Interview de M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques, à Public Sénat le 18 octobre 2022, sur la contestation sociale, la fonction publique et le recours aux cabinets de conseil privés.

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Média : Public Sénat

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Bonjour.

STANISLAS GUERINI
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Bonjour Stanislas GUERINI. Merci beaucoup d'être notre invité politique ce matin. Vous êtes ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. On est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la presse régionale, représentée par Stéphane VERNAY de Ouest France. Bonjour Stéphane.

STÉPHANE VERNAY
Bonjour, bonjour.

STANISLAS GUERINI
Et bonjour.

ORIANE MANCINI
On va évidemment parler de la proposition de loi du Sénat sur le recours aux cabinets de conseil, Stanislas GUERINI, ce sera ce soir, vous nous direz ce que vous en pensez, mais d'abord, l'actualité, ça reste cette crise des carburants, 28 % des stations-services connaissent des difficultés d'approvisionnement ce matin. Emmanuel MACRON s'est emparé du dossier hier, réunion à l'Élysée, et aujourd'hui, il y a une journée de mobilisation dans plusieurs secteurs, au-delà de la crise des carburants. Est-ce que vous redoutez une contagion de ce mouvement dans les raffineries et une explosion sociale ?

STANISLAS GUERINI
Ce n'est pas mon rôle, moi, je n'ai pas à faire des pronostics, je n'ai pas à redouter, à espérer quand on est au gouvernement, on a à agir, en l'occurrence, favoriser le dialogue social, quand il n'a pas eu lieu, et puis, faire respecter ensuite les accords, principalement et singulièrement, quand ce sont des accords majoritaires dans les entreprises, c'est ça que le gouvernement fait. En l'occurrence, chez TOTAL…

ORIANE MANCINI
Donc là, est-ce que ça veut dire qu'il faut des réquisitions partout chez TOTAL ?

STANISLAS GUERINI
Chez ESSO, il y a eu des accords majoritaires, et puis, il y a un syndicat minoritaire qui continue de bloquer, c'est ça qui n'est pas compréhensible, c'est ça qui n'est pas acceptable, je crois que nos concitoyens attendent du gouvernement qu'il prenne ses responsabilités, et c'est ce que nous faisons, vous avez mentionné vous-même le fait qu'il y ait des réquisitions, elles continueront pour libérer les dépôts, et puis, faire en sorte…

ORIANE MANCINI
Donc il y en aura d'autres ?

STANISLAS GUERINI
Autant que nécessaire, évidemment, et faire en sorte, une fois que ces dépôts sont libérés, que des norias de camions puissent approvisionner les stations d'essence, est-ce que c'est le cas partout, est-ce que la situation est revenue à la normale partout, ça n'est pas encore le cas. Et donc, je veux aussi avoir un mot ce matin pour tous ceux qui galèrent, on voit bien au quotidien les images, on le vit dans chacune de nos circonscriptions, des villes, les difficultés les Français qui veulent aller bosser et qui sont au fond empêchés par une infime minorité dans le pays, qui décide de bloquer. Donc moi, je veux être très clair, je respecte évidemment le droit de grève, le droit de manifester, mais je considère que le blocage du pays, ça, c'est inacceptable, et en l'occurrence, le gouvernement prend ses responsabilités pour faire avancer les choses, faire redémarrer, remettre de la situation à la normale, parce que nous, nous pensons à celles et ceux qui travaillent.

STÉPHANE VERNAY
Alors vous dites que votre rôle, là où vous êtes, c'est d'agir en tant que ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, il y a une partie des fonctionnaires qui se mobilisent aujourd'hui, qu'est-ce que vous pouvez faire pour eux, agir ça veut dire quoi pour eux aujourd'hui, est-ce qu'il y a des négociations nouvelles…

STANISLAS GUERINI
Eh bien, agir, ça a été…

STÉPHANE VERNAY
Une revalorisation des salaires à remettre sur la table ?

STANISLAS GUERINI
De façon très concrète, c'est ce que nous avons fait, moi, dès que j'ai été nommé ministre, j'ai eu à prendre une décision sur l'augmentation du point d'indice, et en l'occurrence, on a augmenté le point d'indice des fonctionnaires comme on ne l'avait pas augmenté depuis 37 ans, 3,5 % augmentation, donc…

STÉPHANE VERNAY
Ça, c'est suffisant ?

STANISLAS GUERINI
Donc qui venaient s'ajouter aux augmentations moyennes…

STÉPHANE VERNAY
Il n'y a pas à renégocier autour de ces questions-là…

STANISLAS GUERINI
J'ai eu cet échange avec les organisations syndicales, et j'ai eu l'occasion de montrer que 3,5 % d'augmentation du point d'indice qui venaient s'ajouter à et 1,5 % d'augmentation moyenne dans la Fonction publique, ce sont les augmentations telles que nous les avons vécues cette année en 2022, ça correspondait à peu près au niveau d'inflation constaté sur l'année 2022 dans notre pays…

STÉPHANE VERNAY
Un peu au-dessous…

STANISLAS GUERINI
5,4 %, c'est l'INSEE qui le dit…

STÉPHANE VERNAY
Par rapport à 6 % d'inflation…

STANISLAS GUERINI
Je ne veux pas avoir ce débat de 0.5 point, même si évidemment, ce sont des dixièmes de points qui permettent parfois de boucler aussi les budgets. Nous avons pris aussi des mesures...

ORIANE MANCINI
Non, mais ça veut dire que malgré la mobilisation d'aujourd'hui, vous ne reviendrez pas sur votre décision de ne pas faire de nouvelles augmentations de salaires d'ici la fin de l'année ?

STANISLAS GUERINI
Elles ne sont pas prévues…

ORIANE MANCINI
Et elles ne seront pas prévues…

STANISLAS GUERINI
On aura évidemment des discussions pour l'année 2023, moi, j'ai été très clair sur le fait qu'on a un grand chantier sur l'attractivité des carrières dans la Fonction publique, c'est très clair, je mènerai avec les organisations syndicales ce chantier-là. Mais nous avons pris, là aussi…

ORIANE MANCINI
Et là, il y aura les augmentations de salaires sur la table ?

STANISLAS GUERINI
On verra quelle est la conjoncture à ce moment-là, c'est difficile d'anticiper les négociations de 2023 sur les discussions salariales, mais en tout cas…

ORIANE MANCINI
Mais ça veut dire que si l'inflation se maintient à un niveau élevé, là, vous pourrez rouvrir le chantier des augmentations de salaires ?

STANISLAS GUERINI
Je veux être très clair sur le fait que nous avons pris des décisions, je crois qu'elles étaient importantes, attendues, légitimes pour l'année 2022, et je considère que ce faisant, n'avons pas réglé la question de l'attractivité dans la Fonction publique, elle est vraiment sur la table, il y a eu deux fois moins de candidats au concours dans les dix dernières années. C'est un fait qui est extrêmement significatif. L'attractivité, ça se joue sur la fiche de paie, et je n'occulterai aucun chantier, je pense qu'il faut regarder les choses en face, l'attractivité, c'est aussi pour les fonctionnaires tout ce qui se passe en termes d'organisation du travail, de formation, de santé au travail, d'égalité entre les femmes et les hommes, et de sens, je crois que le défi qui est devant nous, c'est aussi de redonner du sens au travail au quotidien des agents de la Fonction publique, et c'est à ça que je m'attelle aujourd'hui avec les organisations syndicales, avec l'ensemble des parties prenantes, parce que ce chantier de l'attractivité, c'est la mère de toutes les batailles, si nous voulons apporte des services publics de qualité à nos concitoyens, alors, il faut s'intéresser à nos agents publics, moi, depuis le premier jour, je considère que je suis le ministre des agents de la Fonction publique.

STÉPHANE VERNAY
C'est un chantier que vous déployez dès maintenant ou tout ça, ce sont des choses que vous allez discuter courant 2023 ?

STANISLAS GUERINI
Eh bien, il y a des chantiers que nous avons ouverts dès maintenant, sur les sujets qui concernent par exemple l'égalité salariale, on va ouvrir des chantiers sur le logement des fonctionnaires, il y a des questions qui sont très importantes en matière de prévention, en matière de santé sur les lieux de travail. Donc ça, on ouvre ces questions-là…

STÉPHANE VERNAY
Ça veut dire que vous allez revenir sur la question de salaires à brève échéance, c'est possible ?

STANISLAS GUERINI
La question des salaires, d'un commun accord avec les organisations syndicales, nous avons décidé de l'ouvrir en janvier 2023, après les élections professionnelles, c'était la demande des organisations syndicales, de pouvoir avoir ce moment de démocratie sociale, moi, je m'engage pour que ça soit un moment qui soit aussi réussi, et puis, ensuite, au premier semestre 2023, qu'on puisse mettre à plat cette question des salaires et des carrières dans l'administration, dans la Fonction publique, c'est ce que nous ferons, et je tiendrai évidemment mes engagements.

ORIANE MANCINI
On va parler des cabinets de conseil, puisque le Sénat examine ce soir la proposition de loi visant à mieux encadrer le recours à ces cabinets de conseil, c'est un texte qui est issu des travaux de la commission d'enquête du Sénat, qui avait parlé, je cite, de phénomène tentaculaire et opaque, le texte du Sénat vise à durcir le cadre du recours à ces prestations. Est-ce que le gouvernement soutiendra ce texte ?

STANISLAS GUERINI
Eh bien, moi, je l'ai dit, j'ai eu l'occasion de le dire à votre antenne, j'abhorre ces débats de façon extrêmement constructive, j'ai envie, je crois, comme les Sénatrices et les sénateurs qui ont travaillé dans cette commission d'enquête, de renforcer l'État, et renforcer l'État, ce n'est pas dire qu'il n'a pas le droit de recourir à des prestations de conseil, je pense que ça serait une mauvaise position, et une vue un peu populiste que de dire ça, c'est parfois nécessaire, mais renforcer l'État, oui, c'est renforcer le cadre de contrôle de recours à ces organismes, à ces cabinets de conseil. Je n'arrive pas dans les débats de ce soir en n'ayant rien fait, en l'occurrence, on a renforcé l'accord cadre qui permet au gouvernement d'encadrer justement, et ça, nous l'avons fait dès le mois de juillet, on a pris des engagements pour publier l'ensemble des commandes de l'Etat, nous allons les mettre dans un document budgétaire, dont je peux vous dire que je déposerai un amendement dans le projet loi de finances pour que ça soit un document pérenne qui, chaque année, soit une annexe du débat budgétaire, ça donnera toute la transparence sur les commandes qui sont faites. On a pris des engagements…

ORIANE MANCINI
Donc y compris la publication des bons de commande ?

STANISLAS GUERINI
Oui, en fait, ce que nous allons faire dans ce document budgétaire, c'est faire la synthèse de toutes les commandes qui ont été passées par les cabinets ministériels, tous les montants, le dire par type de cabinet, par type de prestation et par type de ministère. Ça permettra de voir de façon extrêmement fine quelles sont les évolutions et de faire toute la transparence, donc cet engagement-là, non seulement, on le tient, mais je veux le pérenniser dans le temps, faire en sorte que, année après année, à chaque fois qu'il y aura des débats budgétaires, on puisse avoir cette annexe budgétaire, ça s'appelle un jaune budgétaire, qui fait la synthèse de toutes ces informations-là, vous voyez qu'on avance, je n'ai pas attendu pour pouvoir avancer.

STÉPHANE VERNAY
Cet inventaire-là, ce jaune budgétaire, comme vous dites, vous commencez à le faire à quelle année ?

STANISLAS GUERINI
Eh bien, dès cette année, on publie un document budgétaire qui fait la synthèse sur les montants par ministère...

STÉPHANE VERNAY
Pour l'année ?

STANISLAS GUERINI
Oui, pour cette année-là…

STÉPHANE VERNAY
Vous ne retournerez pas sur le quinquennat précédent, les cinq dernières années ?

STANISLAS GUERINI
On le fait de façon comparée aux années précédentes, et puis, surtout…

STÉPHANE VERNAY
Donc vous le faites aussi sur les cinq dernières années ?

STANISLAS GUERINI
On le fait par rapport à l'année 2021, en l'occurrence, qui a été une année où il y a eu beaucoup de recours à des prestations de conseil pour des raisons qu'on peut expliquer, puisque, c'était la crise sanitaire, qu'il y a eu besoin d'un apport à ce moment-là…

STÉPHANE VERNAY
Est-ce que ce travail-là permettra éventuellement d'identifier un certain nombre d'abus ou de dérives, quels sont les ministères qui ont le plus dépensé…

STÉPHANE VERNAY
Mais je pense…

STÉPHANE VERNAY
Y a-t-il eu des exagérations…

STANISLAS GUERINI
Je vais essayer de répondre à votre question d'abord, parce que c'est une bonne question, moi, je souhaite pouvoir renforcer le cadre de contrôle, faire la transparence, prendre aussi des mesures de déontologie pour éviter absolument tout conflit d'intérêt…

ORIANE MANCINI
Lesquels alors ?

STANISLAS GUERINI
C'est un sujet que je prends extrêmement sérieusement…

ORIANE MANCINI
On va revenir en détail sur la déontologie…

STANISLAS GUERINI
Je pense que si on laisse ce sujet à ceux qui, en réalité, ne sont intéressés que par les polémiques, qui ont envie d'utiliser ce type de sujet-là pour taper sur le gouvernement, au fond, d'affaiblir l'État…

ORIANE MANCINI
C'est qui ça ?

STÉPHANE VERNAY
Je pense qu'on fait une erreur. Ce ne sont pas les sénateurs, je veux le dire extrêmement clairement, je pense qu'ils ont travaillé sincèrement pour faire avancer les choses. En l'occurrence, il suffit d'ouvrir les réseaux sociaux pour en trouver un paquet de gens comme ça, des populistes de tous bords, vous savez…

STÉPHANE VERNAY
Au-delà des polémiques, avec un peu de recul, est-ce que vous reconnaissez qu'il y a eu des dérapages ? Vous en avez perçu ou pas ?

STANISLAS GUERINI
Non, moi, sincèrement, ce n'est pas un terme que j'utiliserais, parce que, en réalité…

ORIANE MANCINI
Alors, c'est quoi le terme alors ?

STÉPHANE VERNAY
Quel est le bon terme…

STANISLAS GUERINI
Quand on parle de dérapages, on donne le sentiment qu'il y a eu une volonté au fond de préparer à l'avance, de pouvoir, par copinage, donner tel ou tel contrat à des cabinets…

STÉPHANE VERNAY
Ça peut être aussi un dérapage par manque de cadre, puisque ce qui est en train de se passer, c'est de créer un cadre…

STANISLAS GUERINI
Ça, je le conteste absolument, il n'y a rien eu de tout ça, il n'y a rien eu de tout ce que les polémistes en tous genres ont parfois pu dénoncer sur telle ou telle entreprise de conseil. Je le conteste extrêmement fermement. Est-ce que nous avions besoin d'avoir un regard plus précis, plus exigeant sur l'utilisation de tel ou tel cabinet, des prestations, des commandes, de la façon dont on encadrait, dont on négociait les prix, je crois que la réponse, c'est oui. Donc voyez, j'essaie de vous répondre de façon équilibrée ; je crois qu'on a tous intérêt, je dis tous, ceux qui ont envie vraiment de renforcer l'État, à nous permettre d'améliorer le cadre de contrôle, c'est ce qu'on fait, par transparence, par meilleur encadrement, tout ça, nous l'avons mis dans l'accord cadre, et puis, aussi, parce qu'il y a un vrai sujet derrière, que je ne balaie pas du tout d'un revers de main, c'est comment est-ce qu'on réarme au fond l'État, comment est-ce qu'on ré-internalise un certain nombre de compétences, ça, c'est le bon débat qu'il faut qu'on puisse avoir. Et en l'occurrence, moi, je n'ai pas attendu non plus la proposition de loi pour pouvoir avancer, dès cet exercice-là, dès 2023, donc dans le budget qui est en discussion en ce moment à l'Assemblée nationale et bientôt au Sénat, nous avons pris la décision de ré-internaliser des postes de consultants pour pouvoir plus faire en interne, avoir moins de besoins de recours, vous voyez, on avance, on renforce le cadre, on progresse. Mais moi, je compte sur tous et toutes pour le faire de façon effective et de façon proportionnée, c'est exactement dans cet état d'esprit-là que j'aborde les débats de ce soir avec les sénatrices, avec des sénateurs.

ORIANE MANCINI
Oui, vous avez sans doute lu d'ailleurs la tribune d'Éliane ASSASSI d'Arnaud BAZIN qui étaient rapporteure et président de cette commission d'enquête, c'était hier dans le journal Le Monde, le recours aux consultants privés est devenu un réflexe pour l'exécutif, au détriment de sa souveraineté et de sa propre administration, est-ce que ce réflexe, il est en train de changer, ils visent juste là-dessus les sénateurs ?

STANISLAS GUERINI
Sincèrement, j'essaie de vous répondre avec la plus grande franchise possible, oui, je pense qu'on a un effort à faire de ré-internalisation de compétences, nous sommes en train de le faire, et donc nous nous dotons des moyens pour pouvoir avancer, pour pouvoir aussi, ministère par ministère, à chaque fois, se dire : est-ce que cette mission-là, est-ce que ce rapport-là, on pourrait le faire par exemple en mobilisant un corps d'inspection, parce que de temps en temps, il peut y avoir des redondances. Donc ce sujet, je le regarde absolument en face, mais je ne voudrai à aucun moment donner l'impression qu'il y a une sorte de volonté de favoriser tel ou tel cabinet, de donner du business à tel ou tel ami, ça n'est pas le cas, je veux être extrêmement clair avec vous, et donc je ne laisserai pas la moindre petite, le moindre petit espace à des vues populistes qui ne sont intéressées que par la polémique, en l'occurrence, mais je pense qu'il faut renforcer le cadre.

ORIANE MANCINI
Juste un mot parce qu'il y a une polémique sur MCKINSEY évidemment, est-ce que l'État a eu recours aux conseils de MCKINSEY depuis la publication du rapport de la commission d'enquête, et depuis que pèsent sur MCKINSEY des soupçons d'optimisation fiscale, est-ce que vous avez eu à nouveau recours à ce cabinet ?

STANISLAS GUERINI
En 2022, il y a eu des recours, parce que MCKINSEY a notamment accompagné l'État sur des sujets de mise en place d'instruments pour suivre la crise notamment sanitaire, et donc ça n'est pas illégitime. Moi, je n'aime pas ce débat…

ORIANE MANCINI
Vous aurez à nouveau recours à MCKINSEY ? Il n'y a pas de problème…

STANISLAS GUERINI
On verra bien, nous avons ouvert, je vous parlais de l'appel d'offres, et de l'accord cadre, que nous avons passé, très largement renforcé, qui a intégré la quasi-totalité des recommandations de la mission d'enquête sénatoriale, et donc, un appel d'offres en cours, moi, je n'interdis à aucune entreprise de candidater, au fond, je n'aime pas débat qui pointerait du doigt tel ou tel, qui jetterait l'opprobre ; on voit bien parfois ce qu'il y a eu derrière, derrière cette polémique, qui a donné un nom d'entreprise, d'essayer de faire le lien avec le président de la République, de faire des liens qui sincèrement ne sont absolument pas avérés, je veux le dire ici avec la plus grande clarté. Donc moi, je ne m'intéresse pas à tel ou tel cabinet, je m'intéresse à notre capacité collective à renforcer notre cadre de contrôle et à renforcer l'État. Ça, ça m'intéresse.

STÉPHANE VERNAY
L'enquête du Sénat, elle s'est concentrée sur l'État, elle a fait l'impasse sur les collectivités locales, est-ce que là, il n'y a pas un besoin d'encadrer aussi le recours aux cabinets, qu'est-ce que vous en pensez ?

STANISLAS GUERINI
Je le crois aussi, mais là aussi, sans jamais donner l'impression qu'il y aurait l'État d'un côté qui serait contre les collectivités, ou les collectivités qui seraient contre l'État. Je pense que si on est sincère, c'est mon cas, et je crois que c'est le cas des sénateurs, dans notre volonté collective de nous doter de meilleurs outils pour pouvoir renforcer notre cadre. Alors, je pense que ça peut s'appliquer effectivement et à l'État et aux collectivités. Il y a d'ailleurs des amendements…

ORIANE MANCINI
Ça, ça ferait partie des amendements du gouvernement ?

STANISLAS GUERINI
Moi, j'ai porté cet amendement, je veux être très transparent, d'autres sénateurs et sénatrices de différents bords politiques, d'ailleurs, de différents bords, ont porté des amendements pour qu'on puisse avoir cette vue large, collectivités et Etat. Il y aura certainement un débat important et intéressant sur la taille des collectivités concernées, pour qu'elles puissent assumer, entre guillemets, l'organisation qui va derrière le renforcement de ce cadre de contrôle. Mais je pense que ce sera un bon débat à avoir…

ORIANE MANCINI
Mais vous, vous souhaitez que les collectivités soient rajoutées dans le cadre ?

STANISLAS GUERINI
Oui, ça n'est pas un débat illégitime dès lors qu'on considère que ce texte, il est au fond bon pour l'État et bon pour les collectivités…

ORIANE MANCINI
Et ça, ça ferait des amendements du gouvernement…

STANISLAS GUERINI
C'est mon but, et je vous le confirme en effet.

STÉPHANE VERNAY
Une autre question sur le texte, les sénateurs demandent à interdire ce qu'on appelle les prestations pro bono, c'est-à-dire qui sont réalisées gratuitement au nom du bien public, est-ce que vous, vous êtes favorable à cette interdiction et pourquoi est-ce qu'il faut les interdire ?

STANISLAS GUERINI
Oui, j'y suis favorable, voyez, j'ai, en l'occurrence, porté un amendement pour encadrer l'écriture de cet article-là, mais, globalement…

ORIANE MANCINI
C'est-à-dire, il est…

STANISLAS GUERINI
J'y suis absolument favorable…

ORIANE MANCINI
Il y a un problème ?

STANISLAS GUERINI
On a mieux écrit une exception qui concerne le domaine culturel, de mécénat culturel, mais ça va exactement dans le sens de ce que portaient les sénateurs, et puis, de donner la possibilité en cas de crise, qui met en danger la santé ou la vie de la population, une pandémie, une guerre, un moment très particulier, ce sont les deux seules exceptions que je propose de faire figurer dans ce texte-là, mais…

ORIANE MANCINI
Ça veut dire clairement que vous souhaitez des exceptions à la règle en cas de crise ?

STANISLAS GUERINI
En cas de crise, qui met en danger la vie ou la santé de la population française, j'espère que ce n'est pas chaque année que nous vivrons ce type de crise, et je crois que ce choix, il est partagé autour de la table et au-delà de cet écran, mais au-delà de ces exceptions, je vais dans le même sens que les sénateurs et les sénatrices. L'idée, c'est…

STÉPHANE VERNAY
C'est-à-dire que derrière une prestation gratuite, il y a une espèce de cheval de Troyes ?

STANISLAS GUERINI
Encore une fois, moi, je pense qu'il faut se donner tous les outils pour éviter toute prise à ce qui peut être de l'influence, des conflits d'intérêt potentiels. Et donc effectivement, la position du gouvernement, elle va dans le même sens que celle qui est portée par les sénatrices, par les sénateurs, de pouvoir se dire : on ne donne aucune prise, donc pas de prestations gratuites, pour essayer de se prémunir ou prévenir un éventuel conflit d'intérêt, pour plus tard renvoyer l'ascenseur et donner telle ou telle mission, je pense que ça fait partie des choses qui sont légitimes et saines, qui sont portées dans ce texte.

ORIANE MANCINI
Est-ce qu'il faut un plafond de dépenses lors de recours aux cabinets de conseil pour vous ?

STANISLAS GUERINI
C'est ce que nous avons décidé de faire dans le cadre de cet accord cadre dont je vous parle depuis tout à l'heure, en plafonnant le montant de dépenses de chacune des commandes, et puis, en faisant quelque chose aussi qui pouvait avoir lieu avant, c'est-à-dire limiter le nombre de droits de suite, c'est-à-dire qu'on pouvait pour un cabinet ministériel, pour un ministère, initier une mission, et puis, avoir plusieurs droits de suite, qui permettaient éventuellement de dépasser les plafonds, eh bien, ça, c'est fini, on a limité le droit de suite à un par mission, qui rentre dans ce plafond-là, de 2 millions d'euros par mission, c'est beaucoup, le montant moyen des missions, c'est plutôt 55.000 euros, voyez, pour vous donner un ordre de grandeur. Mais effectivement, vous voyez que là aussi, on renforce le cadre.

ORIANE MANCINI
Vous parliez de déontologie pendant la crise sanitaire, et c'est aussi ce que le rapport du Sénat a mis en lumière, on avait une certaine confusion entre les salariés du privé et les fonctionnaires des ministères concernés, comment là, on garantit que ça ne sera plus le cas, et que cette confusion, c'est terminé ?

STANISLAS GUERINI
Eh bien, d'abord, il y a une mesure qui est portée par la commission d'enquête sénatoriale et qui est inscrite dans la PP, et que je soutiens largement, c'est d'interdire l'écriture en marque blanche, c'est-à-dire, on ne sait pas qui tient le crayon, au fond, savoir quand un document est publié par une administration, il pouvait y avoir une confusion de savoir, est-ce que c'est le cabinet du ministre, est-ce que c'est l'administration, est-ce que c'est un cabinet de conseil qui l'a écrit, ça, c'est fini. A chaque fois désormais qu'il y aura une mission de conseil, ça sera fait avec le logo du cabinet de conseil qui a fait cette mission pour avoir la totale clarté, la totale transparence sur, au fond, la parole portée ; je crois que c'était très important, vous voyez, sur ce point-là aussi, nous nous retrouvons, et nous renforçons encore une fois le cadre.

ORIANE MANCINI
L'État, vous avez d'ailleurs un objectif, vous, de réduction de 15 % du recours aux cabinets de conseil cette année…

STANISLAS GUERINI
Exactement…

ORIANE MANCINI
Est-ce que cet objectif sera tenu ?

STANISLAS GUERINI
Oui, je le crois. On est exactement en bonne voie pour faire cela, c'est ce que permet d'ailleurs de vérifier le document budgétaire dont je parlais tout à l'heure, et donc l'objectif, je pense que, sincèrement, nous le tiendrons.

ORIANE MANCINI
Et pour les années suivantes ?

STANISLAS GUERINI
Bien entendu…

ORIANE MANCINI
Mais ça sera encore moins 15 % chaque année ?

STANISLAS GUERINI
Je serais totalement incohérent au fond si je vous disais qu'on ré-internalise des compétences et que je ne souhaitais pas tenir cet objectif-là. Alors, là aussi, l'accord cadre que nous avons pris, nous l'avons pris pour les 4 prochaines années, 150 millions d'euros pour l'ensemble des ministères pour les 4 prochaines années. Et donc, c'est totalement cohérent avec la circulaire qu'avait prise le gouvernement, qu'avait prise le Premier ministre à l'époque, Jean CASTEX, le 19 janvier 2022, pour indiquer que le cap, c'était une réduction de 15 %, et donc les engagements que nous prenons pour les 4 prochaines années, il est exactement cohérent avec cette réduction de dépenses.

ORIANE MANCINI
Donc si on vous suit bien ce matin, vous êtes optimiste sur un accord ce soir ou demain, parce que l'échange peut durer…

STANISLAS GUERINI
En tout cas, je souhaite y parvenir…

ORIANE MANCINI
Avec le Sénat…

STANISLAS GUERINI
Moi, je le dis clairement, on a eu l'occasion d'en discuter ce matin, je porte les points qui, pour ma part, je pense, permettront de rendre le texte plus effectif, parfois plus proportionné aussi dans les finalités qui sont recherchées, et mon objectif c'est de convaincre, de convaincre qu'on puisse améliorer ce texte ensemble et je le soutiendrai très largement, oui.

ORIANE MANCINI
Et après, qu'est-ce qu'il va devenir ce texte, est-ce que vous souhaitez que la majorité s'en empare à l'Assemblée nationale ?

STANISLAS GUERINI
Je souhaite qu'il puisse être examiné évidemment à l'Assemblée nationale, on va voir quel est le texte qui sort du Sénat, après il y a différentes possibilités, soit il sera repris sur une niche parlementaire des groupes qui portent ce texte au Sénat, ça ne renvoie pas très loin, il y a beaucoup de niches parlementaires qui sont accessibles, soit, je ne l'exclue pas, qu'il puisse être repris par la majorité aussi, en tout cas moi je souhaite…

ORIANE MANCINI
Et par le gouvernement, si jamais les parlementaires ne s'en emparent pas vous le reprendrez, vous ?

STANISLAS GUERINI
Éventuellement, on verra, mais permettez-nous de faire d'abord l'examen du texte ce soir, de voir quel est le texte qui sort du Sénat, pour ensuite pouvoir prendre une position, savoir s'il sera examiné dans une niche parlementaire à l'Assemblée ou sur le calendrier gouvernemental, objectivement je n'exclue rien, les deux sont possibles…

ORIANE MANCINI
Mais vous souhaitez que ça ne s'arrête pas au Sénat ?

STANISLAS GUERINI
Et ma volonté c'est que ce texte puisse cheminer, je vous le confirme.

STÉPHANE VERNAY
Une question sur les retraites. Le ministre du Travail a commencé le premier cycle de négociations avec les syndicats, est-ce qu'il y aura des négociations spécifiques concernant les fonctionnaires, quel sera votre rôle en la matière, est-ce que vous êtes impliqué dans cette démarche ?

STANISLAS GUERINI
Oui, en l'occurrence effectivement il y a des discussions qui ont lieu, en parallèle de la discussion sur l'intégralité du texte, c'est le dossier effectivement porté par Olivier DUSSOPT, et sur la façon dont on traduit cette réforme pour la fonction publique, d'évidence…

STÉPHANE VERNAY
Ce sera simple ou ça va être tendu ?

STANISLAS GUERINI
C'est des discussions qui sont toujours très utiles, moi je n'ai pas à les qualifier de simples ou de tendues.

STÉPHANE VERNAY
Donc vous dites utiles ?

STANISLAS GUERINI
Évidemment, moi je souhaite que le texte puisse s'appliquer aussi à la fonction publique, y compris, et je veux le dire en toute transparence, s'il y a un allongement de la durée de cotisations ou un recul de l'âge de départ ça doit s'appliquer de façon symétrique pour la fonction publique, mais pour nous aussi, si je puis dire, agents de la fonction publique, il y a beaucoup de choses à discuter, sur les questions de pénibilité, sur les questions aussi de cumul emploi-retraite, de la façon dont on aménage la fin de carrière, ce sont des bonnes discussions et nous les menons, je pense dans un état d'esprit constructif, avec les organisations syndicales.

ORIANE MANCINI
Une dernière question sur le budget Stéphane.

STÉPHANE VERNAY
Oui, très vite. Le 49.3, c'est pour aujourd'hui ou pour demain ?

STANISLAS GUERINI
Ce n'est pas ma décision, ce n'est pas à moi de le dire…

ORIANE MANCINI
La question piège de fin.

STANISLAS GUERINI
Oh non, ça ne me semble pas être une question…

STÉPHANE VERNAY
Vous avez peut-être des infos.

STANISLAS GUERINI
Vraiment piège, parce que dès lors que les oppositions ont dit depuis le début de ce texte, je ne leur jette pas la pierre, mais quels que soient les amendements qui seront inscrits et portés, nous voterons pour – contre, pardon – c'est un lapsus révélateur. La logique du 49.3 elle me semble s'imposer, après c'est une question de calendrier d'ici mercredi soir, si je ne dis pas de bêtise, mais là je vous fais un peu de langue de bois, j'en suis conscient, pour terminer cet entretien.

ORIANE MANCINI
Merci Stanislas GUERINI.

STANISLAS GUERINI
Merci à vous.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'avoir été notre invité, on suivra bien sûr la séance qui démarrera ce soir au Sénat sur ce recours aux cabinets de conseil, on en parlera demain matin avec la rapporteure du texte, merci Stéphane d'avoir été avec nous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 octobre 2022