Interview de M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du Renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement, à RTL le 11 octobre 2022, sur la pénurie de carburants dans les stations-services, la grève dans les raffineries et les prix des carburants.

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Média : RTL

Texte intégral

AMANDINE BÉGOT
Olivier VÉRAN, il y a 6 jours, vous nous disiez ceci :

OLIVIER VÉRAN (IL Y A 6 JOURS)
Les stations sont victimes de leur succès, puisque la baisse des prix est telle à la pompe, et c'était une demande des Français, qu'il peut y avoir des tensions sur la disponibilité d'un ou plusieurs carburants dans les stations, mais il n'y a pas de pénurie. Ça, c'est un point qui est important.

AMANDINE BÉGOT
Pas de pénurie, il y a 6 jours, vous confirmez, c'était le cas ?

OLIVIER VÉRAN
Ah, il n'y a toujours pas de pénurie, de fait, vous avez un grand nombre de stations-services qui aujourd'hui connaissent des pénuries sur un ou plusieurs carburants, parce que la grève a duré, elle dure trop longtemps, et qu'elle a des conséquences, alors, il y a même des territoires en France dans lesquels les centrales, les centres de dépôt fonctionnent normalement, mais il y a un tel afflux aujourd'hui de consommation, que ça crée aussi des situations de tension, je suis totalement du côté des Français, des automobilistes qui nous écoutent ce matin, enfin, ceux qui ont pu prendre leur voiture pour emmener leurs enfants à l'école tout à l'heure ou aller au travail. Et je leur dis ceci : le gouvernement appelle à ce que la totalité des blocages soient levées sans délai. Sans quoi, nous prendrons nos responsabilités, c'est-à-dire que nous pourrions être amenés à les lever.

AMANDINE BÉGOT
Ça veut dire quoi, c'est un ultimatum que vous lancez ce matin aux syndicats ?

OLIVIER VÉRAN
Ça veut dire d'abord qu'il y a deux situations différentes dans deux entreprises, chez EXXON, le dialogue social a payé, un accord majoritaire a été trouvé entre les syndicats et le patronat, et donc nous considérons qu'il n'y a plus aucune raison qu'il y ait le moindre blocage sur l'une des centrales de raffinerie ou des centres de dépôt d'EXXON, et nous y veillerons. Dans le cas de TOTAL, le groupe a mis sur la table l'ouverture d'un dialogue social, d'une négociation sur les salaires, les syndicats, type CFDT, se sont engagés, et ont appelé à s'inscrire dans le cadre de ce dialogue social. La CGT continue, à l'heure à laquelle je vous parle, à appeler à bloquer. Nous considérons que cela est excessif, anormal, et nous voulons…

AMANDINE BÉGOT
Irresponsable, vous dites ?

OLIVIER VÉRAN
Je ne catégoriserai pas en termes de responsabilité, mais en tout cas, excessif et anormal, puisque c'est une grève préventive alors qu'un dialogue sur les salaires va s'ouvrir, et nous appelons donc à lever là aussi les blocages.

AMANDINE BÉGOT
TOTAL a raison, la direction de TOTAL a raison de demander la levée d'abord des blocages avant de discuter, c'est ce qu'a dit la direction ?

OLIVIER VÉRAN
Le gouvernement veille et continuera de veiller à ce que les conditions du dialogue social soient respectées des deux côtés, c'est-à-dire que les choses puissent avancer, il faut qu'on s'en tire par le haut, encore une fois, et nous voulons que ça aille vite, quand je dis sans délai, c'est très vite, nous regardons heure par heure, et nous nous réservons la possibilité d'intervenir, si nous devions constater que la situation restait ou redevenait une situation bloquée, il y a eu des avancées importantes hier, qui justifient que nous puissions nous donner le temps de regarder cela.

AMANDINE BÉGOT
Mais c'est quoi temps, si aujourd'hui, les grèves, la grève n'est pas levée, les barrages ne sont pas levés, vous intervenez ?

OLIVIER VÉRAN
Dans le cas d'une entreprise qui a obtenu un accord majoritaire sur les salaires, c'est le cas d'EXXON, aucune raison, aucune raison ne justifierait que les centres soient encore bloqués, alors, il faut un petit peu de temps…

AMANDINE BÉGOT
Donc chez EXXON, vous leur dites : c'est aujourd'hui ?

OLIVIER VÉRAN
Non, mais attendez, il faut un tout petit peu de temps…

AMANDINE BÉGOT
Non, mais qu'on comprenne bien…

OLIVIER VÉRAN
Pour redémarrer la machine, je vous dis qu'on regarde heure par heure. Les ministres qui sont en charge de ce dossier sont en contact permanent, d'un côté, avec les organisations syndicales, de l'autre côté, avec les groupes pétroliers, et nous regardons heure par heure comment ça évolue. Et donc nous serons capables d'ajuster les prises de décisions en fonction de ce que nous observerons.

AMANDINE BÉGOT
Intervenir, ça veut dire quoi, envoyer les forces de l'ordre réquisitionner ?

OLIVIER VÉRAN
D'abord, intervenir, pardon de le dire, c'est ce que nous faisons depuis plusieurs jours, c'est-à-dire, utiliser nos stocks stratégiques nationaux pour pouvoir ré-achalander des stations-services là où la pénurie est importante, intervenir, c'est avoir passé des accords avec nos voisins et amis belges pour que des norias de camions proviennent de Belgique, notamment à destination du Nord de Paris, puisque tout le Nord de la France connaît les plus importants désagréments, les gênes les plus pénibles, et c'est aussi multiplier les rotations de camions-citernes, et identifier partout les camions camions-citernes qui sont capables d'aller amener de l'essence des centres de dépôt vers les stations-services…

AMANDINE BÉGOT
Mais vous ne répondez pas à ma question, Olivier VÉRAN, tout ça, effectivement, ça a été fait, ça n'a arrangé les choses. La prochaine étape, c'est quoi ?

OLIVIER VÉRAN
Oui, mais enfin, pardon, ça a arrangé les choses, dans la mesure où dans certaines régions, nous avons augmenté de 50 % les livraisons, pardon de le dire, aux stations essence, et que si nous ne l'avions pas fait, et si nous ne le faisions pas, la gêne serait plus importante que ce qu'elle est aujourd'hui. Ensuite, intervenir…

AMANDINE BÉGOT
La prochaine étape donc ?

OLIVIER VÉRAN
C'est faire ce que je fais ce matin, c'est, on va dire une saine pression aussi sur les épaules de l'ensemble des acteurs, pour qu'ils entendent notre message, nous ne laisserons pas les Français être pénalisés, le blocage des raffineries, le blocage des centres de dépôt ne doit pas rimer avec le blocage de la vie de millions de Français.

AMANDINE BÉGOT
Donc on débloque comment, en envoyant les forces de l'ordre, en rationnement, en réquisitionnant, pardon ?

OLIVIER VÉRAN
Ça veut dire que vous pouvez procéder à des réquisitions si la situation devait l'exiger, c'est-à-dire débloquer, rouvrir l'accès, très concrètement aux centres de dépôt et aux raffineries, et ensuite, réquisitionner le personnel adéquat pour pouvoir permettre à la situation de se normaliser.

AMANDINE BÉGOT
Ça, c'est un ultimatum qui est donc lancé aux syndicats. A la direction de TOTAL, sur la direction de TOTAL, vous pouvez faire pression aussi ?

OLIVIER VÉRAN
Mais la logique n'est pas une logique de faire pression, la logique est d'expliquer les choses et la réalité, la réalité, c'est que vous avez des millions de Français qui attendent de nous que nous puissions les aider à retrouver un fonctionnement le plus normal possible dans leur quotidien, et que nous nous engageons résolument à le faire.

AMANDINE BÉGOT
Même si la grève prenait fin aujourd'hui, on le sait, il faudra au moins une semaine, voire dix jours, avant que les choses ne rentrent dans l'ordre, et en attendant, vous les évoquez, ces millions de Français qui ont fait des heures de queue parfois ce week-end, pour aller travailler, hier, il y a plusieurs syndicats de soignants qui réclament des mesures spéciales, un accès prioritaire pour pouvoir continuer leur activité, vous leur dites quoi ce matin, vous aurez droit, une infirmière libérale par exemple ?

OLIVIER VÉRAN
Il y a des procédures qui prévoient dans les situations qui l'exigent des accès prioritaires aux stations essence pour pouvoir à ce que les métiers qui ne peuvent souffrir de s'arrêter ne serait-ce qu'une demi-heure, puissent continuer de fonctionner, donc là, ce sont des décisions qui sont au cas par cas, mais je vous le dis, nous souhaitons de toute façon que la situation se normalise dans un délai extrêmement bref, ce qui va nous permettre de ne pas avoir à nous poser la question de décision nationale.

AMANDINE BÉGOT
Sauf que le temps que tout ça se remette en place…

OLIVIER VÉRAN
Mais vous savez, le temps que tout cela se remette en place, on continue d'augmenter de 50 % l'approvisionnement des stations partout où c'est nécessaire, de manière à faire en sorte que lorsqu'une station était amenée, si une station est amenée à fermer, que ce soit d'une durée très courte, et qu'elle puisse rouvrir derrière. Donc je le dis vraiment aux Français, parce que je sais, ô combien, et je suis moi-même automobiliste, je sais ô combien l'idée même de pouvoir se retrouver en panne sèche d'essence peut impacter le quotidien et entraîner des comportements d'adaptation de peur de manquer, et c'est une réalité qu'il y a beaucoup de Français qui manquent aujourd'hui d'essence, ce qui n'était pas le cas la semaine dernière, en tout cas, beaucoup moins le cas. Et donc, nous faisons tout, nous mettons tout en œuvre, et nous mettrons tout en œuvre pour faire en sorte que cette situation s'arrête.

AMANDINE BÉGOT
Les vacances scolaires, c'est dans moins de deux semaines, habituellement, les ventes de carburant bondissent de 30 % à cette période-là, vous êtes confiant, est-ce que tous les Français qui le souhaitent pourront partir en vacances, vous prenez cet engagement ce matin sur RTL ?

OLIVIER VÉRAN
Mais dès lors que les centres de dépôt et les raffineries seront débloqués, et qu'elles pourront rouvrir, aujourd'hui, c'est trois centres de dépôt, trois raffineries, la moitié appartiennent au groupe ESSO, EXXON, et je le redis, un accord ayant été trouvé, il n'y a plus de sujet, il n'y a plus de sujet, en tout cas, il devrait ne plus y avoir de sujet. Il y a du carburant partout, dans les centres de dépôt et dans les raffineries, donc ça veut dire qu'on pourra retrouver un fonctionnement normal…

AMANDINE BÉGOT
Donc les Français qui le souhaitent pourront partir en vacances ?

OLIVIER VÉRAN
Dans notre pays, ça va prendre quelques jours progressivement pour que la situation rentre dans l'ordre, mais ce sera le cas dans les quinze jours.

AMANDINE BÉGOT
La ristourne de TOTAL, elle doit être prolongée, compte tenu de ce qui s'est passé ces derniers jours ?

OLIVIER VÉRAN
Deux points là-dessus, d'abord, effectivement, on a pu constater çà et là, et parfois à Paris intra-muros, une forme de quelques profiteurs de grève, avec des prix de l'essence à la pompe qui ont bondi, là où l'État a fait un effort considérable pour rendre le carburant accessible financièrement pour les Français, et là où certains groupes pétroliers, comme TOTAL, ont mis en place des ristournes, c'est anormal…

AMANDINE BÉGOT
On a vu de l'essence à 2,30 euros ce matin à Colombes…

OLIVIER VÉRAN
Eh bien, nous diligentons des contrôles systématiques de la direction générale de la répression des fraudes, à qui nous demanderons la plus grande sévérité en la matière…

AMANDINE BÉGOT
Et ils seront sanctionnés ?

OLIVIER VÉRAN
C'est impensable de considérer qu'on puisse, dans cette période, gonfler le prix de l'essence. Premier point…

AMANDINE BÉGOT
Mais on peut agir, vous pouvez... on peut sanctionner ça ?

OLIVIER VÉRAN
Eh bien, oui, ah, mais bien sûr, bien sûr. Deuxième point, sur TOTAL, nous discutons avec TOTAL, en vue qu'il puisse y avoir une prolongation sur quelques jours de la ristourne qui a été programmée par TOTAL, ce sera à eux de l'annoncer, s'ils le décident, pour tenir compte du fait que depuis quelques jours, il y a un certain nombre de Français qui n'ont pas pu accéder à l'essence, alors même qu'il y avait des dispositifs de ristourne qui étaient mis en place par le groupe.

AMANDINE BÉGOT
D'un mot juste, vous n'avez aucun regret sur ce qui s'est passé ces derniers jours, vous me disiez, il n'y avait pas de pénurie, on était quand même à 12 % des stations-services qui avaient un problème la semaine dernière, 30 % dans les Hauts-de-France, pénurie dans le dictionnaire, c'est, manque de ce qui est nécessaire. Non, je suis désolée d'être aussi basique, mais il manquait…

OLIVIER VÉRAN
Pardon, alors, on va être très cash, on me pose, non mais attendez…

AMANDINE BÉGOT
Mais il manquait quelque chose.

OLIVIER VÉRAN
On va être très cash, on me pose la question mercredi dernier, à la sortie du Conseil des ministres, est-ce qu'il y a une pénurie, ma réponse a été précisément celles-ci, j'ai dit aux journalistes, le simple fait que vous me demandiez s'il y a une pénurie fait qu'on va considérer qu'on est en période de pénurie, et qu'il va y avoir des comportements d'adaptation avec des mouvements de foule compréhensibles, attendus, et à chaque fois que…

AMANDINE BÉGOT
Donc vous n'avez pas tardé à agir, c'est ce que vous nous dites ce matin…

OLIVIER VÉRAN
Non, mais attendez, il y a une différence entre catégoriser quelque chose et savoir quelle est l'action que nous menons, je vous le redis, si nous n'avions pas été extrêmement actifs très tôt, on n'aurait pas été capable aujourd'hui de suppléer aux défaillances des groupes privés qui, du fait des blocages, ne peuvent livrer de l'essence, et quand je vous dis qu'on a augmenté de 50 % les livraisons dans de nombreuses stations et dans de nombreux territoires, vous imaginez bien que cela ne se fait pas d'un claquement de doigts, et qu'il a bien fallu anticiper, quand il y a des milliers de mètres cubes d'essence de carburant qui viennent de Belgique chaque jour, alors que d'habitude, ce n'est pas le cas, vous imaginez bien qu'il y a eu un travail d'anticipation très actif pour qu'on puisse répondre à la demande de nos amis habitants les régions du Nord de la France, voilà, c'est cela qu'il faut retenir.

AMANDINE BÉGOT
Merci Olivier VÉRAN.

YVES CALVI
Le gouvernement appelle à la levée des barrages, sans quoi, il procédera à des réquisitions, nous ne laisserons pas les Français être bloqués, vient de dire sur RTL le porte-parole du gouvernement.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 octobre 2022