Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Gabriel ATTAL.
GABRIEL ATTAL
Bonjour Apolline de MALHERBE.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes le ministre du Budget, ministre officiellement, on appelle ça ministre délégué chargé des Comptes publics. On va évidemment parler salaires, inflation, budget de la France. Mais commençons par cette grève, parce que cette grève elle n’a pas rien à voir avec vous, cette grève elle est notamment due aux salaires et aux salaires dans la Fonction publique et dans les entreprises publiques. Pourquoi vous n’augmentez pas plus les salaires ?
GABRIEL ATTAL
Eh bien d'abord j'ai entendu que le mot d'ordre de cette grève pour la RATP, c'était zéro métro, zéro RER, je prolongerai en disant que c'est aussi zéro empathie pour tous les Français, à qui je pense aujourd'hui, et qui n’ont pas pu aller travailler, qui n’ont pas pu se déplacer, peut-être ont eu des difficultés à déposer leurs enfants à l'école. C'est à eux que je pense. Maintenant, il y a un mouvement de grève, c'est un droit constitutionnel. Vous me parlez des salaires dans la Fonction publique, on a pris une décision cet été, qui est une décision historique, avec une augmentation du point d'indice de la Fonction publique de 3,5%, il faut remonter très très loin en arrière pour trouver une telle augmentation de salaires dans la Fonction publique pour tous les fonctionnaires. Ensuite vous avez des entreprises publiques, la RATP par exemple, qui ont décidé des augmentations de salaires, propres à l'entreprise, en l'occurrence je crois que c'est un peu au-dessus de 5% pour la RATP, c'est ce qu'avait communiqué la Direction. Donc voilà, il y a une situation qui est difficile avec une inflation, évidemment j'en suis conscient, elle touche tous les Français.
APOLLINE DE MALHERBE
Eh bien, les comptes n’y sont pas…
GABRIEL ATTAL
On prend des mesures…
APOLLINE DE MALHERBE
… parce que vous dites : augmentation de 3,5% de l'indice des fonctionnaires, quand on sait que l'inflation est à 6,2 %, ça veut dire que concrètement ils ont perdu 3% de salaire.
GABRIEL ATTAL
Mais, Apolline de MALHERBE, tous les Français qui nous écoutent, qui ne sont pas forcément fonctionnaires, n'ont pas eu 3,5% d'augmentation de leur salaire dans leur entreprise. Par ailleurs, on prend des…
APOLLINE DE MALHERBE
Quand vous voulez mettre des sous, vous en mettez.
GABRIEL ATTAL
Mais bien sûr qu’on en met. Vous savez…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous savez bien que là, sur la question des salaires, vous le demandez vous-mêmes d'ailleurs aux entreprises privées de le faire.
GABRIEL ATTAL
Mais, toutes les personnes dont on parle sont aussi accompagnées par l'argent qu'on met, pour le bouclier tarifaire sur l'électricité et sur le gaz par exemple. Le prix du gaz il est bloqué depuis un an, le prix de l'électricité cette année il a augmenté de 4%, ça aurait dû être 40% si on n'avait pas mis le bouclier, et la différence entre les 4 et les 40 c'est les finances publiques qui la paient, et l'an prochain, si on ne faisait rien, la facture d'électricité et de gaz des Français devrait augmenter de 120%. 120%.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais au-delà de la question de la grève d'aujourd'hui, notamment très suivie à la RATP, Gabriel ATTAL vous savez bien que la situation elle c'est très largement dégradée dans les transports, partout en France, y compris notamment dans les transports scolaires pour qui c'est très compliqué, il y a parfois des enfants qui n'ont plus de bus pour les emmener à l'école, et tout ça c'est quand même des salaires qui à la fin des fins remontent jusqu'à vous. En fait c'est vous qui tenez ces cordons-là.
GABRIEL ATTAL
Oui bien sûr. Alors ensuite, sur les transports scolaires, ça dépend des régions, donc c'est plus spécifique, il y a un enjeu effectivement de recrutement dans les transports scolaires, mais moi je vous dis…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais l’enjeu de recrutement, c'est parce que c'est plus attractif, vous en avez bien conscience.
GABRIEL ATTAL
Mais c'est aussi des… Je suis conscient que c’est aussi des questions de rémunération, Apolline de MALHERBE.
APOLLINE DE MALHERBE
Pourquoi vous ne lâchez pas ?
GABRIEL ATTAL
Je vous dis que la décision qui a été prise cet été sur le point d'indice, elle est historique. Moi je veux bien qu'on nous dise que ça n'est pas assez, enfin, qu'on me dise…
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais l’inflation aussi elle est historique.
GABRIEL ATTAL
Qu’on me dise quand est-ce qu'il y a eu une telle augmentation dans la Fonction publique dans les années récentes. Voilà. Après, moi je suis ministre du Budget, je suis là pour dire la vérité à ceux qui nous écoutent et qui nous regardent, on ne peut pas tout faire avec les finances publiques, voilà je le dis très calmement, mais très fermement. La réalité c'est qu'on a une situation de finances publiques qui est tendue, et qu'on doit absolument continuer à tenir nos comptes. Sinon, qu'est-ce qui va se passer ? Sinon notre dette va nous coûter tellement cher qu'on ne pourra plus rien faire du tout. On ne pourra plus décider des augmentations de salaires dans la Fonction publique, on ne pourra plus accompagner les Français pour limiter leur facture de gaz et d'électricité parce que le poids de notre dette sera tellement fort, que l’on dépensera tout ce qu'on a pour la rembourser. Et moi ce n’est pas cette situation que je veux pour mon pays. On a réduit le déficit depuis maintenant plusieurs années, il était de 9% en 2020, de 6,5 % en 2021, il sera à 5% cette année, et on veut continuer à le réduire, parce que sinon notre dette nous coûtera tellement cher qu'on ne pourra plus faire de choix pour aider les Français.
APOLLINE DE MALHERBE
On comprend évidemment philosophiquement, économiquement votre réponse…
GABRIEL ATTAL
Et concrètement aussi.
APOLLINE DE MALHERBE
… mais dans les faits, si on se retrouve avec des services publics partout dégradés, c'est-à-dire à la fois les transports, on en parle aujourd'hui, mais on le voit bien, l'éducation, l'hôpital, je veux dire, ça nous fera une belle jambe de dire qu’on n’avait pas les moyens…
GABRIEL ATTAL
Non mais, évidemment qu’on investit pour les services publics. Vous me parlez de l'Education, le budget augmente de 3,7 milliards l'an prochain. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que tous les enseignants vont être revalorisés d'au moins 10 % à la rentrée prochaine, en septembre prochain. Vous me parlez de l'hôpital public, on a fait le Ségur de la Santé. Toutes celles et tous ceux qui travaillent à l'hôpital gagnent au moins 183 € nets en plus par mois, et l'an prochain pour la première fois dans l'histoire, le budget de l'hôpital public dans notre pays sera supérieur à 100 milliards d'euros. Ça paraît abstrait comme ça, des chiffres, probablement, mais c'est un investissement inédit qu'on n'a jamais connu dans notre pays. Et tout ça on le fait, effectivement en ayant pour objectif de tenir nos comptes publics, sinon on ne pourra plus faire ce type de choix à l’avenir.
APOLLINE DE MALHERBE
Parmi les grévistes, alors là il y a des grévistes plus surprenants, en tout cas plus inhabituels, qui feront grève lundi, ce sont les laboratoires pharmaceutiques. En fait vous imposez certains coups de rabot, comme vous le dites à l'instant, les laboratoires biologiques qui estiment que le compte n'y est pas. Vous leur avez demandé de faire 250 millions d'euros l'an prochain, et ils seront donc fermés ces laboratoires biologiques, à partir de lundi, pour 3 jours et déjà aujourd'hui les labos ne transmettent plus les résultats des tests Covid aux autorités sanitaires. Qu'est-ce que vous leur répondez ?
GABRIEL ATTAL
Moi je les appelle à une forme de décence. Les laboratoires de biologie médicale, ils font un travail essentiel, ils nous ont beaucoup aidés pendant le Covid pour faire les tests pour les Français. Ces tests Covid leur ont rapporté un chiffre d'affaires de plus de 7 milliards d'euros, financés par la Sécurité sociale, c'est-à-dire par tous les Français. C'est un secteur qui a une rentabilité qui est élevée, qui est passée de 18% à 30%. La plupart des secteurs c’est 5, 6% de rentabilité. Qu'est-ce que je leur demande ? Je leur demande de faire 250 millions d'euros d'économies l'année prochaine. 250 millions d'euros, après avoir fait 7 milliards d'euros de profits liés aux tests Covid, financés par la Sécurité sociale. Donc à un moment, tout le monde fait des efforts. Les Français font des efforts, il y a des prix qui augmentent, l'Etat fait des efforts pour tenir ses comptes, les collectivités locales font des efforts, les entreprises font des efforts, les laboratoires de biologie médicale peuvent faire un effort. On parle de quoi ? Ça ne changera rien pour le quotidien des Français qui vont dans les laboratoires de biologie, c'est le pari que de Sécurité sociale qui baisse un peu dans le remboursement aux laboratoires de biologie.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est-à-dire qu’en fait vous leur rembourserez légèrement moins, il y aura un petit décalage, un peu plus.
GABRIEL ATTAL
Je vais vous donner un exemple. Un dosage d'insuline, je crois qu'aujourd’hui c'est 18,6 €, et ça passera à 17,2, quelque chose comme ça. Voilà. Donc j'entends que c'est un effort, mais enfin je veux dire, ça me semble être un effort justifié, parce que c'est un secteur, et encore une fois je ne remets pas en cause le rôle, au contraire, qu’ils ont eu pendant le Covid, il était essentiel, mais qui a fait un certain nombre de profits, 7 milliards via les tests Covid qu'on a remboursés avec la Sécurité sociale, qui a une rentabilité élevée, qui peut faire un effort. Personne…
APOLLINE DE MALHERBE
Je vous sens un peu en colère là-dessus.
GABRIEL ATTAL
Oui, parce que… Enfin, en colère…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous trouvez que c’est déplacé.
GABRIEL ATTAL
Voilà. Moi je suis conscient que c'est jamais facile de faire des efforts, e pense que tout le monde en fait aujourd'hui dans notre pays. On a des difficultés dans notre pays, on est au coeur de la tempête, mais moi je pense qu'elle ne nous emportera pas, parce que je pense que tout le monde est en train de montrer que même si c'est difficile, on est capable de faire des efforts. Et moi je demande aux laboratoires de biologie médicale, et je salue encore une fois leur travail essentiel, leur rôle essentiel dans le système de santé, de faire cet effort, parce que tout le monde en fait.
APOLLINE DE MALHERBE
Gabriel ATTAL, le budget donc, dans la nuit de mardi à mercredi un texte budgétaire il a été voté sans 49.3, alors ça c'est quand même assez surprenant, ça arrive, ça n’était pas arrivé depuis le début la discussion du budget. Est-ce que ça veut dire que finalement il peut y avoir des moments de consensus où vous réussissez à faire passer des lois, peut-être ?
GABRIEL ATTAL
Oui, c'est vrai que c'est un texte budgétaire quand on a adopté sans 49.3. La majorité évidemment l’a votée, et les LR d'un côté, le PS de l'autre, se sont abstenus, ils ont laissé passer ce texte. Et moi je veux saluer leur responsabilité. On a beaucoup travaillé avec eux en amont, on a travaillé avec eux en amont de la préparation de ce texte, pour identifier avec eux les mesures importantes pour eux. Ce texte il prévoit quoi ? Il prévoit un Chèque énergie exceptionnel pour la moitié des ménages français, 12 millions de ménages qui vont recevoir un Chèque énergie exceptionnel au mois de décembre face à l'augmentation des prix de l'électricité. Il prévoit de l'argent pour nos universités, puisque vous savez que l’on a des universités qui ont du mal à payer leurs factures d’électricité…
APOLLINE DE MALHERBE
Sauf que l’on va peut-être devoir fermer plus longtemps cet hiver.
GABRIEL ATTAL
Qui envisageaient de fermer cet hiver et de mettre les étudiants à distance, et nous on a dit : on va vous aider financièrement. On préfère des amphis pleins et éclairés, plutôt que des amphis fermés.
APOLLINE DE MALHERBE
Juste, je m’arrête un instant sur ce point, Gabriel ATTAL, est-ce que ça veut dire que ce matin vous nous dites qu'il n'y aura pas, que ces universités qui avaient prévu de devoir fermer plus longtemps, rallonger les congés, parce qu'ils ne voulaient pas avoir à chauffer les amphis, vous nous dites ce matin : c'est réglé, les universités ne fermeront pas.
GABRIEL ATTAL
Je vous dis oui, on met 275 millions d'euros pour qu'elles n'aient pas à fermer pour les raisons d'électricité, de factures d'énergie, pour qu'elles puissent continuer à accueillir leurs étudiants. Donc ce texte-là il comporte des mesures fortes, il a été enrichi par des ajouts des parlementaires, et notamment de l'opposition. On met en place une aide pour cet hiver, pour les Français qui se chauffent aux pellets de bois, parce que vous savez qu'on aide avec le bouclier tarifaire les Français qui se chauffent au gaz et à l'électricité…
APOLLINE DE MALHERBE
Au fioul.
GABRIEL ATTAL
Au fioul on a mis en place une aide, il restait ceux qui se chauffent aux pellets de bois…
APOLLINE DE MALHERBE
Qui ont fortement augmenté.
GABRIEL ATTAL
Oui, et il y a beaucoup de Français qui se sont convertis aux pellets de bois pour des raisons écologiques et aussi de pouvoir d'achat, or là ils ont doublé, voire triplé le prix en un an, et donc 230 millions d'euros qui vont nous permettre d'accompagner ces Français cet hiver.
APOLLINE DE MALHERBE
Gabriel ATTAL, vous le disiez, les LR et le PS se sont abstenus donc contre ce, enfin, contre, ni contre ni pour, enfin ils n’ont pas voulu s’opposer…
GABRIEL ATTAL
Ils ont laissé passer ce texte.
APOLLINE DE MALHERBE
Ils n'ont pas voulu s'opposer à ce projet de loi de budget rectificatif. Est-ce que ça veut dire que désormais c'est eux votre cible, je dirais, pour pouvoir essayer de trouver des alliés, au moins de circonstance ? Est-ce que vous considérez aujourd'hui que les Républicains et les socialistes peuvent être des partenaires ?
GABRIEL ATTAL
Eh bien moi, en fait je veux travailler avec tous ceux qui sont constructifs et qui sont prêts à travailler de manière constructive. Et regardez ce qu'ont fait le Rassemblement national et la France insoumise, ils ont validé tous les articles du texte de loi, toutes les mesures, ils ont voté contre aucune mesure, et à la fin ils ont voté contre le texte. C'est-à-dire qu'ils sont d'accord avec ce qu’il y a sur la page, mais ils refusent de signer en bas de la page, parce que pour eux ça serait se salir les mains. Moi, ce que je leur dis, c'est que faire des compromis ce n'est pas se compromettre, c'est agir au service des Français et au service du pays. Et moi je travaillerai toujours avec ceux qui sont prêts à travailler au service des Français, au service du pays, en l'occurrence sur ce texte ça a été les LR et le PS.
APOLLINE DE MALHERBE
L'objectif de ce budget rectificatif c'était d'être – je cite – anti-inflation. Vous avez peut-être entendu Michel-Edouard LECLERC qui était à ce même micro mardi, il parlait d'un tsunami de l'inflation à venir, et d'après ce qu'il voit aujourd'hui des négociations en cours, avec les industriels, avec les agriculteurs, pour les prix en janvier, il disait qu'on pouvait aller vers une inflation à 2 chiffres, une inflation à 2 chiffres en France. Qu'est-ce que vous répondez ?
GABRIEL ATTAL
Nous, on fait 2 choses pour lutter contre l'inflation. Un, on fait en sorte que les entreprises n'aient pas à augmenter leurs prix, ou en tout cas à les augmenter de manière limitée, en les aidant au départ. Vous parlez des agriculteurs, vous parlez des entreprises, on met en place un amortisseur sur le prix de l'électricité, pour que leurs factures d'électricité baissent et qu'elles n’aient pas à la répercuter sur le prix que paient les consommateurs. Ça c'est la première chose. Peut-être que Michel-Edouard LECLERC n'avait pas encore pris connaissance des 10 milliards d'euros que l’on met pour accompagner les entreprises, les agriculteurs, face à leurs factures d'énergie l'an prochain, la Première ministre l’a annoncé…
APOLLINE DE MALHERBE
Jusqu’à présent, je dois le dire, Michel-Edouard LECLERC était venu même avant la guerre en Ukraine, et il avait dit : on va vers une très grosse l'inflation, une inflation autour de 5 à 6%…
GABRIEL ATTAL
Je ne remets pas en cause, vous savez…
APOLLINE DE MALHERBE
… les faits lui ont tristement donné raison.
GABRIEL ATTAL
Evidemment, et je ne remets pas en cause, ni son travail, ni son expertise sur le sujet. Ce que je dis, c'est qu'on met le paquet pour faire baisser les factures d'énergie des entreprises, des agriculteurs, de l’autre côté, Apolline de MALHERBE, on accompagne les Français…
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu’on peut éviter cette inflation à deux chiffres ?
GABRIEL ATTAL
Aujourd'hui, prévision d'inflation pour l'année 2023, elle est de 4,2%. Maintenant, moi je ne fais pas de la politique avec une boule de cristal, je ne peux pas vous dire avec une certitude absolue ce qui se passera dans les mois qui viennent.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire que ça baisserait, honnêtement.
GABRIEL ATTAL
C’est la prévision…
APOLLINE DE MALHERBE
C'est-à-dire qu’aujourd’hui on est à 6,2, vous, vous prévoyez 4,2.
GABRIEL ATTAL
Bien sûr, c’est les prévisions, et qui sont étayées…
APOLLINE DE MALHERBE
Ce n’est pas de la méthode Coué.
GABRIEL ATTAL
Ah ben non. Vous savez, on a des prévisionnistes, la Direction générale du Trésor, c’est par ailleurs des prévisions…
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais on le sent bien, même sur la croissance, parfois vous avez quand même des…voilà, vous donnez des projections en espérant que ça va être auto-réalisateur.
GABRIEL ATTAL
Non mais regardez ce qui s'est passé cette année. On avait fixé un objectif de croissance à 2,5%. Avant l'été, vous avez un certain nombre d'observateurs, parfois d'économistes, qui ont dit : ils n'atteindront jamais leurs 2,5% à la fin de l'année, c'est impossible, ils seront entre 2, 2,3%. On a atteint les 2,5% dès cet été, dès le mois de septembre. Donc, moi je veux bien qu'on dise qu'on fait des prévisions qui parfois sont trop optimistes, elles sont peut-être volontaristes, mais en tout cas cette année encore on voit qu'elles se sont traduits dans les faits et ce n’est pas uniquement grâce au gouvernement, c'est grâce à toutes les femmes, tous les hommes, qui s'engagent au quotidien dans les entreprises, qui font vivre notre économie.
APOLLINE DE MALHERBE
Le gouverneur de la Banque de France il table pour l'an prochain, sur une croissance entre - 0,5, là on serait carrément dans la récession, et + 0,8.
GABRIEL ATTAL
Il y a différents scénarios et différentes hypothèses sur lesquels a travaillé la Banque de France. Effectivement, il y a des scénarios qui sont très dégradés, c’est des scénarios dans lesquels il y aurait une rupture d'approvisionnement en produits énergétiques cet hiver. En gros des scénarios où on n’aurait plus suffisamment de gaz ou d'électricité pour faire tourner notre économie et nos entreprises. Ils ont des scénarios très dégradés, que vous évoquez, la fourchette basse. Ça n'est pas le scénario sur lequel on travaille aujourd'hui. Pourquoi ? Parce qu'on a rempli à 100 % nos stocks de gaz, parce que l'on travaille beaucoup avec EDF pour le redémarrage de nos réacteurs et donc ce n’est pas notre scénario. Nous, le chiffre, le dernier chiffre de prévision de croissance qu'on a fait pour 2023, il est à 1%, on l'actualisera s'il y a lieu de l’actualiser, mais aujourd'hui il n’y a pas lieu de l’actualiser.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous restez donc plus optimiste que le gouverneur de la Banque de France. La question de ces sous, elle a des conséquences à la fois sur la cohésion nationale et sur la protection des Français. D'abord sur la cohésion nationale, il y a un certain d'économistes qui désormais alertent aussi sur le risque de désolidarité de la France et des Français, que ça ne dégénère en crise sociale. Je recevais sur RMC cette semaine l'économiste Philippe MOATI, qui travaille sur la question de la consommation, qui disait que le grand problème aujourd'hui c'est ceux qui travaillent et qui n'ont pas les moyens de vivre, tout simplement, et que sont obligés de se serrer la ceinture. Il y a 3 Français sur 10 qui déclarent se serrer la ceinture aujourd'hui, c’est un sondage ELABE pour BFM TV. Est-ce que le problème c'est pas cela, c'est-à-dire ceux qui gagnent leur vie normalement, mais qui aujourd'hui ne la gagnent pas suffisamment pour pouvoir se payer ce qu’ils se payaient avant, c'est-à-dire un peu de loisirs, un peu de viande à table, au moins une fois par semaine, on se retrouve finalement comme au temps d'Henri 4 où on avait peut-être une poule au pot le dimanche.
GABRIEL ATTAL
Il y a aujourd'hui les classes moyennes qui travaillent, qui travaillent dur et qui ont le sentiment, un, de ne pas pouvoir vivre suffisamment bien, et deux, qu'elles travaillent pour d'autres qui ne travaillent pas. Je veux dire, c'est quand même ça aujourd'hui qu'on vous dit quand vous vous déplacez dans le pays, que vous rencontrez des Français qui travaillent. Nous non travaille, on fait des efforts, et il y a des gens qui ne travaillent pas, qui sont aidés par la solidarité nationale. Voilà.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais, est-ce que vous êtes inquiet de ce risque aussi d’un climat quand même très Gilets jaunes ?
GABRIEL ATTAL
Mais, la réponse à ça, Apolline de MALHERBE, c’est deux choses. C’est, un, être très clair et ferme sur le fait que dans une économie où il y a des perspectives d'emploi aujourd'hui, ceux qui ne travaillent pas, doivent être incités à la reprise d'emploi, c'est la réforme de l'assurance chômage où on assume de durcir les règles d'assurance chômage pour inciter davantage à la reprise de l'emploi. Et la 2e chose c'est d'accompagner aussi financièrement les classes moyennes. Et moi je peux vous dire que c'est quelque chose qui me tient beaucoup à coeur. Quand on fait le bouclier tarifaire et qu'on bloque l'augmentation du prix du gaz et de l'électricité à 15 % pour tout le monde au lieu de 120 %, c'est les classes moyennes essentiellement qui en bénéficient. Elles, elles n’ont pas de Chèque énergie, voilà, elles n'ont pas le Chèque énergie que reçoivent les plus modestes, par contre elles bénéficient du bouclier tarifaire, ça nous coûte beaucoup plus cher que le Chèque énergie.
APOLLINE DE MALHERBE
Sauf qu’il va y avoir donc la ristourne à la pompe qui va baisser, et…
GABRIEL ATTAL
La suppression de la redevance télé, c'est les Français qui travaillent qui la payaient…
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais par contre, il y a la taxe foncière qui va augmenter.
GABRIEL ATTAL
Mais ça, c'est le choix des maires, Apolline de MALHERBE. C’est des maires qui décident d’augmenter la taxe foncière…
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, enfin, qui disent aussi que c'est parce que vous les aidez beaucoup moins qu'avant.
GABRIEL ATTAL
Ah, on les est beaucoup plus qu'avant. Cette année, filet de sécurité, 500 millions d'euros. Je suis en train de verser des acomptes aux communes. Il y a des acomptes qui vont jusqu'à un million d’euros.
APOLLINE DE MALHERBE
Qu’est-ce que vous dites à Anne HIDALGO, qui va augmenter de près de 50 % la taxe foncière à Paris ?
GABRIEL ATTAL
Anne HIDALGO, je lui dis que plutôt qu'augmenter les impôts des Parisiens, qu'elle fasse des réformes de structure à la Ville de Paris. Qu'elle fasse les réformes de structure. Il y a plus de fonctionnaires à la Ville de Paris qu'à la Commission européenne. Ils ne sont toujours pas aux 35 heures. Elle a été condamnée par le tribunal parce qu’il fallait les mettre aux 35 heures, elle dit qu'elle les a mis aux 35 heures, mais en réalité elle joue sur l'heure de départ, c'est-à-dire au lieu de dire qu’on finit à 17h00, c'est 17h02, voilà, et comme ça sur l'année on peut dire qu'on fait les 35 heures. Ce n’est quand même pas sérieux. Il y a des dépenses discrétionnaires de subventions qui ont très fortement augmenté ces dernières années, donc il y a la possibilité de maîtriser les dépenses…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc c’est de sa faute, c'est de sa responsabilité.
GABRIEL ATTAL
Eh bien en tout cas je peux vous dire que l'Etat il est au rendez-vous pour l'accompagner. Il y a encore quelques jours on a fait un versement exceptionnel de recettes de TVA de 50 millions d'euros, là, la ville de Paris vient de nous demander un acompte justement sur une aide pour l'énergie, on va leur verser autour de 15 millions d'euros. Et moi je le dis, à un moment, ce n’est pas l'Etat qui peut, en toute circonstance, compenser l'absence de réforme de structure à la Ville de Paris. On ne va quand même pas augmenter les impôts de tous les Français pour financer l'absence de réforme à la ville de Paris.
APOLLINE DE MALHERBE
Et les Français, est-ce qu'ils seront protégés, est-ce qu'ils auront les moyens de faire face, s'il y avait une attaque, s'il y avait une guerre longue, s'il y avait une guerre qui frappait à nos portes ? Hier matin, à ce même micro, c’était le Général Pierre de VILLIERS, l'ancien chef d'Etat-major des Armées, et voilà ce qu'il dit du budget de l'armée.
GENERAL PIERRE DE VILLIERS
Ça fait 20 ans qu'on parle d'accroître notre capacité en force de réserve. Nous avons 40 000 réservistes. Ça fait 20 ans qu'on pense augmenter tout ça. On ne l’a pas fait.
APOLLINE DE MALHERBE
Pourquoi on ne l’a pas fait ? C'est Bercy qui décide de notre stratégie militaire ?
GENERAL PIERRE DE VILLIERS
On ne l’a pas fait, essentiellement, essentiellement pour des histoires de moyens budgétaires, comme d'habitude, avec les astuces de garçon de bain, de gestion en gestion, qui nous ont imposé une pression budgétaire. N'oubliez pas qu’entre 2008 et 2015 on a supprimé 20% des effectifs militaires. Pour moi c'était une myopie, c'était en fait une faute à l’aune du contexte que nous voyons aujourd'hui.
APOLLINE DE MALHERBE
Il estime que même aujourd'hui les augmentations ne sont pas du tout à la hauteur, que ça ne suffira pas, qu'on n'est pas dans la bonne échelle, il parle d'une faute.
GABRIEL ATTAL
Il a raison, le Général de VILLIERS, quand il dit que dans les quinquennats précédents on a supprimé des effectifs, et on a eu des budgets qui n'étaient pas du tout à la hauteur.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça vous arrange. Ça vous arrange quand même de passer, de retenir ce petit morceau de la phrase, sur les quinquennats précédents. Il parle aussi d’aujourd’hui.
GABRIEL ATTAL
Je ne pense pas qu’on puisse dire qu’il est particulièrement complaisant avec le gouvernement ou…
APOLLINE DE MALHERBE
Il parle aussi d’aujourd’hui.
GABRIEL ATTAL
Aujourd'hui, Apolline de MALHERBE, je vais vous dire, le budget de la défense l'an prochain, + 3 milliards d'euros.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, + 3 milliards, mais + 100 milliards en Allemagne.
GABRIEL ATTAL
Mais ils partent de beaucoup plus bas les Allemands.
APOLLINE DE MALHERBE
Ils partent de beaucoup plus bas, mais aujourd'hui, avec les mêmes moyens que nous, ils décident, bam ! d'y aller quoi.
GABRIEL ATTAL
Apolline de MALHERBE, prenez la loi de programmation militaire, parce que le ministère de la Défense, c’est le ministère par excellence où on programme sur plusieurs années. La précédente, donc sous le quinquennat de François HOLLANDE par rapport à celle d'aujourd'hui. Aujourd'hui c'est + 33%, 3 milliards d'euros d'augmentation par an. On réarme notre ministère des Armées. Et sur la question des réservistes, ça fait partie de nos grandes priorités. Il y a une loi de programmation militaire, une nouvelle, qui est en train d'être préparée, j'y travaille avec mon collègue Sébastien LECORNU, avec le président de la République…
APOLLINE DE MALHERBE
Oui mais justement, sur cette loi-là, ce que nous disait le Général de VILLIERS, c'est que le problème c'est que normalement on part de la situation et des menaces, et en fonction de ça on dit : eh bien voilà, on a besoin de temps…
GABRIEL ATTAL
C’est exactement ce qu’on est en train de faire.
APOLLINE DE MALHERBE
… Il dit : aujourd'hui c'est l'inverse. Il dit : aujourd'hui c'est à Bercy qu'on dit, eh bien voilà, on attend et puis on va se débrouiller, même face aux menaces.
GABRIEL ATTAL
C'est exactement ce qu'on est en train de faire, ce qu'a demandé de président de la République. On s'est réuni avec le président en Conseil de défense. Justement il y a une revue stratégique qui est faite, le président en a parlé hier. Quels sont nos besoins aujourd'hui au XXIe siècle ? Voilà, le président l'a dit, continuer à investir sur la dissuasion nucléaire, qui est d'ailleurs une garantie aussi pour l'ensemble du continent européen aujourd'hui, c'est la France il garantit cette sécurité, la cyberdéfense et la résilience de notre pays et les réserves, et on part de ces besoins, et ensuite on me demande à moi, ministre du Budget, de mettre les moyens nécessaires pour accomplir ces objectifs. Et je peux vous dire que c'est ce que l’on fait.
APOLLINE DE MALHERBE
Et que vous n'allez pas rogner. Et que vous n’allez pas dire : il faut faire moins.
GABRIEL ATTAL
Evidemment que non. Vous savez que là il y a une augmentation de 3 milliards d'euros, c'est inédit quand on regarde ces dernières années, il n’y a pas eu de marche et d'augmentation aussi forte sur une année. On va continuer.
APOLLINE DE MALHERBE
Gabriel ATTAL, vous l’avez entendue, la liste des Bleus. Est-ce que vous allez regarder la Coupe du monde, est-ce que vous irez même peut-être vous ou d'autres membres du gouvernement assister au Qatar ?
GABRIEL ATTAL
Ah non, moi ce n’est pas prévu, en tout cas dans mes fonctions de ministre du Budget. Je regarderai les matchs, oui.
APOLLINE DE MALHERBE
La ministre des Sports, elle ira ?
GABRIEL ATTAL
Ça, je ne peux pas répondre pour elle.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous n’avez pas discuté avec elle ? Ce n’est pas sur la table ?
GABRIEL ATTAL
Non, je ne lui ai pas posé la question.
APOLLINE DE MALHERBE
Eh bien je lui poserai directement. Merci Gabriel ATTAL, en tout cas, d'être venu ce matin. Vous êtes le ministre délégué chargé des Comptes publics.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 18 novembre 2022