Texte intégral
Madame la déléguée interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État, chère Émilie,
Madame la directrice de l'Institut national du service public, chère Maryvonne,
Mesdames et Messieurs les membres de la direction de l'INSP,
Mesdames et Messieurs les élèves de la promotion Germaine TILLION,
Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités,
Mesdames et Messieurs,
C'est un moment important pour moi, pour nous, pour l'Institut national du service public, que cette cérémonie de fin de scolarité de la promotion Germaine TILLION.
D'abord à titre individuel, pour chacun d'entre vous, car c'est l'aboutissement de long mois de travail pour décrocher ce concours puis pour réussir votre scolarité. Cette cérémonie vient couronner l'énergie, la ténacité et tout le talent dont vous avez dû faire preuve dans ce lieu de l'excellence républicaine.
Je vis ce moment avec d'autant plus d'acuité que je sais ce qu'il représente dans un parcours d'étude supérieure. Je l'ai vécu dans un cursus très différent du vôtre, mais j'y retrouve un commun, dans la diversité de nos parcours : le fait de sortir changé d'un moment de notre vie absolument décisif.
Ce moment décisif, vous le partagez ensemble aujourd'hui, forts de la diversité de vos parcours :
- que vous soyez issus du concours externe ; vous êtes entrés ici comme étudiants, vous en sortez comme professionnels,
- que vous soyez issus du concours docteur ; alors que vous amenez à l'État des compétences spécifiques, précises, de haut-niveau dans un moment où la complexité des enjeux n'a jamais été aussi forte,
- que vous soyez issus du concours interne et du troisième concours ; ce moment va vous permettre de passer un nouveau cap dans votre parcours professionnel, de prendre de la hauteur.
Cette cérémonie est aussi un moment particulier pour l'institution, car, je dois vous le dire, vous avez une particularité historique que personne ne vous enlèvera jamais : vous avez réussi l'exploit d'être entrés par la porte de l'École nationale d'Administration et d'en être sortis par celle de l'Institut national du service public ! Si j'osais, je dirai que vous avez tué le match.
Mais mon discours ne consiste pas à vous dire d'éteindre la lumière en sortant.
Plus sérieusement, je veux vous dire que vous êtes à la fois les témoins d'une page qui se tourne et les pionniers d'un nouveau chapitre du récit de la Haute fonction publique qui reste à écrire.
C'est donc une histoire que nous allons construire ensemble.
Vous êtes les héritiers de la première promotion de l'ENA, la promotion "la France combattante" et ce n'est pas un hasard si vous avez choisi de nommer votre promotion "Germaine TILLION" en hommage à l'une des plus grandes figures de la Résistance.
Le choix des mots a toujours un sens et celui des noms a une symbolique encore plus puissante. Ces deux noms résonnent singulièrement aujourd'hui, à la fois dans l'évolution de l'État qu'ils incarnent, mais aussi – et surtout – dans le moment d'Histoire que nous vivons.
Ceux d'entre vous que j'ai pu croiser à l'occasion des 75 ans de l'association Servir connaissent mes convictions : nous vivons en un moment d'opportunité historique pour la puissance publique, pour notre fonction publique, pour le sens de notre action publique.
Et je souhaite le partager avec vous au moment où vous apprêter à vous engager dans la voie la plus noble qui existe, celle de servir notre pays.
Ce moment d'Histoire, c'est la conjugaison singulière de crises (la crise sanitaire, la guerre en Ukraine, pour ne citer que celles-ci), et de transitions majeures auxquelles nous sommes toutes et tous confrontés. Elles sont écologique, démographique, géographique, numérique et sociétale.
C'est un moment de bascule de notre Histoire, mais aussi un moment de bascule de l'histoire de nos services publics.
Je le souligne parfois, je crois qu'il ne faut pas sous-estimer l'impact et même, et j'ose le mot, la violence, de ces transformations sur nos sociétés, sur nos concitoyens, et sur nos services publics.
Je pense ici à tous nos agents qui, cet été, se sont mobilisés sans relâche et dans des conditions très difficiles, pour combattre les incendies et les conséquences d'une sécheresse exceptionnelle, qui semble devenir, malheureusement, une nouvelle forme de normalité au regard de la crise climatique.
Je pense aussi à tous ceux qui ont payé de leur vie la fonction qu'ils exerçaient au service de notre République : Samuel PATY, Ahmed MERABET, Clarissa JEAN-PHILIPPE, Jean-Baptiste SALVAING, Jessica SCHNEIDER, Patricia PASQUION.
Nous vivons donc une période de transformation brutale, intense des modes de vie et des aspirations de nos concitoyens.
Et cela crée, dans le même temps, un environnement totalement nouveau pour nos services publics, où les cartes sont rebattues, où les règles apprises ne sont plus forcément adaptées, où les conséquences de nos décisions ne sont plus aussi certaines qu'auparavant.
J'en veux pour preuve ce qu'il s'est passé pendant la crise Covid. Nos concitoyens ont vu à quel point ils pouvaient s'appuyer sur leurs services publics et sur ses agents. Au moment où ils en avaient le plus besoin, ils ont pu compter sur eux.
Et c'est aussi et surtout, un moment où l'administration s'est retrouvée.
Dans cette crise, la puissance publique a fait preuve d'humilité :
- Pour la première fois, un Premier ministre a dit à la télévision ce qu'il savait mais aussi ce qu'il ne savait pas.
- Nous avons piloté l'action publique par le terrain, en nous appuyant sur les préfets et les maires.
- Nous avons raccourci les chaînes de commandement.
- Nous avons découvert des talents.
- Nous avons décloisonné la fonction publique.
- Nous avons pris des risques.
- Nous avons simplifié.
Il y a là la préfiguration de la puissance publique telle que nous devons la concevoir au XXIème siècle. C'est celle que nos concitoyens attendent.
Il y a là l'essence même de la mission qui est la vôtre à partir d'aujourd'hui, qui est la nôtre.
Nous avons collectivement une responsabilité exceptionnelle, celle de redonner toute sa place au service public, de lui donner un cap, un sens, en somme, une raison d'être.
Oui, ces dernières années, nous avons su faire la démonstration que l'humilité pouvait se conjuguer avec efficacité et ambition, et au fond, construire par les actes, un État garant des solidarités, porteur de nos "communs" et facilitateur des grandes transitions.
Je suis convaincu que c'est à cette raison d'être que nous devrons arrimer nos priorités pour les années qui viennent et que je partage avec vous :
- D'abord l'attractivité de notre fonction publique, c'est la mère de toutes les batailles, du réarmement en savoir-faire et en maîtrise d'ouvrage de l'État jusqu'à la construction d'une filière du numérique ; des secrétaires de mairie jusqu'aux directeurs d'administration centrale ; des enjeux de fiche de paie jusqu'aux questions de réorganisation de travail et au logement des fonctionnaires. C'est ma priorité absolue.
- C'est en se fondant sur cette attractivité retrouvée que nous pourrons renforcer l'accessibilité de nos services publics, la deuxième priorité de notre action. En offrant plus de proximité, plus de voix, plus de visages, en somme plus d'humanité à nos concitoyens. L'accessibilité doit aller de pair avec la numérisation, la simplification, la modernisation de nos services publics. Elles ne s'opposent pas.
- Et enfin, je le disais tout à l'heure, faire de l'État facilitateur face aux grandes transitions. C'est certainement le virage le plus important que nous devrons réussir dans les prochaines années. Et je mets au premier rang de ces transitions la transition écologique, c'est le combat de votre génération, en réalité de c'est le combat de nos générations, c'est le combat du siècle.
Et je sais pouvoir compter sur vous. Car en vous engageant pour le service public, vous avez choisi d'être acteurs de ces changements, pas des spectateurs.
Vous avez choisi, dans ce moment d'Histoire, d'être les résistants, les combattants, les défenseurs de la raison d'être de l'État, de ses services publics et de cette tradition pluri-centenaire !
Dans ce moment, il est essentiel que notre Haute-fonction publique soit mieux armée.
Et cela débute d'abord, évidemment, par la construction d'un socle commun, d'une culture commune au sein de cette grande Institution, pour aujourd'hui et pour demain, qu'est l'INSP.
Nous l'avons vécu ensemble, ce basculement de l'ENA vers l'INSP a pu être une source d'incompréhension ou d'inquiétude, et je le comprends évidemment. Je crois – en tout cas je l'espère – que nous avons apporté les garanties et les réponses appropriées sur les choix de postes, les affectations de sortie et les perspectives de carrière.
Nous avons maintenant, je le crois, une responsabilité collective, celle de faire vivre in concreto cette réforme de la Haute-Fonction publique pour en faire une réussite.
Nous devons faire vivre deux exigences pour cette culture commune :
- la transversalité des savoir-faire, en terme de capacité à comprendre les grands enjeux de l'action publique, à s'approprier les grandes transitions, à pratiquer un management efficace et une gestion publique efficiente et exemplaire ;
- et le développement d'une expertise, d'une spécialisation dans l'exercice des métiers, par l'approfondissement ou l'alternance des expériences professionnelles.
Et pour ce qui vous attend pour votre entrée dans la Haute fonction publique, j'identifie trois grands enjeux qui sont devant nous, dont vous serez à la fois les bénéficiaires mais aussi les acteurs :
- D'abord des grilles de rémunération qui soient plus cohérentes, plus transparentes, plus attractives et qui permettent aussi de vous faire bénéficier d'accélérateurs de carrière et qui permettent de piloter la performance et l'engagement.
- Ensuite, un accompagnement personnalisé qui passe par la montée en puissance de la DIESE, et de son réseau de délégations ministérielles, dont vous serez les premiers bénéficiaires, et ce tout au long de votre parcours professionnel.
Ce sont en tout cas les objectifs que je partage avec vous, sans dévoiler les arbitrages que je prendrai dans les prochaines semaines.
- Je veux vous dire un mot enfin de la formation. A la fois la formation initiale pour ceux qui vous succèdent à l'INSP, car je sais que vous y êtes attentifs : nous allons continuer à renforcer la diversité des profils et poursuivre le travail de "sur-mesure" du parcours de chaque étudiant.
- Mais je veux aussi et surtout vous parler de la formation continue et – oserai-je le dire – de la transformation continue. J'utilise ce mot à dessein car je crois que l'enjeu c'est bien de nous armer au regard des exigences des grandes transitions, de continuer à développer nos savoir-faire managériaux, d'autant plus quand on considère la rapidité d'évolution de notre société à tous points de vue.
Une illustration très concrète de cette ambition, c'est la formation des 25 000 cadres supérieurs de l'État aux enjeux de la transition écologique à partir de l'année prochaine et d'ici 2024. La formation fera la part belle aux apports de la recherche comme à la capacité à "mettre en pratique".
C'est ce que j'annoncerai le 11 octobre prochain.
En un mot enfin, pour conclure, je veux vous remercier de choisir de vous engager, de servir notre pays au moment de notre Histoire où tout est bousculé et où d'autres n'ont pas votre courage.
Vous êtes désormais les voix et les visages de la puissance publique, vous êtes les ambassadeurs de nos valeurs républicaines. Vous êtes les garants de la société plus inclusive et plus juste que nous tachons de construire. Il n'y a pas, je crois, de plus grand dessein au service de l'intérêt général.
Longue vie à la promotion Germaine TILLION. Longue vie à l'Institut national du service public.
Vive la République et vive la France !
Source https://www.transformation.gouv.fr, le 13 octobre 2022