Texte intégral
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, le débat sur le thème : « Quelle place donner aux acteurs du médico-social dans l’organisation des soins de demain sur nos territoires ? »
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
(…)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord remercier le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour de votre assemblée.
Je profite de la tenue de ce débat pour saluer les quelque 11 millions de nos concitoyens engagés qui viennent en aide chaque jour aux personnes en perte d’autonomie dans notre pays. Le 6 octobre est, comme vous le savez, la journée nationale des aidants. Ceux-ci ont tout notre respect et méritent une attention constante.
Quelle place donner aux acteurs du médico-social dans l’organisation des soins de demain sur nos territoires ? Je veux vous redire le plaisir qui est le mien d’intervenir devant vous sur ce sujet, qui soulève des enjeux cruciaux pour l’avenir de notre système de santé, tant en matière d’égalité d’accès à la santé sur le territoire que d’attractivité des métiers du médico-social.
Avant de parler de demain, ce débat mérite un mot sur hier, avec un constat : la crise sanitaire, qui a été une épreuve collective, a notamment montré combien notre système de soins a besoin de dépasser l’hospitalo-centrisme pour aller vers des coopérations territoriales entre acteurs du soin et du médico-social. Le Gouvernement tire toutes les leçons de ce constat. C’est pourquoi le sujet de l’organisation territoriale des soins est au cœur de mon ministère, en lien avec mes collègues François Braun, Jean-Christophe Combe et Geneviève Darrieussecq.
Au moment où le Parlement s’apprête à examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale, voici les chiffres. En 2023, l’objectif global de dépenses augmenterait respectivement de 5,1 % et de 5,2 % pour la prise en charge des personnes âgées et des personnes vivant avec un handicap, pour atteindre 30 milliards d’euros. Près de 1,5 milliard d’euros supplémentaires seront ainsi consacrés au secteur médico-social l’année prochaine. C’est un signe fort de notre engagement dans ce domaine.
En particulier, le sujet du bien vieillir constituera un axe central de notre action gouvernementale. Il s’agit notamment d’assurer le « virage domiciliaire », en permettant à nos concitoyens de disposer de solutions de maintien à domicile ou de prise en charge dans des structures adaptées à la diversité de leurs situations. Cet objectif est au centre de notre stratégie de prévention de la perte d’autonomie et de la lutte contre la dépendance.
Ces sujets seront d’ailleurs au cœur du travail du Conseil national de la refondation (CNR), récemment installé par le Président de la République, et pour lequel les secteurs de la santé et des solidarités feront l’objet de déclinaisons thématiques particulières, afin d’organiser une large concertation avec l’ensemble des acteurs pour faire émerger des solutions concrètes, pragmatiques et adaptées aux besoins des territoires.
La crise a agi comme un révélateur de nos faiblesses, mais aussi comme un formidable catalyseur en matière d’innovation technologique et organisationnelle. Partout sur le territoire, des organisations nouvelles ont été déployées, des freins historiques ont été levés et des solutions locales ont été trouvées, en matière d’aller vers, d’accompagnement et de prise en charge. C’est cet état d’esprit que nous souhaitons conserver et promouvoir dans le cadre de ce CNR, pour construire la santé de demain avec l’ensemble des parties prenantes, locales et nationales, dans une logique de confiance, de coopération et de subsidiarité.
Pour revenir au cœur même du débat, je voudrais rappeler que le secteur médico-social a d’ores et déjà une place essentielle dans l’organisation actuelle des soins. Je suis convaincue que, dans un avenir proche, la coopération renforcée entre le sanitaire et le médico-social constituera un enjeu clé et pourra apporter des solutions concrètes aux besoins exprimés par nos concitoyens. Il nous faut donc réinventer la place des acteurs du secteur médico-social dans l’organisation territoriale du soin, au sens du care, avec des enjeux de sensibilisation, de formation, de coordination, d’accompagnement des professionnels de santé et de prévention, en ce qui concerne notamment l’autonomie.
Réinventer la place des acteurs du secteur du médico-social dans l’organisation territoriale des soins, c’est aussi, bien entendu, parler de l’avenir des métiers de ce secteur, qui est aujourd’hui le quatrième pourvoyeur d’emplois dans notre pays, et qui s’est fortement mobilisé pendant la crise sanitaire.
À ce titre, je tiens une nouvelle fois à saluer l’engagement de l’ensemble des personnels du secteur qui, partout sur le territoire, se sont mobilisés sans relâche pour combattre l’épidémie. Je remercie de même tous ceux qui ont accompagné nos personnes âgées pendant la canicule cet été.
Ces métiers essentiels de l’accompagnement et de la prise en charge du médico-social souffrent, comme tous les métiers du soin, de profondes difficultés. Je tiens à rappeler l’importance des efforts financiers réalisés en 2022 en faveur de l’attractivité des métiers de l’autonomie, sous l’effet notamment de l’extension des mesures de revalorisation salariale du Ségur de la santé au personnel des établissements accueillant des personnes en situation de handicap, avec les accords Laforcade, ainsi que des revalorisations issues de la conférence des métiers de l’accompagnement social et du médico-social, qui ont représenté un effort de 3,2 milliards d’euros pour la branche autonomie.
Néanmoins, les tensions qui subsistent sur les métiers de l’accompagnement ne se résument pas aux enjeux, légitimes, de rémunération. Il nous faut aller toujours plus loin pour renforcer l’attractivité de ces métiers, améliorer les conditions de travail, accompagner la construction de parcours et de carrières ou encore rénover la formation. C’est aussi l’objet de notre débat ce jour.
Aussi l’action du Gouvernement en faveur de l’attractivité des métiers de l’autonomie est-elle guidée par deux grands principes, qui nous permettront de préparer cet avenir. D’abord, simplifier et fluidifier, parce qu’il faut faciliter les démarches à celles et ceux qui veulent s’engager dans ces filières. Puis, reconnaître et valoriser, parce que ces métiers doivent pouvoir susciter des vocations et trouver leur juste place au sein de notre société.
Ces principes sont traduits par des mesures concrètes dans le PLFSS. Je pense à l’instauration de deux heures hebdomadaires consacrées au lien social auprès de nos aînés, à la transformation des Ehpad, à la création de nouvelles places de services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), ou encore aux mesures en faveur de l’amélioration de l’accès à la santé.
Mais je voudrais surtout mettre en avant le changement de méthode pour appréhender au mieux les changements de demain. Nous souhaitons poursuivre cet effort, à travers le CNR et l’ensemble de notre action.
Dans ce but, j’ai notamment engagé des discussions avec les fédérations représentatives du secteur, dans le cadre d’une réflexion plus globale intégrant les problématiques de formation initiale et continue en santé. Cette méthode, notre méthode, repose sur l’ouverture, le dialogue et la concertation.
En effet, les réponses doivent être issues des territoires et coconstruites avec l’ensemble des acteurs concernés : les parlementaires que vous êtes, les collectivités locales, les associations, les entreprises, les professionnels de santé, mais aussi les personnes accompagnées. Tous doivent être impliqués dans l’élaboration des politiques publiques de demain. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Colette Mélot applaudit également.)
- Débat interactif -
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes, y compris l’éventuelle réplique. Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente, ainsi que d’une minute pour répondre à une éventuelle réplique ; l’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Le 6 octobre est en France la journée nationale des aidants. Ceux-ci sont près de 10 millions à soutenir au quotidien un proche en perte d’autonomie. Cette journée des aidants m’importe tout particulièrement, car, en Guadeloupe, la tradition de solidarité familiale est ancrée dans les valeurs.
Cette tradition est malheureusement d’autant plus importante que notre taux d’équipement figure parmi les plus faibles au sein des départements français, ce qui nous impose d’élaborer une vision nouvelle de la prise en charge des personnes âgées de demain. Quel regard porter sur le vieillissement ? Quelle place donner aux professionnels du médico-social et aux proches ? Quel accompagnement offrir dans nos territoires ultramarins trop souvent sous-dotés ?
Je me félicite que des pierres successives viennent consolider notre politique du mieux vieillir dans toute sa complexité. Je pense notamment au projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, que nous examinerons prochainement et qui reconnaît la variété des compétences des proches aidants à travers le dispositif de validation des acquis de l’expérience.
Mais l’organisation des soins de demain nous impose de poursuivre nos efforts. Dans le dernier rapport de l’Insee, il est souligné que, entre 2020 et 2030, le nombre de seniors dépendants âgés de 60 à 74 ans augmenterait de 15 % en Guadeloupe. Au-delà de 75 ans, cette hausse sera de 45 %. Or, actuellement, seuls 5 % d’entre eux vivent en institution, et 6 695 emplois seraient nécessaires en 2030 pour prendre en charge, avec respect et dignité, nos concitoyens âgés.
Quelle collaboration mettre en œuvre demain entre citoyens et professionnels du domaine sanitaire et médico-social pour assurer une prise en charge adéquate sur tous nos territoires, notamment les moins dotés ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, vous rappelez la tradition de solidarité familiale qui est ancrée dans les valeurs et l’organisation de l’accompagnement des personnes dans votre territoire de Guadeloupe.
Tout d’abord, et particulièrement en ce jeudi 6 octobre, il me semble important de rappeler et de souligner une nouvelle fois l’engagement des 11 millions d’aidants qui incarnent le lien social et la solidarité familiale dans notre pays. Leur rôle est précieux pour les personnes qu’ils soutiennent, que celles-ci vivent en établissement ou à domicile.
L’accompagnement à domicile des personnes en situation de handicap et âgées est un enjeu pour notre société, une ambition pour le Gouvernement, et ce pour l’ensemble du territoire. C’est pourquoi de nouvelles places seront créées dans les services de soins infirmiers à domicile et le modèle de tarification évoluera dans les mois à venir, pour mieux valoriser la prise en soin des personnes les plus dépendantes.
C’est aussi pour améliorer le soin à domicile qu’un tarif plancher de 22 euros a été mis en place pour les interventions des services d’aide à domicile qui interviennent dans le cadre de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH).
Vous soulignez aussi le manque d’établissements sur votre territoire pour les personnes qui ne pourraient ou ne souhaiteraient plus vivre à domicile. Un plan d’aide à l’investissement, géré par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), est en cours : 17 millions d’euros seront ainsi destinés aux territoires d’outre-mer et à la Corse dans le cadre d’un plan de rattrapage visant à la réhabilitation du parc existant, mais également à l’installation de places nouvelles.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Je salue l’initiative de nos collègues du groupe RDPI et je saisis l’occasion d’orienter ces échanges vers un sujet majeur à mon sens : la nécessité de changer fondamentalement la perception des métiers du médico-social pour renforcer leur attractivité.
C’est historique et c’est culturel, les fonctions du soin souffrent d’avoir été longtemps, trop longtemps, naturellement exercées par des femmes : moins un métier qu’une occupation, une inclination personnelle, voire une vocation. Ces différentes appréciations rendent invisibles les compétences exercées, la technicité des gestes, la complexité des relations humaines construites avec les personnes vulnérables et leurs familles.
La valeur de ce travail est clairement sous-estimée. Si l’on compare les tâches professionnelles de prendre soin à d’autres métiers, qui mettent en jeu une technicité comparable, une aisance relationnelle similaire et l’exercice de responsabilités, l’écart de considération est flagrant, notamment quand on les compare avec des métiers à prédominance masculine.
Ce qui découle de cette sous-reconnaissance est évident : le cumul de faibles rémunérations et de temps de travail partiels, scindés, le plus souvent subis. Rien ne justifie la persistance d’une telle vision des choses.
Madame la ministre, comment le Gouvernement entend-il prendre ses responsabilités pour changer cette vision de ces métiers ? (Mme Victoire Jasmin applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, je vous remercie très sincèrement de votre question. Ces dernières années, de nombreux travaux ont été menés dans le secteur du grand âge. Dans un rapport intitulé Vers un service public territorial de l’autonomie, le docteur Libault appelle à changer de regard, qu’il s’agisse du regard de notre société sur le vieillissement de la population ou de celui que nous portons collectivement sur ces métiers du care, qu’on appelle encore souvent les métiers du soin.
Chacun le sait, les métiers du secteur social et médico-social sont très féminins – je ne sais pas s’il faut dire qu’ils le sont trop.
Après la crise du covid-19, nous avons lancé une grande campagne de communication et de sensibilisation pour montrer l’intérêt et la beauté de ces métiers, dont nous aurons de plus en plus besoin dans les années à venir, car le nombre de personnes qui devront être accompagnées va nécessairement augmenter.
Après une période de ce que l’on pourrait qualifier d’Ehpad bashing, notre responsabilité collective est de montrer que ces métiers sont importants et attractifs : ils font appel à notre humanité ; qui plus est, ils ne sont pas délocalisables.
Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, annoncera prochainement l’organisation d’une journée de l’aide à domicile pour mettre l’accent sur ce sujet.
En tout état de cause, si nous voulons changer de regard, comme je le disais à l’instant, c’est ensemble que nous y arriverons ! (M. François Patriat applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour la réplique.
Mme Michelle Meunier. Madame la ministre, j’espère que nous aurons l’occasion de concrétiser vos propos par l’examen dans cet hémicycle d’un projet de loi sur le grand âge et l’autonomie…
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Je souhaite tout d’abord remercier nos collègues du groupe RDPI d’avoir demandé l’organisation de ce débat.
Le secteur médico-social est composé d’une diversité de lieux d’exercice et de métiers, de la petite enfance à la gériatrie, mais toutes et tous vivent la même réalité : le manque de reconnaissance de leur métier.
Comment ne pas évoquer le réseau des centres médico-psychologiques (CMP), tellement affaibli par le manque de personnel que les délais pour obtenir un rendez-vous sont démentiels ?
La situation est identique dans les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), des structures conçues comme des lieux d’accueil et de soins centrés sur l’enfant. Actuellement, un quart à un tiers des actes de pédopsychiatrie en ambulatoire est effectué en CMPP. Or il n’en reste que 309 en France !
Quand on sait les conséquences de la pandémie sur les enfants et les adolescents, il y a de quoi s’inquiéter. Ce sera d’ailleurs l’objet d’un colloque, que j’organise lundi au Sénat.
Madame la ministre, nous sommes face à un abandon institutionnel de ces professionnels et, de fait, de leurs patients, d’autant qu’en excluant nombre de ces professions des revalorisations du Ségur de la santé, le sentiment de dévalorisation de leurs métiers s’est généralisé. Malgré les rattrapages de l’an dernier, les « oubliés » du Ségur existent toujours.
Quand allez-vous revaloriser tous ces métiers de la deuxième ligne, madame la ministre ?
Enfin, je voudrais attirer votre attention sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur, ainsi qu’à ma collègue Cathy Apourceau-Poly : les aides à domicile. Il y aurait beaucoup à revendiquer, mais je vais centrer mon propos sur le prix de leurs déplacements en voiture qui s’envole depuis la crise en Ukraine et les conséquences sur le prix de l’essence.
Allez-vous enfin, madame la ministre, relever le barème kilométrique des aides à domicile de 0,22 euro à 0,35 euro pour permettre à ces personnes de faire face aux difficultés qu’elles rencontrent ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Michelle Meunier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, je ne peux pas partager votre idée selon laquelle les acteurs du secteur médico-social manquent de reconnaissance.
Oui, il faut changer le regard – je le disais en réponse à l’intervention de Mme Meunier – et il est de notre responsabilité à tous d’encourager ces acteurs pour assurer leur pleine reconnaissance.
C’était d’ailleurs l’un des axes du Ségur et vous savez très bien que nous avons rattrapé au fur et à mesure les situations des personnels qui avaient échappé aux premières conclusions et que l’on a appelés les « oubliés » du Ségur.
En ce qui concerne la prise en charge de la santé mentale, que vous avez évoquée en parlant des CMP et des CMPP, c’est certainement le secteur qui a connu le moins d’investissements ces dernières années et qui est donc le plus touché par les difficultés de notre système de santé.
C’est pour cette raison qu’Agnès Buzyn avait lancé dès décembre 2017 un plan de rattrapage en faveur du secteur de la santé mentale. Malheureusement, la crise sanitaire a aggravé l’état de certains de nos concitoyens, notamment parmi les jeunes.
Je le redis, les enjeux de la prise en charge de la santé mentale, notamment dans le cadre des CMP et des CMPP, et de la reconnaissance des métiers du médico-social sont très importants à nos yeux.
Concernant le secteur de l’aide à domicile, le dernier quinquennat a permis une première, à savoir la mise en place d’un tarif plancher de 22 euros – je l’ai évoqué – qui permet une meilleure prise en compte des spécificités du secteur.
Plus précisément, des discussions sont en cours avec les services d’aide à domicile en ce qui concerne la question de l’augmentation des prix des carburants. Nous devrons, le cas échéant, intégrer ce sujet dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) et prévoir des dotations complémentaires pour les aides à domicile particulièrement touchées.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, je me réjouis que vous nous appeliez à changer de regard, mais nous n’avons pas les mêmes responsabilités : vous êtes ministre, vous êtes en poste, nous attendons donc des actes !
Vous nous dites que toutes les situations des « oubliés » du Ségur ont été rattrapées : nous ne devons pas rencontrer les mêmes personnes, parce que je vous confirme qu’il reste toujours des « oubliés » du Ségur !
J’ai évoqué la question du barème kilométrique pour les aides à domicile, mais la véritable question est celle d’une revalorisation salariale de ces métiers.
Madame la ministre, de grâce, arrêtez d’attendre et donnez au secteur les moyens humains et financiers dont il a besoin ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Michelle Meunier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez.
Mme Jocelyne Guidez. Le secteur du grand âge se mobilise face à la transition démographique et la prise en charge médicale et paramédicale des résidents en Ehpad évolue. Ainsi, de nouvelles exigences, utiles et nécessaires, sont venues modifier la pratique des soignants : coordination des parcours de soins, concertation, pluridisciplinarité, démarche qualité, etc.
Alors que les établissements peinent à recruter des personnels soignants, le marché de l’emploi des secrétaires médicales, des enseignants en activité physique adaptée ou des référents qualité ne présente pas de fortes tensions.
L’apport de ces professionnels est désormais démontré ; leur présence permet notamment de dégager du temps qui pourra être consacré au suivi médical des résidents.
Il est donc temps de mettre en cohérence le financement des Ehpad avec les ambitions sociétales, de répondre aux nouveaux besoins des prochaines années et de donner une impulsion au secteur du grand âge de demain.
Ainsi, l’intégration de ces professions dans le champ du forfait soins des Ehpad permettrait une application durable et immédiate de mesures favorables aux résidents – contact avec les familles, coordination des soins, etc. – et aux équipes – soulagement des professions en tension ou encore accroissement du temps passé au chevet des résidents.
Madame la ministre, plusieurs agences régionales de santé (ARS), conscientes du rôle de ces professionnels dans la prise en charge, attribuent ponctuellement aux Ehpad des crédits pour financer certaines initiatives – par exemple, des postes de secrétaire médicale en Gironde ou des interventions d’enseignants en activité physique adaptée (APA) –, alors que ces crédits sont théoriquement destinés à des expérimentations ou à des besoins ponctuels.
Toutefois, ce mode de financement n’est pas satisfaisant, puisqu’il ne permet pas d’ancrer ces professionnels dans le fonctionnement de l’établissement de manière durable.
Le groupe Union Centriste souhaiterait connaître, madame la ministre, la position du Gouvernement sur l’idée d’intégrer ces professionnels à la section soins des Ehpad afin de soutenir les personnels médicaux et paramédicaux et de répondre à la pénurie de professionnels, en tenant compte de l’émergence de nouvelles professions au service du soin.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, votre question pose finalement celle de la prévention de la perte d’autonomie, notamment dans les Ehpad.
De nombreux établissements du secteur médico-social ont intégré l’activité physique adaptée, que vous évoquez, en tant que nouvel outil pour développer la prévention et améliorer la qualité de vie.
L’activité physique est évidemment essentielle à tous les âges de la vie et le Gouvernement souhaite notamment l’intégrer, en tant qu’élément central d’une stratégie globale de prévention, dans les parcours de santé. Ainsi, le sport-santé inclut l’activité physique adaptée.
Je rappelle que la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France prévoit que chaque établissement social et médico-social désigne, parmi ses personnels, un référent pour l’activité physique et sportive.
Vous le voyez, nous prenons en compte ces questions et nous continuons d’y travailler.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour la réplique.
Mme Jocelyne Guidez. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais vous devez aussi prendre en compte le fait que les médecins et les infirmières, débordés par les tâches administratives, n’ont plus le temps de s’occuper de leurs patients. Un effort de simplification doit vraiment être fait !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Je souhaite à mon tour remercier nos collègues du groupe RDPI d’avoir demandé l’inscription de ce débat à notre ordre du jour.
Grâce aux avancées de la médecine et aux politiques de santé publique, nous vivons de plus en plus longtemps, ce dont nous devons évidemment nous réjouir. Il y a un siècle, seuls quatre Français sur dix atteignaient l’âge de 65 ans. Aujourd’hui, la France compte 1,5 million de personnes âgées de 85 ans et plus. À l’horizon de 2060, elles seront 5 millions et le nombre de personnes âgées dépendantes pourrait atteindre 2,3 millions.
Cette évolution démographique et épidémiologique constitue un défi majeur pour notre société et impose que nous allions plus loin par la mise en place d’un plan ambitieux pour accompagner le vieillissement de la population, domaine dans lequel les professionnels médico-sociaux jouent un rôle essentiel.
Or ces métiers souffrent aujourd’hui d’une pénurie croissante et ne parviennent pas à recruter à la hauteur des besoins.
Certes, il est indispensable d’améliorer les rémunérations et les conditions de travail, mais il faut aussi travailler sur la question des formations. Nous devons notamment fournir des efforts particuliers pour développer massivement la qualification d’infirmier en pratique avancée (IPA), car ces professionnels contribuent à améliorer la qualité des soins et à réduire la charge de travail des praticiens.
Actuellement, la gériatrie ne fait pas partie des domaines dans lesquels des infirmiers en pratique avancée peuvent pratiquer. Cette absence de reconnaissance freine le développement de la filière IPA, que ce soit en Ehpad ou à domicile, alors qu’il apporterait une véritable valeur ajoutée sur la qualité des prises en charge, l’organisation des soins et la valorisation des professionnels. Cette reconnaissance est d’ailleurs fortement attendue par le secteur du grand âge, comme le rappelle la Société française de gériatrie et de gérontologie.
Aussi, madame la ministre, j’aimerais connaître votre position sur la reconnaissance de la spécificité des infirmiers en pratique avancée en gérontologie.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Merci, monsieur le sénateur, de nous faire remarquer que nous vivons de plus en plus longtemps, et en plutôt bonne santé !
Je vous remercie également de rendre hommage, à travers votre question, aux infirmiers et aux infirmières.
Vous l’avez souligné, la pratique avancée constitue l’une des réponses aux problèmes de démographie médicale que nous connaissons. Ce dispositif, qui a en partie été créé pour cela, offre surtout une réponse adaptée aux besoins des patients.
Les infirmiers en pratique avancée disposent d’un champ d’exercice très large et le Gouvernement entend soutenir fermement cette spécialisation. Pour cela, nous travaillons avec les universités pour augmenter les capacités de formation et nous prévoyons d’enrichir le domaine d’activité de ces professionnels pour rendre ce métier encore plus attractif.
Pour autant, la création d’une mention gérontologie dans la formation des IPA nécessite une réflexion complémentaire et nous devons éviter deux écueils.
D’une part, les IPA avec la mention pathologies chroniques peuvent déjà répondre aux besoins de prise en charge en gérontologie, car la prévalence des pathologies ciblées par cette mention est particulièrement forte parmi les personnes âgées.
Dans ce cadre, certaines universités ont adapté leur programme pédagogique pour prendre en compte la prévalence de certaines de ces pathologies chez les personnes âgées. Il pourrait éventuellement être envisagé d’adapter et de compléter cette formation et l’intitulé de cette mention pour élargir cette démarche.
D’autre part, nous ne souhaitons pas multiplier les domaines d’intervention des IPA et les faire correspondre à chaque spécialité médicale, car nous devons conserver à la pratique avancée l’ambition d’une prise en charge populationnelle.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche. Le décloisonnement entre le médico-social et le médical est indispensable, si l’on veut penser la santé de manière globale.
Au-delà de l’offre binaire de prise en charge des personnes âgées – domicile ou Ehpad –, il existe maintenant des formes alternatives d’accompagnement.
Dans mon département, le maire d’une commune nouvelle a un projet très innovant : une collaboration entre deux Ehpad et un service de soins infirmiers à domicile (Ssiad).
Des financements existaient pour ce type de projet, en particulier le dispositif innovant de vie à domicile (Divadom), et des appels à candidatures sont lancés par les agences régionales de santé pour mettre en place des centres de ressources territoriaux pour les personnes âgées.
Madame la ministre, quels financements sont prévus pour ces centres ? Comment ces financements vont-ils évoluer dans les années à venir ? Dans les Pays de la Loire, il était initialement prévu deux centres par département, soit dix centres, mais il semblerait que des financements ne soient possibles que pour cinq centres.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, Divadom est un dispositif expérimental qui vise à renforcer l’accompagnement des personnes âgées à domicile comme alternative à l’Ehpad.
Quand l’accompagnement à domicile par une aide ou une infirmière ne suffit plus, il faut apporter un complément, par exemple un renforcement du temps passé avec la personne, l’intervention d’une diététicienne ou d’une psychologue, la sécurisation du domicile par un ergothérapeute ou encore le renforcement des interventions la nuit.
La mesure votée l’année dernière dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a créé le cadre juridique pérenne qui permettra de généraliser des dispositifs expérimentaux, tels que Divadom ou Drad (dispositif renforcé de soutien à domicile) – ce dernier étant expérimenté au niveau national depuis 2019.
Les centres de ressources territoriaux qui sont en cours de déploiement présenteront de manière pérenne une offre d’accompagnement renforcé à domicile en alternative à l’Ehpad.
Notre objectif est bien de donner corps à la promesse du virage domiciliaire : permettre aux personnes âgées de vieillir chez elles, même lorsque leur niveau de perte d’autonomie et leurs besoins de soins augmentent. Alors qu’on les orienterait aujourd’hui vers un Ehpad, l’accompagnement renforcé à domicile permettra à ces personnes de rester chez elles plus longtemps.
Chaque porteur de projet – un Ehpad ou un acteur du secteur du domicile – peut bénéficier d’une enveloppe forfaitaire de 400 000 euros.
Pour 2022, l’enveloppe globale est de 20 millions d’euros ; pour 2023, elle sera augmentée de 40 millions, soit 60 millions d’euros au total. Cette enveloppe continuera de croître de manière constante jusqu’en 2027 au moins.
Brigitte Bourguignon, alors ministre déléguée chargée de l’autonomie, avait fixé un objectif minimal de quatre centres de ressources territoriaux par territoire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Alors que nous travaillons déjà sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 et que nous sommes confrontés depuis des années à la difficulté d’accès aux soins dans nos territoires, je veux insister de nouveau sur l’importance des acteurs du médico-social partout en France.
La demande en personnel est croissante dans ce secteur, de nombreuses offres d’emploi restent vacantes et, chaque jour, des personnes vulnérables ne reçoivent pas les soins nécessaires.
Notre société et nos territoires évoluent très rapidement. Les besoins ont changé, la manière d’y répondre également. Il me semble essentiel d’avoir une vision d’ensemble pour répondre aux problématiques du secteur médico-social et repenser l’organisation spatiale des soins de demain. De manière globale, les secteurs médico-social, paramédical et médical doivent travailler main dans la main.
Dans ce cadre, la formation, qu’elle soit initiale, continue ou de reconversion, est la clé. Et cette formation doit être dispensée au plus près des territoires. J’en veux pour preuve l’implantation à Melun d’une antenne de l’université Paris-Est Créteil. C’est excellent pour notre territoire, surtout lorsque l’on sait que les étudiants s’installent généralement là où ils ont étudié. Cela doit être encouragé et développé.
De plus, la construction de pôles de santé sur nos territoires est un enjeu et il faut savoir qu’ils sont très souvent associés à des services médico-sociaux. Nous devons donc consolider ces pôles.
C’est pourquoi nous devons développer un panel de formations intégrées dans un système complet, équilibré et efficace, qui s’adapte autant aux spécificités de nos territoires qu’aux évolutions démographiques, sans oublier de valoriser ces métiers.
Madame la ministre, quelles sont vos pistes de réflexion pour faire évoluer les formations dans ce secteur ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, vous avez raison de rappeler l’importance des acteurs du secteur médico-social partout en France – nous ne le dirons jamais assez !
Leur engagement a été particulièrement remarquable lors de la crise du covid-19 et nous avons besoin de leur présence et de leur investissement – ce sera encore plus vrai demain, je l’ai déjà mentionné.
Le Président de la République a affiché des ambitions claires en la matière, à la hauteur des besoins qui se dessinent. Je pense notamment aux 50 000 recrutements programmés au cours du quinquennat pour renforcer les équipes dans les Ehpad.
Que les acteurs paramédicaux et médicaux travaillent main dans la main est une nécessité. Ce n’est pas un fait nouveau, mais cela demande du temps et de la méthode. Un exemple concret des avancées en la matière est la mise en place des dispositifs d’appui à la coordination (DAC) qui concernent à la fois le champ du sanitaire et celui du médico-social, y compris les professionnels libéraux : ils visent prioritairement à coordonner les interventions autour de situations complexes, quels que soient la pathologie et l’âge de la personne.
Nous partageons vos remarques sur la formation, madame la sénatrice. Il s’agit d’un axe essentiel pour améliorer, d’une part, les compétences et les connaissances de nos futurs professionnels, d’autre part, l’attractivité des métiers.
Nous devons travailler de manière interministérielle pour améliorer l’accès à la formation par un effort de simplification, mieux faire connaître nos métiers et favoriser les parcours professionnels, notamment avec la validation des acquis de l’expérience. Hier, l’Assemblée nationale a d’ailleurs voté en première lecture la création d’un véritable service public de la validation des acquis de l’expérience.
Enfin, nous devons mener une réflexion sur les maquettes des formations et sur la mise en cohérence de celles-ci.
Nous nous attelons activement à faire avancer l’ensemble de ces chantiers.
Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. La prise en charge du grand âge et l’autonomie sont des enjeux majeurs pour notre société. La reconnaissance et la valorisation de tous les acteurs du secteur médico-social sont essentielles.
En Guadeloupe, comme ailleurs, il est urgent d’innover, de repenser les outils à la disposition du secteur médico-social de façon différenciée pour chacun des territoires et en corrélation avec le schéma départemental de l’autonomie.
Une attention toute particulière doit être portée sur la formation des personnels et sur la mise en œuvre d’outils de concertation entre l’État, les collectivités locales et tous les acteurs du soin et de l’accompagnement.
Il est particulièrement important sur mon territoire, la Guadeloupe, qui est un archipel, de coordonner la prise en charge des personnes âgées à travers les dispositifs d’appui à la coordination (DAC) dans le cadre des méthodes d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie (Maia) en application de la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.
Il est également important de rétablir une équité salariale entre les différents personnels du secteur médico-social. Ces inégalités provoquent des tensions, mais aussi des difficultés de recrutement dans la plupart des établissements privés à but non lucratif, en particulier pour le secteur associatif, qui prennent en charge des personnes en situation de handicap, des personnes âgées ou des enfants.
Madame la ministre, quelles mesures entendez-vous prendre pour que nos différents territoires reçoivent des réponses concrètes ? (Mme Michelle Meunier applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. J’ai indiqué tout à l’heure, madame la sénatrice, qu’une enveloppe de 17,5 millions d’euros serait consacrée spécifiquement aux territoires d’outre-mer pour qu’ils rattrapent leur retard en termes de nombre de places en Ehpad ou en établissements accueillant des personnes en situation de handicap.
Vous avez insisté sur la nécessaire coordination entre tous les professionnels de santé et je suis pleinement d’accord avec vous. La crise sanitaire a d’ailleurs permis d’accélérer la prise de conscience de l’importance de tous travailler ensemble et de coordonner les parcours.
Votre intervention met le doigt sur un autre aspect important : la nécessité de ne pas empiler les dispositifs, mais de les coordonner étroitement afin de faciliter la vie des soignants.
Comme vous le savez, la revalorisation constituait l’un des enjeux du Ségur de la santé. De plus, comme je l’ai déjà indiqué, la situation des « oubliés » du Ségur a été traitée et les différences entre les Ehpad publics et privés ont été prises en compte – ce différentiel n’existe plus.
Nous avons pleinement conscience des besoins de prise en charge outre-mer pour mieux accompagner les personnes en situation de handicap ou âgées. C’est pour cette raison que nous avons dégagé une enveloppe de rattrapage. J’ai d’ailleurs pu mesurer ces difficultés lors d’un récent déplacement à La Réunion.
Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour la réplique.
Mme Victoire Jasmin. Je ne suis pas tout à fait satisfaite de votre réponse, madame la ministre : il y a encore des « oubliés » du Ségur ! Le rattrapage dont vous parlez n’est pas exhaustif.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. Le champ du médico-social est large : les personnes handicapées, les personnes âgées, l’enfance. Ces trois secteurs sont en manque de personnel, ce qui aboutit à des politiques publiques essayant de juguler le manque d’attractivité de ces métiers.
Pour répondre à ce déficit de vocations, les ajustements sont multiples. Je pense aux revendications salariales – le Ségur, l’avenant 43 ou la prime de 183 euros – ou encore aux actions pour la qualité de vie au travail, comme les deux heures de temps social pour les services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) – cette mesure, prévue dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 est une bonne idée, mais qui va payer ? Les départements sont inquiets.
En ce qui concerne la tarification et la qualité, un tarif plancher pour les services d’aide à domicile et un bonus qualité sont mis en place.
Madame la ministre, avant d’imaginer la place des acteurs du médico-social dans l’organisation des soins de demain, encore faudrait-il sécuriser le périmètre afin que les professionnels des Saad puissent exercer correctement leur métier qui est de prendre soin, tout en trouvant du sens à leur activité professionnelle.
Or le compte n’y est pas. Ainsi, dans le département du Nord, c’est de la survie même des Saad qu’il est question : leurs finances sont fragilisées et l’année est pourtant loin d’être terminée. C’est pourquoi nous appelons à des dispositions bordées et soutenables.
Sur le plan organisationnel, nous avons déjà voté la fusion prochaine des Saad et des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et nous aimerions avoir un point d’étape concernant les dispositifs d’appui et de coordination (DAC). Le rapport de Dominique Libault, qu’on a salué, est-il mis en œuvre ?
Voilà beaucoup de questions, madame la ministre, mais j’insiste sur l’urgence qui caractérise la situation des Saad du Nord.
En conclusion, je souhaite faire référence à la parole des proches aidants : pour eux, les soins médicaux sont à laisser aux soignants. Je renverse la question : quelle place pour les acteurs du soin dans le médico-social de demain ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, les services d’aide et d’accompagnement à domicile et les services de soins infirmiers à domicile aujourd’hui, comme les futurs services d’autonomie à domicile, sont des briques essentielles à la vie à domicile des personnes en situation de handicap et âgées.
Vous le soulignez à juste titre, la proposition contenue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 de dégager deux heures de convivialité pour les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la nouvelle grille des salaires permettront de mieux reconnaître les métiers et l’expérience acquise.
D’autres dispositions ont été mises en œuvre ou sont prévues pour améliorer la qualité de l’aide et des soins apportés aux personnes, ainsi que la qualité de vie au travail des professionnels. Cela passe notamment, pour les services à domicile, par la mise en place d’un tarif plancher par heure d’aide réalisée dans le cadre de l’APA ou de la prestation de compensation du handicap (PCH). Je vous rappelle que ce tarif est fixé à 22 euros pour les Ssiad.
Nous travaillons sur la réforme tarifaire prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 ; son application en 2023 permettra de mieux valoriser les Ssiad qui prennent en charge des personnes très dépendantes.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 prévoit aussi une augmentation des places en Ssiad – il faut le souligner.
Pour les futurs services d’autonomie à domicile, le forfait coordination déjà en place sera maintenu.
Créer les conditions d’un travail en équipe est un levier complémentaire des revalorisations salariales pour la qualité des interventions et la qualité de vie au travail des personnels.
La mise en place du service public territorial de l’autonomie (SPTA) permettra un parcours plus aisé pour les personnes en situation de handicap ou âgées comme pour leurs aidants – vous avez rappelé, monsieur le sénateur, l’importance de l’implication des aidants dans le cadre de la solidarité familiale. Les SPTA devront assurer un lien entre les structures, mais leur mise en place se fera en respectant et en s’appuyant, territoire par territoire, sur les organisations qui fonctionnent déjà.
Mme la présidente. La parole est à Mme Béatrice Gosselin.
Mme Béatrice Gosselin. En 2050, la France comptera 4 millions de personnes âgées de 85 ans et plus, contre 1,4 million aujourd’hui.
En Normandie, par exemple, de 125 000 en 2022, leur nombre passera à 250 000 en 2050. Une grande partie de ces personnes seront en perte d’autonomie et la place des acteurs du médico-social dans l’organisation des soins sera donc de plus en plus importante.
Avec le Ségur de la santé, le Gouvernement a prévu d’investir autant dans le secteur médico-social que dans les établissements de santé. Pourtant, les structures qui gèrent les personnes dépendantes, âgées ou porteuses de handicap se trouvent souvent en difficulté, malgré le soutien financier très important des conseils départementaux.
Tout d’abord, elles sont confrontées à des problèmes de recrutement en raison d’un déficit d’attractivité des métiers de l’aide à la personne : faible rémunération, manque de reconnaissance de la profession et conditions de travail pénibles. C’est un engrenage, car cela ne permet pas d’assurer l’encadrement suffisant des résidents et entretient des conditions de travail dégradées pour le personnel.
Il y a aussi des difficultés face à l’augmentation des charges de fonctionnement liées à la hausse des prix de l’énergie, des denrées alimentaires, des fournitures, sans oublier les charges de personnel. Ces coûts supplémentaires ont un impact sur la capacité des établissements à investir dans la modernisation du bâti, souvent ancien, des Ehpad publics et contribuent à l’augmentation des tarifs d’hébergement.
Pour répondre à ces enjeux, l’État doit mener une politique volontariste.
J’ai deux questions à vous poser, madame la ministre.
Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre rapidement pour soutenir le secteur médico-social ?
Enfin, j’ai cru comprendre que la loi Grand âge et autonomie verra le jour. Pouvez-vous être plus précise sur le calendrier ? Il s’agit de supprimer enfin toutes ces disparités et de permettre à ces personnels de travailler correctement. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, tout d’abord, je constate que les métiers du médico-social, notamment l’aide à domicile, sont perçus comme utiles par 96 % de nos concitoyens, mais aussi comme difficiles par 93 % d’entre eux. Le secteur de l’aide à domicile reste ainsi, en 2017, l’activité professionnelle la plus sinistrogène.
Pourtant, je le répète, la place de ces professionnels est essentielle pour prendre soin de nos aînés et des personnes en situation de handicap. Plusieurs leviers sont mobilisés par l’État pour mettre ces acteurs au cœur de notre cité, parce qu’ils sont indispensables, notamment pour réussir le virage domiciliaire.
Vous l’avez fait, et la conseillère départementale que je suis abonde dans ce sens : il faut aussi souligner l’engagement des départements aux côtés de l’État pour la prise en charge du secteur de l’aide à domicile.
Plusieurs mesures ont été prises pour renforcer l’attractivité de ces métiers de l’accompagnement et du soin à domicile. Il y a d’abord eu une amélioration des rémunérations du secteur, avec une augmentation de 183 euros nets mensuels pour l’ensemble des agents et salariés des Ehpad, puis la revalorisation de 15 % en moyenne des professionnels de l’aide à domicile. Une stratégie nationale de promotion de la qualité de vie au travail a aussi été lancée en 2018 et renforcée en 2020.
Nous visons par ailleurs une augmentation du nombre de personnes qualifiées dans les secteurs sanitaire et médico-social, avec des places de formation supplémentaires, des dispositifs de formation courte pour les demandeurs d’emploi. Il s’agit également de faciliter l’accès à la formation continue des professionnels en poste, en leur offrant plus de possibilités de bénéficier de la validation des acquis de l’expérience (VAE).
Enfin, nous souhaitons favoriser le développement de viviers de recrutement en aidant des employeurs à recruter, notamment avec les vingt plateformes des métiers de l’autonomie, qui facilitent le recrutement et l’intermédiation au niveau départemental. Il s’agit aussi de faire découvrir les métiers du grand âge à de nouveaux publics, notamment les jeunes, en leur proposant des missions de service civique et des stages de troisième, et les demandeurs d’emploi, en travaillant avec Pôle emploi pour leur proposer des formations courtes, des contrats aidés, des périodes de mise en situation professionnelle. Nous visons également les personnes éloignées de l’emploi, les personnes réfugiées, avec des dispositifs pour leur faire découvrir ces métiers. C’est bien en travaillant sur l’image de ceux-ci que nous arriverons à recruter massivement les professionnels dont nous avons besoin.
Mme la présidente. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, pour la réplique.
Mme Béatrice Gosselin. Madame la ministre, j’entends bien vos explications, mais certains « oubliés » du Ségur de la santé n’ont pas reçu ces primes. Par ailleurs, l’État vient d’étendre le bouclier tarifaire énergétique aux Ehpad pour 2023, alors que les établissements hébergeant des personnes handicapées sont exclus de ce soutien financier.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. La revalorisation issue du Ségur de la santé, déclinée ensuite dans le médico-social, a conduit au versement d’une prime par touches successives, après de multiples appels à considérer les « oubliés » du Ségur. Et pourtant, deux ans après la prime décidée pour l’hôpital, le Ségur est encore très inéquitablement appliqué dans le médico-social.
Là où il est censé s’appliquer, la réalité est assez confuse et, malheureusement, il subsiste encore des invisibles du Ségur. Tout l’été, des professionnels ont témoigné de ces injustices, notamment les agents affectés aux missions administratives ou logistiques dans les établissements.
Cette segmentation est injuste et délétère.
Injuste, car les personnels savent que, sur le terrain, ce cloisonnement n’a pas lieu d’être : un agent d’accueil en Ehpad est au contact des résidents et de leur famille ; un agent de ménage travaillant dans un établissement de l’aide sociale à l’enfance (ASE) participe à la mission éducative quand il s’assure du respect des règles de propreté.
Délétère aussi, car elle indique la porte de sortie à des personnels formés et compétents, rapidement employables dans le privé.
Certes, ces tensions ne dépendent pas que de l’État, certaines collectivités tardant aussi à financer leur part de cette revalorisation, mais il est de votre devoir, madame la ministre, d’orchestrer l’entrée en application de ce dispositif.
Ma question est simple : le Ségur pour toutes et tous, c’est pour quand ?
M. Xavier Iacovelli. C’est pour maintenant !
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, vous le savez, ce Ségur de la santé a été suivi de décisions historiques. Les revalorisations, tant à l’hôpital que dans les Ehpad, n’avaient jamais atteint ce niveau. Je crois qu’il est bon de le rappeler et de le souligner.
L’enjeu est bien de proposer un rattrapage, mais lorsque l’on propose un rattrapage à des « oubliés » du Ségur, on découvre en général de nouveaux oubliés. C’est un peu ce qui se passe depuis 2020. Cela nous a fait prendre conscience de la nécessité d’un véritable dispositif qui nous permettrait d’éviter cet écueil : je veux parler de la convention collective unique pour le secteur du médico-social et du social.
C’est un véritable enjeu, sur lequel l’État et les départements sont en train de travailler. Ils se sont engagés à soutenir financièrement ce rapprochement, afin d’éviter qu’il y ait encore des oubliés à l’avenir.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Mouiller. Les pouvoirs publics incitent depuis plusieurs années à la mise en place d’une médecine de « parcours » – de santé, de soins, de vie –, à même de renforcer la prise en charge des patients et des résidents sur tout le territoire et de décloisonner les secteurs.
L’objectif affiché est de prévenir, de soigner et d’accompagner de manière globale et continue les patients et les résidents, au plus près de chez eux.
Cet objectif suppose une bonne répartition des structures sanitaires, médico-sociales et ambulatoires sur le territoire national, mais aussi la complémentarité efficace des professionnels de ces structures.
Cet objectif doit aussi accompagner un virage domiciliaire, qui répond aux souhaits d’une part grandissante de la population.
Dans ce contexte, les acteurs du médico-social ont donc un rôle à jouer dans l’organisation de l’offre de soins, et notamment dans l’offre de soins de demain, qui va devoir prendre en compte le vieillissement de la population.
Compte tenu des difficultés de recrutement du secteur médico-social aujourd’hui, des médecins aux aides-soignants, cette participation à l’organisation des soins de demain suppose néanmoins de faire bouger les lignes pour renforcer l’attractivité du secteur.
Ma question, madame la ministre, portera sur l’architecture budgétaire, et donc, indirectement, sur les moyens.
Les dépenses relatives aux soins à domicile, à savoir celles du virage domiciliaire, relèvent de deux enveloppes différentes, répondant à des logiques de régulation différentes : dotation limitative pour les services de soins à domicile ; enveloppe ouverte pour les actes infirmiers, pour me limiter à ces exemples.
Comment faire, alors, pour que cette architecture institutionnelle ne soit pas un frein à la participation du médico-social à l’organisation des soins de demain ? Quelles sont, selon vous, les conditions à réunir pour qu’une telle réforme réussisse à atteindre les objectifs fixés ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, vous l’avez souligné dans vos propos, prévoir et accompagner, c’est le véritable enjeu auquel l’État doit s’atteler, avec les partenaires que sont les conseils départementaux.
Cela doit se faire autour d’un parcours de prise en charge de la personne, qui nécessite une vision globale de tous les acteurs sur le territoire. C’est tout à fait le sujet de notre débat : acteurs du médico-social et organisation territoriale.
Le virage domiciliaire, c’est le souhait de 80 % de nos concitoyens, qui veulent pouvoir rester chez eux le plus longtemps possible. Ce souhait a été pris en compte lors du dernier quinquennat avec la restructuration des services d’aide à domicile, mais nous voyons bien que le virage domiciliaire ne peut pas être la seule réponse. Il s’agit bien de trouver un mix de solutions d’accompagnement du grand âge.
L’enjeu est avant tout celui du modèle économique.
Il y a d’abord l’heure de prise en charge. C’est pour cette raison que nous avons créé un tarif plancher de 22 euros, qui n’existait pas jusqu’alors, les tarifs étant très inégaux selon les départements. C’est un vrai progrès, voté dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale. Il y a également eu l’augmentation de 15 % du taux horaire, via l’avenant 43, pour les personnels des aides à domicile.
On voit bien que l’articulation entre les services à domicile et les actes infirmiers, deux domaines différents et complémentaires, est nécessaire. À nous d’inventer les modèles de financement qui permettent une prise en charge globale à domicile.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.
M. Philippe Mouiller. Madame la ministre, nous avons entendu votre constat, en gros le même que le nôtre, et vos objectifs, mais, concrètement, l’architecture administrative est un frein global à la mise en place d’un véritable service de qualité. Nous pourrons toujours ajouter des moyens supplémentaires, comme avec le Ségur de la santé, tant que nous ne réglerons pas ce problème d’architecture, nous aurons en permanence des difficultés. Ce point me paraît essentiel, au-delà même des budgets complémentaires, souvent aléatoires, à mettre en place.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Les acteurs du médico-social sont divers et variés. En plus des acteurs éducatifs, nous y retrouvons des soignants – aides-soignants, infirmiers, médecins généralistes, psychiatres –, et des paramédicaux – kinésithérapeutes, orthophonistes, ergothérapeutes, psychologues.
Les dirigeants de ces structures ont depuis longtemps compris l’intérêt du maillage territorial et de la coordination du parcours des personnes accompagnées par leurs structures : parcours éducatif, parcours de soins, maillage et partenariat.
Les communautés professionnelles territoriales de santé et médico-sociales pourraient être l’une des réponses. Il s’agirait de s’appuyer sur ce secteur pour renforcer les soins de demain sur nos territoires, ce qui apporterait une valeur ajoutée exponentielle.
Nous pouvons citer l’exemple de la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) d’Aulnay-sous-Bois, portée par une association médico-sociale, et qui, pourtant, répond aux missions socles des CPTS et à leur cadre réglementaire.
En revanche, dans un contexte de traitement inégalitaire entre le sanitaire et le médico-social au regard des revalorisations Ségur et Laforcade, comment comptons-nous donner envie à ce secteur de s’engager dans un nouveau défi portant sur le soin ? Quelle reconnaissance du médico-social et quels moyens pour demain allez-vous proposer ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, où vous avez présenté ces communautés professionnelles territoriales de santé du médico-social.
Je vais replacer votre intervention dans le contexte du CNR. Très clairement, ce genre d’expérimentation mérite d’être présenté, et peut-être d’être un peu plus accompagné. C’est la vocation du CNR de rendre pérennes les expérimentations qui fonctionnent et de les mettre à disposition d’autres territoires dans une sorte de boîte à outils. La création de communautés professionnelles territoriales de santé et du médico-social, dans un parcours de prise en charge globale, est à mon sens une bonne idée. Je viendrai donc volontiers observer comment fonctionne la structure que vous avez citée. On ne peut pas parler de décloisonnement et ignorer ce genre de dispositif, à partir du moment où ce sont les professionnels eux-mêmes qui se sont entendus pour le créer. Je suis intimement convaincue que ce dispositif ne peut fonctionner que s’il est créé par les professionnels, pour les professionnels, au seul bénéfice de l’accompagnement de nos concitoyens.
Madame la sénatrice, n’hésitez pas à mettre en valeur cette solution dans le cadre du CNR, à aller plus loin dans l’expérimentation d’un modèle de financement. Au croisement de la santé et du médico-social, on rencontre souvent des difficultés, car il y a plusieurs acteurs, mais si l’on trouve la maquette pour le financement, pourquoi ne pas l’intégrer dans le droit commun et la proposer à d’autres territoires ? C’est tout l’intérêt du CNR. En tout cas, je le répète, je viendrai me rendre compte sur place, car je crois que c’est l’une des réponses au problème de prise en charge globale de nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis, pour la réplique.
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Madame la ministre, en tant que médecin coordinateur de cette structure, je vous invite bien volontiers à venir nous rencontrer. Si ce type de projet peut faire l’objet d’une expérimentation généralisée, c’est parfait.
Rappelons tout de même qu’il est primordial de donner plus de moyens à tous les acteurs du secteur médico-social.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Petrus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Annick Petrus. La crise sanitaire provoquée par le covid-19 et les nombreux décès en Ehpad ont renforcé la conviction d’une nécessaire amélioration de la prise en charge des personnes âgées dépendantes.
Cette approche doit également permettre d’accroître l’efficience du soutien à l’autonomie. Elle est aussi la promesse d’une solidarité renforcée pour l’ensemble des citoyens nécessitant un soutien à l’autonomie.
Aussi, l’un des chantiers prioritaires permettant de parvenir à une réelle transformation de l’offre est, pour moi, le développement de maisons départementales de l’autonomie (MDA) ; dans la collectivité d’outre-mer de Saint-Martin, il s’agirait d’une maison territoriale de l’autonomie (MTA).
À la suite de la création, en 2007, des collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, il n’y a pas été créé de maison territoriale des personnes handicapées, analogue des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) de métropole. Une convention pluriannuelle relative aux relations entre la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et la collectivité de Saint-Martin a été renouvelée en décembre 2020, pour la période 2021-2024, sans offrir aux instances locales – commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) et équipe pluridisciplinaire d’évaluation (EPE) – le statut juridique de MDPH.
Ces instances fonctionnent à l’intention des personnes en situation de handicap ; la collectivité a recruté en interne des personnes dont les compétences permettent d’assurer pleinement les missions d’une MDPH au sein de la direction de l’autonomie. Cette direction est organisée de manière à assurer sa mission auprès des personnes en situation de handicap, mais aussi en perte d’autonomie.
À l’instar de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, mon territoire doit pouvoir rapidement migrer vers le dispositif de MTA. Cela nécessite une modification du code de l’action sociale et des familles, comme l’ajout de l’article L. 531-8 a pu le faire pour Saint-Pierre-et-Miquelon.
Madame la ministre, ma question est la suivante : l’État est-il prêt à nous accompagner dans cette évolution que nous réclamons depuis trop longtemps ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, l’équité dans l’accès aux droits pour toutes les personnes âgées et en situation de handicap est une nécessité défendue fermement par le Gouvernement.
Cette équité demande de pouvoir décliner les organisations des maisons départementales des personnes handicapées et les services du département en fonction du territoire. Ainsi, on ne propose pas un accueil de proximité de la même façon dans les Hauts-de-Seine, en Haute-Loire, en Guyane, ou a fortiori à Saint-Martin.
La mise en place, dès 2006, d’une maison territoriale de l’autonomie à Saint-Pierre-et-Miquelon résulte d’un choix fort de cette collectivité. D’autres travaux sont conduits par les collectivités d’outre-mer, comme il est prévu dans la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, à la décentralisation, à la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS.
Dès maintenant, pour garantir l’équité de traitement pour les personnes, les professionnels du pôle autonomie de Saint-Martin peuvent s’appuyer sur les outils mis à leur disposition par la CNSA : guides, webinaires d’information et échanges de bonnes pratiques. On peut saluer le suivi individualisé et personnalisé proposé aux habitants âgés ou en situation de handicap de Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon par les équipes des collectivités, qu’il s’agisse d’une maison territoriale de l’autonomie ou d’un pôle social.
J’invite donc les acteurs du territoire à formuler une demande – c’est d’ailleurs un peu ce que vous avez fait avec votre question, madame la sénatrice – et nous verrons comment nous pourrons les accompagner.
Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Saury. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Hugues Saury. Dix mille : c’est le nombre de médecins généralistes que la France a perdus en seulement douze ans !
Un tiers de la population française vit désormais dans un désert médical ; dans le Loiret comme dans plus des trois quarts de nos départements, la densité médicale a diminué en 2021. Sans surprise, la pyramide des âges des praticiens assombrit un peu plus encore ce paysage.
Parmi les propositions faites récemment, notamment par le Sénat, on trouve l’extension du champ des actes médicaux prodigués par des professionnels du paramédical. Cette proposition a trouvé un écho particulier en 2018 avec la création du métier d’infirmier en pratique avancée. Celui-ci, rappelons-le, peut désormais se voir confier par un médecin le suivi de patients, dans le strict respect du champ des compétences médicales pour lequel il a été formé et diplômé.
Le modèle de cette profession mérite notre attention : il peut nous inspirer si l’on veut atténuer les difficultés que rencontrent des acteurs du secteur médico-social.
Contraints de composer avec des moyens limités, des revenus souvent modestes et un système de formation inadapté, la majorité des professionnels du secteur regrettent de n’être ni considérés ni reconnus.
Dès lors, madame la ministre, votre éclairage est espéré sur plusieurs points.
En attendant de retrouver un nombre de professionnels de santé en cohérence avec les besoins de nos concitoyens, prévoyez-vous d’étendre la délégation de certaines compétences aux professionnels du médico-social ? Si oui, pouvez-vous préciser les actes concernés ?
Enfin, quelles mesures comptez-vous prendre pour accroître l’attractivité de ces métiers essentiels, notamment celui des aides-soignants ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur l’attractivité des métiers dans le secteur médico-social ; vous avez commencé par rappeler le nombre de médecins que nous avons perdus en quelques années.
C’est bien parce que nous avons perdu 10 000 médecins que nous nous trouvons aujourd’hui dans cette situation pour répondre aux besoins de santé de nos concitoyens. Mais la pyramide des âges n’est pas le seul facteur problématique pour le nombre de médecins, car il y a aussi, si je puis dire, un facteur sociétal : les médecins d’aujourd’hui ne souhaitent plus tout à fait travailler comme les médecins d’il y a quelques années. Quand un médecin prend sa retraite, il en faut trois pour le remplacer.
Nous partageons bien évidemment cette préoccupation, comme je l’ai déjà dit plusieurs fois aujourd’hui ; nous avons bien conscience des fortes tensions de recrutement existant dans tous les secteurs du social et du médico-social.
Les métiers du lien social souffrent aussi de leur faible attractivité. Afin d’y répondre, je le redis, nous avons déjà mené un nombre important d’actions. Nous avons engagé un effort de 4 milliards d’euros en année pleine pour l’ensemble des professionnels du secteur social et médico-social. On compte près de 700 000 bénéficiaires d’une revalorisation équivalente à 183 euros nets mensuels, dont 500 000 au titre du Ségur de la santé et de la mission Laforcade et 200 000 à la suite des annonces de la conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social du 18 février 2022. Jamais pareil investissement n’avait été entrepris dans ce secteur ; je crois qu’il faut le dire et le redire.
Mon collègue Jean-Christophe Combe a par ailleurs annoncé, le 15 septembre dernier, l’élargissement aux salariés du secteur associatif, toutes professions confondues, des mesures de revalorisation du point d’indice prises dans la fonction publique. Cette mesure est sans conteste une avancée très significative.
En outre, dans la continuité de la conférence des métiers du 18 février 2022 et pour accompagner la mise en place des actions concrètes qui ont été annoncées, le comité des métiers socio-éducatifs lancé au printemps dernier devra notamment faire avancer les chantiers relatifs à la validation des acquis de l’expérience (VAE) et au plan d’amélioration de la qualité de vie au travail.
Nous attendons dans les jours à venir un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) sur la profession des infirmiers et des infirmières. Ce rapport devra très vite nous aider à nous orienter, parce que nous avons bien conscience que nous avons beaucoup à faire pour les métiers d’infirmier et d’aide-soignant, dans le cadre des formations initiales et continues, afin de rendre ces métiers beaucoup plus attractifs ; nous en avons grand besoin et nous allons en avoir encore plus besoin dans les années à venir.
Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Saury, pour la réplique.
M. Hugues Saury. Madame la ministre, ce que l’on constate aujourd’hui, ce sont de grandes difficultés à recruter, de nombreux arrêts de travail, des démissions et des demandes de rupture conventionnelle, un sentiment de lassitude et de frustration, enfin une affirmation exacerbée des revendications d’ordre socio-économique autour de la vie chère et du bas niveau de pouvoir d’achat.
Je doute que votre réponse appelant à changer de regard ne parvienne à rassurer les acteurs du médico-social ! Pendant ce temps, l’hémorragie continue. Or, ne nous y trompons pas, l’avenir de notre système de soins dépend aussi de notre capacité à rendre attractifs ces métiers essentiels dont l’utilité sociale est reconnue. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Source http://www.senat.fr, le 13 octobre 2022