Interview de M. Franck Riester, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, à Public Sénat le 30 novembre 2022, sur la réforme des retraites, la politique de l'immigration et la proposition de loi sur la constitutionnalisation de l'IVG.

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Média : Public Sénat

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Bonjour Franck RIESTER.

FRANCK RIESTER
Bonjour. Vous allez bien ?

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être notre invité politique. Ça va, et vous-même ?

FRANCK RIESTER
Très bien. Ravi d'être là.

ORIANE MANCINI
Et actualité chargée au Parlement. On va en parler puisque vous êtes ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. On est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la presse régionale représentée par Christelle BERTRAND…

CHRISTELLE BERTRAND
Bonjour Oriane, bonjour Franck RIESTER.

FRANCK RIESTER
Bonjour.

ORIANE MANCINI
On va évidemment parler de l'actualité au Parlement, mais d‘abord, un mot sur l'actualité du gouvernement, puisque Caroline CAYEUX a démissionné du gouvernement en début de semaine pour une déclaration de patrimoine sous-estimée, a-t-elle dit. Hier, la Haute autorité a saisi la justice suspectant d'une fraude fiscale, des faits susceptibles de caractériser une infraction pénale, on est quand même bien loin de la République exemplaire d'Emmanuel MACRON ?

FRANCK RIESTER
Écoutez, la justice fait son travail, et elle n'est plus au gouvernement.

ORIANE MANCINI
Mais ça n'a pas d'impact sur le gouvernement ?

FRANCK RIESTER
Eh bien, si, elle n'est plus au gouvernement. C'est Dominique FAURE qui est maintenant ministre des Collectivités…

CHRISTELLE BERTRAND
Il a fallu du temps quand même, il a fallu du temps pour en arriver-là. Est-ce qu'on ne peut pas accélérer un peu les procédures, de manière…

FRANCK RIESTER
Vous savez, moi, j'ai toute confiance dans la Haute autorité…

ORIANE MANCINI
Mais ça fait six mois qu'elle était au gouvernement…

FRANCK RIESTER
Pour la transparence de la vie politique, on a des échanges avec la Haute autorité, on justifie, on donne des éléments, et puis, après, il y a une décision, et la décision, elle est manifestement de porter plainte ou en tout cas, de transférer le dossier en justice. La justice va faire son travail. Et Caroline CAYEUX n'est plus au gouvernement. On est dans une grande démocratie où les élus doivent rendre des comptes sur leur patrimoine, doivent déclarer leurs intérêts, pour voir s'il n'y a pas de conflit d'intérêt. Il y a une autorité indépendante qui fait son travail, et les ministres ou les députés, les sénateurs, les élus en tirent les conséquences…

CHRISTELLE BERTRAND
Mais est-ce qu'il ne faut pas réformer le système pour que ça aille un peu plus vite ?

FRANCK RIESTER
Mais on devrait s'en réjouir, vous devriez me dire : mais c'est formidable, on est dans une démocratie qui fonctionne, il y a beaucoup de pays dans le monde où ils aimeraient bien avoir un système aussi démocratique, aussi transparent, et qui a des conséquences aussi importantes, mais enfin, c'est bien légitime vis-à-vis des élus.

ORIANE MANCINI
On va parler de la réforme des retraites. Élisabeth BORNE était hier devant les députés de la majorité présidentielle pour parler de cette réforme. Est-ce que vous nous confirmez que le report de l'âge légal de départ à 65 ans sera inscrit dans le texte ?

FRANCK RIESTER
Écoutez, vous savez que c'est l'objectif qui a été fixé par le président de la République dans sa campagne, repousser l'âge légal à 64 ans en 2027 et à 65 ans en 2031, donc nous travaillons toujours sur cet objectif-là, et il y a tout un travail de concertation qui est mené, avec les organisations syndicales, avec les représentants des groupes parlementaires, mais pour mener une réforme qui soit la plus efficace possible, c'est-à-dire qu'elle pérennise le financement de notre système par répartition, qui est menacé, et les chiffres sont clairs, déficit si on ne fait rien de 15 milliards en 2030. Et deuxièmement, de le rendre plus juste, et notamment de garantir le niveau de vie des retraités dans l'avenir. Et pour ça, eh bien, dans un pays, et on peut s'en réjouir, où, parce que les Français font plus d'études qu'avant, ils rentrent plus tard dans la vie professionnelle, et d'autre part, notre espérance de vie grandit, donc on meurt plus tard, et donc, il est nécessaire, eh bien, d'en tirer les conséquences, en travaillant tout au long de la vie plus longtemps.

CHRISTELLE BERTRAND
Et donc, l'âge de 65 ans sera écrit dans le texte, parce qu'Emmanuel MACRON a évoqué celui de 64 peut-être…

FRANCK RIESTER
Vous savez, essayons de respecter une méthode, cette méthode, c'est la concertation, l'écoute et le dialogue. On est dans cette phase de…

CHRISTELLE BERTRAND
Il y a encore des marges de manœuvre sur l'âge…

FRANCK RIESTER
On est dans cette phase de dialogue et de concertations. La Première ministre fera un bilan de ces concertations mi-décembre…

CHRISTELLE BERTRAND
Le 15 décembre…

ORIANE MANCINI
Le 15.

FRANCK RIESTER
J'ai dit mi-décembre, avant Noël, voilà. Et elle aura ensuite l'occasion, donc à ce moment-là, pardon, de pouvoir présenter le bilan de ces discussions et de ces négociations et ce qu'elle en tire comme enseignement. Ensuite, il y a un texte qui sera présenté en Conseil des ministres en début d'année prochaine…

ORIANE MANCINI
Quand ? Vous avez la date déjà ?

FRANCK RIESTER
Non, non, je n'ai pas la date.

ORIANE MANCINI
Ça sera la première semaine de janvier en tout cas ?

FRANCK RIESTER
En début d'année prochaine. Et ensuite, il y aura un travail au Parlement pour un vote à la fin de l'hiver, au début du printemps.

ORIANE MANCINI
Et au Parlement, ça sera quand du coup, ce sera le premier texte examiné par le Parlement ?

FRANCK RIESTER
Dans la foulée, ça sera dans la foulée de la présentation du texte en Conseil des ministres au début de l'année prochaine.

ORIANE MANCINI
Ce sera d'abord au Sénat ou d'abord à l'Assemblée ?

FRANCK RIESTER
Avec comme objectif de faire en sorte que cette réforme entre en vigueur à l'été 2023, mais entre en vigueur à l'été 2023, ça ne veut pas dire que ça va s'appliquer à tout le monde en 2023, l'âge légal repoussé à un âge qui n'est pas encore défini…

ORIANE MANCINI
On a compris que le calendrier était progressif…

FRANCK RIESTER
Ça sera progressif. Mais en tout cas, elle entrera en vigueur à partir de 2023, pour que ses effets bénéfiques sur le système par répartition, et aussi bénéfiques sur ce qui va être mis dans le texte en termes de pouvoir d'achat des retraités, mais aussi en termes de pénibilité, en matière de carrière longue, en matière de travail des seniors, puissent entrer le plus vite possible en vigueur…

CHRISTELLE BERTRAND
Est-ce que vous avez tranché sur la forme que pourrait prendre ce texte, est-ce que ça pourrait être un vrai projet de loi sur une réforme des retraites ou est-ce que ça pourrait être un vrai projet de loi sur une réforme des retraites ou est-ce que ça pourrait passer par un projet, par exemple, un PLFSSR ?

FRANCK RIESTER
Ça sera un projet de loi spécifique. Nous n'avons pas encore la forme exacte, mais ce sera un projet de loi spécifique, parce que nous considérons que cette réforme nécessite un projet de loi spécifique…

ORIANE MANCINI
Non, mais c'est important la forme, Franck RIESTER, parce que si c'est budgétaire, c'est-à-dire, vous pouvez utiliser le 49.3, si c'est un projet de loi spécifique, vous pourriez certes l'utiliser, mais vous n'auriez pas le droit de l'utiliser après. Qu'est-ce que vous allez choisir ?

FRANCK RIESTER
Vous dites vous-même que dans l'absolu, on peut utiliser le 49.3, que ça soit un texte…

ORIANE MANCINI
Vous envisagez…

FRANCK RIESTER
Attendez, écoutez-moi, non, je dis dans l'absolu, un 49.3 peut être utilisé, que ce soit pour un texte financier, pour un texte classique, sauf que pour les textes classiques, on a le droit à un par session, bon. Là, on n'a pas utilisé de 49.3 dans notre session, donc, dans l'absolu, on pourrait l'utiliser. Mais notre méthode, c'est de trouver une majorité, sans recourir au 49.3, pour voter cette réforme importante, il y a un certain nombre de formations politiques qui l'ont mise au cœur de leur projet politique, je pense par exemple aux LR. Donc je pense qu'on peut trouver les voies et moyens d'un rassemblement plus large que la majorité présidentielle sur ce texte…

ORIANE MANCINI
Vous avez déjà un soutien des Républicains ?

FRANCK RIESTER
De celles et ceux qui sont convaincus de l'importance pour sauver notre système de retraite par répartition, et pour l'améliorer, pour qu'il soit plus juste et plus équitable de le réformer, avec une réforme sur laquelle nous travaillons, eh bien, de pouvoir nous rejoindre en travaillant avec nous, et en le votant avec nous.

ORIANE MANCINI
Eh bien alors, dans ces cas-là, pourquoi ne pas dire clairement, c'est un projet de loi spécifique, et il n'y aura pas de budget rectificatif ?

FRANCK RIESTER
Mais ça sera un projet de loi spécifique, mais par contre, je ne sais pas vous dire si ça sera un texte financier ou un texte classique, c'est justement tout l'objet…

ORIANE MANCINI
Et qu'est-ce qui vous fait hésiter ?

FRANCK RIESTER
Mais, parce que, ce qui compte, c'est l'efficacité. Et ce qui va être mis d'une façon très détaillée dans le texte, et là, on est justement dans l'écoute de qui est important de mettre dans le texte ou pas, en plus des grands fondamentaux qui nous permettront de retrouver un régime équilibré et un régime plus juste et équitable.

CHRISTELLE BERTRAND
Alors, vous venez de dire que vous espérez le soutien des Républicains sur ce texte, on imagine que vous avez discuté avec eux, est-ce que vous avez déjà des assurances de certains qu'ils soutiendront cette réforme des retraites ?

FRANCK RIESTER
Non, on n'a pas d'assurance, mais bien sûr qu'on discute, je vous l'ai dit, on rencontre tous les groupes politiques. Olivier DUSSOPT, dans des réunions multilatérales, dans des réunions bilatérales, moi-même, j'ai rencontré avec Olivier DUSSOPT et la Première ministre les présidents de groupe pour parler de cette question-là, donc, oui, on travaille avec les groupes politiques, on travaille avec les organisations syndicales, d'ailleurs, toutes les organisations syndicales qui sont dans les discussions, et tant mieux…

CHRISTELLE BERTRAND
Mais aujourd'hui, chez les LR, personne ne vous a dit : ok, on vous soutiendra là-dessus, on est d'accord ?

FRANCK RIESTER
Mais, on ne dit pas, quand on est un parlementaire LR ou pas LR, on ne dit pas : on soutient le texte sans connaître le texte, sans voir concrètement ce qu'il sera le moment donné, au moment du vote, on voit bien que, notamment au Sénat, mais aussi à l'Assemblée nationale, il y a beaucoup de parlementaires LR qui veulent réformer le système de retraite, pour les mêmes raisons que nous. Donc essayons de voir de quelle manière on peut bâtir un texte utile pour nos compatriotes, utile pour le pays et qui permet de trouver une majorité large, au-delà de la majorité présidentielle…

ORIANE MANCINI
Sauf que vous n'avez pas réussi à mener cette réforme des retraites dans le quinquennat précédent, pourquoi celle-là passerait plus que celle d'Edouard PHILIPPE, qui n'a pas réussi à faire passer la loi ?

FRANCK RIESTER
Je crois que la réforme, qui était une réforme systémique, très vaste, très ambitieuse au niveau de la refonte complète du système, était trop compliquée, elle n'a pas été comprise par nos compatriotes, dont acte. Essayons d'être peut-être plus pragmatiques, plus efficaces, et c'est ce qu'on propose avec cette réforme qui est tout aussi juste, qui va permettre de tout aussi, tout autant…

ORIANE MANCINI
... c'était l'âge pivot qui…

FRANCK RIESTER
Qui va être tout autant permettre de pérenniser le système, mais qui va moins refondre complètement le système, par exemple, il y a un certain nombre de professions qui ont des caisses autonomes, qui continueront d'avoir des caisses autonomes, en revanche, on va réformer les régimes spéciaux, parce que c'est une question d'équité, c'est sur le principe, vous savez, de la clause grand-père, c'est-à-dire que c'est celles et ceux qui rentreront dans les entreprises concernées par ces régimes spéciaux qui adhéreront au régime général, les autres, qui sont déjà dans les entreprises conserveront le système spécifique, le régime spécial spécifique. Et je crois que c'est cette méthode-là qui permettra de rassembler au maximum nos compatriotes…

ORIANE MANCINI
Donc plus de pédagogie, il y a un manque de pédagogie de la dernière fois…

FRANCK RIESTER
Oui, et puis, plus peut-être de simplicité dans la réforme.

CHRISTELLE BERTRAND
Alors, on a compris que ce texte allait arriver en janvier, est-ce que le timing est bon, sachant que le gouvernement dit aussi que ce mois de janvier va être compliqué pour les Français avec des hausses des prix assez importants, est-ce que vous ne craignez pas finalement un mouvement social autour de cette réforme des retraites ?

FRANCK RIESTER
Écoutez, vous savez, je crois ce que les Français, ils attendent qu'on prenne les décisions qui sont bonnes pour le pays et qui sont bonnes pour eux…

CHRISTELLE BERTRAND
Elle n'est pas forcément populaire cette réforme…

FRANCK RIESTER
Mais ça ne veut pas dire que c'est des réformes forcément populaires, je dis des réformes bonnes pour eux et bonnes pour le pays c'est une réforme où personne ne peut être surpris qu'on la mène, puisque le président de la République l'a mise au cœur de sa campagne. Nous sommes en responsabilité pour agir, nous sommes en responsabilité pour agir pour protéger nos compatriotes par rapport notamment à l'inflation et à la crise énergétique, mais aussi pour préparer l'avenir, et c'est cette réforme parmi d'autres qui nous permet de préparer l'avenir.

CHRISTELLE BERTRAND
Ma question, c'est : est-ce que c'est le bon moment pour agir à un moment où les Français vont traverser une passe difficile ?

FRANCK RIESTER
Oui, mais je vous dis, quand il y a des réformes importantes, on nous dit souvent : ce n'est jamais le bon moment pour agir, eh bien, là, on considère qu'en ce début de quinquennat, fort de ce qui a été dit dans la campagne, fort de la nécessité d'agir rapidement pour que les bienfaits, les bénéfices de cette réforme puissent entrer en vigueur le plus rapidement possible, c'est le moment de le faire le plus tôt possible, pas en se précipitant, puisque vous avez vu que le temps de la concertation est long, on prend le temps d'écouter, on prend le temps de travailler. Mais on veut agir, et on est déterminé à le faire.

ORIANE MANCINI
Autre sujet, la politique migratoire, il y aura un débat à l'Assemblée nationale mardi prochain, au Sénat, le mardi suivant, le projet de loi de Gérald DARMANIN et d'Olivier DUSSOPT sera présenté quand ?

FRANCK RIESTER
L'année prochaine, toujours…

ORIANE MANCINI
Quand, c'est vague l'année prochaine…

FRANCK RIESTER
Je n'ai pas de date encore à vous dire, eh bien, oui, mais je n'ai pas de date à vous dire. Là, on est toujours sur aussi une méthode, vous savez, le président de la République a souhaité, et la Première ministre également, mettre en place une nouvelle méthode de travail avec le Parlement, cette méthode, elle vise à prendre le temps en amont de la présentation des textes en Conseil des ministres d'écouter, de dialoguer, non sans avec les parlementaires, mais aussi avec les personnes concernées, les parties prenantes. Et c'est la raison pour laquelle il y a aujourd'hui des concertations qui sont menées par Olivier DUSSOPT et par Gérald DARMANIN, notamment avec les groupes politiques au Parlement, pour réfléchir, travailler, écouter à ce texte sur l'immigration, ensuite, comme vous l'avez rappelé, il y aura deux grands débats à l'Assemblée nationale et au Sénat, début décembre, et ensuite, il y aura une présentation du texte en Conseil des ministre et un débat au Parlement ; finalement une méthode qui paraît extraordinaire, mais qui est une méthode nécessaire…

ORIANE MANCINI
Mais à quelle date, ce qu'on veut savoir, c'est à quelle date, Franck RIESTER. Non, mais la méthode, on l'a comprise, mais à quelle date ?

FRANCK RIESTER
Oui, mais c'est important. Le moment venu, après cette période d'écoute, après ces débats, il y aura l'année prochaine la présentation d'un texte nécessaire.

ORIANE MANCINI
Mais ce sera janvier, ce sera le printemps, ce sera l'été ?

FRANCK RIESTER
Attendez, on ne va pas concerter maintenant, faire un débat en décembre, et présenter le texte en décembre l'année prochaine, donc vous voyez bien que, en fonction du moment où le texte sera prêt au niveau du gouvernement, il sera présenté en Conseil des ministres, et je regarderai avec l'Assemblée nationale et le Sénat, comment caler dans l'ordre du jour la discussion du texte immigration.

ORIANE MANCINI
Ce sera juste d'abord au Sénat ?

FRANCK RIESTER
Ce n'est pas acté encore définitivement, mais c'est une possibilité en effet.

CHRISTELLE BERTRAND
Alors, plus près de nous, Les Républicains présentent demain leur niche parlementaire, vous disiez tout à l'heure espérer leur soutien sur la réforme des retraites, est-ce que vous les soutiendrez sur certains textes qu'ils proposent demain dans cette niche ?

FRANCK RIESTER
Écoutez, il y a eu un travail de fait entre les députés de la majorité, Olivier DUSSOPT et le rapporteur Julien DIVE, notamment sur la PPL, concernant les retraites agricoles. Il y a des discussions sur les autres sujets, parce que c'est des sujets qui sont des sujets importants…

ORIANE MANCINI
Notamment l'immigration, il y a deux textes…

FRANCK RIESTER
Il y a l'immigration, mais il y a aussi la question des violences faites aux femmes, il y a le sujet des juridictions spécialisées, nous pensons, nous, que les juridictions spécialisées, ce n'est pas une bonne idée, parce que ça éloignerait les femmes des juridictions, puisqu'il y en aurait donc moins sur le territoire. En revanche, d'avoir des magistrats spécialisés, ça, ça nous paraît la bonne solution. Donc il y a des discussions…

CHRISTELLE BERTRAND
Sur les retraites agricoles, vous pourriez les soutenir ?

FRANCK RIESTER
Et sur les retraites agricoles, il y a l'idée d'essayer de prendre en compte les spécificités des retraités agricoles non-salariés pour voir de quelle manière on peut mieux prendre en compte la réalité de leur rémunération sur le temps long, notamment sur 25 ans, mais le problème, c'est qu'il y a des difficultés à consolider exactement ces revenus sur ces fameuses 25 années. Et donc, il y a nécessité, là, d'y travailler avec les organisations syndicales, avec…

CHRISTELLE BERTRAND
Mais ça veut dire que la majorité votera la proposition des LR demain ?

FRANCK RIESTER
Avec les parties prenantes, avec les partis politiques et les groupes politiques. Mais en tout cas, on a envie d'accompagner Julien DIVE et celles et ceux chez LR qui sont favorables à cette réforme dans le travail qu'ils mènent sur les retraites agricoles…

CHRISTELLE BERTRAND
Donc vous la soutiendrez.

FRANCK RIESTER
Et a priori, Olivier DUSSOPT voit d'un bon œil le travail qui a été fait par le rapporteur pour améliorer son texte.

ORIANE MANCINI
Autre sujet, Christelle.

CHRISTELLE BERTRAND
Autre sujet qui fait débat…

FRANCK RIESTER
Mais vous savez, on ne peut pas demander aux partis, aux groupes politiques, qui ne sont pas dans la majorité présidentielle, de nous rejoindre sur certains textes, et nous, de ne pas le faire quand c'est l'inverse. D'ailleurs, c'est ce qu'on a fait sur un sujet important, qui est la constitutionnalisation de l'IVG. Dans le cadre de la niche LFI, la majorité a voté le texte, et Aurore BERGE a retiré son texte qui devait être présenté au moment…

CHRISTELLE BERTRAND
Texte amendé par le MoDem…

FRANCK RIESTER
Exactement. Et donc, voyez, ça, c'est un bon travail parlementaire, et ça démontre que la majorité présidentielle ne demande pas qu'aux autres partis de l'opposition de revenir vers elle, mais elle va aussi vers celles et ceux qui présentent des textes qui sont des textes constructifs, et sur lesquels on peut s'associer.

ORIANE MANCINI
Un petit mot sur l'IVG, est-ce que vous le gouvernement va le reprendre via un projet de loi, ce texte sur l'IVG, parce que ce n'est pas le même processus parlementaire derrière ?

FRANCK RIESTER
C'est vrai, alors, ça nécessite le même vote en des termes identiques dans les deux chambres. Et c'est donc ça le gros travail qui est devant nous, c'est de faire en sorte qu'il y ait un texte identique dans les deux chambres. Après, si c'est une PPL, c'est un référendum…

CHRISTELLE BERTRAND
Mais non, mais est-ce que c'est un référendum…

FRANCK RIESTER
C'est-à dire, si c'est une proposition de loi d'initiative…

ORIANE MANCINI
Donc personne ne veut vraiment…

FRANCK RIESTER
Attendez, vous savez, moi, je suis... j'ai été RPR, j'ai été UMP, et je crois au Gaullisme, je crois au contact aussi direct entre les Français et le peuple, enfin, et les élus, et de demander aux Français leur avis à travers les référendums, ce n'est pas du tout quelque chose qui me choque.

CHRISTELLE BERTRAND
Mais ce que dit une majorité d'élus…

FRANCK RIESTER
Moi, je ne suis pas sur le principe opposé à un référendum, y compris sur ce sujet-là…

CHRISTELLE BERTRAND
Monsieur le Ministre…

ORIANE MANCINI
Donc ça peut rester une proposition de loi…

FRANCK RIESTER
Mais, si c'est un projet de loi, à ce moment-là, c'est un vote au congrès, avec les trois cinquièmes des parlementaires. Mais d'abord, pour pouvoir faire un référendum ou faire un appel au congrès, il faut un vote similaire dans les deux chambres, à l'Assemblée nationale et au Sénat. Eh bien, que députés et sénateurs travaillent, échangent, discutent, essaient d'être convergents sur ce beau projet, qui est de sécuriser…

ORIANE MANCINI
Vous y croyez du côté du Sénat ?

FRANCK RIESTER
Qui est de sécuriser quand on voit dans tant de pays où ce droit important des femmes est menacé, de sécuriser l'IVG dans notre Constitution.

CHRISTELLE BERTRAND
Autre sujet qui fait débat, là, pour le coup, au sein de la majorité, c'est le port de l'uniforme ou d'une tenue identique à l'école, un groupe de députés Renaissance a envie de proposer un texte sur le sujet, est-ce que ça va être le cas, donc une PPL ?

FRANCK RIESTER
Écoutez, il y a des discussions, et c'est bien légitime, c'est un sujet qui est intéressant, on voit que certains pays l'ont mis en place, je ne sais pas si c'est vraiment complètement notre culture, ici, en France, mais c'est bien que certains députés s'en saisissent, certains sénateurs en discutent, pour l'instant, je ne suis pas certain qu'il y ait un texte qui soit déposé, mais on verra bien.

ORIANE MANCINI
Un mot sur, puisqu'on parle du Sénat, sur les cabinets de conseil, puisque dimanche, Bruno LE MAIRE a reconnu qu'il y avait eu quelques problèmes, un recours abusif aux cabinets de conseil, il y a un texte qui a été voté ici au Sénat, pour mieux encadrer les cabinets de conseil, est-ce que ça va se transformer en projet de loi, est-ce que vous allez le reprendre ?

FRANCK RIESTER
Vous savez que, déjà, on a réformé en 2018 la relation entre l'État et les cabinets de conseil, pour encadrer les choses. Moi, je voudrais quand même remettre l'église au milieu du village, c'est-à-dire que, on est en France, le pays qui, dans les grands pays européens, a le moins de recours aux cabinets extérieurs de conseil. Donc déjà, il faut remettre les choses très clairement en place. Ensuite, on a besoin ponctuellement effectivement d'avoir recours à des technologies, à des expertises spécifiques sur des points particuliers, il ne s'agit pas de déléguer les décisions ou de déléguer les compétences de l'État à des cabinets extérieurs, bien sûr, mais de s'appuyer sur des expertises complémentaires aux expertises de l'administration, pour avoir une administration la plus pointue, la plus efficace possible. On va continuer à le faire, je crois que tous les pays et toutes les entreprises y ont recours, c'est très bien, il faut que ça soit encadré, s'il faut aller plus loin, mais on verra bien, s'il faut aller plus loin sur l'encadrement, pour l'instant, on a déjà voté un texte…

ORIANE MANCINI
Et il y aura projet de loi ou est-ce qu'au moins, vous appelez la majorité présidentielle à poursuivre le travail à l'Assemblée ?

FRANCK RIESTER
Mais il y a déjà eu un travail de fait avec une loi qui a été votée en 2018, donc on a déjà encadré les choses…

ORIANE MANCINI
Donc la loi du Sénat n'apporte rien de plus ?

FRANCK RIESTER
Mais il faut voir, je ne sais pas, il faut le travailler, que les parlementaires y travaillent. Moi, ce que je ne voudrais pas, c'est qu'on soit sur des faux sujets, on a tellement de sujets compliqués à gérer dans ce monde difficile où il y a une compétition internationale, où on a de l'inflation, on a une crise énergétique, on a une crise climatique, il y a une transition technologique, essayons de ne pas trop perdre de temps sur des faux sujets. Ce sujet-là est un sujet qui nécessite de l'encadrement, ça a été fait, s'il faut aller plus loin on verra bien, pour autant la France est un des pays qui utilise le moins de conseils par rapport aux autres grandes démocraties européennes, alors gardons de la mesure et de la modération.

CHRISTELLE BERTRAND
Alors on parle beaucoup du Sénat, c'est normal sur Public Sénat, deux textes ont été présentés en priorité au Sénat, LOPMI et le texte EnR, est-ce que ça va devenir la règle, est-ce que c'est plus simple aujourd'hui de travailler avec le Sénat qu'avec l'Assemblée nationale ?

FRANCK RIESTER
Déjà c'est sûr qu'il y a moins de tensions, il y a moins de sénateurs qui font plutôt la politique du buzz ou la politique du tweet qu'à l'Assemblée nationale, ça je ne peux pas dire le contraire. C'est vrai que au Sénat et c'est une tradition et on ne peut que s'en satisfaire il y a vraiment une tradition du travail constructif, du travail posé tout en étant déterminé sur ses convictions. C'est vrai que les discussions de la loi LOPMI sur les moyens du ministère de l'Intérieur sur les prochaines années et le texte sur les énergies renouvelables a été du très productif, tant mieux. Moi je suis très satisfait qu'il y ait des textes qui viennent en première lecture au Sénat plus nombreux que ça n'était précédemment et j'avoue qu'en tant que ministre en charge des Relations avec le Parlement j'y suis un peu pour quelque chose. Et donc on va continuer mais ce n'est pas non plus une règle gravée dans le marbre, il y aura des textes qui commenceront d'abord à l'Assemblée nationale et pas toujours au Sénat.

ORIANE MANCINI
Et dernière question.

CHRISTELLE BERTRAND
Yaël BRAUN-PIVET veut réformer le fonctionnement de l'Assemblée nationale justement puisque les députés trouvent qu'ils siègent, qu'ils passent trop de temps au Palais Bourbon, est-ce que vous y êtes favorable ?

FRANCK RIESTER
il y avait déjà des améliorations avant ce nouvel équilibre à l'Assemblée nationale qui était nécessaire, là avec cette majorité relative, ça conduit les oppositions à être très présente, donc la majorité à être très présente aussi dans l'hémicycle et donc un peu au détriment effectivement de la circonscription du travail en commission. Donc il faut trouver un juste équilibre.

CHRISTELLE BERTRAND
Moins de texte par exemple.

FRANCK RIESTER
D'abord il y a le travail à l'Assemblée nationale et au Sénat est beaucoup encadrée par la Constitution, ensuite par le règlement intérieur des Chambres c'est lourd et donc il y a a priori des moyens d'améliorer le fonctionnement du travail des députés sans forcément toucher autre au texte fondateur, la Constitution et au règlement intérieur, la présidente de l'Assemblée et le bureau y travaille, je suis sûr qu'ils vont trouver des solutions les plus favorables possibles. Nous le gouvernement on prend notre part à cette amélioration du travail du Parlement, je rappelle qu'on n'a pas voulu qu'il y ait de session extraordinaire en septembre, d'ailleurs ça a été aussi bénéfique pour le Sénat et puis comme je le disais tout à l'heure en termes de méthode on prend plus le temps de discuter, on met plus de temps pour les chambres à discuter des textes, à travailler sur les textes. On fait des textes plus courts et donc on va continuer à écouter les chambres pour faire en sorte que les relations soient les plus fluides et les meilleurs possibles entre le gouvernement et le Parlement.

ORIANE MANCINI
Et on suivra tout ça, merci Franck RIESTER, merci beaucoup d'avoir été notre invité.

FRANCK RIESTER
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 1er décembre 2022