Texte intégral
ERIC DREUX
L’invité de France Bleu ce matin Marc FESNEAU, c'est le Ministre de l’Agriculture. Il répond à vos questions en direct, Mathias KERN.
MATHIAS KERN
Bonjour Marc FESNEAU.
MARC FESNEAU
Bonjour.
MATHIAS KERN
Vous serez à Pau tout à l'heure pour ce congrès du maïs au Palais Beaumont, on en parlera dans un instant. Mais d’abord l’actualité du moment, ce sont évidemment ces volailles reconfinées chez nous comme dans toute la France pour cause de grippe aviaire. Il y a dix jours chez nos confrères de France Bleu Périgord, vous avez exprimé le souhait notamment de relâcher un peu la pression sur les petites exploitations. Ça concerne qui et ce serait pour quand ?
MARC FESNEAU
Alors pour l’instant, on est en train de faire expertiser cette demande qu’on peut comprendre d’un certain nombre de petits élevages. L’ANSES, l’Autorité de sécurité sanitaire, est en train d’expertiser les choses et devrait nous donner une réponse sous une quinzaine de jours. Ça permettra peut-être, sous réserve de l’avis de l’ANSES - parce que quand on prend des décisions de cette nature il faut qu’elles soient ré-expertisées d’un point de vue scientifique, qu’elles soient établies sur des faits scientifiques – de relâcher cette pression que je sais très forte. Je sais à quel point les éleveurs sont un peu désespérés parfois, d’avoir le sentiment que – pardon de l’expression – c'est le jour sans fin, qu’on n’arrive pas à en sortir. Alors ça, c’est une première étape puis la deuxième étape c’est ce qu’on essaye de travailler sur la vaccination puisqu’on a obtenu la possibilité de faire une expérimentation dès cet été. Donc on va regarder les résultats de la vaccination et ça, on a bon espoir d'avoir des résultats en décembre-janvier qui permettront après avoir une stratégie vaccinale qui est quand même celle qui nous permet sans doute d'espérer voir sortir de cette crise.
MATHIAS KERN
Vous dites quoi aux consommateurs ? Il y aura du foie gras Noël à prix raisonnables ?
MARC FESNEAU
Oui, il y aura du foie gras.
MATHIAS KERN
Ou c’est difficile à dire ?
MARC FESNEAU
Non, non, il y aura du foie gras à prix raisonnables. Il y en aura un peu moins, c'est vrai, parce que les éleveurs de foie gras en particulier ont été durement touchés avec à la fois parfois des nécessités de dépeuplement, puis parfois de la difficulté à réapprovisionner un certain nombre d'élevages. On s’est mobilisé avec l'ensemble des acteurs et on continue à le faire. Alors pour la saison de Noël c'est trop tard, mais pour la saison globale - parce que du foie gras, on peut en manger toute l’année - mais globalement ils se sont mobilisés et je voudrais saluer la capacité qu'ils ont eu à se mobiliser pour offrir le foie gras et le meilleur foie gras aux consommateurs. Il y aura peut-être une petite hausse mais elle est plutôt liée, pour le coup, non pas au manque de foie gras mais à la hausse générale et à l’inflation générale liée plutôt à la crise énergétique.
MATHIAS KERN
Je le disais, vous êtes attendu à Pau tout à l'heure au parc Beaumont, à l'assemblée générale des producteurs de maïs. Là aussi il y a beaucoup de questions, Marc FESNEAU, avec la sécheresse les questions autour de l'avenir de la filière. Il faut irriguer pour survivre selon vous ?
MARC FESNEAU
L'avenir de la filière, d'abord on a besoin de maïs parce que c'est un complément indispensable en particulier pour l'alimentation animale. 2/ Ça pose la question à la fois de l'irrigation, sans doute avec des modalités d'irrigation mais la filière est déjà engagée sur ces sujets-là et on en discutera avec eux des modalités d’irrigation qui soient plus économes en eau. Et puis troisième élément, il faut qu'on essaie par la sélection variétale d'avoir des variétés de maïs qui soient plus résilientes, plus résistantes à la fois la sécheresse mais aussi aux excès de température. C'est bien ça le défi qu'on a devant nous et sur lequel il faut qu'on accompagne les agriculteurs et les maïsiculteurs en particulier. Donc c’est tout un défi à la fois de dérèglement climatique, on a une récolte 2022 qui est en baisse d'environ 30 % à l'échelle nationale mais aussi à l'échelle européenne. Evidemment structurellement, on voit bien que les étés risquent d'être comme ça. On a besoin de se poser la question de l'évolution des variétés puis des pratiques pour faire en sorte que cette filière, qui est une filière d'excellence, persiste en France.
MATHIAS KERN
Oui. Il n’est pas question d'abandonner le maïs, c'est ce que vous dites. De se divertir peut-être davantage, vous allez dire cela aux producteurs de maïs ?
MARC FESNEAU
Il y a sans doute un besoin de diversification pour un certain nombre d'entre eux, mais en particulier dans ce département des Pyrénées-Atlantiques c'est une filière traditionnelle et très ancienne. Après, il faut qu'on travaille sur la sélection variétale, sur des pratiques de travail qui permettent de mieux retenir l'eau pour faire en sorte que dans les périodes où on manque d’eau, les plants soient plus en résistance et puis il y a la question de l'accès à l'eau par des réserves en eau qui doit se faire dans un cycle qui est assez simple. Au fond, le GIEC nous dit quoi ? Il nous dit qu'il va pleuvoir à peu près la même quantité, parfois il dit même qu'il va pleuvoir un peu plus d'eau. Simplement que ça va être très arythmique, y compris dans des départements comme les vôtres, c'est-à-dire qu'on aura des périodes avec aucune pluie et puis des périodes avec beaucoup de pluie. Et donc c'est ce trop-plein, si vous me passez cette expression, c'est celui-là qu'il faut capter en hiver pour faire en sorte que l'été on puisse le restituer en termes de besoins, à la fois pour le maïs mais pour bien d'autres activités agricoles.
MATHIAS KERN
Il nous reste peu de temps Marc FESNEAU pour évoquer la filière lait, mais tout de même récemment des éleveurs ont manifesté devant la laiterie SODIAAL à Lons, c’est le lait Candia, pour demander un peu toujours la même chose finalement : d'être payés à une juste valeur. Les dernières lois n'ont rien changé en la matière ?
MARC FESNEAU
Si, elles ont changé des choses. D'ailleurs l’ensemble des filières, la profession agricole reconnaît que sans la loi EGalim on serait dans une difficulté très grave et beaucoup plus grave en tout cas. C'est vrai que ce n’est pas une loi qui a été conçue dans un moment inflationniste comme celui que nous traversons. Donc moi, je mobilise chaque semaine les transformateurs, les distributeurs et les producteurs pour faire en sorte qu’il y ait une juste rémunération parce que c'est une question de passage de cap. Il y a un certain nombre d'éleveurs sinon qui ne continueront pas leurs activités s'ils ne sont pas rémunérés. C’est notre responsabilité mais c'est aussi la responsabilité des transformateurs, SODIAAL ou d'autres, que de faire en sorte qu’ils rémunèrent leurs producteurs à la hauteur de ce que sont la réalité de leurs coûts. Donc on essaie d'accompagner tout le monde dans cette affaire-là ; il y a des territoires où il y a des coopératives où il y a des transformateurs de nature plus privée qui ont fait des efforts de rémunération et j'invite tout le monde à se mettre sur cet effort de rémunération parce que c'est une question de souveraineté. Si on rémunère les producteurs, on assurera la souveraineté ; si on ne les rémunère pas, à terme on prend un risque.
MATHIAS KERN
Marc FESNEAU, toute dernière question, c'est la question d'actualité également, celle qui concerne la corrida à l'Assemblée nationale. Il y a le débat cet après-midi, évidemment ça concerne aussi l'agriculture. Quelle est votre position ?
MARC FESNEAU
La position est assez simple, pourtant je ne suis pas aficionado en tant que tel mais il faut respecter les cultures, il faut respecter les traditions locales. Ce n'est pas parce que c'est circonscrit à quelques pans du territoire national qu'il faut penser que c'est obsolète et qu'il faudrait l'interdire. Et par ailleurs, je n'aime pas cette réponse permanente qu'on donne aux sujets qui peuvent être des sujets de débat en procédant par interdiction. Donc il faut aussi laisser vivre les territoires dans ce qu'ils ont de leur tradition, quand bien même on ne soit pas coutumier de ces traditions. Je trouve que ça serait une erreur. Ici la corrida, là d'autres activités qui sont des activités ancestrales ou des activités qui mobilisent et qui sont très populaires. Et donc priver de ça simplement par motif d'interdiction me paraît un mauvais chemin.
MATHIAS KERN
Merci beaucoup Marc FESNEAU, Ministre de l’Agriculture, donc attendu à Pau aujourd'hui. Bonne journée à vous.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 25 novembre 2022