACRON en 2020 ironisait sur le modèle amish qu'il ne voulait pas. Est-ce que vous pensez qu'il le referait aujourd'hui ? Est-ce que ce serait encore de bon ton ?
CLÉMENT BEAUNE
Écoutez, les circonstances sont évidemment différentes mais sur le fond de l'affaire si c'est parler de décroissance, ça ne reste toujours pas notre ligne.
ADRIEN GINDRE
Mais vous parlez de sobriété.
CLÉMENT BEAUNE
Oui, on parle de sobriété. D'abord il y a une situation internationale qui a changé, il y a un hiver qui est difficile, il y a une urgence climatique qui était là mais qui est encore plus visible pour toute la société. Et au-delà d'un mot que vous rappelez, amish, il y a toujours eu un discours qui a été très clair sur la transition écologique en France, dans le gouvernement. Je rappelle qu'on a quand même divisé par deux le montant des émissions sur le quinquennat précédent, ça ne s'est pas fait par l'opération du Saint-Esprit : ça s'est fait par une politique volontariste. J'étais en charge, vous l'avez rappelé, des Affaires européennes : on est le pays en Europe qui s'est battu pour qu'on ait tous l'engagement obligatoire d'être neutre en carbone en 2050 dans l'Union européenne.
ADRIEN GINDRE
Mais il y a quand même besoin d'accélérer aujourd'hui.
CLÉMENT BEAUNE
Il y a besoin d'accélérer bien sûr. La sobriété, on n'en parlait peut-être pas il y a quelques mois. On a tous pris conscience, notamment dans le contexte international, qu'on devait faire des efforts supplémentaires.
ADRIEN GINDRE
Alors un point encore qui vous concerne. Il y a un décret pour le coup - quand je disais qu'il y a des mesures qui entrent en vigueur aujourd'hui - qui concerne les publicités lumineuses. Elles sont désormais interdites entre une heure et 6 heures du matin. Si j'ai correctement lu le décret, ça vaut partout en France à l'exception des aéroports, des gares, des stations de métro. Est-ce que vous confirmez ça ? Pourquoi exempter les gares, aéroports et stations de métro de cette règle ?
CLÉMENT BEAUNE
Elles ne sont pas exemptées mais il y a deux décrets différents, vous avez raison.
ADRIEN GINDRE
Expliquez-nous.
CLÉMENT BEAUNE
Je vais essayer d'être clair. Il y a un décret qui est sorti, qui a été signé hier par le gouvernement qui régule les publicités lumineuses à l'extérieur, dans les espaces justement fermés type de gare et aéroport ou station de métro. Donc là la publicité lumineuse entre une heure et 6 heures du matin, c'est acté, sera interdite.
ADRIEN GINDRE
Dès aujourd'hui.
CLÉMENT BEAUNE
Dès aujourd'hui. Ensuite nous avons dit, c'est aussi en vigueur, que quand il y avait un pic de consommation, ce qu'on appelle le signal Ecowatt rouge, quand le système est en difficulté, parmi les mesures on demandera aux gares et aux aéroports à ce moment-là de mettre en veille leurs publicités lumineuses.
ADRIEN GINDRE
Donc là ce sera uniquement en cas de pic de consommation.
CLÉMENT BEAUNE
Ça, c'est c'est le cadre existant, les mesures qui ont été déjà prises. Et puis je l'ai déjà annoncé, nous travaillons avec les grands opérateurs - SNCF RATP, AEROPORTS DE PARIS et quelques autres - pour un système parce que chez eux c'est souvent centralisé. Donc pour être clair, c'est compliqué d'activer l'extinction et le rallumage facilement. Donc dans les prochains mois, nous aurons ce système qui sera mis en place de manière générale, c'est-à-dire qu'aux heures de fermeture des gares et des aéroports, on est en train d'y travailler, on aura aussi ces mesures de mise en veille des publicités lumineuses. Ça prend un peu plus de temps parce que techniquement…
ADRIEN GINDRE
C'est combien de temps ?
CLÉMENT BEAUNE
C'est quelques mois. Le système sera sans doute prêt d'ici le début de l'année 2023 et donc je le confirme...
ADRIEN GINDRE
Avant la fin de l'hiver quand même.
CLÉMENT BEAUNE
Avant la fin de l'hiver mais je le dis toujours : on ne fait pas seulement une mesure pour cet hiver, ça va au-delà, et donc les gares et les aéroports seront aussi dans un régime sobriété notamment sur les publicités lumineuses. On est en train d'y travailler.
ADRIEN GINDRE
L'un des mots d'ordre du gouvernement et on le voit dans la campagne de communication, c'est "je baisse, j'éteins, je décale." Est-ce que ça peut valoir aussi pour les trains ? Est-ce qu'on peut avoir un "je décale", c'est-à-dire on change l'horaire de certains trains pour préserver la consommation ? Est-ce qu'on peut avoir un "j'éteins", c'est-à-dire on annule des trains pour préserver la consommation ?
CLÉMENT BEAUNE
Je vais être très clair là-dessus. Le plan de sobriété il a été présenté hier, j'ai présenté la partie concernant les transports, il ne prévoit pas de suppressions de trains, de baisse de l'offre de transport public, de ralentissement de nos métros, de nos trains, de nos bus etc Non, il ne prévoit pas cela. Le seul cas dans lequel il peut y avoir, mais c'était le cas avant le plan de sobriété, des annulations de transport, c'est quand vous avez un accident très important. Ça peut être un accident de sécurité, ça peut être une très forte canicule si vraiment elle empêche le réseau de circuler, de fonctionner, ça peut être un problème d'approvisionnement énergétique. En dehors de ces circonstances exceptionnelles, au titre de la sobriété nous ne demandons pas à la SNCF, à la RATP à d'autres opérateurs publics partout en France, de réduire l'offre de transport public. Ce serait paradoxal parce qu'on s'inscrit dans la durée. La transition écologique c'est plus de trains, c'est plus de transport public, c'est plus de transport vert dont ils font partie.
ADRIEN GINDRE
Mais vous demandez une conduite différente. Vous serez tout à l'heure à la gare Montparnasse précisément sur ces questions de dire : il faut conduire différemment.
CLÉMENT BEAUNE
Exactement mais c'est deux choses différentes. J'irai dans un instant avec Olivier VERAN à la gare Montparnasse pour voir le système très innovant qu'a mis en place la SNCF comme la RATP pour ce qu'on appelle l'éco-conduite. C'est-à-dire à vitesse égale, en ayant des pics de vitesse plus ou moins forts, vous pouvez réduire la consommation d'énergie.
ADRIEN GINDRE
Et même en accélérant moins, en freinant moins, on ne perd pas en vitesse commerciale ? La moyenne reste la même.
CLÉMENT BEAUNE
On peut faire de l'éco-conduite, c'est-à-dire qu'on peut avec une vitesse moyenne identique faire des économies d'énergie. Et je ne demande pas à la SNCF et à la RATP de ralentir de manière générale les trains encore une fois parce qu'on ne peut pas faire la transition écologique sans le ferroviaire, et donc ce serait un signal contradictoire.
ADRIEN GINDRE
Alors la SNCF cela dit a d'ores et déjà chiffré ce que pourrait lui coûter la hausse des prix de l'énergie. Son patron a dit 1,6, 1,7 milliard, vous avez déjà eu l'occasion de dire que ce serait peut-être un peu moins parce que l'estimation était haute, mais il y aura quand même hausse des prix pour la SNCF. Est-ce que de se fait les hausses de prix des billets sont exclues aujourd'hui ? Est-ce que vous vous avez eu la garantie de la SNCF que la hausse des prix de l'énergie ne voudrait pas dire hausse des prix des billets ?
CLÉMENT BEAUNE
Non, il n'y a pas ce signe égal entre hausse des prix de l'énergie et hausse des prix des billets. C'est très important. Nous avons une discussion avec la SNCF pour chiffrer d'abord la facture énergétique. Nous avons pris des mesures supplémentaires, Bruno LE MAIRE les a annoncées cette semaine, pour plafonner en quelque sorte une rente que se constitueraient certains producteurs… Ça va avoir un effet fait certainement sur les consommateurs finaux, y compris les grandes entreprises, y compris la SNCF. Je rappelle que c'est 2 % de la consommation énergétique de notre pays à elle seule. Donc il n'y a pas de lien direct mais nous avons une discussion avec la SNCF sur les tarifications. Ça dépend de l'entreprise elle-même.
ADRIEN GINDRE
Donc il n'y a pas aujourd'hui d'engagement formel qu'il n'y aura aucune hausse de prix.
CLÉMENT BEAUNE
Il n'y a pas que ce facteur énergétique. Je ne peux pas vous dire que les prix des billets pour les 5 prochaines années seront les mêmes. On a vu cet été : quand il y a plus de demande, les prix des billets augmentent. Moi ma préoccupation, ce n'est pas de fixer chaque tarif de la SNCF, ce ne serait pas mon boulot de ministre des Transports, c'est de faire en sorte que pour ce qu'on appelle les tarifs sociaux : les ménages les plus en difficulté, pour les jeunes : pour les gens qui prennent souvent le train pas seulement le TGV mais trains du quotidien avec les régions, nous ayons les offres qui pour les gens qui ont le plus besoin du train soient les plus favorables et compétitives possible. Donc ce n'est pas un sujet général, je ne dis pas qu'il y aura une hausse générale des tarifs, ce n'est pas ce qui est prévu. Mais nous aurons cette discussion pour que ceux qui ont le plus besoin du train aient des tarifs compétitifs et des abonnements publics qui ne soient pas trop chers. Je fais appel aussi aux régions parce que c'est aussi à chacune des régions de prendre ses responsabilités sur les tarifs qui sont pratiqués chaque jour.
ADRIEN GINDRE
Alors les régions, elles s'interrogent aussi parfois sur la construction de nouvelles lignes de train ou la remise en service d'anciennes lignes qui avaient été abandonnées. Hier soir dans le journal de 20 heures de TF1, il y avait un reportage de Mathieu DESMOULINS sur un exemple en Normandie avec des lignes qui pourraient être construites ou reconstruites. Louviers-Rouen, ça coûte 100 millions d'euros, Honfleur-Glos, ça coûte 300 millions d'euros. Il y a une problématique qui se pose. Est-ce qu'il faut, est-ce que vous encouragez les acteurs publics ? Est-ce que l'État financera des lignes qui risquent de ne pas être rentables mais qui peuvent être une alternative ? Parce qu'au fond dans nos régions, c'est aussi une des questions qui se posent. On ne va pas forcément remplir comme un TGV Paris-Lyon les lignes dans ce type de contrées.
CLÉMENT BEAUNE
Mais je vais être très franc, la plupart des lignes ferroviaires ne sont pas rentables parce que c'est un service public. Et heureusement qu'on ne ferme pas toutes les lignes qui ne sont pas rentables d'un pur point de vue financier, sinon on casserait notre service public ferroviaire. Le TGV n'est pas subventionné, c'est aussi pour ça qu'il est un peu plus cher. Mais ayons en tête que si on subventionnait en plus le TGV, on aurait moins d'argent pour les lignes du quotidien. Donc la priorité de l'État c'est précisément ces transports du quotidien. Il faut regarder au cas par cas mais nous aurons avec chaque région au premier semestre 2023 un contrat entre l'État et les régions sur 7 ans pour définir les lignes ferroviaires qui sont financées, soutenues par l'État et la région et donc il y aura beaucoup de ce qu'on appelle des petites lignes…
ADRIEN GINDRE
C'est à ce moment-là qu'on le saura.
CLÉMENT BEAUNE
Oui mais il y a déjà eu - c'est ce qu'avait décidé Jean CASTEX comme Premier ministre - un réengagement de l'État sur 6 000 kilomètres de petites lignes qui étaient laissées à l'abandon et qui sont progressivement soit mieux entretenues soit carrément rouvertes. Donc on fait plus de ferroviaire dans les années qui viennent.
ADRIEN GINDRE
Il y a aussi des difficultés de recrutement du côté des chauffeurs de bus, en particulier en Ile-de-France mais pas que. Il y a les cars scolaires, les transports collectifs. À qui la faute ? Qui a les cartes en main pour régler cette situation et faire en sorte que les transports fonctionnent normalement ?
CLÉMENT BEAUNE
Ce n'est pas une question de faute mais la responsabilité de l'organisation des transports du quotidien, donc dans les agglomérations – bus, métro ou tramway selon les cas - ce sont les régions où les grandes agglomérations. En général les régions, c'est le cas en Ile-de-France. Donc c'est leur responsabilité de faire en sorte qu'il y ait des chauffeurs etc
ADRIEN GINDRE
Donc c'est à elles, peut-être quoi ? De mieux de mieux payer les chauffeurs pour en trouver ?
CLÉMENT BEAUNE
On voit en Ile-de-France ce qui s'est passé par exemple. Après un peu de pression, Valérie PÉCRESSE s'est saisie du sujet et a dit : il y aura une prime pour recruter de nouveaux chauffeurs.
ADRIEN GINDRE
Vous l'avez vue cette semaine d'ailleurs.
CLÉMENT BEAUNE
Je l'ai vu cette semaine, on en a discuté. L'État est prêt à accompagner mais c'est la région qui a la responsabilité. Nous sommes actionnaires, l'État, à 100% de sociétés publiques comme la SNCF ou comme la RATP. Et donc nous faisons en sorte aussi qu'elles puissent recruter mieux. Ça veut dire accélérer les formations, ça veut dire abaisser l'âge du permis de conduire pour les chauffeurs de cars ou de bus. C'est ce que nous avons fait. Donc nous sommes une partie de la solution, il faut que les régions y compris financièrement mettent les moyens nécessaires pour recruter notamment.
ADRIEN GINDRE
Deux petites questions très rapides pour terminer en un mot, Clément BEAUNE, sur le budget qui va aussi occuper le gouvernement cet automne. Nicolas SARKOZY, l'ancien président, cette semaine a expliqué de son point de vue : si le gouvernement utilisait le 49-3, c'était une preuve de faiblesse. Il a rappelé que lui ne l'avait jamais utilisé. Qu'est-ce que vous lui répondez ?
CLÉMENT BEAUNE
On préfère toujours ne pas utiliser le 49-3 parce que ça veut dire qu'on aurait trouvé un accord. Mais la Constitution prévoit que la France ait un budget chaque année et qu'il y ait les outils nécessaires pour le faire.
ADRIEN GINDRE
Donc vous n'y voyez pas de faiblesse.
CLÉMENT BEAUNE
Je n'y pas de faiblesse parce que la faiblesse ce serait de ne pas avoir de budget. C'est impensable. Et donc travaillons et puis nous verrons ensuite les solutions, mais il est clair que la France aura le 1er janvier 2023 un budget.
ADRIEN GINDRE
Et un dernier mot. Dans ce budget il y a aussi la question de ce qu'on fait par exemple sur les jets privés commerciaux. Est-ce qu'on les taxe différemment ? Quel est votre point de vue ? Est-ce que s'il y a des amendements en ce sens vous les soutiendrez dans les discussions ?
CLÉMENT BEAUNE
Il y a un amendement qui a été déposé par une large partie de députés de la majorité hier. Et donc oui, je pense que le gouvernement soutiendra. C'est un rééquilibrage parce que le paradoxe, c'est que les jets privés sont aujourd'hui moins taxés que la voiture par exemple mais aussi que les avions de tourisme des petits aéro-clubs. Donc cette justice fiscale que j'ai soutenue et que la majorité semble proposer, je pense que ce serait une bonne chose.
ADRIEN GINDRE
Merci beaucoup, Clément BEAUNE, d'avoir été notre invité.
CLÉMENT BEAUNE
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 octobre 2022