Interview de M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à France Bleu Provence le 18 novembre 2022, sur le port de tenue islamique à l'école, la laïcité et les conditions de travail dans certaines écoles.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Pap Ndiaye - Ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Média : France Bleu Provence

Texte intégral

DAVID AUSSILLOU
Pap NDIAYE qui poursuit donc sa visite aujourd'hui. Au programme l'école primaire de la Blancarde avant le lycée Saint-Exupéry dans les quartiers Nord. Bonjour Pap NDIAYE.

PAP NDIAYE
Bonjour.

DAVID AUSSILLOU
Vous êtes donc le ministre et vous n'êtes pas dupe, si j'ose : l’école à Marseille, ce n'est pas encore plus belle la vie ; on est d'accord.

PAP NDIAYE
Bien sûr. L’école à Marseille a des difficultés et c’est l'un des objets de ma visite que d’échanger en longueur avec les communautés éducatives, d’aller dans de nombreux établissements, de prendre mon temps. Bref, c'est une visite en immersion telle que j’aime les faire, avec une attention particulière dans le cadre du plan Marseille en grand, et puis aussi du Conseil national de la refondation qui se déploie dans tout le pays, y compris à Marseille.

DAVID AUSSILLOU
On va vous parler peut-être de laïcité. Vous venez de demander par une circulaire la fermeté dans les établissements scolaires. Mais quand on est confronté directement à des atteintes sur la laïcité, est-ce que c'est si évident que ça d'être concrètement ferme ?

PAP NDIAYE
Alors il y a une procédure à propos de signalements relatifs à la laïcité. Echanges avec les élèves et avec les familles qui permettent généralement de résoudre les difficultés et de faire enlever le vêtement ou le signe à intentions religieuses. Et puis ensuite, il peut y avoir en effet des sanctions au terme de conseils de discipline. La procédure a été encore précisée par la circulaire qui a été envoyée à tous et à toutes il y a peu de manière à résoudre les difficultés mais, bien entendu, cela peut être compliqué parfois.

DAVID AUSSILLOU
Je vais vous prendre un exemple, Monsieur le Ministre. Au lycée Saint-Exupéry, là où vous allez aller, dans les quartiers Nord donc, une lycéenne qui arrive en abaya ces derniers ces derniers temps et elle dit au proviseur qu'elle ne l'enlèvera pas sous prétexte qu'elle a juste un string dessous. Mais qu'est-ce qu'on fait dans ces moments-là alors ?

PAP NDIAYE
Eh bien, on la renvoie chez elle et puis on lui redemande de se changer.

DAVID AUSSILLOU
C’est aussi simple que ça ?

PAP NDIAYE
Ecoutez, oui, c'est simple. Lorsqu'on se présente avec un vêtement à intentions religieuses, en vertu de la loi de 2004 on ne peut pas entrer dans l'établissement. Un échange avec la lycéenne concernée permet de préciser les termes de la loi.

DAVID AUSSILLOU
On va être clair. Ces lycéennes, elles ne sont pas dangereuses. Ce n’est pas ça le problème. Elles ne sont pas dangereuses.

PAP NDIAYE
Non, ça n’est pas le problème. La loi de 2004, elle vise à faire des établissements scolaires des lieux qui soient neutres d'un point de vue religieux et d'un point de vue politique pour l’émancipation par le savoir. Ça n'est pas une question de danger en tant que tel, c’est une question de prosélytisme.

DAVID AUSSILLOU
Alors dans les écoles, il y a un autre problème : ce sont les conditions matérielles. Est-ce qu'on vous dira, par exemple, que de la rentrée de la Toussaint, l'école Montolivet dans le XIIème est envahie de rats. Ecoutez ce qu'en disent les enfants, ça les a marqués.

UN ECOLIER
On sait qu’il y a des rats dans les toilettes. Il faut vraiment taper des pieds, il ne faut pas rester seul. Elle nous dit de ne plus rester à côté des égouts.

DAVID AUSSILLOU
C’est ça Marseille, Monsieur le Ministre. Les parents ont fait une journée morte, école morte. Est-ce que vous comprenez leur colère ?

PAP NDIAYE
Bien entendu. Les conditions de travail dans ces écoles qui sont des écoles très dégradées ne sont pas acceptables. Et c'est pourquoi le président de la République, dans le cadre du plan Marseille en grand, a annoncé la rénovation par l'Etat, ce qui est évidemment exceptionnel, de 174 écoles marseillaises. C'est absolument indispensable. Ce sont les collectivités qui sont en charge du bâti scolaire, les municipalités, les conseils départementaux ou bien les conseils régionaux, mais l'Etat directement fait un effort particulier pour ce qui concerne les écoles de la ville de Marseille. Il est indispensable de rénover, de rebâtir parce que les conditions ne sont en effet pas acceptables.

DAVID AUSSILLOU
Vous en connaissez d’autres en France des écoles où il y a des rats, tant de rats ou pas ?

PAP NDIAYE
Non. Il y a à l'évidence à Marseille une situation extrêmement dégradée. Il est absolument indispensable de rénover, de rebâtir. La situation aujourd'hui n'est pas une situation acceptable. Ça, c'est clair.

DAVID AUSSILLOU
Pap NDIAYE, votre emploi du temps est chargé, je le sais, mais vous auriez pu aller voir à Marseille hier soir Julien CLERC qui chante ceci.

- Extrait musical :
« Mademoiselle qui m’avez appris les rois de France et mon pays. »

DAVID AUSSILLOU
« Mademoiselle », souvenirs d’une enseignante, quand ce métier faisait encore rêver. Est-ce que vous pensez que vous allez à nouveau susciter des vocations ?

PAP NDIAYE
C'est bien l'ambition du ministère de l'Education nationale que de proposer aux professeurs d'abord des augmentations de rémunérations, c'est ce que nous allons faire…

DAVID AUSSILLOU
2 000 euros à Paris à partir de l'année prochaine, c'est ça, minimum ?

PAP NDIAYE
À partir de la rentrée 2023 mais pas simplement pour les nouveaux enseignants mais aussi pour les milieux de carrière. C'est très important. Et qui au-delà de la hausse de rémunération, il est clair qu'il faut aussi réfléchir sur les carrières, qu'il faut réfléchir sur les mutations et puis d'une manière générale sur la place des professeurs dans notre société. Ça, ça ne dépend pas que de moi. Il y a un effort national à faire pour réhabiliter la place des processeurs, réhabiliter le respect aussi lié à l'autorité de leur savoir, faire de telle sorte que les professeurs soient mieux respectés, mieux rémunérés et mieux entendus.

DAVID AUSSILLOU
Alors ce sera plus belle la vie à ce moment-là peut-être, Pap NDIAYE. Merci à vous, bonne journée à Marseille.

PAP NDIAYE
Bonne journée, merci.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 21 novembre 2022