Interview de M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, à France Bleu Orléans le 5 décembre 2022, sur l'augmentation des prix en matière alimentaire et l'agriculture biologique.

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Média : France Bleu Orléans

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JOURNALISTE
En ce lundi, France Bleu Orléans présente son panier France Bleu avec un institut, c'est un indicateur de la hausse des prix dans chaque département de France, et on va vous donner tous les mois pour une quarantaine de produits du quotidien.

CAMILLE HUPPENOIRE
Des produits qui, depuis le mois d'avril, ont augmenté de 10 % environ. Vous le voyez sûrement quand vous faites vos courses. On en parle ce matin avec l'invité de "La Nouvelle Eco", et on accueille le ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc FESNEAU. Bonjour.

MARC FESNEAU
Bonjour.

CAMILLE HUPPENOIRE
La margarine, le concentré de tomate, la viande hachée, des produits du quotidien qui sont un vrai symbole de l'inflation : plus 30 % sur un an. C'est beaucoup plus finalement que l'inflation générale qui est plutôt de 6,2 %. Qui est le responsable principal de cette augmentation des prix ?

MARC FESNEAU
La responsabilité, elle vient de la guerre en Ukraine qui a produit un choc énergétique sur le gaz et sur le pétrole, et par un effet de rebond sur l'électricité qui fait que sur l'ensemble de la chaîne alimentaire, les produits initiaux, les matières premières augmentant, et les intrants pour produire les matières premières, et puis l'ensemble, les emballages, le procès de production, l'ensemble de ça, c'est une contamination globale de la chaîne alimentaire qui produit ces effets sur les prix. Alors, par ailleurs, c'est vrai qu'on a mis en place, c'est ce que vous dites d'une certaine façon, un certain nombre de boucliers tarifaires qui font que dans certains cas, sur l'agroalimentaire ou l'alimentaire, ça monte mais on a réussi à stabiliser au mieux les prix sur les questions énergétiques pour nos concitoyens. Donc c'est évidemment un sujet de préoccupation pour nous.

CAMILLE HUPPENOIRE
Est-ce qu'il y a des distributeurs, des grandes surfaces, peut-être même des magasins discount qui pourraient, eux, faire plus pour contrer l'inflation ? Et comment si possible ?

MARC FESNEAU
Écoutez, il y a eu une enquête qui a été menée par l'Inspection générale des finances pour vérifier que tout le monde jouait le jeu et sans que chacun joue le jeu. Alors, après, il faut essayer de tenir une tension entre ce que sont les nécessités d'inflation pour tenir compte de la hausse des matières premières ou de l'énergie, et puis la nécessité d'accompagner au mieux nos concitoyens ses chances, à la fois des chèques Énergie, de la prime de Noël cette année, de la prime qui a été versée au mois de septembre pour essayer d'amoindrir. Mais à vrai dire, une chaîne alimentaire, elle a besoin que l'ensemble des acteurs se rémunère, sinon vous avez une difficulté pour les agriculteurs ou pour les transformateurs. Après, à chacun - je pense aux distributeurs - de faire des efforts. Et puis des bonnes pratiques évitaient les pénalités logistiques qui font que parfois, on vient pénaliser la chaîne alimentaire.

CAMILLE HUPPENOIRE
Pénaliser la chaîne alimentaire. Est-ce que la relocalisation en France de certaines productions pourrait aider ? Là, on parle plutôt sur le long terme et non pas immédiatement.

MARC FESNEAU
La vérité, ce qui aiderait sur le long terme et le moyen terme, c'est d'être plus souverain en termes énergétiques, parce que pour un certain nombre de production, le lait, on est souverain ; les céréales, on est souverain. Et pourtant, les prix augmentent. Donc ce n'est pas la matière première en tant que telle, c'est l'énergie qui permet de produire cette matière première. Dont s'il y avait une nécessité, c'est bien celle de reconquérir notre souveraineté en termes énergétiques. C'est le chemin que nous prenons avec les énergies renouvelables, les énergies décarbonées et les énergies qu'on va produire en France.

CAMILLE HUPPENOIRE
Si je prends un exemple dans le Loiret, très concrètement, sur ce panier France Bleu, je vais vous prendre la farine puisqu'on est une région qui produit beaucoup de blé, il y a la bosse par chez nous, pourtant la farine, elle augmente de 45 % en un an dans le Loiret. Ça paraît énorme. C'est uniquement en raison de cette flambée énergétique ?

MARC FESNEAU
C'est les flambées des prix. Puis, par ailleurs, parce que c'est une flambée des prix qui est liée à la question énergétique en partie dans le process de transformation. Et deuxième élément : c'est la flambée du prix des céréales. Pourquoi ? Parce que Monsieur POUTINE ayant fait le choix de bloquer les céréales en grande partie de l'année qui sortaient d'Ukraine. Évidemment, on a une montée des prix sur l'ensemble du marché mondial, avec un doublement, parfois un triplement des prix d'un certain nombre de matières premières. Et c'est ce que je disais, c'est l'un des facteurs qui expliquent cette augmentation.

CAMILLE HUPPENOIRE
Mais ce qu'on produit dans le Loiret, Marc FESNEAU, on l'exporte ou on le consomme au plus proche du territoire ?

MARC FESNEAU
Les deux. Une partie est exportée ; d'ailleurs, l'essentiel est exporté. Fort heureusement, une partie de ce que nous avons a pu être valorisée à l'extérieur de nos frontières. Donc on a un marché des céréales qui est un marché de nature mondiale, qui fait que les prix fluctuent, parfois ils sont très bas aussi, mais là, cette année, on est sur des prix élevés. Et donc on ne peut pas distinguer dans les marchés parce que sinon, qu'est-ce qui fait sortir et qu'est-ce qui fait rentrer ? Qu'est-ce qu'on exporte et qu'est-ce qu'on n'exportera pas ? Ça serait évidemment impossible. Donc c'est le marché mondial qui vient impacter en partie les prix.

CAMILLE HUPPENOIRE
Ce qui ressort aussi de ce panier France Bleu qu'on a constitué avec le cabinet NielsenIQ, c'est que faute du budget, le consommateur se détourne des produits plus chers, les bio par exemple. Est-ce que l'agriculture bio n'est plus rentable aujourd'hui ?

MARC FESNEAU
Alors on a une difficulté, c'est exact, sur le bio, c'est que l'inflation fait qu'il y a une dégradation, si on peut dire, en termes de qualité. Petit-à-petit, on se tourne vers les prix les plus bas. Alors, ça, c'est sans doute un élément conjoncturel ; plus structurellement, il faut qu'on accompagne, on va prendre des initiatives au ministère de l'Agriculture pour regarder de quelle manière on peut mieux repositionner le bio puisqu'on voit bien que les circuits courts, les produits de proximité ont trouvé leur place dans le marché, c'est une bonne nouvelle, sauf que le bio a peut-être une difficulté plus structurelle. Mais c'est vrai qu'il y a un risque et il y a un certain nombre de secteurs du bio, je pense au lait en particulier, qui sont choisis en difficulté aujourd'hui. Alors il y a une part, je répète, de conjoncture qui est liée à l'inflation et dont on peut espérer qu'elle s'améliore dans les mois qui viennent, et puis une part plus structurelle d'essayer de mieux positionner le bio sur le segment et sur les gammes.

CAMILLE HUPPENOIRE
Merci Marc FESNEAU, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, d'avoir été notre invité ce matin. Et on rappelle que vous êtes à Orléans ce matin pour la Concertation nationale sur l'énergie : diminuer notre consommation qui fait partie des objectifs de sobriété mais aussi des objectifs pour le climat. Merci, bonne journée.

MARC FESNEAU
Merci, bonne journée. Au revoir.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 décembre 2022