Déclaration de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, sur le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, au Sénat le 3 novembre 2022.

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Circonstance : Discussion au Sénat en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Texte intégral

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (projet n° 889 [2021-2022], texte de la commission n° 83, rapport n° 82, avis nos 80, 70).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Monsieur le président, madame, monsieur les présidents de commission, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, deux tiers, c’est aujourd’hui la part d’énergies fossiles dans notre consommation d’énergie – du pétrole et du gaz, importés, pour l’essentiel, du reste du monde. Le nucléaire et les énergies renouvelables ne représentent donc qu’un tiers de la totalité de notre consommation d’énergie. Cela signifie que, à consommation égale, il faudrait multiplier par trois notre production d’énergie bas-carbone pour compenser la sortie des énergies fossiles.

2035, c’est la date à laquelle 26 de nos 56 réacteurs nucléaires arriveront au terme de cinquante années d’exploitation. Tous devront alors passer le cap d’une visite de sécurité exigeante pour être prolongés dix années de plus. Or, en matière énergétique, 2035, c’est demain !

Plus 60 %, c’est, selon Réseau de transport d’électricité (RTE), la proportion d’électricité que nous devrons produire en plus à l’horizon de 2050, si nous voulons enfin sortir des énergies fossiles, atteindre la neutralité carbone et répondre à nos besoins croissants d’électrification pour l’industrie, les transports et les bâtiments.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces trois éléments montrent bien que nous sommes à un tournant historique. Si nous voulons atteindre la neutralité carbone, si nous voulons enfin devenir maîtres de notre destin énergétique, nous ne pourrons nous passer d’aucune énergie décarbonée – nucléaire comme renouvelable – tant la marche à franchir est haute.

Soyons clairs : lorsque je dis " renouvelables ", je parle bien de toutes les énergies renouvelables – je sais que vous y êtes sensibles –, celles qui produisent de l’électricité, mais également de la chaleur – géothermie, biomasse, biométhane, éoliennes terrestres et marines, hydraulique, etc.

Ce que nous vivons aujourd’hui donne un avant-goût de ce qui nous attend demain si nous n’agissons pas. Je pense d’abord à la crise climatique, qui provoque les dérèglements que nous constatons tous : sécheresses, canicules et feux. Du reste, nous venons de vivre en France le mois d’octobre le plus chaud que l’on ait jamais connu. L’urgence est là, devant nous.

Ensuite, je pense à la crise énergétique, qui est la plus grave depuis les années 1970. Devoir importer des énergies sans en maîtriser le coût, c’est affaiblir le pouvoir d’achat des Français, c’est peser sur la compétitivité de nos entreprises et c’est réduire les capacités d’action des collectivités locales.

Pour répondre à ces enjeux, nous ne sommes pas sans solutions. Nous connaissons les leviers que nous devons actionner pour être à la hauteur du défi.

Le premier, ce sont les économies d’énergie, grâce à la sobriété et à l’efficacité énergétiques. Je ne reviendrai pas sur le plan de sobriété que nous avons annoncé avec la Première ministre. Il s’ajoute aux actions menées en matière d’efficacité énergétique. Retenons que, d’ici à 2050, nous devons réduire de 40 % notre consommation d’énergie pour atteindre la neutralité carbone.

Le deuxième est la production massive d’énergies renouvelables. C’est l’enjeu du plan pour accélérer le développement de la production d’énergies renouvelables que j’ai lancé en juin dernier. Il a permis de débloquer la production de 10 gigawatts d’électricité et d’un 1 térawatt de biométhane. Il a aussi permis de mobiliser les services de l’État, de renforcer les équipes d’instruction sur le terrain et d’accélérer les raccordements – je sais que vous êtes également sensibles à ces enjeux. Le texte qui vous est présenté aujourd’hui constitue le volet législatif du plan en faveur des énergies renouvelables que nous allons continuer de déployer.

Le troisième est le lancement d’un ambitieux programme nucléaire. C’est la proposition du Président de la République. Elle est désormais soumise à une large consultation publique. Nous travaillons à simplifier les procédures administratives afin d’anticiper la construction de nouveaux réacteurs à proximité des sites qui en accueillent déjà.

Tels sont les grands chapitres de notre stratégie énergétique. Il nous appartient maintenant de les décliner dans une nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui tienne compte de la nécessité de rehausser notre ambition climatique et d’accélérer notre sortie des énergies fossiles. Nous avons commencé ce travail par le lancement, conformément à la loi, d’une grande consultation publique en octobre dernier. Elle est inédite par son ampleur, car l’enjeu est de taille. Ce travail, qui vous sera intégralement restitué, nourrira vos réflexions dans le cadre du projet de loi qui vous sera soumis en 2023 visant à mettre à jour notre mix énergétique.

Alors, pourquoi présenter ce projet de loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables sans attendre 2023 ? Parce que nous constatons aujourd’hui que nous devrons être encore plus ambitieux pour la production énergétique. Nous ne pouvons que nous rendre compte de notre retard dans la production des énergies renouvelables. Nous devons donc le rattraper.

Vous l’avez compris, le combat à mener est celui des énergies bas-carbone contre les énergies fossiles. Ce choix s’inscrit, je pense, dans la continuité de la position de notre pays depuis le cri d’alarme poussé à Johannesburg par le président Jacques Chirac jusqu’à aujourd’hui, en passant par le Grenelle de l’environnement conduit par Nicolas Sarkozy et Jean-Louis Borloo ou par les accords de Paris portés par le président François Hollande et Laurent Fabius.

Le texte qui vous est présenté est le fruit des échanges que j’ai eus, depuis plusieurs mois, avec des acteurs associatifs et économiques, des élus locaux et des associations, ainsi qu’avec vous, très en amont, mesdames, messieurs les parlementaires des différents groupes du Sénat et de l’Assemblée nationale. À cet égard, je souhaite souligner la qualité des échanges et du travail conduit par les deux rapporteurs, Didier Mandelli et Patrick Chauvet, et par les présidents des commissions du développement durable et de l’aménagement du territoire et des affaires économiques, Jean-François Longeot et Sophie Primas. Je tiens aussi à souligner la mobilisation de la commission de la culture et le travail qui a été mené par la rapporteure pour avis, Laurence Garnier.

Comme vous le savez, je n’y reviens pas, ce projet de loi vise quatre objectifs : accélérer les procédures administratives sans rien enlever à nos exigences environnementales ; libérer du foncier dégradé ; permettre une planification par grande façade maritime pour les éoliennes marines ; améliorer le partage de la valeur de ces projets et sécuriser les coûts de l’énergie au profit des habitants, des collectivités locales et des entreprises.

Le texte qui a été adopté par la commission montre qu’il existe de fortes convergences au sein des différents groupes pour aboutir à une loi facilitant le déploiement des projets d’énergies renouvelables, remettant les collectivités locales au cœur de la planification énergétique et visant un haut niveau d’exigence en ce qui concerne le nombre de projets réalisés.

Des enrichissements ont été apportés, pour élargir certaines mesures au biométhane ou ajouter un article sur l’agrivoltaïsme reprenant une proposition de loi largement votée sur ces travées par exemple ; nous les soutiendrons bien volontiers.

Reste toutefois à résoudre la question la plus difficile : celle de savoir comment l’État, les élus locaux et les porteurs de projet travailleront ensemble pour permettre le développement – certes rapide, mais raisonné et équilibré – des énergies renouvelables. Du reste, l’implantation des projets au cœur des territoires suscite plusieurs questions : comment les projets répondent-ils aux besoins énergétiques des territoires ? Comment mobiliser et associer les acteurs locaux à leur élaboration ? Comment minimiser autant que possible leurs effets sur la biodiversité et leurs nuisances sur les communes voisines ? Comment ces projets se fondent-ils dans le paysage et comment les faire bien cohabiter avec les riverains ?

Au regard des retours d’expérience en la matière, certains projets sont incontestablement des succès, d’autres ne le sont guère – nous devons le reconnaître. Ces échecs expliquent les réticences manifestes, à raison, de territoires qui ne souhaitent pas connaître les mêmes difficultés. Cela doit nous faire réfléchir sur une nouvelle méthode de conduite de ces projets. Je crois pouvoir dire, au regard de mes nombreux échanges avec vous, ainsi qu’avec des élus locaux et des associations d’élus, que nous partageons unanimement ce diagnostic.

Le constat d’un indispensable changement de méthode est à l’origine de nombreux amendements – nous allons les examiner – qui encadrent plus fortement les projets d’énergies renouvelables, mais, je le crains, au risque de les freiner.

Dans ce contexte, notre responsabilité commune est bien de prendre en compte ces réticences, tout en veillant à ne pas céder à la tentation de l’immobilisme, mais encore faut-il savoir comment.

Notre vision de la planification énergétique n’est pas descendante, bien au contraire. Nous appelons de nos vœux une planification remettant les collectivités locales et les territoires au centre des décisions. À cet égard, je serai très claire, le Gouvernement ne reviendra pas sur la suppression de la mise en compatibilité des documents d’urbanisme par le préfet.

Mme Françoise Gatel. Très bien !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je m’y étais engagée auprès de vous, monsieur le rapporteur, et auprès des associations d’élus.

La planification que j’appelle de mes vœux fait des élus des partenaires et leur donne les leviers pour agir.

Comprenons-nous bien : monsieur le rapporteur, je vous rejoins sur le fait que les maires doivent avoir le dernier mot sur des projets structurants pour leur territoire. Mais cette possibilité doit être précédée par une volonté de planifier le déploiement de ces projets d’énergies renouvelables – et cela peut se faire en s’appuyant sur les documents d’urbanisme. Nos élus peuvent davantage pour nos énergies. Planifier, c’est plus orienter qu’interdire.

Les élus nous demandent de les accompagner dans le déploiement des projets – nous voulons le faire ! disent-ils. Selon eux, l’État doit donner le cap pour l’ensemble du pays et être facilitateur auprès de chaque territoire.

Eh bien, c’est le sens de l’amendement n° 647 du Gouvernement. Il vise à permettre aux élus de définir des zones prioritaires pour les énergies renouvelables au niveau des schémas de cohérence territoriale (Scot), tout en maintenant les dispositions de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, dont les sénateurs Darnaud et Gatel ont été rapporteurs, en permettant de prévoir des zones où le développement des éoliennes terrestres serait encadré. Afin d’inciter les porteurs de projet à se porter candidats dans ces zones, l’État pourra prévoir des bonifications dans ses appels d’offres ou organiser des appels d’offres dédiés à ces zones prioritaires.

De plus, cet amendement donnera également la possibilité au maire ou au président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) de s’opposer à une zone d’implantation prioritaire sur son territoire. Le maire aura ainsi le dernier mot dans un processus de planification réfléchi et volontaire. Au regard de cette proposition complète et équilibrée, le Gouvernement demandera la suppression des articles 1er A et 1er C.

Par ailleurs, en ce qui concerne les éoliennes en mer, se pose la question des zones d’implantation et de leur distance de la côte – cela soulève, au fond, un débat du même type que pour les éoliennes terrestres. En tant que ministre responsable de notre transition énergétique, je me dois de vous dire que, à ce jour et au regard des avancées technologiques, une distance d’implantation des éoliennes en mer à plus de 40 kilomètres des côtes réduirait significativement notre potentiel de développement.

M. Jean-Michel Houllegatte. C’est vrai !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Elle nous priverait d’un levier majeur, alors qu’un parc éolien en mer de 2 gigawatts produit l’équivalent de la puissance d’un réacteur nucléaire. À cause de cette disposition, nous ne pourrions plus lancer de projets, même flottants, en mer du Nord et dans la Manche – c’est évident – et en Méditerranée, en raison des canyons. Seul l’océan Atlantique pourrait accueillir des projets, notamment au large des régions Bretagne et Pays de la Loire.

C’est également, je crois, un très mauvais signal envoyé à des filières industrielles qui sont aujourd’hui les plus compétitives au plan mondial – c’est une chance pour notre pays ! – et qui sont largement exportatrices vers les États-Unis et l’Écosse. Elles représentent près de 6 600 emplois directs, notamment à Cherbourg, au Havre ou encore à Saint-Nazaire. Nous disposons de peu de filières d’énergies renouvelables aussi puissantes, prenons garde à les ménager !

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement proposera de revenir à la rédaction initiale du texte dans son amendement n° 584 à l’article 12.

Au-delà de ces deux éléments, je tiens à saluer le travail qui a été mené en commission afin d’enrichir le texte. Les nombreux apports effectués concourent pleinement à l’objectif du texte qui est d’accélérer la production des énergies renouvelables.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis confiante sur le fait que nous trouverons le chemin du consensus avec tous ceux – ils sont nombreux dans cet hémicycle et sur le terrain – qui défendent la souveraineté énergétique et politique de notre pays, avec tous ceux qui veulent défendre le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité des entreprises et avec tous ceux qui veulent lutter contre le dérèglement climatique.

Vous le savez, pour sortir des énergies fossiles, nous n’avons pas le luxe d’attendre. Les Français nous regardent. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et SER.)

(…)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord saluer les apports des différents groupes dans l’examen de ce texte. Ces avancées contribueront à tenir l’objectif d’une production amplifiée d’électricité bas-carbone dans les années à venir.

Toutefois, des sénateurs issus de plusieurs groupes ont mentionné le droit de veto préalable des maires, le terme « préalable » se justifiant par le fait que ce veto interviendrait très en amont des projets sans qu’on ait pu en analyser l’impact économique, énergétique, environnemental et paysager. Il faut nommer ce droit tel qu’il est, en reconnaissant donc qu’il consiste à bloquer certains projets. Or je ne crois pas que ce soit là l’ambition qu’ont défendue les représentants des groupes qui se sont exprimés.

Je renouvelle donc la proposition que j’ai faite au rapporteur, celle de trouver un dispositif équilibré qui concilie l’accélération des énergies renouvelables et la participation des élus, qui doivent avoir le dernier mot.

J’ai aussi entendu les réflexions que vous avez fait remonter au sujet du traitement des dossiers et des ressources humaines. Je veux donc redire ici que l’État doit en effet mieux s’organiser pour permettre le déploiement des énergies renouvelables. Nous l’avons fait puisque, comme vous le savez, nous avons renforcé les moyens de la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) et des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), grâce à 37 ETP supplémentaires, ce qui est inédit dans l’histoire du budget du ministère de la transition énergétique et de celui de la transition écologique et solidaire. Jamais, en effet, depuis vingt ans, on n’a vu un tel renforcement des équipes.

M. François Bonhomme. Cela ne fait pas une politique !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. J’y reviendrai, monsieur le sénateur.

Nous avons également adressé une circulaire aux préfets afin qu’ils puissent non seulement animer leurs propres équipes, mais aussi aller chercher des solutions, accompagner les élus locaux et mettre à leur disposition des cartographies pour déterminer plus rapidement avec eux les zones les plus propices au développement des énergies renouvelables. La dynamique est lancée et nous avons tenu compte des retours du Conseil national de la transition écologique (CNTE), auquel participent des associations d’élus, des associations environnementales, des organisations syndicales et des représentants d’entreprises.

Nous avons signé, le 29 octobre dernier, le décret relatif au régime juridique applicable au contentieux des décisions afférentes aux installations de production d’énergie à partir de sources renouvelables, hors énergie éolienne, et aux ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité, qui réduit à dix mois les périodes de contentieux devant le tribunal administratif et devant la cour administrative d’appel, entraînant en l’absence de décision du juge un passage automatique à l’instance supérieure.

Ces décisions très pragmatiques montrent que nous abordons le sujet de la production des énergies renouvelables de la manière la plus analytique possible. À quels blocages se heurtent les projets ? Comment les lever ou, autrement dit, comment faire pour que les Français disposent d’une énergie bas-carbone en abondance et à un prix compétitif ?

Quant à la stratégie énergétique du Gouvernement, il me semble que vous la connaissez déjà, puisque lors d’un débat de trois heures, organisé le 12 octobre dernier, la Première ministre – j’étais malheureusement absente, souffrant de la covid-19 – est venue devant vous répondre à toutes les questions sur le sujet.

Vous la connaissez d’autant mieux qu’elle étaye les différents scénarios envisagés par RTE, dont vous auditionniez les représentants, hier encore, sauf erreur de ma part. La construction de ces scénarios est l’aboutissement d’un travail de deux ans sans équivalent dans les autres pays européens et qui n’existe pas de manière aussi approfondie dans les autres pays de l’OCDE. Ce travail a permis d’élaborer pas à pas une perspective de production énergétique sur la base du nucléaire et des énergies renouvelables, en fixant des objectifs potentiels et en traçant des scénarios qui peuvent aussi être de réduction de la consommation, puisque – vous l’avez compris – la sobriété et l’efficacité énergétique sont au cœur des enjeux énergétiques.

Je veux aussi rappeler que, en plus de nous orienter selon cette boussole qui existe bel et bien et que vous connaissez, nous avons aussi respecté la décision du Parlement selon laquelle le Gouvernement devait s’appuyer sur un débat public très large. Lancé en octobre dernier, celui-ci a déjà permis de recueillir 8 000 contributions en moins de deux semaines, ce qui témoigne de l’intérêt des Français pour le sujet.

Par conséquent, nous ne forçons pas le processus, mais nous nous appuyons sur l’acquis de la précédente programmation pluriannuelle de l’énergie. Comme vous avez été nombreux à le signaler, nous sommes en retard sur les énergies renouvelables. Faut-il donc attendre encore, alors que nous sommes tous d’accord – vous l’avez dit unanimement – sur la nécessité d’accélérer ? Bien entendu, nous construirons ensemble la trajectoire de la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Il me semble important de revenir sur un point. À aucun moment depuis le lancement du programme électronucléaire, la part du nucléaire n’a dépassé 20% de notre consommation d’énergie. Il est nécessaire de le rappeler parce qu’il y a souvent une confusion, dans les débats en matière énergétique, entre électricité et énergie. Or l’énergie, c’est aussi la chaleur et le carburant. L’enjeu de la transition énergétique consiste précisément à pouvoir se passer de carburant pour se déplacer et de gaz pour se chauffer. Nous aurons besoin pour cela non seulement de réduire notre consommation, mais aussi de développer le nucléaire.

Le chiffre pourra vous surprendre, mais, depuis l’an 2000, nous avons renforcé notre résilience énergétique de sorte que nous sommes moins dépendants de l’extérieur. Alors que, en 2000, nous dépendions à 72% des importations pour notre consommation d’énergie, en 2020, nous n’en dépendons plus qu’à 65%. Il ne s’agit pas de se féliciter d’un tel chiffre, mais de constater que, contrairement aux idées reçues, nous avons réduit notre dépendance aux importations d’énergie. Il est essentiel de le préciser dans ce débat et de ne pas confondre électricité et énergie pour éviter d’entretenir de fausses idées auprès des Français.

Je souhaite moi aussi que nous ayons un débat de fond, dépassionné, sur l’énergie. Il interviendra en 2023 à l’occasion de la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie, mais vous connaissez déjà les grands axes de ce que nous proposerons, puisque le Président de la République, il y a déjà huit mois, a annoncé très clairement sa volonté de relancer la construction de six nouveaux EPR. Il a également exprimé son souhait de mettre à l’étude le projet de huit EPR additionnels et il a signifié que nous nous engagerions dans une stratégie de réduction de la consommation en nous calant sur les scénarios de RTE. Il a enfin précisé la trajectoire qu’il recommandait en matière d’énergies renouvelables, soit la multiplication par dix d’ici à 2050 de notre production photovoltaïque et l’installation de 40 gigawatts d’éoliennes marines. Nous aurons un débat sur tous ces sujets.

Le Président de la République a également indiqué que nous prolongerions les centrales nucléaires pour une durée maximale, en tenant compte des impératifs de sécurité.

Enfin, lorsque nos prédécesseurs ont lancé le programme électronucléaire, ils l’ont fait pour quarante ans. Personne n’ignorait, lorsque les centrales nucléaires ont été mises en service entre 1977 et le début des années 1980, que, quarante ans plus tard, c’est-à-dire aujourd’hui, nous devrions faire des visites de contrôle qui dureraient plus de six mois. Personne ne l’ignorait, tout comme personne n’ignore que, dans dix ans, il faudra répéter le même exercice dans des conditions plus difficiles encore, puisque les centrales auront dix ans de plus et qu’elles sont soumises comme tout équipement à une forme d’obsolescence liée à leur utilisation. Une partie des composants est remplaçable et cela autant de fois que nécessaire, mais une autre ne l’est pas, c’est notamment le cas des cuves.

Toutes ces évolutions sont connues et sans surprise. La crise énergétique que nous traversons nous montre que les importations sur lesquelles nous avons compté depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale – pour ne pas remonter à des temps antédiluviens – ne sont pas acquises, que ce soit à cause d’arrière-pensées géopolitiques, notamment dans le cas de la Russie, ou parce que la transition énergétique dans laquelle nous sommes engagés a pour conséquence d’augmenter les prix. Ces importations ne sont pas non plus acquises à un prix compétitif, parce que nous payons – c’est bien légitime – le prix de l’empreinte carbone du pétrole et du gaz. L’enjeu auquel nous devons faire face est celui du dérèglement climatique, dont plus personne ne peut minorer l’impact. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La discussion générale est close.


Source http://www.senat.fr, le 16 novembre 2022