Interview de M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques, à RFI le 28 octobre 2022, sur le rachat de Twitter par Elon Musk, les aides de l'État face à la crise énergétique, les motions de censure à l'Assemblée nationale, le Conseil national de la refondation et la réforme des retraites.

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Média : Radio France Internationale

Texte intégral

JULIEN CHAVANNE
Stanislas GUERINI, bonjour.

STANISLAS GUERINI
Bonjour.

JULIEN CHAVANNE
Vous l'avez peut-être vu en vous levant ce matin, le tweet de la nuit, celui d'Elon MUSK, " l’Oiseau est libre ", le milliardaire américain rachète finalement, après moult rebondissements, le réseau social américain, il explique vouloir des débats sains sur Internet, Twitter c'est un outil très important pour les politiques, est-ce que vous croyez Elon MUSK sur la modération des débats sur Twitter ?

STANISLAS GUERINI
On verra sur les actes, moi ce qui m'intéresse effectivement, au-delà de la possession par tel ou tel de telle ou telle entreprise, c'est qu'on puisse continuer à réguler les contenus en ligne, c'est ce qu’on s’est engagé à faire, on l'a fait dans le quinquennat précédent, on a voté une loi, en France. C’est un combat que la France porte au niveau européen, de mieux réguler, on ne peut pas accepter l'idée que ces réseaux-là soient des zones de non-droit, où ce qu’on n’accepte pas dans la vraie vie, ce qu'on n’accepterait pas entre deux personnes physiques, aujourd'hui on a trop tendance à considérer que c'est acceptable sur des réseaux, où derrière l'anonymat on peut raconter n'importe quoi, on peut livrer des thèses complotistes, donc je pense que ce combat-là c'est un combat qui est encore devant nous, si vous voulez mon avis on n’y est pas totalement encore, et donc il doit continuer d’être mené, avec Twitter, et puis avec l'ensemble des plateformes, qui ont aujourd'hui un grand pouvoir, une grande influence sur la démocratie, et donc ce sujet-là c'est un vrai sujet de régulation, pour les pouvoirs publics, sur des acteurs privés.

JULIEN CHAVANNE
Ça s’est passé justement sur Twitter, hier Elisabeth BORNE a tenu une conférence de presse, elle a annoncé de nouvelles mesures pour aider les entreprises, les collectivités, les hôpitaux, toujours face à la hausse des prix de l’énergie, 12 milliards d'euros au total. Le fameux " quoi qu'il en coûte " il est sans fin ?

STANISLAS GUERINI
12 milliards, de plus, je veux le dire, parce que ce que nous allons faire pour protéger non seulement les entreprises, les collectivités, mais aussi les ménages, avec ce bouclier tarifaire, c'est beaucoup plus d'argent en réalité qu'on investit. Pourquoi est-ce qu'on le fait ? On le fait parce que l'inflation, telle qu'on la connaît aujourd'hui, c'est un impôt de l'extérieur, c'est de l'argent qui part, pas en France, mais à des pays producteurs d'énergies fossiles, donc c'est le monde à l'envers, et donc toute notre stratégie économique c'est d'essayer de protéger les Français, on le fait mieux que nos voisins, on le fait mieux que quelconque autre pays européen, justement en protégeant, en limitant la hausse des prix de l'énergie.

JULIEN CHAVANNE
« Quoi qu’il en coûte » encore et toujours ?

STANISLAS GUERINI
C’est une forme de « quoi qu’il en coûte » beaucoup plus ciblée, vous en conviendrez, que ce qu'on a vécu avant, mais on le fait sur la source principale qui alimente la boucle inflationniste aujourd'hui, et on a raison de le faire, puisqu’aujourd'hui la France c’est le pays qui a le taux d'inflation en Europe le plus faible. Est-ce que ça veut dire que les ménages français ne vivent pas l'inflation ? évidemment que non, on voit bien, particulièrement pour les plus faibles rémunérations, pour les revenus, les ménages aux revenus les plus modestes, donc il faut continuer à le faire, et le faire de façon toujours plus ciblée, c'est ce qu'a annoncé la Première ministre hier.

JULIEN CHAVANNE
Est-ce que vous avez l'impression de gouverner crise après crise ?

STANISLAS GUERINI
J’ai l'impression d'essayer de conserver un cap, ce cap c'est celui du travail - au début du quinquennat précédent, voyez, le plein emploi c'était une idée qui était très théorique - c'est atteignable dans ce quinquennat. Le cap qui est le nôtre c'est celui de la réindustrialisation du pays, c'est pour ça qu'il ne faut pas lâcher maintenant, cette politique-là qui consiste à aider les entreprises, à faire en sorte qu’on puisse inverser la courbe de production des emplois industriels, c'est faire en sorte qu'on puisse continuer à mener une politique qui fasse que la France est le pays le plus attractif d'Europe quand il s'agit d'investissements, qui permettent de maintenir notre croissance. C’est un cap qui n’est pas tout le temps facile à maintenir puisque vous avez vu qu’il y a quand même quelques voix, parfois, qui s’y opposent, mais nous on est bien déterminé, je crois que c'est notre responsabilité de continuer à avancer, malgré les crises, avec une vraie stratégie, un vrai cap.

JULIEN CHAVANNE
Alors des voix justement qui s'opposent à vous à l'Assemblée, on les entend beaucoup en ce moment, nouvelles motions de censure, deux nouvelles déposées par le Rassemblement national et la France insoumise. Emmanuel MACRON, dans son interview cette semaine, a dit qu'il fallait tendre la main aux Républicains, vous venez de la gauche, sur quoi vous pouvez vous entendre avec la droite ?

STANISLAS GUERINI
Moi ce n’est pas spécialement avec la droite, c’est avec toutes celles et ceux qui veulent continuer à redresser le pays. C’est vrai que je vois… vous avez raison, moi j'ai été au Parti socialiste, je vois avec beaucoup de tristesse ce qu’est aujourd'hui devenu le Parti socialiste, c'est-à-dire à la remorque de la France insoumise au sein d'une alliance, coalition, où au fond l'intérêt principal c'est d'essayer de faire tomber le gouvernement, au mépris de toutes les barrières qui existaient dans la vie politique. On l’a vu cette semaine, c’est une semaine extrêmement signifiante, où d'une certaine façon les masques sont tombés, on a vu que la volonté de faire tomber le gouvernement elle primait sur le fait de ne pas faire alliance avec l'extrême-droite, mais c'est une digue majeure qui a cédé au sein de la NUPES, et donc cette stratégie-là elle continue à l'Assemblée nationale, et nous, dans ce moment-là, qui est un moment, je veux bien en convenir, assez chaotique à l'Assemblée nationale, on doit, parce qu’on a l’intérêt de protéger nos concitoyens, de faire avancer le pays, on doit continuer à avancer en responsabilité, et en responsabilité c'est de faire avec celles et ceux qui ont ce sens de l'intérêt général, il n’est plus très partagé sur tous les bancs, donc on tend la main à toutes celles et ceux qui, dans leur vote à l'Assemblée, ont manifesté une forme de responsabilité, les LR, d’autres groupes aussi, n’ont pas voté la motion de censure, c'est pour ça que le président de la République a continué à tendre la main.

JULIEN CHAVANNE
Stanislas GUERINI, aujourd'hui vous lancez le CNR sur le service public, le CNR c'est le Conseil national de la refondation, il a été créé par Emmanuel MACRON début septembre pour mieux discuter avec les forces vives du pays. Question simple, réponse simple, quand on parle du CNR, Stanislas GUERINI, c'est quoi le but aujourd'hui de vos réunions ?

STANISLAS GUERINI
Le but c'est de pouvoir d'abord réunir autour de la table des gens qui ne se réunissent pas tout le temps, on a des discussions avec les organisations syndicales, avec un certain nombre d'acteurs, je pense que ça a beaucoup de valeur, pour ce qui concerne par exemple les services publics, moi j'ai la charge des services publics, de réunir l'ensemble des gens qui font vivre nos services publics, qui interagissent avec les services publics, dans un moment où, vous avez parlé de crises, on fait face à des grandes transitions qui viennent percuter notre société, dans un moment où beaucoup de choses sont chamboulées, on a besoin de retrouver du sens. Moi il n’y a pas un interlocuteur que je rencontre, en parlant de la fonction publique, des services publics, qui ne me dit pas ce besoin de retrouver un sens, une grammaire commune, une action commune.

JULIEN CHAVANNE
Du côté des usagers…

STANISLAS GUERINI
Du côté des usagers, comme des agents.

JULIEN CHAVANNE
Qui attendent plus, et aussi des agents.

STANISLAS GUERINI
Mais bien entendu.

JULIEN CHAVANNE
Le malaise il est des deux côtés.

STANISLAS GUERINI
Que vous parliez avec un agent de guichet, qui est face à l'usager, ou avec un haut fonctionnaire, ce besoin de sens il est manifesté de la même façon. On a besoin, je crois aujourd'hui, dans un monde profondément bouleversé, où on vit des crises, des crises climatiques, des crises en fonction de la transition numérique, de la transition démographique, tout ce qui vient percuter notre société, on a besoin de retrouver le sens d'une action en commun, d'une doctrine d'action publique, eh bien avec celles et ceux qui ont accepté de venir discuter avec moi, on va travailler là-dessus, parce que je crois, j'ai la conviction qu'aujourd'hui on peut faire converger les visions, pas forcément sur tout, pas sur toute l'application des réformes, mais au moins sur une forme de raison d'être des services publics, je pense que ça a beaucoup de valeur.

JULIEN CHAVANNE
Avec ceux qui sont venus, la CGT, premier syndicat représentatif des agents publics, ne sera pas là.

STANISLAS GUERINI
D’autres forces syndicales seront là, la plupart des forces syndicales seront là, pour pouvoir discuter de nos services publics, ils y sont profondément attachés, après moi ma responsabilité c'est d'essayer d'avancer, là aussi avec celles et ceux qui ont la volonté de pouvoir le faire, la CGT avait déjà décidé de ne pas participer au Conseil national de la refondation quand le président de la République l'a lancé, c'est pour moi pas forcément une surprise qu’ils ne participent à cette conférence des parties prenantes sur les services publics, que j'organise aujourd'hui, mais on va continuer à travailler, y compris la CGT, elle participe à toutes les conférences salariales, à toutes les conférences de dialogue social, que je mène avec les organisations syndicales, donc c'est là aussi l'important.

JULIEN CHAVANNE
Deux questions en une minute Stanislas GUERINI. Emmanuel Macron a dit peut-être 65 ou 64 ans pour la réforme des retraites, les syndicats ont déjà dit ça ne va pas assez loin. On est dans un rapport de force là, on n'ira pas plus loin avec les syndicats ?

STANISLAS GUERINI
On est dans un programme présidentiel qui a été présenté aux Français et que le président de la République a toute la légitimité pour pouvoir appliquer aujourd'hui, donc c'est bien normal et légitime que la discussion avec les organisations syndicales elle soit menée sur les bases du programme présidentiel, et le programme présidentiel c'est à la fois un allongement de l'âge de départ à la retraite, un recul de l'âge de départ à la retraite, pour pouvoir financer notre modèle social, pour pouvoir financer le système de retraite, et pour pouvoir aussi financer des progrès, par exemple l'augmentation de la retraite minimale, je crois que c'est absolument essentiel de le faire.

JULIEN CHAVANNE
Je n’ai pas le temps pour une dernière question, mais merci quand même Stanislas GUERINI d’être venu ce matin sur RFI.

STANISLAS GUERINI
Merci à vous.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 2 novembre 2022