Interview de Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé, à RMC le 24 octobre 2022, sur l'épidémie de bronchiolite et la pénurie de pédiatres.

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Média : RMC

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
C'est l’heure de l’invitée du jour. C’est donc vous, Agnès FIRMIN LE BODO. Vous êtes ministre déléguée aux professions de santé. 150 millions d'euros, 150 millions d'euros c'est ce qu'a été débloqué en urgence ce week-end pour que les services notamment pédiatriques à l'hôpital puissent faire face, faire face parce qu'ils se disent débordés, et voilà leur réponse : on a vécu cette annonce comme un affront, c'est ce qu'expliquait un pédiatre qui était notre invité ce matin. Est-ce que vous pourriez faire encore plus, faire davantage ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Alors tout d'abord, depuis maintenant plusieurs semaines, nous suivons au ministère de la Santé en direct avec les pédiatres eux-mêmes, avec les ARS, avec les directeurs d'hôpitaux, la situation de cette épidémie de bronchiolite qui n'est pas plus forte que les autres années, mais elle arrive un mois plus tôt. Tout d'abord rappeler que la bronchiolite est une maladie bénigne, qu’elle est grave dans 2 à 3 % et nécessite des hospitalisations dans 2 à 3 %. Nous avons entendu nous avons entendu le message des pédiatres et dès ce week-end nous avons réagi, puisque nous suivons cette évolution de l'épidémie depuis maintenant plusieurs plus semaines.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous n’êtes pas surprise par l'épidémie elle-même, mais est-ce que vous êtes surprise par quand même par la virulence de l'appel des pédiatres qui disent : vraiment on n'a pas les moyens de faire face, on n'y arrive pas ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Alors la première des réponses, ç’a été les annonces faites par le ministre de la Santé avec ces décisions prises avec le président de la République et la Première ministre : un fonds de 150 millions d'euros débloqués directement à la main des agences régionales de santé. Les mesures d'été qui ont été prolongées avec la possibilité pour les médecins de ville, via les services d'accès aux soins, de bénéficier s'ils prennent en soins non programmés des jeunes malades une rémunération supplémentaire. La complémentarité entre le lien ville-hôpital. La solidarité inter hôpital qui est importante : des enfants ont été transférés dans les hôpitaux d'Amiens et de Rouen. Et puis nous menons - ça ce sont les mesures d'urgence - des campagnes de communication sur la bronchiolite ; rappeler aux parents qu'il faut absolument faire le 15 avant de se déplacer. Tout d’abord la première des mesures, c'est appeler son médecin traitant. C’est appeler son médecin traitant.

APOLLINE DE MALHERBE
Bien sûr.

AGNES FIRMIN LE BODO
Non mais la bronchiolite c’est très, très impressionnant pour les parents. Franchement quand on est jeune parent, un bébé qui fait une bronchiolite c’est vraiment très impressionnant.

APOLLINE DE MALHERBE
J’ai été confrontée souvent à la bronchiolite, je suis parfaitement d’accord.

AGNES FIRMIN LE BODO
Donc la première des choses, c'est appeler son médecin traitant et faire le 15 avant de se déplacer.

APOLLINE DE MALHERBE
Et faire le 15 avant d'emmener son enfant directement aux urgences, ça on l’a bien compris. Mais j’ai l’impression que c’est un peu un dialogue de sourds parce qu’en fait ce que vous disent les pédiatres et ce que vous dit le service de pédiatrie, tous les services de pédiatrie en France, en fait vous répondez bronchiolite mais eux, ils ne vous parlent pas bronchiolite. Ils vous disent : la bronchiolite, c'est l'étincelle mais en fait le problème c'est la situation de l'hôpital et des urgences et de l'accueil des enfants.

AGNES FIRMIN LE BODO
Alors je vais vous répondre à la deuxième question, je réponds sur la bronchiolite qui est quand même le sujet d'urgence et à laquelle on répond par les mesures dites. La deuxième partie qui concerne la structuration de la prise en charge de la santé des enfants, parce que c'est bien ce dont il s'agit, deux temps. D'abord le Conseil national de la refondation en santé que nous avons haussé le 3 octobre avec une partie ‘mieux vivre à l'hôpital’ qui va nous permettre de répondre j’allais dire à la problématique de l'hôpital. Je mène moi aussi en collaboration avec Philippe de NORMANDIE un sujet sur la santé des professionnels de santé. C'est quelque chose sur lequel il est important de travailler. Ça, c'est la première des parties. Le ministre de la Santé a annoncé hier les Assises de la pédiatrie. Pourquoi il faut lancer les Assises de la pédiatrie ? Parce que…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce qu’on a encore besoin de ça ? Il y a eu des missions flash, il y a eu des études…

AGNES FIRMIN LE BODO
Je vais terminer ma réponse.

APOLLINE DE MALHERBE
Et là vous nous mettez encore une étude sur la pédiatrie.

AGNES FIRMIN LE BODO
Non, non, ce n’est pas une étude de la pédiatrie. Le constat, nous l’avons. Nous l'avons. Il y a moins de pédiatres en ville. Moins de pédiatres en ville, ça veut dire 85 % des enfants qui sont suivis par les médecins généralistes qui, eux aussi sont moins nombreux. Donc on va aux urgences pédiatriques. Il y a un problème avec les médecins de PMI, les conseils départementaux n'arrivent plus à recruter des médecins de PMI. Il y a un problème avec la médecine scolaire, donc les enfants sont moins pris en charge et moins surveillés à l'école. Et quand vous mettez tout ça bout à bout, ça veut dire que nous avons un problème de prise en charge pour la santé de nos enfants. Il y a moins d’infirmières puéricultrices donc l'idée c'est, à travers ces Assises de la pédiatrie, ce n'est pas de faire le constat. Le constat, nous l'avons tous. 44 % des pédiatres de ville ont plus de 60 ans.

APOLLINE DE MALHERBE
Agnès FIRMIN LE BODO, quand vous entendez notamment l'appel vraiment des médecins de Necker ; Necker, il faut quand même le dire, c'est un hôpital de pointe dont la France a été longtemps extrêmement fière, hôpital de pointe en soins pédiatriques, et ils nous disent : des enfants restent désormais parfois jusqu'à 12 heures sur un brancard à Necker. Si vous avez déjà le constat, vous faites quoi ? Est-ce que vous pourriez faire en sorte que ce soir, demain, dans les jours qui viennent un enfant qui arrive aux urgences de Necker – urgences - ne se retrouve pas 12 heures sur un brancard ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Là aussi, je veux dire… Ce que je vous disais, nous avons un problème avec la pédopsychiatrie. Aux urgences de pédiatrie, nous accueillons des enfants qui relèvent de la pédopsychiatrie mais nous n’avons plus de pédopsychiatres. La problématique, c'est que notre système de santé a bien un problème général : nous manquons de médecins, nous manquons de personnel soignant, nous manquons aussi d'infirmières. Eh bien l'idée autour de ces Assises de la pédiatrie, c'est bien d’essayer de restructurer toute la filière de prise en charge de la santé de nos enfants et la globalité de la mission qui est celle du ministère de la Santé, qui a déjà commencé lors du dernier quinquennat : la suppression du numerus clausus pour faire des médecins mais il faut 10 ans, plus de 10 ans pour faire un médecin. C’est toutes ces choses sur lesquelles nous travaillons et nous sommes intimement convaincus qu’avec toutes les parties prenantes pour ces Assises, devons restructurer la prise en charge de la santé de nos enfants.

APOLLINE DE MALHERBE
Le simple fait que dans un sens vous ayez votre poste, c'est-à-dire Agnès FIRMIN LE BODO, je le rappelle, vous vous êtes ministre déléguée aux professions de santé sert, c'est-à-dire que vous êtes rattachée au ministre de la Santé mais vous, vous vous occupez précisément des professionnels de santé. Ça montre bien qu’avant même de prendre votre job il y avait un vrai problème, et on a quand même l'impression là que les pédiatres doivent écrire à Emmanuel MACRON pour dire : non mais attendez, ne nous oubliez pas, c'est la catastrophe.

AGNES FIRMIN LE BODO
Si le président de la République et la Première ministre ont décidé de créer le ministère dont j'ai l'honneur d'avoir la charge, organisations territoriales et professions de santé, ça veut bien dire que la prise de conscience elle est que les mesures prises lors du dernier quinquennat sont des mesures du temps long, qui ne produisent pas leurs effets. Que nous sortons de deux ans de crise sanitaire, ne l'oublions pas, où nous avions un système qui était déjà fatigué avant la crise sanitaire. Après deux ans de crise sanitaire, les personnels sont à bout de souffle, il faut le signaler. Je suis moi-même professionnelle de santé donc je vois très bien ce que ces deux ans ont impacté les personnels de santé. Donc la création de ce ministère, c'est bien à la fois de répondre au sujet des territoires, des déserts médicaux dont nous parlerons peut-être tout à l'heure et aussi des professionnels de santé. Comment redonner de l'attractivité aux professionnels de santé ? C’est la première fois que les professionnels de santé…

APOLLINE DE MALHERBE
Les déserts médicaux, on en parle régulièrement. On en reparlera ; là c'est vrai que c'est vraiment la question des pédiatres et, à la limite vous y avez répondu vous-même en disant qu'il y avait un vrai problème de la baisse du nombre de pédiatres en ville. J’ai encore deux 2 questions que je voudrais vous poser sur le Covid et sur le Doliprane. Sur le Covid d'abord, les chiffres sont élevés, restent très élevés avec des formes parfois graves. Est-ce qu'il faudrait accélérer une nouvelle prise de vaccin, y compris pour ceux qui ne sont pas dans les personnes à risques ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Alors pour l'instant, la vaccination reste pour les personnes à risques notamment sur la deuxième dose de rappel. Nous ne vaccinons pas assez les personnes éligibles, les personnes de plus de 60 ans et les personnes fragiles avec la dose de rappel.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc ça doit rester la priorité.

AGNES FIRMIN LE BODO
Donc il faut absolument accélérer. Je rappelle que nous avons aussi ouvert la campagne de vaccination contre la grippe et qu'il est important de se faire vacciner contre la grippe, et il est aussi important collectivement de nouveau de respecter les gestes barrières.

APOLLINE DE MALHERBE
Le masque ? Quand on voit que l'Allemagne décide de remettre le masque.

AGNES FIRMIN LE BODO
Le masque est fortement recommandé dans les transports en commun, et nous suivons au ministère de la Santé jour par jour l'évolution de cette…

APOLLINE DE MALHERBE
Et s’il le faut, vous réactionnerez l’obligation du masque.

AGNES FIRMIN LE BODO
Et s'il le faut, il faudra prendre les mesures nécessaires après l’avis des scientifiques.

APOLLINE DE MALHERBE
Et une question très concrète pour tous ceux qui nous écoutent. S’ils n’ont plus de Doliprane dans leurs placards, est-ce qu'ils peuvent aller chez le pharmacien acheter du Doliprane ? Combien de boîtes ? Est ce qu'il y a une crainte ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Les pharmaciens ont alerté le ministère de la Santé sur une éventuelle pénurie de Doliprane, et d'autres d'ailleurs, de paracétamol plutôt.

APOLLINE DE MALHERBE
Paracétamol plus globalement. On appelle Doliprane de manière commune.

AGNES FIRMIN LE BODO
L’idée est de dire que, attention, le paracétamol est le produit le plus consommé depuis la crise sanitaire, donc les pharmaciens doivent délivrer 2 boîtes lorsqu'il n’y a pas d'ordonnance et lorsqu'il y a une ordonnance le quotidien du pharmacien c'est de discuter avec le patient pour savoir s'il a besoin de prendre autant de boîtes. Ne stockons pas le Doliprane, prenons ce dont nous avons besoin. Il est toujours important d'avoir une boîte à la maison mais pas plus.

APOLLINE DE MALHERBE
Voilà, une boîte à la maison mais pas besoin de se faire des stocks.

AGNES FIRMIN LE BODO
Ça pose la question de la souveraineté de l'Europe par rapport à tous ces produits. C'est bien l'enjeu des travaux qui ont été lancés en ce sens sur notre souveraineté par rapport aux produits pharmaceutiques.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais si les Français restent à une boîte à la maison et une ou deux boîtes quand on va chez le pharmacien, il n’y a pas de risque de désapprovisionnement.

AGNES FIRMIN LE BODO
Et le paracétamol existe sous beaucoup de formes. Donc même si on préfère prendre une gélule, peut-être qu’il faudra prendre un comprimé à la place.

APOLLINE DE MALHERBE
Agnès FIRMIN LE BODO, merci d'être venue donner toutes ces précisions et ces réponses notamment aux pédiatres. Vous être ministre déléguée aux professions de santé. Et puis plus largement, vous le rappelez aussi, en cas d'inquiétude de bronchiolite sur son enfant, on appelle son médecin traitant ou le 15.


source : Service d’information du Gouvernement, le 25 octobre 2022