Déclarations de MM. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports, Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer, Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, sur le budget 2023 consacré aux transports, à la politique maritime, à la protection de l'environnement et à la transition énergétique, à l'Assemblée nationale le 31 octobre 2022.

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Circonstance : Audition sur le projet de loi de finances pour 2023 mission transports et transition énergétique

Texte intégral

Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports.
Je suis très heureux d’avoir l’honneur de vous présenter le budget des transports pour 2023. Les interventions successives ont fait entendre des paroles de soutien – j’en remercie leurs auteurs – et des critiques. Avec respect, j’y relève quelques incohérences : nous ferions à la fois trop en faveur du carburant et du mode routier, et pas assez pour les routes – parfois chez les mêmes orateurs. Nous consentirions à la fois trop de dépenses publiques et trop de déficit pour les transports et le système ferroviaire. Je tâcherai de justifier la cohérence essentielle de ce budget et de la vision qu’il traduit.
Les priorités que Christophe Béchu et moi défendons depuis le début de l’été sont claires. D’abord, il s’agit de soutenir le réseau ferroviaire, les transports du quotidien et la décarbonation de tous les modes de transport. En effet, donner la priorité au ferroviaire ne veut pas dire que les autres modes de transport ne doivent pas contribuer à la réduction des émissions, ni que nous pourrions nous en passer par un coup de baguette magique dont j’ignorerais le secret.
Le cœur du budget de l’État en faveur des transports est bien sûr le programme 203 Infrastructures et services de transport , qui représente 4,1 milliards d’euros en 2023. Il connaît une hausse de 200 millions par rapport à la loi de finances pour 2022. Il faut ajouter à ce programme des moyens substantiels, répartis dans d’autres actions, comme le BACEA ; le budget de l’Afitf, qui sera voté d’ici à la fin de l’année de manière transparente ; les taxes affectées à Voies navigables de France et à la société du Grand Paris, pour le ferroviaire et le fluvial ; les moyens très significatifs consacrés au verdissement des véhicules.
Ce total représente l’effort de l’État en faveur des transports qui vous est proposé pour 2023. S’élevant à près de 12 milliards d’euros, en hausse de 13% par rapport à ce qui avait été voté pour 2022, il est le signe d’un engagement majeur et croissant de l’État pour la décarbonation du système de transport et pour la mobilité des Français.
Bien sûr, le ferroviaire est au cœur de cet effort budgétaire. La prochaine réunion du Conseil d’orientation des infrastructures, sous la présidence de David Valence, permettra de préciser certaines orientations en la matière, mais nous pouvons déjà être fiers que le ferroviaire représente les trois quarts des crédits du programme 203 et plus de la moitié de l’effort de 12 milliards d’euros que j’évoquais à l’instant. Il convient en effet de prendre en compte les crédits de l’Afitf à hauteur de 2 milliards d’euros, mais aussi 1 milliard d’euros pour la société du Grand Paris et le projet Charles-de-Gaulle Express, ainsi que l’ensemble des crédits nécessaires aux engagements pris ces dernières années, notamment par le Gouvernement précédent, comme les protocoles relatifs aux petites lignes, la stratégie des trains de nuit et celle du fret ferroviaire. En matière de petites lignes, huit protocoles ont d’ores et déjà été signés entre les régions et l’État pour près de 6 300 kilomètres de voies en cours de rénovation ou de réouverture, et près de 6 milliards d’euros d’investissements communs sont financés.
Le budget de l’Afitf témoignera également de cet effort, avec un engagement accru en faveur de la régénération du réseau ferroviaire. Dans la mesure où celle-ci constitue pour nous une priorité, nous irons plus loin dans les prochains mois, sur la base des travaux du COI. Je le redis : la France est le pays qui laisse le plus faible reste à charge à l’usager dans le transport ferroviaire. C’est un fait documenté. Mais il est vrai aussi que nous devrons investir davantage dans le réseau ferroviaire, car un système ferroviaire dont le réseau n’est pas entretenu ne peut fonctionner dans la durée. Nous nous engageons donc dans cette direction.
Au-delà de la priorité donnée au ferroviaire, nous assumons les investissements que nous réalisons dans les mobilités dites actives – ce n’est pas anecdotique, et ne doit pas prêter à sourire. Nous consacrerons notamment 250 millions au vélo en 2023 ; je me félicite à cet égard du vote d’amendements ou d’articles dans le cadre du dernier projet de loi de finances rectificative, à l’initiative du président Zulesi et du député Gouffier-Cha. Nous prolongerons également les aides individuelles à l’achat d’un vélo au-delà de la fin de l’année en cours.
Nous assumons aussi pleinement l’octroi de moyens significatifs – près de 10% de l’effort total en faveur des transports – au verdissement du parc automobile. Dans la mesure où l’automobile représente aujourd’hui 85 % des déplacements, il est évident que l’on ne peut pas s’en dispenser ni priver les Français de solutions, notamment en zone rurale. La voiture n’est pas condamnée à être un mode de transport polluant dans les années qui viennent. C’est le sens du crédit de 1,3 milliard d’euros consacré à la prime à la conversion, au bonus renforcé ou encore au prêt à taux zéro. Nous renforcerons aussi l’entretien de notre réseau routier national. J’ai entendu, s’agissant des crédits du transport routier, que les 150 millions d’euros consacrés au congé de fin d’activité étaient contestés ou suscitaient l’interrogation. Nous l’assumons : nos routiers ont été au rendez-vous pendant la crise que nous traversons, et nous leur devons ce soutien financier qui contribue à l’attractivité du métier.
Je tiens enfin à détailler l’effort de l’État en faveur du transport aérien. Le budget annexe qui y est consacré est dédié à la sécurité et au contrôle aériens ; pour la première fois depuis deux décennies, nous renforçons les recrutements d’ingénieurs de contrôle aérien pour les cinq prochaines années. Nous revendiquons aussi d’allouer 500 millions d’euros de crédits au verdissement et à l’innovation dans ce secteur. Le transport aérien ne peut pas non plus être exclu des efforts et n’est pas condamné à être un mode de transport polluant. L’avion bas carbone et l’avion non polluant ne sont pas de la science-fiction ni de la communication. Ils font l’objet d’une stratégie d’investissement française, européenne et internationale, que nous poursuivons résolument.

M. Sébastien Delogu.
Il faut taxer les jets privés !

M. Clément Beaune, ministre délégué.
Vous avez raison, monsieur Delogu, vous avez anticipé d’une seconde mon propos : je salue aussi les efforts de justice fiscale et écologique en matière de taxation de l’aviation privée d’affaires, défendus dans cette assemblée par la majorité notamment – en particulier par M. le rapporteur général et M. le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. (M. David Valence, rapporteur pour avis, applaudit.) C’est une mesure juste et légitime et nous poursuivons cet effort au niveau européen ; je m’y engage depuis plusieurs semaines, comme vous le savez.
Au total, le budget des transports est ambitieux et cohérent. La discussion se poursuivra car si l’examen de ce budget dans l’hémicycle est un moment fort, il est aussi un point d’étape : d’ici la fin de l’année, nous recevrons les rapports du Conseil d’orientation des infrastructures et engagerons la négociation du volet mobilité des contrats de plan État-région (CPER). Ces contrats ne sont pas un outil technocratique mais bien un outil de programmation, durable et partenarial, entre l’État et les collectivités – les régions en premier lieu – pour les transports dans les années qui viennent. Nous aurons l’occasion de discuter, sous une forme ou sous une autre, d’une programmation actualisée du financement de nos infrastructures dans les prochains mois.
Cela a été rappelé : les transports sont un outil de liberté, un lien humain fondamental. La nécessaire sobriété et l’indispensable transition écologique ne se traduiront pas par une moindre mobilité. Nous avons besoin d’investissements dans les transports, sans quoi la transition écologique ne peut être réussie.

Mme Christine Arrighi, rapporteure spéciale.
On est d’accord.

M. Clément Beaune, ministre délégué.
Ce budget est un jalon essentiel et nous poursuivrons ces débats, ces investissements et ces efforts avec vous. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ainsi que M. le président de la commission du développement durable applaudissent également.)

Mme la présidente.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la mer.

M. Matthias Tavel.
Enfin un macroniste qui tient tête à Lallement ! (Mme Michèle Peyron proteste.)

M. Hervé Berville, secrétaire d’État chargé de la mer.
Vous êtes plusieurs à l’avoir rappelé : la France est la deuxième puissance maritime au monde, avec 11 millions de kilomètres carrés, une présence dans quatre des cinq océans et plus de 18 000 kilomètres de littoraux. Par ses atouts, ses richesses, son étendue, la mer est au cœur de trois grands enjeux.
Le premier, c’est le changement climatique. On a pu le constater cet été avec l’accumulation des épisodes météorologiques dramatiques, notamment en Corse et en Guadeloupe : nous n’avons plus le temps d’attendre et nous savons à quel point la régulation du climat par les océans est un élément indispensable pour faire face au changement climatique ; celui-ci touche également les pêcheurs et tous ceux qui vivent sur le littoral.
Le deuxième enjeu, c’est la souveraineté économique. On voit, avec la guerre en Ukraine, le Brexit ou encore la crise sanitaire, que la maîtrise de l’espace maritime est un facteur d’indépendance stratégique mais aussi énergétique.
Le troisième enjeu enfin, c’est la défense : la mer est le lieu de conflictualisation des rapports comme on peut le constater dans l’Indo-Pacifique ou plus près de chez nous dans la mer Noire, avec l’instrumentalisation par la Russie de l’approvisionnement en céréales.
La mer et les enjeux maritimes sont au cœur des priorités locales, nationales et internationales. Nous avons souhaité que notre organisation conforte la nature interministérielle de ces enjeux, avec plus de 2 800 agents sur le littoral et 300 à Paris qui défendent la politique maritime au sein de la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture (DGAMPA).
La feuille de route qui m’a été confiée par la Première ministre et le Président de la République est claire, et le budget que nous examinons aujourd’hui permet de répondre à trois objectifs principaux. Il s’agit d’abord d’accélérer et de renforcer la protection des océans et de la biodiversité marine pour répondre à l’urgence écologique et faire de l’océan un régulateur du climat. Le deuxième objectif, c’est la modernisation de l’économie maritime française et le soutien aux divers modèles de pêche. Il s’appuiera sur deux piliers : la décarbonation du secteur maritime, pour atteindre nos objectifs – européens notamment – de neutralité carbone, et la formation et l’attractivité des métiers de la mer. Le troisième objectif, comme vous pouvez l’observer dans vos territoires, c’est la cohabitation des usages et de la planification en mer : il s’agit de faire face à la nécessité de développer les énergies marines renouvelables, de garantir des zones de pêche et de renforcer les aires marines protégées tout en développant des activités littorales, notamment touristiques. Nous disposons de plus de 17 millions d’euros pour relever l’enjeu essentiel de la planification maritime et nous travaillerons avec vous à sa mise en œuvre, à l’occasion de l’examen de différents textes et au sein du Conseil national de la mer et des littoraux (CNML).
Les enjeux et les chantiers sont nombreux et nécessitent un budget à la hauteur. Pour 2023, le programme 205 – renommé « mer » dans un souci de visibilité, de cohérence et d’approche interministérielle – dispose d’un budget de 240 millions d’euros qui permet de faire face à tous les enjeux et de mettre en œuvre nos priorités. Après que le budget a augmenté de 34 millions d’euros en 2022, nous poursuivons l’effort. Nous avons fait le choix d’augmenter les investissements de 30 % pour préparer l’avenir au travers de la décarbonation des navires et pour renforcer le volet maritime de France 2030.
Ce budget et ce niveau de ressources inédits nous permettront de développer quatre axes stratégiques que je vais vous présenter brièvement.
Le premier est la préservation de l’environnement marin ; il passe par le soutien à notre recherche maritime, unanimement reconnue à l’international, et à notre recherche océanographique. Nous investissons plus de 5 millions d’euros au profit d’un organisme que tout le monde connaît et dont tout le monde salue l’excellence, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer). Notre but est de soutenir la recherche halieutique et de renforcer nos connaissances pour garantir une pêche de qualité et accompagner nos pêcheurs vers la pluriannualité des quotas. Nous subventionnons aussi à hauteur de 10 millions d’euros la SNSM qui sera ainsi aidée dans le verdissement et le renouvellement de sa flotte et pourra faire face aux nombreux défis qu’elle rencontre partout en France.
Le deuxième axe stratégique est le soutien à notre économie maritime, avec notamment le développement du navire zéro émission. Cette formidable aventure industrielle, technologique et territoriale concernera à la fois la flotte de commerce, le transport de passagers et les navires de pêche. Lors des assises de la pêche, j’ai ainsi annoncé que plus de 6 millions d’euros seraient dédiés pour amorcer la décarbonation des navires de pêche. Dans le même temps, comme nous l’avons annoncé avec Clément Beaune la semaine dernière, une enveloppe de plus de 30 millions d’euros sera destinée à accélérer la transition écologique des ports de plaisance ; elle s’ajoutera aux 175 millions dédiés à la transition énergétique portuaire. Nous poursuivrons aussi les exonérations de charges visant à renforcer l’attractivité du pavillon français dans un contexte de forte concurrence internationale, face à des pratiques inacceptables de dumping social. Nous annoncerons, dans les prochains jours, une série de mesures visant à renforcer à la fois notre pavillon national et notre modèle social. Dès 2023, nous travaillerons aussi à " maritimiser " le plan France 2030 afin de disposer de crédits supplémentaires et de faire en sorte que la France soit à la pointe de l’innovation face à l’objectif de neutralité carbone.

M. Matthias Tavel.
Il est temps !

M. Hervé Berville, secrétaire d’État.
Comme vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, nous avons un cap clair : nous voulons que la France ait une politique maritime à la hauteur de sa puissance et de ses ambitions. C’est un combat que nous menons chaque jour et que nous insufflons aux plus jeunes en travaillant à l’attractivité et à la valorisation des métiers de la mer. En effet, notre avenir passera bel et bien par la transmission des savoirs et savoir-faire maritimes et par les vocations qu’ils suscitent. Avec ce budget ambitieux, nous soutiendrons de grands projets et amorcerons les changements nécessaires partout dans notre territoire. Nous poursuivrons notre effort, afin que la France reste une puissance maritime. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR. – M. Jean-Marc Zulesi, président de la commission du développement durable, et M. Michel Lauzzana, rapporteur spécial, applaudissent également.)

Mme la présidente.
Nous en arrivons aux questions-réponses. Je vous rappelle que la durée de chaque question et de chaque réponse est fixée à deux minutes. La parole est à Mme Félicie Gérard.

Mme Félicie Gérard.
D’ici 2025, des zones à faibles émissions seront mises en place progressivement en France, dans les quarante-trois agglomérations de plus de 150 000 habitants. Les ZFE répondent à un enjeu majeur, celui de la santé de nos compatriotes face aux polluants atmosphériques. En effet, malgré une nette amélioration de la qualité de l’air ces vingt dernières années – que démontre le bilan de la qualité de l’air extérieur en France en 2021 –, de nombreuses agglomérations dépassent encore régulièrement les seuils réglementaires pour la protection de la santé humaine. Ces dépassements ont des conséquences graves puisque Santé publique France estime à 40 000 le nombre de décès liés chaque année aux particules fines. Les ZFE répondent donc à un impératif de santé publique.
Néanmoins, nombre de nos concitoyens s’inquiètent de la création de ces zones. Ils s’interrogent sur leur capacité à financer un véhicule propre et craignent de ne plus pouvoir se rendre dans certaines agglomérations au cas où ils n’auraient pas été capables d’opérer cette transition, par exemple pour des raisons financières. Il apparaît dès lors primordial de concilier l’objectif de santé publique, qui nous concerne tous, avec un accompagnement de nos concitoyens et des collectivités locales dans leur transition vers des modes de déplacement non polluants.
À cet effet, le Gouvernement a mis en place de nombreuses mesures ; je pense notamment à la prime à la conversion ou encore au bonus écologique. Le 20 octobre dernier, le ministre de la transition écologique a réuni le premier comité ministériel consacré aux ZFE en présence des présidents des métropoles concernées.
Madame et messieurs les ministres, pourriez-vous nous dire comment, au travers du budget 2023 et dans les années à venir, le Gouvernement va accompagner nos concitoyens et nos collectivités territoriales dans ces transitions ? Pourriez-vous par ailleurs préciser les dispositifs qui pourront être mis en œuvre pour que personne ne soit laissé sur le bord de la route ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR et RE.)

Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Vous avez bien résumé les choses, madame la députée. Le premier enjeu est bien celui de la santé publique : il s’agit de réduire le nombre de morts attribués chaque année par Santé publique France à la pollution atmosphérique – qui sont aujourd’hui des dizaines de milliers. Les zones à faibles émissions ont déjà commencé à produire quelques effets. Des études, portant en particulier sur la qualité de l’air à Paris, montrent ainsi que 50 000 Franciliens vivant à l’intérieur du périmètre de l’A86 ne sont plus dans une zone de dépassement depuis la mise en place de la ZFE. Comme vous l’avez dit, il reste aussi des territoires en dépassement ; il y en a trois – Paris, Lyon, Marseille – et un dernier dont les résultats sont à la limite – Toulouse –, mais le contexte est celui d’une amélioration de la qualité de l’air. Les données récoltées permettent en effet d’affirmer que, de treize agglomérations en dépassement en 2017, nous sommes passés à trois ou quatre.
Comment agissons-nous ? Vous l’avez dit, le 20 octobre, avec Clément Beaune, nous avons reçu les patrons des quarante-trois territoires concernés. Nous nommerons un référent interministériel dans les domaines de la santé, des entreprises, de l’intérieur et des transports, chargé de résoudre les problèmes relatifs au contrôle, à l’accompagnement et aux guichets. Deux groupes de travail principaux sur l’harmonisation des règles relatives au transport et à la logistique, et sur l’accessibilité sociale essaieront de répondre à l’enjeu de protection des plus fragiles, sans pour autant les rendre victimes d’une politique les empêchant d’entrer en ville. Tel sera le sens des mesures proposées : le prêt à taux zéro et la surprime qui n’est plus conditionnée à l’octroi d’une aide. Nous avancerons sur de nombreux autres sujets aujourd’hui et à l’avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

Mme la présidente.
Nous en avons terminé avec les questions.

Nous abordons la discussion budgétaire relative à l’énergie

(…)

Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre.
Les mots ont un sens ; les chiffres ont une valeur. Cependant, parfois, dans l’enthousiasme des débats parlementaires, il arrive qu’on répète des contre-vérités en pensant qu’on finira par leur donner une sorte de valeur en ayant fait preuve de pédagogie.

Mme Eva Sas, rapporteure spéciale.
C’est exactement ce que vous êtes en train de faire !

M. Christophe Béchu, ministre.
Mais quand on ne pose pas les bons constats, la capacité à agir est faussée, le message que nous transmettons à nos concitoyens n’est pas le bon et la parole publique et les actions qu’on croit conduire finissent par être discréditées.

Mme Danielle Brulebois.
Tout à fait !

M. Christophe Béchu, ministre.
La situation est bien documentée et très claire. Vous avez ainsi cité les rapports de Météo-France, du CNRS, du Haut Conseil pour le climat, du Giec…

Mme Marie Pochon.
La Convention citoyenne pour le climat !

M. Christophe Béchu, ministre.
Nous sommes face à un défi planétaire gigantesque pour réaliser la transition climatique.

Mme Marie Pochon.
C’est évident.

M. Christophe Béchu, ministre.
Il se double, pour nous, d’un effort d’accélération de rythme sans précédent. Mais parler d’inaction climatique, c’est insulter (Protestations prolongées sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES) l’ensemble des Français qui,…

Mme Clémence Guetté.
Vous avez été condamnés deux fois pour inaction climatique !

M. Christophe Béchu, ministre.
…au cours de ces dernières années, ont commencé à agir ; c’est oublier le fait que notre pays fait partie de la vingtaine de pays au monde qui ont commencé à baisser leurs émissions de gaz à effet de serre ; c’est oublier qu’au cours du quinquennat passé, le rythme de la baisse des émissions, hors de la période du covid, a doublé. Une partie de ceux qui aujourd’hui donnent des leçons, quand ils étaient aux responsabilités, ont baissé de manière drastique les effectifs des opérateurs de l’écologie et du ministère, et n’ont rien fait pour l’efficacité énergétique. Ils nous expliquent aujourd’hui qu’il faut que nous conduisions des politiques qu’ils n’ont pas conduites eux-mêmes hier.

Mme Christine Arrighi,, rapporteure spéciale.
Ça fait plus de cinq ans que vous êtes au pouvoir !

M. Christophe Béchu, ministre.
Ils ont jeté le discrédit sur une énergie nucléaire dont nous savons qu’elle contribue de manière particulièrement forte à la décarbonation, de sorte que Greta Thunberg, par exemple, explique qu’il est nécessaire de maintenir cette production.
Dans le même temps, ceux qui donnent des leçons se gardent bien d’observer ce qui se passe dans les pays qui nous entourent. Quand les écologistes sont aux responsabilités, ils rouvrent des mines de charbon et sont critiqués par des activistes qui considèrent qu’ils ne vont pas assez loin.

Mme Sandra Regol.
Pardon ? C’est un mensonge !

M. Christophe Béchu, ministre.
On peut continuer à exciter les instincts des Français, à leur faire croire que c’est en mettant des cagoules sur des chantiers, en taguant la voiture des députés européens, ou en lançant de la purée sur des œuvres d’art qu’on réussira à accélérer la transition écologique. (Mêmes mouvements.) Ou alors on peut agir, en proposant des mesures concrètes dans un climat serein et apaisé, sans les invectives et vitupérations de l’hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

Mme Sandra Regol.
C’est vous qui provoquez et qui insultez !

M. Christophe Béchu, ministre.
Par exemple, la planification écologique, dont nous avons posé les bases et qui sera déclinée en vingt-neuf chantiers visant à répondre aux recommandations du Haut Conseil pour le climat. Doubler la baisse du rythme des émissions de gaz à effet de serre nécessite d’organiser la diminution par grands secteurs d’émissions :…

Mme Christine Arrighi.
Vous n’avez rien fait pendant cinq ans !

M. Christophe Béchu, ministre.
…nous demandons davantage aux plus gros émetteurs, c’est-à-dire aux transports, qui représentent 30% des émissions, et à l’agriculture, qui en représente 20%. Parallèlement, nous avons lancé sept chantiers transversaux, qui concernent notamment la planification territoriale, le financement, la transition des filières, les données environnementales, et une transition juste et solidaire – autant de sujets sur lesquels nous avons vocation à avancer avec les ONG et les dizaines de structures ayant participé au lancement.
Concrètement, pas moins de 2 milliards d’euros viendront abonder le fonds vert dès 2023 – et non pas, comme je l’ai parfois lu, au cours des années à venir : même si certains dispositifs qui auraient dû disparaître avec la fin du plan de relance, comme le fonds friches, sont prolongés et intégrés à cette enveloppe, il ne s’agit pas de recyclage, mais bien de nouveaux crédits. (Exclamations sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

Mme Clémence Guetté.
C’est insuffisant !

M. Christophe Béchu, ministre.
Le fonds friches, par exemple, n’était doté que de 300 millions d’euros ; le fonds vert, c’est sept fois plus ! Ces nouveaux crédits permettront aux élus de mener les actions qu’ils jugent prioritaires en matière de renouvellement de l’éclairage public, de rénovation des bâtiments, de recyclage des friches, de prévention des risques naturels, de recul du trait de côte, de ZFE, de renaturation des villes…

Mme Christine Arrighi.
Ils sont vraiment formidables !

M. Christophe Béchu, ministre.
…car, au-delà de ce que fait l’État, il leur appartient en premier lieu de conduire la transition dans les territoires. Il faut donc leur en donner les moyens (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem) …

Mme Christine Arrighi.
Donc vous supprimez la CVAE !

M. Christophe Béchu, ministre.
…et les 2 milliards représentent, comme l’estime l’institut I4CE, une première marche.
Par ailleurs, comme cela a déjà été dit, la hausse de 8% du budget du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT) est historique – sans compter celle du budget du ministère de la transition énergétique.

Mme Alma Dufour.
C’est surtout lié à la revalorisation du point d’indice !

M. Christophe Béchu, ministre.
Les crédits dédiés aux transports augmentent et, dans le cadre de la planification, nous irons plus loin encore en définissant une feuille de route beaucoup plus ambitieuse en matière de transport ferroviaire et de verdissement du parc automobile. L’électrification du parc ne doit pas se traduire par un recours massif à l’achat de voitures fabriquées à l’autre bout du monde, en Chine, dans des usines alimentées au charbon : nous ne voulons pas que la baisse des émissions chez nous conduise à faire exploser notre empreinte écologique là-bas, et nous l’assumons. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

Mme Danielle Brulebois.
Très bien !

M. Matthias Tavel.
Vous vous convertissez au protectionnisme ?

M. Christophe Béchu, ministre.
Je reviendrai également sur les crédits en faveur de l’eau et de la biodiversité.
Pour terminer, un mot des effectifs. Je tiens à rappeler à chacun que si nous sommes tous attachés à l’Office national des forêts, celui-ci est rattaché au ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA). Nous pourrons bien évidemment débattre de sa situation et de ses effectifs, mais d’un point de vue strictement matériel, sa gestion relève du MASA. La stabilité des effectifs rattachés à ce ministère durant le quinquennat, inédite depuis vingt ans, nous permettra d’ailleurs de créer plusieurs centaines de postes au sein des différents opérateurs : nous y reviendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

Mme la présidente.
La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique.
Nous vivons une crise énergétique sans précédent depuis les années 1970 – le constat est largement partagé –, à laquelle s’ajoute une crise climatique au sujet de laquelle les experts sont formels : au niveau mondial, nous avons trois ans pour inverser la tendance et baisser les émissions de gaz à effet de serre de la planète. Trois ans, c’est peu, mais c’est possible – c’est d’ailleurs ce que nous dit le Giec, et je suis un peu étonnée d’entendre certains, sur les bancs de la gauche, en douter. Quoi qu’il en soit, la France prend sa part : elle fait partie des quelques pays qui, aujourd’hui, diminuent leurs émissions de gaz à effet de serre. Nous avons même décidé de suivre une trajectoire bas-carbone plus ambitieuse, doublant notre objectif de réduction d’émissions. Entre 2018 et 2022, la France a d’ailleurs respecté sa trajectoire et son budget carbone…

Mme Marie Pochon.
Merci la pandémie !

Mme Alma Dufour.
Vous avez diminué le budget carbone quand vous avez vu que vous n’atteindriez pas l’objectif !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
…– on ne saurait en dire autant du quinquennat précédent, alors que certains, sur ces bancs, étaient pourtant dans la majorité.
Cela nous impose de revoir en profondeur nos modes de consommation et de production d’énergie à l’aune d’une double temporalité : l’urgence de l’hiver prochain et la nécessité d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Et ne nous trompons pas : l’atteinte de la neutralité carbone nécessite des décisions au moins aussi urgentes que le passage de l’hiver.
Plus largement, au-delà de son impact climatique, notre politique énergétique répond à plusieurs enjeux. Tout d’abord, l’utilisation du gaz comme une arme de guerre par la Russie nous a rappelé l’importance de notre indépendance économique et politique. De plus, l’énergie représente un fort enjeu en matière de pouvoir d’achat pour les Français et de compétitivité pour les entreprises. Sur tous ces volets, nous tenons à être au rendez-vous.
Notre objectif est clair : nous voulons devenir la première grande nation industrielle à sortir des énergies fossiles et à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Pour cela, nous agissons avec force sur les quatre leviers dont les experts du Giec et du Haut Conseil pour le climat nous rappellent l’importance : la sobriété énergétique – certains en parlaient mais nous, nous avons appliqué le premier plan de sobriété énergétique du pays –,…

Mme Clémence Guetté.
Augmentez les moyens des Dreal !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
…l’efficacité énergétique, la production d’énergie bas-carbone grâce au développement des énergies renouvelables et la relance du nucléaire. Nous devons en effet poursuivre à la fois le développement des énergies renouvelables et celui du nucléaire, et j’espère pouvoir compter sur le soutien des députés de tous les bancs sur ces deux volets. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et HOR.)
Pour déployer cette politique énergétique claire et ambitieuse, le ministère de la transition énergétique dispose d’un budget d’un montant historique de 19 milliards d’euros en 2023, sans compter les crédits supplémentaires dont l’adoption vous sera proposée à travers les amendements déposés par le Gouvernement.
Ces moyens financiers historiquement élevés seront mobilisés pour financer trois priorités en particulier : accompagner concrètement les Français dans la transition énergétique, grâce au programme de rénovation thermique des logements et aux aides à l’achat de véhicules bas-carbone, et soutenir les acteurs économiques et industriels de tous les secteurs d’activité dans leur effort de décarbonation ; accélérer la décarbonation de notre mix énergétique en soutenant à la fois le développement des énergies renouvelables et celui du nucléaire ; protéger nos concitoyens face à l’envolée des coûts de l’énergie.
En 2023, nous mobiliserons 2,5 milliards d’euros pour financer le dispositif MaPrimeRénov’, principale aide à la rénovation énergétique pour les particuliers, qui vise essentiellement les ménages les plus modestes. Cela représente une augmentation de 40% par rapport à 2019.
Le bonus écologique et la prime à la conversion seront financés à hauteur de 1,3 milliard d’euros. Les professionnels seront également concernés, puisque l’appel à projets en faveur de l’électrification des poids lourds, créé dans le cadre du plan de relance, sera prolongé en 2023. Ces mesures s’ajoutent aux efforts sans égal en matière de financement des transports en commun pour favoriser le report modal.
Même si cela ne relève pas des crédits que nous examinons aujourd’hui, je tiens à préciser qu’en 2023, environ 1,2 milliard d’euros seront mobilisés en faveur de l’énergie nucléaire, dont 420 millions permettront de financer la recherche dans le domaine de l’énergie nucléaire à travers une subvention allouée au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Je tiens d’ailleurs à rappeler, comme cela a fait l’objet de plusieurs questions, que le soutien au nucléaire n’est pas nouveau, puisqu’il figure parmi les six secteurs stratégiques soutenus par le plan de relance dès 2020.

M. Raphaël Schellenberger.
C’est pour ça que vous avez abandonné le projet Astrid !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
En parallèle, le Gouvernement poursuivra son soutien au développement des énergies renouvelables : le budget consacré aux études sur l’implantation des parcs éoliens en mer augmentera de 25 millions d’euros pour atteindre 68 millions, en hausse de 58% par rapport à 2022. Voilà en quoi consiste le bond des crédits de conseil : il ne s’agit donc pas, comme je l’ai entendu caricaturer, de rémunérer McKinsey, mais tout simplement de financer des bateaux qui effectuent des mesures sur les parcs éoliens, permettant ainsi d’accélérer la production d’énergies renouvelables. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES)
La décarbonation de notre mix énergétique passera également par des dispositifs financés par d’autres enveloppes du budget de l’État. Je pense en particulier au fonds Chaleur, géré par l’Ademe et doté de 520 millions d’euros en 2023, et au fonds de décarbonation de l’industrie, doté de 5 milliards d’euros, qui vise à accompagner spécifiquement la décarbonation des entreprises industrielles.
Enfin, dans un contexte de crise énergétique, le budget du ministère de la transition énergétique financera le prolongement des mesures de protection des Français. Ainsi, en 2023, 12 milliards d’euros seront mobilisés pour prolonger le bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité. Aucun autre pays européen n’a déployé autant d’efforts pour protéger les ménages face à l’envolée des prix de l’énergie.

Mme Danielle Brulebois.
Exactement !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Un amendement du Gouvernement prévoit d’ailleurs l’ouverture de 3 milliards d’euros de crédits supplémentaires pour l’instauration du dispositif amortisseur d’électricité, destiné aux PME, aux collectivités locales, aux associations et à toutes les TPE, qui ne pouvaient bénéficier des tarifs réglementés.

M. Matthias Tavel.
Et pourquoi donc ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Ces dispositifs sont financés grâce à des prélèvements sur les producteurs d’énergie en France.

Mme Danielle Brulebois.
Eh oui !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Nous anticipons également les conséquences de l’augmentation du coût de l’énergie en délivrant dès la fin de l’année un chèque énergie exceptionnel aux 40% des ménages les plus modestes, soit 12 millions de foyers. Grâce à toutes ces mesures, les Français sont les mieux protégés d’Europe contre l’augmentation des prix de l’énergie. Avec mon collègue Christophe Béchu, nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

Mme la présidente.
Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée de chaque question et de chaque réponse est fixée à deux minutes, sans réplique.
La parole est à M. David Taupiac.

M. David Taupiac.
Je souhaite revenir un sujet déjà abordé en commission, notamment par mon collègue Jean-Louis Bricout : le taux de non-recours au chèque énergie, que le rapporteur pour avis Antoine Armand estimait à 12 %, malgré un envoi automatique au domicile du bénéficiaire. Ce taux connaît par ailleurs d’importantes disparités régionales.
En 2019, la Cour des comptes alertait déjà les pouvoirs publics sur le non-recours au chèque énergie, estimant que 25% des bénéficiaires du chèque ne l’avaient pas utilisé, faute d’une information suffisante. Quatre ans plus tard, les associations de lutte contre la précarité constatent que ce pourcentage ne baisse pas. Or, dans une étude publiée en 2021, l’Observatoire des non-recours aux droits et services considérait qu’agir contre la précarité énergétique devait passer par une meilleure connaissance des aides permettant d’améliorer la qualité des logements et de payer les factures.
Le chèque énergie est donc un dispositif qui doit être amélioré. En commission, vous avez rejeté notre amendement tendant à en augmenter la valeur faciale et à modifier les critères d’éligibilité, au motif que de légères augmentations de revenus feraient alors sortir certains ménages du dispositif. Si cette volonté est fort louable, la Cour des comptes soulignait en février devant la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale que la moitié des ménages bénéficiant du chèque énergie n’étaient pas en situation de précarité énergétique, alors qu’un quart de ceux qui l’étaient ne le recevaient pas. La Cour des comptes a ainsi suggéré plusieurs pistes pour améliorer le dispositif : lesquelles le Gouvernement a-t-il retenues pour améliorer le ciblage du chèque vers les familles en ayant le plus besoin ? (M. Jean-Louis Bricout applaudit.)

Mme la présidente.
La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Vous avez raison : au regard d’autres dispositifs comme la prime d’activité ou le RSA, le chèque énergie est l’aide présentant aujourd’hui le taux de recours le plus faible. Pourtant, le taux de non-recours, de l’ordre de 20 %, s’est sensiblement réduit ces dernières années : si seuls 78,4% des ménages y avaient recours en 2018, ils étaient 80,4 % en 2019, 80,6% en 2020 et 81,3% en 2021. L’année 2022 laisse apparaître une progression de cinq points, mais l’année n’est pas terminée : ne soyons pas trop optimistes et attendons de connaître le chiffre définitif.
Pour diminuer le taux de non-recours, nous menons tout d’abord des campagnes de communication à destination des travailleurs sociaux, des collectivités locales, des associations de consommateurs, de toutes les structures qui soutiennent les ménages précaires. De plus, dès 2021, le chèque énergie a également été envoyé aux Français vivant en Ehpad ou en unités de soins de longue durée (USLD), qui ne pouvaient jusqu’alors en bénéficier. Enfin, l’augmentation de la préaffectation des chèques par les bénéficiaires devrait également contribuer à améliorer son taux d’usage.
En 2023, nous devrons ajuster les modalités de calcul du chèque énergie en vue de 2024. En effet, il est aujourd’hui adossé à la taxe d’habitation, qui est vouée à disparaître. Ce sera l’occasion de voir, en lien avec les associations, comment améliorer encore le taux de recours et le taux de couverture des ménages précaires.

Mme la présidente.
La parole est à Mme Mathilde Paris.

Mme Mathilde Paris.
Depuis des mois, l’explosion des prix de l’énergie frappe des millions de particuliers, collectivités et entreprises. Nous attendions du PLF pour 2023 d’ambitieuses mesures structurelles : on nous a présenté un budget d’impuissance, une politique du chèque, sans aucune vision concernant notre souveraineté énergétique ni l’accompagnement des Français, si bien que ce texte rate complètement sa cible. Qu’il s’agisse des délais nécessaires au versement de MaPrimeRénov’, des difficultés rencontrées par ceux de nos compatriotes qui se chauffent au fioul ou avec des pellets, le quotidien des Français ne manque pourtant pas de problèmes dont nous pourrions débattre.
Pour ma part, j’ai choisi de vous interroger au sujet de la géothermie : j’aimerais savoir pourquoi l’État n’investit pas davantage dans cette énergie d’avenir, grande absente de la programmation pluriannuelle de l’énergie, alors qu’elle pourrait être exploitée sur 98% du territoire national et que des énergies aussi controversées que l’éolien terrestre bénéficient quant à elles de financements ambitieux. Les crédits alloués au fonds Chaleur dans le cadre du budget pour 2023 sont insuffisants ; nous proposerons par voie d’amendement de les augmenter. La géothermie se développe au sein de nos territoires : ainsi, dans ma circonscription, la piscine de Gien sera chauffée de cette manière au terme de sa rénovation. Il convient que l’État encourage ces projets locaux vertueux, d’autant que la géothermie ne représente encore que 1% de l’énergie produite en France et, je le répète, dispose d’un vaste potentiel ; de surcroît, dans son dernier avis, en date du 11 octobre 2022, le haut-commissariat au plan a souligné son intérêt pour garantir notre indépendance énergétique tout en luttant efficacement contre le réchauffement du climat.
Madame la ministre, monsieur le ministre, comment comptez-vous valoriser cette énergie propre et rattraper le retard pris en la matière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Mme la présidente.
La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Je constate que, sur certains bancs de cet hémicycle, on rencontre toujours des problèmes avec les chiffres (Protestations sur quelques bancs du groupe RN) : la géothermie ne représente pas 1% mais 6% de la consommation finale de chaleur en France. Néanmoins, vous avez raison de faire observer que cela reste trop peu ; c’est pourquoi elle fait partie des énergies dont nous accompagnons le développement dans le cadre du plan de relance que j’ai engagé en juin.
Les énergies renouvelables, en effet, ne se limitent pas à l’éolien et au photovoltaïque mais incluent le photovoltaïque thermique, la biomasse, la chaleur décarbonée et bien sûr la géothermie, dont l’usage est déjà encouragé par des aides. Le fonds Chaleur, confié à l’Ademe, permet de financer les réseaux de chaleur qui l’utilisent ; l’Ademe a également lancé cette année l’appel à projets " une ville, un réseau " afin d’accélérer la création de réseaux de chaleur et de froid renouvelables dans les villes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de moins de 50 000 habitants ; MaPrimeRénov’ et les certificats d’économie d’énergie incitent à l’installation dans les logements de pompes à chaleur géothermiques. Je n’en souhaite pas moins accroître le recours à cette énergie : elle figure explicitement dans le débat public que nous avons lancé au sujet du futur mix énergétique, et je lui consacrerai prochainement un plan élaboré notamment à partir des travaux du haut-commissaire au plan, M. François Bayrou. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

Mme Danielle Brulebois.
Bravo !

Mme la présidente.
La parole est à Mme Alma Dufour, rapporteure spéciale.

Mme Alma Dufour,.
Madame la ministre, nous avons assez mal pris vos propos concernant le fait que, dans certaines parties de l’hémicycle, on serait fâché avec les chiffres. C’est tout de même le Gouvernement qui, en 2019, a restreint son budget carbone après avoir constaté qu’il n’atteindrait pas ses objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) D’ailleurs, selon les projections, et sans tenir compte des conséquences du covid-19, ces émissions devraient diminuer en 2022 de 0,6 %, ce qui est bien inférieur à la trajectoire fixée par la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) : je vous rappelle que nous étions censés les réduire de 7% par an. De toute évidence, le problème avec les chiffres se situe plutôt de votre côté que du nôtre !
Si l’on y intègre les émissions importées, qui ont augmenté de manière exponentielle, le bilan carbone de la France ne connaît même aucune diminution ces vingt dernières années. Ajoutons que les entreprises du CAC40 émettent à peu près onze fois plus que le pays lui-même. TotalEnergies a annoncé que la proportion de ses investissements portant sur les énergies renouvelables atteindrait 30% en 2030, c’est-à-dire que les 70% restants seront consacrés aux énergies fossiles. Cela ne saurait surprendre, la compagnie étant impliquée dans vingt-quatre projets d’exploitation de ces énergies – dont un au Qatar – qualifiés de bombes climatiques par la presse et les ONG. BNP Paribas, première banque européenne en matière de financement des énergies fossiles dans le monde, n’est pas en reste. Comptez-vous enfin encadrer les initiatives de ces acteurs, qui relèvent de la responsabilité de la France ?
Le même problème concerne le marché de l’électricité, qui – des orateurs issus de plusieurs groupes l’ont fait remarquer aujourd’hui – dysfonctionne totalement. Vous avez prévu 3 milliards en guise d’amortisseur pour les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) : c’est deux fois moins qu’il ne faudrait en vue de compenser l’augmentation de leurs factures. Le coût de production d’un mégawattheure, qui s’élevait l’an dernier à 50 euros, avoisine aujourd’hui les 120 euros.

Mme la présidente.
Merci, chère collègue.

Mme Alma Dufour.
Laisserez-vous ces entreprises assumer seules la multiplication par cinq, en un an, du prix de l’électricité ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

Mme la présidente.
La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Premier fait : au cours du précédent quinquennat, nous avons doublé le rythme de la baisse des émissions de gaz à effet de serre. (Mme Alma Dufour proteste.)

M. Jean-Paul Mattei et Mme Véronique Louwagie.
Écoutez donc ! Laissez répondre la ministre !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Deuxième fait : nous avons décidé – ce qui, durant un quinquennat au cours duquel vous étiez associés au pouvoir, n’avait pas été fait – de mettre fin à toute aide à l’exportation d’énergies fossiles.

Mme Alma Dufour.
Récemment !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Ce n’en est pas moins chose faite ! Troisième fait : nous avons accru le soutien aux énergies renouvelables, bien que leur coût de production dépasse largement 50 euros le mégawattheure. Si nos objectifs en la matière ne sont pas atteints, vous en connaissez la raison : un projet nous demande deux fois plus de temps qu’à nos voisins.

Mme Clémence Guetté.
Il faut mieux financer les Dreal !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
J’espère d’ailleurs trouver sur tous les bancs des soutiens au projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, qui vise précisément à débloquer la situation. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Matthias Tavel.
Vous n’avez rien fait en cinq ans et vous nous demandez de rendre des comptes !

Mme Véronique Louwagie.
Écoutez la ministre, quand même !

M. Jean-Paul Mattei.
C’est incroyable !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Quatrième fait : je suis en train de préparer la COP27, et je peux vous affirmer que la position française est des plus ambitieuses. Nous avons porté de 5 à 6 milliards les moyens consacrés à l’accompagnement des pays en développement, augmenté les crédits dédiés à l’adaptation au changement climatique, et nous serons, à la suite du Président de la République, extrêmement offensifs afin d’obtenir non seulement que chaque pays accroisse comme nous ses engagements nationaux, mais que les États les plus pauvres soient mieux accompagnés dans leur propre adaptation, ainsi que dans leur anticipation des pertes et dommages liés au réchauffement. Tout bien considéré, je ne crois pas que nous ayons beaucoup de leçons à recevoir ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

Mme Clémence Guetté.
Nous non plus !

Mme la présidente.
La parole est à M. Mickaël Cosson.

M. Mickaël Cosson.
Je souhaite vous parler de la boucle énergétique vertueuse. Nos territoires progressent actuellement en ordre dispersé, chacun à sa propre vitesse, en fonction des appels à projets et autres facteurs, alors que tous subissent les mêmes contraintes énergétiques, économiques et environnementales. Face au tsunami qui s’abat sur nous, la gestion des ressources énergétiques locales se révèle essentielle ; les eaux usées, les déchets ménagers, industriels et agricoles doivent contribuer à la production d’énergie décarbonée et à la création d’une boucle locale. À quand donc une planification nationale ambitieuse qui permette d’accompagner collectivités, entreprises et exploitations agricoles en vue de transformer nos déchets en ressources, remédiant ainsi au fait que le coût financier et environnemental de leur traitement ne cesse d’augmenter, et renforçant notre souveraineté énergétique ? De plus, cette solution peut être transposée : les cours d’eau, le littoral, l’environnement doivent devenir un levier et non plus un frein. Il nous faut transformer nos problèmes en solutions économiquement pérennes, écologiquement durables.

Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre.
Monsieur le député, vous avez parfaitement raison. Si la sobriété consiste à faire évoluer nos usages en vue d’éviter autant que possible le gaspillage, celui-ci risque de subsister sous une autre forme : le fait de ne pas tirer parti des eaux usées et des déchets, par méthanisation ou par d’autres moyens. L’enjeu de la planification réside précisément dans la détermination d’ambitions et d’objectifs. Dans les collectivités, de plus en plus d’usines de traitement des eaux produisent du biogaz utilisé pour le chauffage : il faut une action résolue en ce sens. Autre exemple : en France, 0,8% des eaux usées et traitées sont ensuite réutilisées, soit dix fois moins qu’en Italie, vingt fois moins qu’en Espagne. Leur gestion fait partie des leviers que le Gouvernement a l’intention d’actionner afin que nous ne perdions pas cette ressource. Quant aux déchets, leur potentiel est fantastique : recyclage, économie circulaire, mais aussi production d’énergie. Faciliter les projets en ce sens des collectivités locales, leur donner un cap qui soit clair, leur proposer des mesures qui ne se bornent pas à la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), augmentant le coût de certains traitements, mais comprennent des incitations en faveur de la production d’énergie, c’est justement l’un des buts de la feuille de route que nous aurons bientôt l’occasion de vous présenter et que la Première ministre déclinera. (Mme Danielle Brulebois applaudit.)

Mme la présidente.
La parole est à M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul.
Madame la ministre, je souhaite vous interroger au sujet de l’Arenh. Je me félicite qu’ait été entendu le message relayé par plusieurs collègues, notamment Marie-Noëlle Battistel, concernant les effets délétères sur EDF du relèvement du plafond à 120 térawattheures ; son maintien à 100 térawattheures en 2023 est une bonne chose, en attendant toutefois la nécessaire extinction du dispositif. Nous resterons d’ailleurs fort attentifs aux résultats de vos investigations concernant d’éventuelles fraudes et autres contournements commis par les concurrents d’EDF à travers la vente sur les marchés énergétiques de volumes relevant de l’Arenh, comme vous l’avez évoqué lors de votre audition, à la mi-septembre, par la commission des affaires économiques. Marie-Noëlle Battistel vous avait alors interrogée au sujet des bénéficiaires de l’Arenh ; par la suite, à l’occasion des questions au Gouvernement, elle vous a plus précisément parlé de Gazprom, l’un des instruments de la guerre que mène Vladimir Poutine contre l’Ukraine et de la guerre énergétique qu’il mène contre l’Europe.
Vous n’aviez pas répondu à sa question, c’est pourquoi, supposant que vous avez pu vous renseigner entre-temps, je me permets de la réitérer : Gazprom, qui finance des crimes de guerre russes en Ukraine, a-t-elle bénéficié de volumes d’Arenh – c’est-à-dire d’une énergie subventionnée par EDF et le contribuable – en 2022 ? Si oui, avez-vous exclu Gazprom de l’éligibilité à l’Arenh ? Enfin, pouvez-vous prendre l’engagement que les volumes d’Arenh notifiés chaque année aux distributeurs d’électricité seront rendus publics, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ? Je vous remercie par avance pour une réponse claire. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

M. Pierre Dharréville.
Supprimez donc l’Arenh !

Mme la présidente.
La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Monsieur Leseul, la réponse à votre première question est très claire : Gazprom n’a pas bénéficié de volumes d’Arenh en 2022. En 2021, les volumes dont Gazprom a bénéficié ont été intégralement restitués à RTE et à Enedis, puisqu’une partie des volumes sont rétrocédés aux réseaux de transport, eux-mêmes consommateurs d’énergie. Il s’agit donc d’une mesure technique : en aucune façon Gazprom n’a spolié le consommateur Français en volumes d’Arenh.
De manière générale, l’Arenh est un mécanisme qui bénéficie au consommateur final.

M. Emmanuel Lacresse,, rapporteur spécial.
Eh oui !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Nous l’avons renforcé, ce qui a permis en 2022 de fortement baisser le coût de l’énergie pour les industriels, par rapport aux autres pays européens. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas subi une forte pression sur l’emploi industriel, contrairement à d’autres pays. Ce mécanisme a ainsi permis de préserver 45 000 emplois et 150 électro-intensifs, qui se sont battus pour son application – notamment auprès des députés.
Cela ne signifie pas pour autant que l’Arenh a toutes les qualités. Il avait été prévu pour faciliter le déploiement de nouvelles capacités…

M. Pierre Dharréville.
Privées !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
…d’investissement au service de la production électrique. Ça ne s’est pas traduit dans les faits ; il faudra en tirer les conséquences. Nous travaillons d’ores et déjà à l’après-Arenh, puisque celui-ci n’existera plus à compter du 1er janvier 2025. Il faut le remplacer pour continuer à protéger les entreprises industrielles, tout en faisant en sorte qu’EDF continue à se développer et à investir dans son appareil industriel. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE et HOR.)

Mme la présidente.
Nous en avons terminé avec les questions. La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 3 novembre 2022