Texte intégral
NATHALIE AMAR
Et on vous retrouve Frédéric RIVIERE avec votre invité, ce matin le ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc FESNEAU.
FRÉDÉRIC RIVIERE
Bonjour Marc FESNEAU.
MARC FESNEAU
Bonjour.
FREDERIC RIVIERE
C'est aujourd'hui que les travaux pour la construction d'une retenue d'eau qu'on appelle aussi une " méga bassine ", doivent reprendre à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres. Après les violentes manifestations du week-end dernier, les opposants au projet ont prévu de se rendre à nouveau sur place aujourd'hui. Est-ce que vous redoutez de nouveaux débordements ?
MARC FESNEAU
Eh bien écoutez, comme on l'a vu ce week-end, même si c'était une minorité, d'autres militants étaient plus pacifiques, on a constaté quand même ce week-end un certain nombre d'actes de violence à l'endroit, en particulier des forces de l'ordre, que je veux saluer, parce qu'elles ont été soumises à rude épreuve.
FREDERIC RIVIERE
Une soixantaine de blessés parmi les forces de l’ordre.
MARC FESNEAU
Une soixantaine de blessés, les images parlent d'elles-mêmes, sur les attitudes d'un certain nombre de manifestants. Donc forcément on redoute ce genre de moment, et en même temps, sous l'égide de la préfète qui a fait un travail remarquable, faire en sorte que force reste à la loi, puisque c'est un projet qui est autorisé, qui a passé toutes les étapes des autorisations et qui, sur bien des domaines, est un projet vertueux, parce qu'il il engage les agriculteurs à mieux raisonner leur cycle de l'eau. Donc j'espère que la raison l'emportera.
FREDERIC RIVIERE
L'un des reproches que font les adversaires de ce type de projet de retenue d'eau, c'est que ça ne prend pas en compte la nécessité, au fond, de changer notre type de production agricole, notre agriculture au sens large, même, pour s'adapter au changement climatique. Est-ce que cet argument est recevable ?
MARC FESNEAU
Mais c'est exactement l'inverse en fait, parce que ce projet il vise à tenir compte d'un cycle de l'eau qui est devenu rythmique, qui va être de plus en plus de rythmique. La quantité d'eau qui va tomber sur le sol des Deux Sèvres, comme partout en France, c'est à peu près la même. L'idée c'est simplement de prélever l'eau, au moment où elle est la plus prélevable, c'est-à-dire en hiver et en fin d'automne, début d'hiver, pour faire en sorte qu'on n'ait pas besoin de prélever l’eau, au moment où on en a besoin pour l'agriculture, mais au moment où elle est plus rare, c'est-à-dire en été. Donc ce projet-là, il vise à éviter qu'on fasse… de quelles situations, pardon, on parle aujourd'hui d'une situation où il y a une grande partie de l'eau qui est prélevée par voie de forage, dans la période estivale, qui est la période la plus tendue, y compris pour l'eau potable, y compris pour l'étiage des cours d'eau, et tous ces éléments sont des éléments importants. Et donc premier élément, c'est un projet qui vise, ce sont des projets qui visent à mieux utiliser l'eau dans les périodes, et mieux la prélever dans les périodes où il y en a suffisamment, pour pas dire trop, d'une certaine façon. Deuxième élément, il y a un engagement des agriculteurs à un volume d'eau, qui est moins important en termes de prélèvements, et qui sera contrôlé par l'Etat. Et puis troisième élément, les engagements qui sont pris sur la réduction d'un certain nombre de produits phytosanitaires, c'est un débat important, puisqu'il faut que nous soyons sur cette trajectoire-là, et donc sur plein de points de vue, et d'ailleurs ça a été dit par toutes les études, c'est un projet qui montre la volonté de mieux gérer l'eau et de mieux gérer les produits phytosanitaires.
FREDERIC RIVIERE
Les coups d'éclat de groupes ou de groupuscules écologistes, se multiplient depuis quelques jours en France, et ailleurs dans le monde, on voit maintenant la mode du collage, les militants se collent des voitures, à des statues, à des murs de musées. Cette mobilisation, on l’a vue après une forme particulièrement violente à Sainte-Soline dans les Deux Sèvres, est-ce que vous croyez que nous soyons entrés dans une nouvelle ère du combat écologiste, une ère au fond violente ?
MARC FESNEAU
Eh bien c’est un peu la crainte que j'ai, c'est pour ça que je le dénonce, parce que je pense que le combat pour… Le combat écologiste est un combat qui est sain, et à vrai dire dans les années 70 ou 80, il y a un certain nombre de figures écologistes qui ont porté des combats qui n'ont pas été inutiles. Mais dès lors que vient s'introduire la question de la violence et du non-respect des règles et des lois, vous voyez bien que devant l'opinion publique vous posez un problème, qui est celui de la légitimité des actions. Et donc je pense que ça nuit à la cause, pour tout vous dire, parce que si vous ouvrez la boîte du fait que l’on peut s'abstraire des règles de droit, ceux qui sont les opposants à telle ou telle action, vont pouvoir eux aussi s'abstraire des règles de droit, ceux qui voudraient créer telle ou telle réserve d'eau en s'abstrayant des règles de droit, ceux qui voudraient ne pas respecter les normes de tel projet ou de tel ou tel produit. Et donc quand vous commencez à dire, et ce qu'on appelle sous concept, mais qui est fallacieux pour moi, de désobéissance civile, vous l'introduisez l'idée que la loi n'est pas l’élément…
FREDERIC RIVIERE
Qu’il y a des causes supérieures qui permettent de s'affranchir de la loi.
MARC FESNEAU
Qu’il y a des causes supérieures… de s’affranchir de la loi, mais à ce moment-là vous aurez des gens qui vous expliqueront, qu'ils vont faire des forages, ça existe dans certains pays, sauvages, parce qu’après tout la cause supérieure c'est la cause supérieure qui est la leur et pas la cause supérieure de l'intérêt général. Et donc je trouve que se glisser dans ces interstices-là, qui est celui de : ma cause est supérieure au reste de l'intérêt général, et de ce point de vue là je peux même m'abstraire des règles de droit, et à la vérité un certain nombre d'entre eux sont parlementaires, à quoi ça sert de voter la loi si on passe son temps le week-end à dire qu'il ne faut pas la respecter. Donc, poser le principe du respect de la loi, c'est un principe pour moi essentiel.
FREDERIC RIVIERE
Est-ce que vous parleriez, comme l'a fait le ministre de l'Intérieur Gérald DARMANIN, d'éco-terrorisme ?
MARC FESNEAU
Eh bien, il emploie les mots qui sont les siens, mais à la vérité, quand vous regardez les actions…
FREDERIC RIVIERE
Mais je vous demande, au fond, si vous, vous pourriez les reprendre ?
MARC FESNEAU
Oui, mais pour une raison simple, il me semble que ça peut ça peut faire écho, pour dire les choses très clairement, parce que je trouve que cette manière de venir en masse pour un certain nombre d'entre eux, avec une volonté simple, qui est une volonté de violence, et moi j'ai eu un certain nombre d'agriculteurs dans ces territoires-là, qui craignaient y compris pour leur propre sécurité, et de ce point de vue-là les mots qu'emploie Gérald DARMANIN ne sont pas faux. Alors, je ne fais pas d'amalgame entre toutes les formes d'actions, il y a des formes d'actions pacifistes, mais ce que j'ai vu ce week-end, c'est des gens qui essayaient de répandre, à travers les champs, à travers parfois la menace ou le risque de menaces sur un certain nombre de biens et de personnes, des menaces qui sont de cet ordre-là.
FREDERIC RIVIERE
Vous êtes, Marc FESNEAU, le ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, d'ailleurs les intitulés des ministères sont particulièrement travaillés. Est-ce que la France a les moyens de bâtir une pleine et entière souveraineté alimentaire ?
MARC FESNEAU
Elle a les moyens de le faire, sous réserve que nous nous inscrivions résolument de ce que sont les grands dérèglements du monde, dérèglement climatique, dérèglement géopolitique, parfois dérèglement économique. Nous sommes souverains sur des grandes productions que sont le lait et les grandes cultures, en particulier les céréales, en revanche nous avons besoin de reconquérir une souveraineté, par exemple je pense aux fruits et légumes, on a lancé un plan Souveraineté qui va viser à retrouver la souveraineté que nous avons perdue, puisque 50 % des fruits et légumes consommés en France ne viennent pas de producteurs français. Et donc les moyens, c'est des moyens d'investissement, l'innovation et la recherche, la capacité d'adaptation qu'on va donner et qu'il faut donner aux agriculteurs, parce que tout ça n'est pas simple, pour leur donner la capacité à continuer à produire. La question de l'accès à l'eau est un élément essentiel. Il y a beaucoup de maraîchers cette année qui se sont retrouvés dans la situation de ne pas pouvoir produire, parce qu'ils n’avaient pas l'accès à l'eau. Donc il faut qu'on les mette en situation par le soutien à l'investissement, par le soutien à l'innovation, de pouvoir se confronter à la souveraineté. Parce que l'alimentation, on l'a vu encore ce week-end avec les décisions de monsieur POUTINE, ça redevient une arme.
FREDERIC RIVIERE
Est-ce qu'on peut craindre des manques voire des pénuries de produits alimentaires dans les mois qui viennent ?
MARC FESNEAU
Non, fondamentalement non. Le risque simplement, puisqu'il y a des producteurs, il y a la capacité à produire, le risque principal c'est un risque sur les prix, c'est-à-dire que la rémunération n'étant pas au rendez-vous, je pense au lait en particulier, les producteurs décident de ne plus vendre, ou les transformateurs décident de ne plus transformer, c'est tout le combat que nous menons au travers des deux lois, successivement qui ont eu lieu, qui sont les lois EGALIM, pour faire en sorte qu'il y ait de la rémunération. La rémunération c'est un élément de la souveraineté. Si vous ne payez pas à son juste prix, les produits agricoles et les produits alimentaires, à ce moment-là vous prenez un risque sur votre souveraineté, et de rupture de chaîne. Mais ça n'est pas une rupture liée aux productions primaires, c'est une rupture liée à l'équilibre économique de ces filières.
FREDERIC RIVIERE
Le président de la République a annoncé en fin de semaine dernière un plan pour lutter contre les incendies de forêt, qui on s'en souvient ont fait d'immenses dégâts l'été dernier. Ça passera notamment par l'augmentation du nombre de Canadair qui iront, enfin il y en aura 16 au lieu de 12, et un certain nombre seront renouvelés, le parc sera rajeuni. Il sera également… la mise en place est prévue d'une météo des forêts. De quoi va-t-il s'agir ?
MARC FESNEAU
Il s'agit de faire en sorte que nous puissions en permanence connaître l'état des sols, l'état de sécheresse, pour éviter que des départs d'incendies ne se produisent sans crier gare si je peux dire, c'est-à-dire de vérifier l'état hydrique…
FREDERIC RIVIERE
Mais comment ça va se faire ça ? C'est une méthode scientifique ou c’est du contrôle humain ?
MARC FESNEAU
C’est une méthode scientifique et contrôle humain, mais c'est d'abord une méthode scientifique, parce que les données Météo France sont des données très précieuses, complétées des données parfois, d'un certain d'agents forestiers, des agents de l'ONF ou des agents qui travaillent dans les forêts privées. On a besoin effectivement de mieux savoir ce qui se passe en période estivale, pour mieux prévenir. C'est un élément de diagnostic qui permet après de mieux agir et mieux anticiper, parce qu'on sait qu’un feu, quand il est pris dans le premier quart d'heure, on a de grandes chances de pouvoir le maîtriser. Et quand il est beaucoup plus avancé, c'est beaucoup plus difficile à maîtriser, on l'a vu d'ailleurs cet été.
FREDERIC RIVIERE
Merci Marc FESNEAU, bonne journée.
MARC FESNEAU
Merci à vous.
NATHALIE AMAR
Le ministre de l'Agriculture, Marc FESNEAU, invité ce matin de Frédéric RIVIERE.
Source : service d’information du Gouvernement, le 3 novembre 2022