Texte intégral
JEFF WITTENBERG
Bonjour à tous, bonjour Stanislas GUERINI.
STANISLAS GUERINI
Bonjour.
JEFF WITTENBERG
On parle beaucoup du plan de sobriété énergétique, et vous, à la tête de la fonction publique, vous voulez en quelque sorte donner l'exemple, alors il y a un certain nombre de mesures, mais il y en a une notamment qui a frappé les esprits, c'est que vous allez supprimer l'eau chaude dans les administrations, il faudra désormais se laver les mains à l'eau froide lorsqu'on est dans des bureaux de la fonction publique, est-ce que c'est une mesure symbolique ou est-ce que ça représente quand même une grosse économie ?
STANISLAS GUERINI
Non, d'abord c'est impactant, c'est 10 % de la consommation du budget chauffage dans un bâtiment public, donc ce n'est pas du tout une mesure symbolique, et c'est une mesure qui a un effet très rapide, parce que ce n'est pas très difficile de débrancher une résistance électrique dans un ballon d'eau-chaude. J'en profite pour préciser que, évidemment, quand il y a des conditions de service qui nécessitent qu'on prenne des douches, par exemple, on ne va évidemment pas enlever l'eau chaude. Mais c'est vrai, moi je voulais que la fonction publique elle soit exemplaire, parce que je crois que c'est une condition pour ensuite pouvoir convaincre, demander à l'ensemble de nos concitoyens, de faire des efforts, et donc nous avons pris un certain nombre de décisions pour que l'ensemble des agents de la fonction publique soit en pointe de cet effort de sobriété énergétique.
JEFF WITTENBERG
Cette mesure, qui en finit avec l'eau chaude, elle débute maintenant ?
STANISLAS GUERINI
Oui, bien sûr.
JEFF WITTENBERG
Et la température à 19 degrés, ça ce sera l'hiver, puisqu'il fait parfois meilleur encore aujourd'hui, mais est-ce qu'elle va s'appliquer partout et tout le temps, c'est-à-dire si par exemple il y a des pénuries d'énergie encore plus fortes est-ce qu'on pourra aller en dessous de 19 degrés ?
STANISLAS GUERINI
Effectivement, d'abord 19 degrés c'est la loi, il s'avère que jusqu'à présent beaucoup d'entreprises, mais y compris de bâtiments publics, ne respectaient pas forcément la loi, donc on va se placer à ce niveau-là, c'est l'évidence, et puis il y a des jours où cet hiver, je crois qu'on en prendra tous l'habitude, il y aura ces jours EcoWatt rouge, c'est des jours où, parce que les températures seront particulièrement froides, notre réseau sera en tension, par exemple en approvisionnement en matière d'électricité, eh bien ces jours-ci moi je demanderai de faire un effort supplémentaire, de se placer à 18 degrés, parce que je crois effectivement que ça a des conséquences, c'est 10 % de réduction supplémentaire en matière de consommation énergétique, et donc cet effort-là, je sais que c'est évidemment par toujours facile, mais c'est là aussi très impactant, je pense qu'on doit montrer l'exemple, je veux une fonction publique qui soit absolument exemplaire, seulement…
JEFF WITTENBERG
18 degrés, on ne descendra pas plus bas ?
STANISLAS GUERINI
Pour les jours effectivement où notre réseau électrique serait en tension.
JEFF WITTENBERG
Mais il faut s'y préparer en tout cas. Est-ce que ça concerne aussi les établissements scolaires, on entendait un sujet ce matin…
STANISLAS GUERINI
Non, tous les bâtiments administratifs, mais pas les bâtiments médico-sociaux, les bâtiments en matière d'accueil d'enfants, etc., je ne demanderai pas d'effort particulier ou supplémentaire sur ces bâtiments-là, c'est l'évidence.
JEFF WITTENBERG
Il y aura une différence, c'est quand même très important pour les parents…
STANISLAS GUERINI
Bien sûr.
JEFF WITTENBERG
Entre les maternelles et les crèches qui seront à 22 degrés, si on a bien compris, mais les écoles pourront elles aussi, devront s'assujettir à ces 19 degrés ?
STANISLAS GUERINI
19 degrés c'est une règle qui est une règle généraliste, ensuite cet effort supplémentaire-là c'est pour les bâtiments administratifs, précisant évidemment qu'on pourra adapter sa tenue vestimentaire, faire le choix de mettre un pull si on veut mettre un pull, voyez, c'est aussi des comportements, c'est des changements qu'il faut adapter, je crois que c'est une condition pour entraîner le changement dans notre société, et puis il faut préciser qu'évidemment ce sont des mesures qui concernent là le court terme, l'hiver, parce qu'il y a cette problématique d'approvisionnement, mais on va enclencher des comportements qui sont la première brique, en réalité, de la planification écologique pour bâtir une société décarbonée.
JEFF WITTENBERG
Alors, parmi les comportements et les habitudes vous voulez instaurer davantage de télétravail et ça, ça ne passe pas bien dans les premières réactions, en tout cas auprès des syndicats, puisque vous augmentez la prime de télétravail qui va passer à 2,88 euros par jour, c'est une augmentation de 15%, néanmoins vous voulez que tout le monde se mette un peu en télétravail en même temps pour que les bâtiments cessent d'être chauffés, je le dis toujours, dans la fonction publique, et ça par exemple la CGT parle de télétravail obligatoire, elle n'en veut pas.
STANISLAS GUERINI
Non, ça ne sera jamais du télétravail obligatoire, voilà, je veux être très clair avec vous ce matin. Effectivement le télétravail ça a un intérêt, mais ça je crois que chacun peut le comprendre, si ça permet de pouvoir moins chauffer un bâtiment public, parce que si on chauffe à la fois le bâtiment et que les différents agents qui travaillent chez eux chauffent leurs différentes maisons ou appartements, il y a évidemment peu d'impact en matière de sobriété énergétique.
JEFF WITTENBERG
Donc il faut que tout le monde s'y mette en même temps.
STANISLAS GUERINI
Donc la question du télétravail elle est profondément liée à celle de l'organisation du travail, et moi ce que j'ai décidé, justement en parlant avec les organisations syndicales, c'est de ne pas imposer un plan de télétravail d'en haut, où on va demander à tous les services d'organiser de la même façon, le même jour, etc., donc cette question-là elle sera discutée dans chacun des services administratifs, avec un dialogue social au plus près du terrain…
JEFF WITTENBERG
Il n'y aura jamais de contraintes, vous le dites ?
STANISLAS GUERINI
Je vous le dis très clairement ce matin, je n'impose pas un télétravail pour tout le monde de la même façon, je suscite le dialogue social pour qu'on puisse organiser, là aussi le plus intelligemment, les choses, et vous l'avez rappelé, j'accompagne les agents, parce que moi je souhaite que cette sobriété elle ne se fasse pas au détriment des agents publics, et donc comme l'énergie va augmenter de 15%, l'électricité, l'année prochaine, j'augmente l'indemnité de télétravail de 15% également, c'est une mesure qui était demandée, j'y ai donné suite.
JEFF WITTENBERG
Vous comptez sur le civisme et le respect des règles, là on voit le clip du gouvernement qui incite donc à la sobriété, et vous voulez que la fonction publique soit exemplaire, mais est-ce que ce n'est pas aussi un changement de mentalité qui doit s'opérer, est-ce que vous allez, par exemple, organiser des formations pour les cadres, pour que cet état d'esprit anti gaspillage s'installe dans les esprits ?
STANISLAS GUERINI
Là vous avez tout à fait raison, ce qu'on va obtenir dans le plan de sobriété il faut ne plus jamais revenir en arrière après, et donc ça passe par la formation notamment. Moi je vous annonce que nous allons lancer le plus grand plan de formation à la transition écologique qui n'est jamais existé dans la fonction publique, je le lancerai mardi prochain, nous allons former les 25.000 cadres de la fonction publique, c'est-à-dire ceux qui ont le plus de leviers à travers leur décision, des chefs de service, des patrons et des patronnes d'administration, des directions de cabinet, des magistrats, des patrons d'autorité régionale de santé…
JEFF WITTENBERG
Les former à quoi ?
STANISLAS GUERINI
Tout le monde, à la transition écologique, pour à la fois que chacun soit conscient des grands enjeux de ce que nous dit le GIEC, mais surtout que ce plan de formation ce soit une occasion de pouvoir, par le terrain, nourrir nos plans d'action, et donc on consacrera une journée et demie pour chacun de ces hauts fonctionnaires a effectivement à la fois les sensibiliser sur les enjeux, mais surtout à se dire qu'est-ce qu'on fait, parce que maintenant on y va, on accélère, on rénove les bâtiments, on change les chaudières, on rénove le parc de véhicules automobiles, et on va leur donner les clés pour pouvoir le faire.
JEFF WITTENBERG
Et ce sera, à terme, tous les fonctionnaires qui auront cette formation ?
STANISLAS GUERINI
Oui, bien sûr. Moi je crois que c'était important là aussi de commencer par celles et ceux qui, dans la fonction publique, ont le plus de leviers en matière de décision, et ensuite cette formation on va évidemment continuer à la déployer.
JEFF WITTENBERG
Stanislas GUERINI, il nous reste trois minutes, on va parler de la réforme des retraites qui va rentrer dans le vif du sujet, elle doit être mise en place cet hiver, les concertations vont débuter, il y a une question qui se pose très nettement pour les fonctionnaires qui, on le sait, voient leur retraite calculée sur les six derniers mois de leur activité, contrairement au secteur privé qui a les 25 dernières années. Est-ce que ça, ça va changer, puisque c'est considéré, pour certains, c'est comme un privilège ?
STANISLAS GUERINI
Alors ça on va le garder, mais je veux tordre le cou à une idée, parce qu'on entend souvent cette histoire des six derniers mois pour les fonctionnaires, qui est une grande différence par rapport aux 25 dernières années dans le secteur privé. Il y a une autre différence, dont on ne parle jamais, c'est que l'assiette de cotisations des fonctionnaires elle ne prend pas en compte leurs primes, ça c'est une grande différence avec le secteur privé, donc en réalité moi j'en ai un peu marre qu'on oppose, d'une certaine façon, les fonctionnaires comme s'ils étaient privilégiés, ce n'est pas le cas, quand vous prenez le taux de couverture, c'est-à-dire l'effort fait par les fonctionnaires comme cotisations et ensuite ce que ça leur donne comme retraite, eh bien on a exactement la même chose entre la fonction publique et le secteur privé, donc ça on n'a pas décidé de le changer, ce que nous allons faire c'est appliquer, s'il y a une augmentation de la durée du départ à la retraite, on fera de façon symétrique pour les fonctionnaires, c'est ça les discussions…
JEFF WITTENBERG
Mais les agents de la fonction publique travailleront eux aussi plus longtemps si votre réforme arrive au bout.
STANISLAS GUERINI
Oui, vous savez que c'est une partie de la réforme, mais effectivement ça a vocation à s'appliquer de façon symétrique aussi à la fonction publique.
JEFF WITTENBERG
Sur le but de cette réforme, on se perd un petit peu entre les déclarations de Gabriel ATTAL qui dit que cette réforme permettra de financer notamment l'Éducation, de recruter des policiers, et Olivier DUSSOPT, le ministre du Travail, qui dit, pas un euro des nouvelles cotisations ira ailleurs que sur le paiement des retraites, quelle est la réalité ?
STANISLAS GUERINI
Non, en réalité ils disent, pas des choses différentes l'un et l'autre, notre volonté c'est que le travail, dans notre pays, soit plus présent, le volume de travail soit plus présent, et donc quand on réforme les retraites on agit aussi sur le marché du travail, et donc ça permet de conforter notre modèle social, ça permet effectivement, il faut l'assumer, de pouvoir financer des progrès, parce que nous avons beaucoup d'enjeux, nous avons beaucoup parlé de transition écologique, il y a des enjeux concernant la transition démographique aussi, le financement du grand âge, et donc on a besoin que le volume de travail soit plus important, c'est ça le projet de société que nous portons.
JEFF WITTENBERG
Toute dernière question, réponse rapide s'il vous plaît Stanislas GUERINI, deux personnalités très proches du pouvoir ont été mises, l'une d'entre elles, Alexis KOHLER, le secrétaire général de l'Élysée, le bras droit d'Emmanuel MACRON, été mis en examen, Éric DUPOND-MORETTI, le ministre de la Justice, est renvoyé devant la Cour de justice, comment expliquez-vous que ces personnalités restent en place ? Juste, rappelons qu'en 2017 Emmanuel MACRON disait qu'un ministre mis en examen doit démissionner.
STANISLAS GUERINI
Eh bien écoutez, vous m'avez demandé de répondre rapidement, je vais le faire de façon extrêmement simple. Il y a dans notre pays ce que nous appelons la présomption d'innocence, c'est le fondement de notre droit, c'est aussi un des fondements de notre démocratie, et je crois qu'il faut absolument le respecter. La seule question…
JEFF WITTENBERG
Mais Emmanuel MACRON a changé d'avis, vous l'admettez ?
STANISLAS GUERINI
Qui vaudrait d'une certaine façon, c'est est-ce que le ministre en l'occurrence, ces personnalités, le secrétaire général du gouvernement, seraient empêchés dans leurs fonctions, ce n'est absolument pas le cas, je crois que leur action quotidienne le démontre, c'est ça qui compte, mais attention je crois qu'il faut protéger aussi notre démocratie et donc la présomption d'innocence.
JEFF WITTENBERG
Merci Stanislas GUERINI.
STANISLAS GUERINI
Merci à vous.
JEFF WITTENBERG
Ministre de la Transformation et de la Fonction publiques.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 octobre 2022